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SS et opposition à Hitler

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Message  eddy marz 15/2/2011, 20:20

Bonjour à tous ;
Une petite introduction aux divers aspects des désaccords et de l’opposition Allemande au régime Nazi, et plus particulièrement au sein de la SS. C’est une histoire complexe ; les faits et leurs résultats s’étalent dans le temps, il faut suivre… Je ne fais donc que brosser un rapide panorama, mais il donnera, j’espère, un aperçu des perpétuelles luttes internes qui furent l’apanage du IIIe Reich, et le font ressembler plus à une Cour de la Renaissance qu’au monolithe totalitaire de l’imagerie populaire…

27 mai 1942, Reinhard Heydrich, Chef du RSHA (comprenant SD, Gestapo, et Kripo), Président d’Interpol, et Reichsprotektor de Bohême-Moravie (voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/t8612-reichsprotektor-nomination-de-reinhard-heydrich-a-prague) est abattu à Prague par des agents Tchèques formés par les Anglais… S’ensuit une vague de représailles impitoyables dont le résultat escompté ne se fait pas attendre : un grand mouvement de résistance Tchèque se constitue dans le Protectorat, secouant l’apathie suscitée par les habiles mesures sociales « positives » adoptées par Heydrich dans sa politique d’occupation. Le Reichsführer-SS, Heinrich Himmler, prend momentanément la direction du SD…

Mis à part ses retombées politiques immédiates, l’incident Tchèque dévoile une situation à la fois plus générale et plus complexe : les divergences de la SS quant à l’attitude d’Adolf Hitler envers les pays occupés, et les pays « germaniques » en particulier. Dans ces zones, la Waffen-SS et la Germanische Leitstelle (Direction des Affaires Germaniques) s’emploient à créer le Grand Reich Germanique ; établissant des liens étroits avec les nationaux-socialistes locaux, recrutant, organisant des centres de formation, et publiant des quotidiens. L’Obergruppenführer-SS Gottlob Berger, Chef du SS-Hauptführungbüros, et recruteur n°1, exulte : « Les volontaires germaniques de la Waffen-SS jetteront un jour, de concert avec les hommes de la Schutzstaffel, les bases d’un Empire Germanique ». Pour la Waffen-SS, persuadée d’œuvrer « en direction » d’Hitler, il s’agit « d’ouvrir au Führer la voie qui lui permettra de réunir plus tard tous ces peuples en un Grand Reich Germanique. Les pays qui en feront partie seront intégrés à ce Reich sans avoir à renoncer à leurs coutumes ni à leur civilisation propres » (Protocole Session Pléniaire SS/8 octobre 1942 – cité par H. Höhne). Mais qu’en est-il d’Hitler ? Malgré les sollicitations répétées d’Himmler, et malgré ses grands discours pangermaniques, le Führer ne fournit aucune précision sur la place qu’il réserve aux « peuples germaniques » au sein du Reich, ni sur le degré d’autonomie qui leur sera accordé. Ce silence obstiné n’arrange pas du tout les affaires de la Waffen-SS, et plus particulièrement au niveau du recrutement. La situation est d’ailleurs préoccupante ; à tel point que certains gradés n’hésitent plus à faire des promesses politiques aux populations sous leur juridiction, et ce à titre personnel. Été 1942, sans directives aucunes, le HSSPF/Russie-Est Friedrich Jeckeln – un tueur chevronné – affirme aux officiers Lettons qu’ils « peuvent se considérer comme autonome » et que leur culture et leur économie « sont appelées à connaître une véritable renaissance ».

