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Division Daguet

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mcouioui
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Message  Invité 27/2/2007, 15:07

Bonjour,
Le texte ci-dessous est de Hellfire62, poste par ailleurs mais meritant a mon avis un fil a part.
Je le mets a la cantine car la 1ere guerre du Golfe est un peu loin de la DGM. Mais c'est un sujet "cantine serieuse". Si, si, c'est faisable.

"Nous sommes le 11 décembre 1990. Après une mission d'une semaine de contrôle de zone pour assurer la sécurité des pipe-line saoudiens, le 3/1RS revient dans la zone de As Sufayri. Les hommes sont fatigués, voilà trois mois qu'on observe minute après minute ce satané désert plat et sans âme, avec pour horizon une bande bleue qui rejoint une bande jaune. Rien de bien nouveau dans la zone démilitarisée... Combien de temps celà va-t-il encore durer? Combien de résolutions de l'ONU va -t-il encore falloir attendre pour que les Irakiens ploient et évacuent le Koweit? Nul ne le sait... Cette armée, qu'on pensait à l'origine pouvoir écraser en quelques heures, nous est présentée chaque jour comme très déterminée et de plus en plus puissante. RFI ne dit-elle pas qu'elle est la quatrième armée du monde? Je suis un peu abasourdi, je pensais que c'était nous les quatrièmes... Les nouvelles me font penser qu'on va vers un prochain affrontement. Depuis la veille, nous avons appris que notre division, la 6° DLB allait recevoir dans moins de trois semaines des renforts, et c'est du lourd. Les AMX30B2 du 4° Dragons et les 155TRF1 du 11° RAMA. Cette fois c'est sûr, on va au carton... C'est dans cette semi-morosité ambiante, que ce matin, nous nettoyons les tubes de nos 105mm. Mon équipage garde malgré tout un moral correct. Les blagues fusent de temps à autres pendant cette séance d'entretien. Nous devons nettoyer tant bien que mal nos AMX 10RC car il est prévu que nous participions à une démonstration de force devant le roi Fahd. Chacun s'affaire du mieux qu'il peut, car le temps presse et nos blindés ont souffert du sable qui s'infiltre partout. A ce moment arrive un VLTT P4 avec à son bord, notre commandant d'unité, le Capitaine d'Andlau. Il va vers la tente modulaire ou se trouve notre chef de peloton, discute quelques instants avec lui, lui tend un papier puis retourne vers son PC. L'adjudant Mayeur ne tarde pas à se diriger vers nous. Après s'être assuré du bon moral de mon équipage, il souhaite m'entretenir de quelque chose. Descendant de ma tourelle, je le rejoins à l'arrière du 040, vaguement inquiet tout à coup. Sans rien me dire d'autre, il me tend le bout de papier que lui a remis le Capitaine tout à l'heure , en me disant : "Tiens, félicitations", puis il s'en retourne vers sa tente. J'ouvre cette feuille, en fait un télégramme, envoyé la veille qui dit : François ton fils né aujourd'hui 10 décembre-stop-maman et bébé se portent bien-stop-félicitations à l'heureux papa-stop- courage-stop, maman. Je me trouve envahi tour à tour par de l'émotion, de la peine, de la colère, un sentiment étrange. Mon premier enfant, mon fils vient de naître quinze jours avant la date prévue et je n'ai pas pu être à côté de celle que j'aime, celle que j'ai quitté pour le Moyen Orient alors que nous n'étions mariés que depuis une semaine. Comment l'accouchement s'est-il passé, est-ce que tout va bien, quand les reverrai-je, qu'adviendra-t-il d'eux si je ne reviens pas... J'ai du mal à réaliser, toutes ces questions, ces informations d'une autre vie qui continue à des milliers de kilomètres surgissent d'un coup et j'ai du mal à mettre en ordre mes idées. Mes mains tremblent un peu et le vent fini par m'arracher ce précieux papier. Je cours pour le rattraper, c'est tout ce qui me lie à ceux qui me sont chers, un petit bout de papier dans un immense désert, mais qui vient de bouleverser ma vie. Au fil des semaines, nous avons peu à peu perdu la notion du temps. Quel jour sommes-nous, quelle date, quelle importance après tout ! J'essaie d'imaginer Corinne et son bébé, mais c'est effroyable, j'ai beau me concentrer je n'arrive plus à imaginer le visage de mon aimée. Je m'empresse de fouiller dans ma combinaison pour en ressortir sa photo que j'admire tendrement. Il faut en finir ou ce désert nous rendra tous fous...Vont s'ensuivre une semaine horrible sans autres nouvelles ou je ne tiens plus, je ne dors plus, je dois savoir comment ils vont. Le capitaine accepte enfin après huit jours que je me joigne à un convoi à destination de KKMC. Je vais enfin pouvoir téléphoner et mettre fin à mes angoisses. De retour au camp, je me sens plus fort qu'avant, Corinne m'a rassuré, j'ai entendu le son de la voix de François. J'ai peur, plus pour eux que pour moi. S'il le faut je me battrai avec deux fois plus de détermination car maintenant je suis responsable d'une famille et je me dois de les protéger. A ce moment j'ai en mémoire les dernières paroles de mon père, ancien d'AFN "surtout fils, pas d'héroïsme inutile, fais ton devoir mais pas plus, pour ce que çà nous rapporte..."