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Friedrich Jeckeln

Sur le terrain, de plus en plus d’officiers supérieurs Waffen-SS comme Jeckeln réalisent à quel point il est important de donner un sens « positif » aux ordres vagues du Führer afin de ne pas perdre le contrôle de situations souvent précaires. Le 14 août, Berlin s’indigne des déclarations de Jeckeln, et le lui fait savoir sans détours : « Il n’entre pas dans les attributions des officiers supérieurs SS et de Police, représentant le Reichsführer-SS, d’augurer de l’évolution politique que connaîtront les pays occupés en général et la Lettonie en particulier ». Imperméables aux admonestations d’Hitler et du Reichsführer-SS, les chefs Waffen-SS tentent par exemple de traiter les populations Galiciennes et Ruthènes Blancs avec ménagement, et d’éviter qu’elles soient expropriées en faveur des colons Allemands. Si les conceptions raciales d’Hitler et de la SS concernant les slaves étaient au début comparables, elles ne le sont plus. Il s’agissait d’exterminer les peuples de l’Est, coloniser le terrain, et dévorer ce « gâteau gigantesque ». Les propagandistes SS considéraient les Slaves comme des « sous-hommes incultes, ou des insectes nuisibles » – une vision favorisant à dessein une mentalité génocidaire. Mais rapidement, dans l’âpreté des combats, la théorie de l’Untermensch se lézarde.

Toujours en août 1942, dans les Meldungen aus dem Reich, des documents destinés à l’usage exclusif des hautes instances de l’État, le SD déclare que « les Allemands ont l’impression d’avoir été victimes d’une illusion. La qualité technique des armes et du matériel de guerre russe, les formidables réalisations industrielles soviétiques ont contredit d’entrée l’image qu’on se faisait de ce pays. Comment – telle est la question qu’on est amené à se poser – le bolchévisme a-t-il pu réaliser tout cela ? ». Les gradés Waffen-SS, qui se dissocient de plus en plus des fantasmes mystico-racistes de l’Ordre Noir, critiquent maintenant ouvertement le concept du « sous-homme » ; ils estiment nécessaire de forger des alliances avec certaines populations, par exemple les Ukrainiens, et même de leur accorder leurs propres gouvernements – sans quoi, d’après eux, tout est perdu. En clair, « l’Armée Nationale-Socialiste » s’en prend directement à la politique slave d’Hitler (voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/t10253-desobeissance-insubordination-dans-la-waffen-ss). Quant à Himmler, incapable d’affronter les remontrances du Führer, il se range résolument du côté de son maître. Mais les pays Baltes sont une importante réserve de recrues pour la Waffen-SS, et le Reichsführer-SS le sait ; Himmler sera contraint par la force des choses à jouer double jeu et à collaborer, le plus discrètement possible, avec ses commandants. En réalité, Himmler a déjà retourné sa veste, et considère les Slaves comme des recrues de choix – des soldats finalement « comme les autres » ; s’ils ne sont pas germaniques, ne sont ils pas au moins « germanisables » ? Des Ukrainiens seront incorporés dans la Waffen-SS au sein de la Division « Ukraine », rapidement rebaptisée « Galicie » pour préserver les apparences. Puis ce sera le tour des Russes Blancs, de la Brigade Kaminski (RONA), de Von Pannwitz et ses Cosaques, et des Musulmans Soviétiques… Cette vague de « sous-hommes » qui rejoint les forces de l’Ordre Nouveau réduit à néant, et pour toujours, l’idéologie officielle concernant les Slaves. Un groupe d’officiers supérieurs Waffen-SS s’entretient sur la possibilité de la création d’une contre-armée de Libération Russe, dont les effectifs seraient recrutés dans les camps de prisonniers soviétiques – une idée déjà suggérée en son temps par la Wehrmacht. Mais il n’est pas temps encore… La guerre d’extermination contre l’URSS qui se poursuit depuis juin 1941 va maintenant influer lourdement sur les relations entre Hitler et la SS, dont nombre d’officiers prennent graduellement leurs distances par rapport au Führer…

Aux environs de novembre 1942, tandis que la guerre à l’Est fait rage, Adolf Hitler décide de contraindre le Danemark occupé à dissoudre ses institutions nationales. Le Führer rompt ses contacts avec le Roi Christian X (qui en septembre 1942 avait refusé les exigences nazies en matière de législation anti-Juives), et rappelle son chargé d’affaire à Copenhague ainsi que le Commandant des troupes d’occupation au Danemark. Dans l’esprit du Dictateur, il suffit d’envoyer un plénipotentiaire plus sévère et moins scrupuleux que le précédent, et de forcer coûte que coûte l’État Danois à former un nouveau gouvernement au sein duquel siègeraient des Nationaux-Socialistes. Hitler charge Joachim Von Ribbentrop, son ministre des Affaires Étrangères, de recruter l’homme de la situation. Ribbentrop choisit l’Obergruppenführer-SS Werner Best, co-fondateur de la Gestapo, et directeur de cabinet au Ministère des Affaires Étrangères depuis maintenant quatre mois. Une fois au Danemark, Best réalise que la nouvelle politique d’Hitler est non seulement vouée à l’échec, mais pourrait également s’avérer négative pour l’Allemagne – L’État Danois ne consentira jamais à nommer des ministres Nazis.

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Werner Best (à dr.), plénipotentiaire pour le Danemark en compagnie d’Erik Scavenius, membre du Parlement Danois.

Mais Best, secrètement adepte de la « détente relative » préconisée par Heydrich en Tchécoslovaquie, et convaincu que les brimades ne peuvent êtres que contre-productives, réagit de façon tout à fait inattendue. Faisant preuve d’un esprit d’indépendance inouï, il contourne non seulement les ordres donnés en sympathisant avec la classe politique Danoise dans l’espoir de les convaincre d’évincer les ministres antinazis, mais se dissocie complètement des nazis Danois afin de préserver l’ordre public et l’équilibre de l’occupation. Ce faisant, Best œuvre « envers et contre les Alliés, les résistants Danois… et Hitler ».

Les autorités à Berlin ne réagissent pas, du moins pas tout de suite. Mais les mesures d’apaisement implémentées par Werner Best – surtout vis-à-vis de la Résistance Danoise – agacent Hitler au plus haut point. En effet, les résistants Danois font tout ce qu’ils peuvent pour provoquer des représailles dans le but affiché de recréer le scénario de Prague, mais justement, Werner Best a lui aussi tiré leçon de l’expérience d’Heydrich… Armée et Police Secrète n’interviennent que lorsque c’est strictement nécessaire – et encore par touches chirurgicales. Pas de rafles, pas de tribunaux spéciaux, pas de massacres. Cependant, les rapports négatifs de l’OKW quant à la situation Danoise continuent de pleuvoir sur le bureau du Führer. Hitler ordonne des mesures radicales à l’encontre des résistants, et exige de Best qu’il force l’État Danois à décréter l’état d’exception. Mais Best fait savoir à Hitler que jamais l’État Danois n’acceptera d’ultimatum. La crise qui se profile illustre le désaccord qui se creuse de plus en plus entre Hitler et la SS en matière de politique étrangère et de politique d’occupation – et plus précisément dans le cas des pays « germaniques ». Contrairement aux dirigeants SS qui souscrivent à l’idée d’une fraternité supranationale des « clans » germaniques sous l’égide de l’Allemagne, Hitler n’a pas la moindre intention – et ne l’a jamais eue – de céder une once d’autonomie à qui que ce soit, même pas à ceux qui doivent éventuellement rejoindre le Grand Reich.

Début 1943… Ernst Kaltenbrunner assume depuis peu la direction du SD, succédant à Reinhard Heydrich, assassiné sept mois auparavant (et temporairement remplacé par Himmler). Pendant ces premiers mois de 1943, le prince Max Egon Hohenlohe, envoyé spécial du Brigadeführer-SS Walther Schellenberg, chef de la section VI/Ausland-SD, initie des négociations ultra secrètes avec un envoyé d’Allen Dulles, chef de station de l’OSS en Suisse. Mais le message de Dulles est clair : aucune négociation ne peut avoir lieu tant qu’Hitler est au pouvoir ; et c’est aux Allemands eux-mêmes de s’en débarrasser… Mais ces pourparlers SD-Dulles ne sont pas du tout du goût de l’Angleterre. Schellenberg demande donc à Hohenloe de s’assurer l’appui des pays neutres dans l’espoir de contraindre le Royaume-Uni sinon à y participer, au moins à laisser faire. Les envoyés du SD sillonnent donc l’Europe, annonçant partout la chute d’Hitler…

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Walther Schellenberg

Au même moment, aux environs de février ou mars, la douane allemande de Prague intercepte un individu du nom de David, en possession de 400 $ US en espèces. Interrogé, l’homme affirme que la somme lui aurait été remise par un officier de l’Abwehr, la Sûreté Militaire de l’Amiral Canaris. L’argent doit apparemment servir à faciliter des transactions en faveur des Juifs du Protectorat. La Gestapo identifie rapidement la source des dollars, et arrête deux hommes : le Hauptmann Ickrat et le Dr. Wilhelm Schmidhuber, tous deux agents de la Sûreté Militaire, branche de Munich. L’enquête, révèle qu’Ickrat et Schmidhuber ne sont pas les seuls à se livrer au trafic de devises. En effet, les limiers sont rapidement sur la piste d’un conseiller juridique auprès de la Direction Centrale de la Sûreté Militaire du Generalmajor Hans Oster : le Sonderführer Hans Von Dohnànyi. La Gestapo soupçonne les services de Dohnànyi de fournir de l’argent et des papiers d’identité aux Juifs du Protectorat afin de favoriser leur émigration vers la Suisse. Lors de ses interrogatoires, Dohnànyi avoue que ses transactions sont étroitement liées aux efforts du Lieutenant Josef Müller, avocat et chef de l’Abwehrstelle de Munich, qui espère obtenir une intervention du Vatican afin d’organiser des pourparlers de paix entre l’Allemagne et les forces Alliées.

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Hans Von Dohnànyi

La Direction de la Gestapo de Munich se rend immédiatement compte de la gravité de la situation – mais saisit également l’opportunité unique qui se présente à elle : l’Abwehr, qui n’éprouve que mépris pour la Gestapo et ses méthodes, et qui s’oppose obstinément à une fusion de ses propres services avec le SD, tente depuis sa création de supplanter le RSHA. Or, grâce à l’affaire des devises, la Gestapo va enfin pouvoir pénétrer la direction de l’OKW, qu’elle considère depuis longtemps être un nid de traîtres œuvrant à la chute du Reich sous la protection de la Wehrmacht… C’est l’occasion rêvée de lui asséner le coup fatal. Un rapport est immédiatement transmis au RSHA. Mais le Gruppenführer-SS Heinrich Müller, Chef de la Gestapo, qui détient de nombreux dossiers sur les chefs de l’OKW (Ausland/Abwehr) et sur leurs activités les plus diverses, opte pour la prudence. Il convient en effet de taire les raisons politiques d’une telle opération car les menées de la Gestapo ne pourraient êtres officiellement justifiables qu’en se limitant à cette affaire de trafic de devises. Avant toute chose, Müller assure ses arrières : Il sollicite du haut commandement de la Wehrmacht l’autorisation officielle de procéder à l’arrestation de Von Dohnànyi, et se garantit le soutien du juge militaire suprême, Martin Röder – nazi convaincu, influent, et infatigable chasseur d’ennemis de l’État…

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Heinrich Müller

Le 5 avril 1943, munis d’un mandat d’arrêt pour Dohnànyi et d’un mandat de perquisition pour son bureau, Röder et le Kommissar Sonderegger de la Gestapo se rendent dans les locaux de l’Amiral Canaris. La perquisition a lieu en présence du Generalmajor Hans Oster et de Dohnànyi lui-même. Une grande quantité de documents compromettants relatifs à l’émigration des Juifs sont saisis ainsi que des notes confidentielles sur des pourparlers de paix à Stockholm et à Rome, rédigées par des officiers de la Sûreté Militaire avec l’aide du Pasteur Dietrich Bonhoeffer, membre de l’Église Confessante et opposant radical de longue date, lui aussi activement surveillé par la Gestapo (voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/t5617-resistance-des-protestants-allemands). Dans le bureau, alors que Röder examine les documents, Hans Oster tente discrètement de subtiliser une lettre posée sur la table de travail de Dohnànyi, mais le Kommissar Sonderegger le remarque… Il s’agit d’un rapport écrit par Bonhoeffer, sollicitant la Sûreté Militaire dans l’espoir de faire déclarer inaptes au service armé sept pasteurs protestants hostiles à la dictature. Hans Oster, est arrêté et contraint de quitter l’OKW ; quant à Dohnànyi, Josef Müller, et Bonhoeffer, ils sont immédiatement incarcérés.

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Dietrich Bonhoeffer

Plus tard, en 1944, Dohnànyi sera transféré de sa prison au camp de concentration de Sachsenhausen ; malheureusement pour lui, sa participation à l’attentat manqué contre Hitler, le 20 juillet 1944, est découverte au cours de l’enquête qui s’ensuit. Traduit devant un Tribunal SS d’exception, il est condamné à mort, et meurt étranglé (sans doute à Flossenburg) avec du fil métallique tendu à un crochet de boucher, le 9 avril 1945. Dietrich Bonhoeffer sera lui aussi exécuté à Flossenburg le même jour, entièrement nu et également par strangulation.

Toujours au début 1943, en URSS, les officiers supérieurs Waffen-SS tentent de concrétiser leur rêve d’une contre-armée de Libération Russe. Le Lieutenant Général Andreï Vlassov (capturé au printemps 1942) est pressenti comme commandant d’une telle division. La proposition est soumise à Hitler le 8 juin 1943, mais le Führer pique une crise mémorable : « Jamais je ne tolèrerai que nous contribuions à la mise sur pied d’une armée Russe ! […] C’est du délire ! » (cité par H. Höhne). Les officiers font machine arrière ; seuls quelques intellectuels, quelques cadres de la Hitler Jugend, et Melitta Wiedemann, ex-secrétaire de rédaction de Der Angriff (le journal de Göbbels), continuent à œuvrer sur le projet… Pour eux, le seul moyen de contourner l’aveuglement du Führer serait d’obtenir le soutien de la SS. Melitta Wiedemann n’hésite pas à écrire à Himmler pour le persuader de l’absurdité de la théorie du « sous-homme »… Il faudrait, suggère-t-elle, une politique innovante, la mise en place d’administrations nationales dans les pays occupés, et la création d’une armée de libération Russe. L’erreur serait de jouer la politique de l’autruche en refusant « de reconnaître enfin les causes véritables de la tournure désavantageuse que prend la guerre ». Mais Himmler refuse – terrorisé à la seule idée d’affronter le Führer. C’est finalement le Standartenführer-SS Gunter d’Alquen, un ami et protégé de feu Reinhard Heydrich, qui prend le taureau par les cornes. En présence d’Himmler, il ridiculise la propagande officielle, et s’en prend même ouvertement à l’idéologie Aryenne : « S’ils sont des sous-hommes, nous sommes de bien piètres surhommes ! » Himmler coupe court à l’entretien : « Quel est ce ton que vous affichez là ?! ».

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Gunter d'Alquen

Prudemment, Himmler soumet une fois de plus à Hitler un mémorandum concernant un projet d’autonomie administrative pour les Slaves. Mais, sous l’influence de Martin Bormann, le Führer refuse à nouveau. Mais l’idée a fait son chemin ; elle mine le Reichsführer-SS depuis des mois. Quelques jours passent ; Himmler convoque d’Alquen, et le charge de mener un « assaut psychologique » contre l’Armée Rouge en utilisant les partisans du « mouvement » Vlassov. Mais attention, les ordres du Führer doivent êtres respectés : L’Armée de Libération Nationale Russe n’existe pas. Appuyé par l’Obergruppenführer-SS Felix Steiner, d’Alquen se met immédiatement au travail. Aux environs du mois de septembre 1944, malgré le fait qu’il le considère comme un « garçon boucher bolchéviste des plus dangereux », Himmler autorise finalement Vlassov à former deux divisions Russes, et lui souhaite de réussir « dans l’intérêt de notre cause commune ».

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Andreï Vlassov

Côté Danemark, Werner Best, qui ne s’est toujours pas plié à la politique officielle d’occupation, est convoqué à Berlin, le 5 juillet 1943. Hitler a le sentiment d’avoir été dupé : « Ces messieurs veulent toujours jouer au plus malin ! ». Furieux, il ordonne à Best de se borner à obéir aux ordres, de procéder aux mesures anti-terroristes prévues, et lui fait clairement entendre qu’il n’a pas à se mêler de politique. Comme l’avait prévu Werner Best, le Cabinet ministériel Danois se retire un mois plus tard, le 12 août 1943…

Huit mois à peine après l’affaire Dohnànyi, la Gestapo s’attaque à nouveau au bastion de la Sûreté Militaire : un réseau d’opposants au régime réuni autour d’Hanna Solf, veuve d’un ambassadeur, est démantelé. Parmi les individus arrêtés se trouvent, une fois encore, nombre d’agents de la Sûreté : le conseiller militaire Helmut James Von Moltke (créateur du Cercle de Kreisau – voir : http://resistanceallemande.online.fr/kreisau/kreisau.htm – et impliqué dans l’attentat du 20 juillet 1944), le Hauptmann Gehre, l’ex chargé d’affaires Kiep, et plusieurs autres. La Sûreté Militaire vient d’essuyer un coup dont elle ne se remettra pas ; c’est le sauve-qui-peut. Un nombre important de collaborateurs de l’OKW (Ausland/Abwehr), en poste dans plusieurs pays, se voient contraints de trancher : certains rejoignent immédiatement le SD, les autres optent pour les Alliés. Tenu au courant de ces désertions, le Führer s’en prend violemment aux services de Canaris. Le Gruppenführer-SS Hermann Fegelein, envoyé d’Himmler auprès d’Hitler, en profite pour proposer discrètement d’en finir une fois pour toutes avec la « boutique de Canaris », et de faire passer l’Abwehr sous contrôle SS. Dès la fin du mois de février 1944, Himmler fond le SD et l’Abwehr en un seul et même organisme ; la Wehrmacht perd ipso facto tous ses pouvoirs en matière de contre-espionnage militaire.

Le rêve de longue date d’Heinrich Müller d’obtenir la direction de l’Abwehr vole en éclat. C’est sa « bête noire », le Brigadeführer-SS Walther Schellenberg, ami indéfectible de Canaris, qui accède au poste, chargé par Himmler, dont il s’est attiré les sympathies, d’opérer techniquement la fusion SD/Abwehr. Fin, élégant, cultivé, trop longtemps considéré par ses collègues comme « l’homme à tout faire » d’Heydrich, Schellenberg a non seulement une personnalité bien à lui, mais également une ambition : créer un prodigieux Service Secret dont il aurait la direction exclusive. Ambitieux mais intelligent, Schellenberg se garde bien de fanfaronner ; au contraire, il intervient personnellement pour faire nommer Canaris à la tête de la section OKW spéciale « Guerre Économique », et réintègre la presque totalité de son équipe au RSHA. Mais, au-delà de la simple manœuvre diplomatique ou fonctionnelle, cette générosité n’est pas innocente. Canaris et ses collaborateurs ne croient pas en une victoire finale du Reich – et il se trouve que Walther Schellenberg non plus. Peut-être, comme eux, envisages-t-il de se débarrasser du Führer dans l’espoir d’éviter le pire…

Dès le début du remaniement, Schellenberg réalise que ses évaluations et analyses plutôt pessimistes de la situation actuelle de l’Allemagne sont parfaitement ignorées par ses supérieurs qui ne peuvent cautionner un tel défaitisme. Plus tard, aux environs de juin 1944, ses Meldungen aus dem Reich seront purement et simplement interdits. Ces complications reflètent de façon évidente le malaise des technocrates du SD face à un Ordre Nouveau qui ne correspond plus à l’idéal qu’ils avaient entretenus. Pour ces intellectuels déçus il ne s’agit plus de cet « État Totalitaire » dont ils avaient rêvés conduit par la volonté unique d’un Dictateur, mais d’une échelle d’influences et d’une guerre de performance entre satrapes nazis, ressemblant chaque jour de plus en plus aux luttes partisanes caractéristiques de la Démocratie. Pour un nombre croissant d’entre eux, le Führer lui-même n’est plus le leader charismatique et homme d’état réaliste qu’ils idéalisaient, mais un tyran sanguinaire, aveuglé par un nationalisme eugéniste, et ivre de conquêtes. Pour ces hommes aguerris, les méthodes brutales d’Hitler vont à l’encontre du but recherché car « on ne saurait imposer éternellement sa loi à des gens qui n’en veulent pas » (Werner Best). On l’impose par la force sans doute au début, mais on fait rapidement des concessions afin d’ouvrir la voie à une collaboration ; la politique de la violence aveugle est vouée à l’échec. Alors que le désastre se profile à l’horizon, les gradés Waffen-SS, désabusés, ne peuvent que constater, d’une part l’incapacité d’Hitler à comprendre la psychologie de base de la guerre et, d’autre part, la fracture interne d’un Reich qui n’est plus qu’une lutte de pouvoir fratricide que se livrent les notables du régime.

Cinq groupes d’opinions, dont certains existent depuis longtemps, se cristallisent :

• Les fanatiques, comme Ernst Kaltenbrunner et Heinrich Müller, prêts liquider les traîtres et les défaitistes, mais prêts aussi à sombrer avec le navire.

• Une majorité de gradés SS, comme Otto Ohlendorf et Werner Best, opposés à tout changement radical avant la fin des hostilités.

• Ceux qui, comme Walther Schellenberg, tentent d’entraîner Himmler à conclure une paix séparée avec les Alliés et, le cas échéant, leur livrer Hitler.

• Les hauts gradés Waffen-SS qui ne peuvent se résoudre à liquider le Führer, mais votent de lui retirer tous pouvoirs en matière militaire pour, éventuellement, aboutir à un armistice avec les Alliés.

• Un petit groupe réuni autour du Reichskriminaldirektor et ex-commandant de l’Einzatsgruppe B, le Gruppenführer-SS Arthur Nebe qui, depuis 1938, complote contre le régime.

En juin 1943, à la recherche d’officiers SS avec qui « on pourrait parler franchement de la situation politique », le comte Fritz-Dietlof Von der Schulenburg rencontre le Hauptsturmführer-SS Riedweg de la Direction Centrale SS qui, à son tour, lui indique l’Obergruppenführer-SS Felix Steiner ainsi que quelques autres vétérans Waffen-SS de haut rang. Von der Schulenburg leur propose d’éliminer Hitler, mais Steiner n’est pas convaincu ; la situation militaire sur tous les fronts est préoccupante, et un brutal changement de régime en pleine guerre risquerait d’être fatal à l’Allemagne… Ou alors il faudrait l’appui massif et inconditionnel de la Wehrmacht – une éventualité peu plausible dans l’actuel état des choses. Le même mois, le banquier suédois Jakob Wallenberg est sollicité par le SD sur les chances de succès des négociations SS entamées en début d’année par le comte Hohenloe. Simultanément, Schellenberg établit des contacts avec des diplomates soviétiques à Stockholm, non sans avoir préalablement consulté des représentants UK et US. Puis c’est au tour de Felix Kersten, masseur finlandais du Reichsführer-SS, de s’entretenir avec l’envoyé spécial de l’OSS, Abram Hewitt. Kersten tente de persuader Himmler de le rencontrer secrètement. L’idée d’engager des négociations secrètes avec les Alliés trotte dans la tête du Reichsführer-SS depuis 1942 lorsque, déjà, Schellenberg l’avait informé des conditions préalables à une telle entreprise, à savoir l’élimination du Ministre des Affaires Étrangères, Ribbentrop. Mais, lorsque qu’il consent finalement, le 9 septembre 1943, à rencontrer Abram Hewitt, ce dernier, lassé d’attendre, est déjà parti.

Hitler est malade, et Himmler le sait. Ministre de l’Intérieur, Chef suprême de la SS et de la Police Allemande, il dispose d’assez de pouvoir pour écarter le dictateur. Il jouit également d’un prestige certain, et pourrait se poser en négociateur… Mais aujourd’hui comme hier, Himmler n’arrive pas à se détacher de son idole : « Comment pourrais-je, en tant que Reichsführer de la SS, en tant que chef d’un Ordre dont la devise est ‘Mon honneur est ma Fidélité’, prendre le contre-pied du Führer ! ».

Toutes les négociations entamées jusqu’à présent se sont soldées par un échec. Mais Schellenberg ne désarme pas. Lors de discussions secrètes à Madrid, il projette l’enlèvement d’Hitler, dans le but de le livrer aux Alliés. Mais, au mois de mai 1944, le plan, jugé irréalisable, est abandonné. Deux mois plus tard, c’est l’attentat manqué à la Tanière du Loup de Rastenburg. Le Reichsführer-SS, un instant égaré, a retrouvé ses esprits. Aux anges, il annonce à Kersten : « Mon heure est venue ! Je vais écraser complètement cette vermine réactionnaire ! ». La tentative de putsch s’achève dans un bain de sang.

Merci de votre attention
Eddy
clin doeil gri

Sources:

- Deschner, Günther. Heydrich ; the Pursuit of Total Power - London 1981
- Kershaw, Ian. Hitler 1936-1945 : Nemesis – Allen Lane, The penguin Press, 2000
- Höhne, Heinz. L’Ordre Noir ; Histoire de la SS – Casterman, 1968
- Krausnick, Helmut & Broszat, Martin. Anatomy of the SS State – Granada Publishing Ltd, London, 1970
- Schellenberg, Walter. The Schellenberg Memoirs – London 1956
- Padfield, Peter. Himmler ; Reichsführer SS – Papermac, 1995

Photos:

- Bundesarchiv
- USHMM
- Gedenkstätte Deutscher Widerstand (GDW)




Dernière édition par eddy marz le 4/12/2011, 18:18, édité 3 fois
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Message  pierro59 15/2/2011, 21:47

fascinant article, bravo pouce
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Message  eddy marz 15/2/2011, 22:00

Merci Pierro clin doeil gri
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Message  Goliath 15/2/2011, 22:36

Très intéressant, merci Eddy !!
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Message  Stonne 15/2/2011, 23:31

Je dirai même plus : c'est très captivant, bravo !
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Message  navigant 17/2/2011, 11:12

Merci eddy marz c'est captivant et peu connu par le "grand public", est t-il possible de qualifier ces SS en apposition à Hitler comme déjà des "néo-nazis", par rapport à Hitler qui incarne le nazisme "intégriste" qui ne prend en compte que les "intérêts du peuple allemand" ?

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