25 mars 1991. Tout est fini, bien fini. Saddam Hussein a fait évacuer le Koweit. Après une chevauchée irrésistible, le régiment a mené son étendard au coeur de l'Irak , conquérant le secteur d'As Salman et atteignant l'Euphrate. L'opération "Tempête du désert" a vécu, et le division Daguet va être dissoute. J'en suis revenu, après des peurs, du courage,de l'angoisse, des moments de tensions extrêmes; avec des souvenirs pour la vie mais aussi de petits problèmes de santé... Ce matin, juché en haut de ma tourelle, je donne mes ordres pour que notre blindé s'ébranle. j'ai froid et des frissons me parcourent...Est-ce l'émotion ou le fait d'être passé sur ordre il y a une heure en manches retroussées? Nos treillis F2 camouflés ne nous protègent guère de l'humidité de ce petit matin drômois. Après avoir attendu une journée à bord de "l'Ile de la Réunion", nous avons débarqué à Toulon, pour un défilé en règle, puis piaffant d'impatience, nous avons avec le 1°REC remonté le couloir du Rhône pour rejoindre nos quartiers. Mais il y avait une dernière surprise. Avisés que nous ne pourrions atteindre Valence avant la nuit, nous venons maintenant d'apprendre que nous bivouaquerons finalement sur l'aire d'autoroute de Portes Les Valence, à peine à trois kilomètres de la maison! Motif : accueil prévu par la population valentinnoise vers 10 heures le lendemain. Nous rongeons notre frein. La dernière nuit d'attente est terrible, personne ne dort et nous sommes nombreux à faire les cents pas le long des colonnes de blindés. Puis viens le réveil. Réchauffage moteur. Les baudoins rugissent dans le petit matin, çà sent le kéro et les gazs d'échappement. Les manches relevés, les poils hérissés sur les bras, nous rentrons dans le centre ville de Valence. Ils sont là, ils sont des milliers, acclamant, applaudissant chaleureusement, traversant parfois sans trop faire attention, en nous procurant quelques frayeurs. Nous sommes fiers, heureux, émus, j'ai à cet instant les images de la libération de Paris en 44 dans la tête. Certes notre mission n'aura été en rien comparable à celle de la glorieuse 2ème DB, mais nous en sommes les dignes héritiers, nous venons de le prouver. Quelle pression ! Une boule énorme dans la gorge, les ordres qui passent en radio, comme enivrés nous traversons la ville. A la hauteur du champs de mars, dans le hurlement des moteurs, j'entends un cri dans la foule sur ma droite, j'entends "Fabrice". En me retournant je vois mon épouse, si petite dans cette foule et qui les bras tendus au dessus de sa tête me montre notre fils dans son nid d'ange tout blanc. C'est comme un coup de poignard dans le coeur, je craque, je chiale comme un môme, oh bien sûr pas longtemps, en douce. Le sous-off doit rester impassible, les hommes ne comprendraient peut-être pas... Je me ressaisis vite car on passe bientôt la porte du quartier Baquet. La foule suit et s'engouffre derrière nous. Des ordres ont été donnés pour laisser passer les familles. Descendant du 040 qui pendant plus de six mois aura sans faillir supporté et protégé son équipage, je tombe sur les miens, ils m'entourent, il me serrent. J'ai enfin mon fils dans les bras et je me sens désarmé par l'innocence de ses grands yeux bleus. Cette fois-ci c'est fini, vraiment fini.
Nous avons maintenant la vie devant nous...
Le jeune MDL que j'étais à l'époque fut longtemps très fier de sa campagne là-bas au Moyen Orient. 16 ans après, avec du recul qu'en reste-il? Beaucoup de regrets... Nous étions 4, un vendéen, un pied noir marocain et deux ch'tis. Quatre jeunes gens de 22 ans d'âge en moyenne, sûrs de notre bon droit en entrant en Irak. 16 ans plus tard, nous sommes encore trois à servir sous les drapeaux mais la flamme n'est certes plus la même... L'invasion américaine de 2003 nous laisse un goût amer... A l'époque, les US nous ont fait stoppé alors que nous pouvions en quelques jours mettre un terme au règne de S. Hussein. Dans quel intérêt l'ont -ils laissé au pouvoir encore tant d'années?
Voilà donc dans ce long texte (c'est la première fois que je trouve les ressources pour en parler), mon pire et mon meilleur moment dans un contexte historique particulier qui pour longtemps encore laissera planer cette question: Avions-nous raison..."

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Message  Invité 27/2/2007, 15:29

1990.
J'etais a Abu Dhabi.
L'envahissement du Koweit par l'Irak a seme la consternation mais aussi l'inquietude.
Qui sera le prochain ?
Est ce que les Emirats Arabes Unis sont a portee des SCUD et des Mirages de Saddam ? (Oui, les Mirages de Saddam, ceux de chez Dassault, l'argent n'a pas d'odeur)

Les forces occidentales s'empilent en Arabie Saoudite.
Aux Emirats, des unites anti-aeriennes francaises s'etablissent sur la frontiere Nord. Ouf, ca sera pas les Mirages.

La tension monte, il devient evident, vers Noel, que ca va peter. L'Ambassade de France mets en place un plan d'evacuation. Nous devions, en cas de probleme, rejoindre Muscat en Oman puis etre evacues par la Royale.

Les enfants et les femmes qui ne travaillent pas sont evacues debut Janvier. Ma femme travaillait, il a donc fallu faire rentrer mon fils seul. Il avait 3 ans. La bonne Sri-Lankaise est donc partie avec lui, chez mon beau-frere en Normandie. La pauvre, en Normandie en janvier, elle qui ne connaissait que Colombo et Abu Dhabi...

Nous etions scotches devant CNN. Pas de TV5 France Internationale a l'epoque.

Un matin, vers 4 heures, je sais plus la date mais Hellfire va nous dire, coup de telephone d'un ami libanais : "Ils ont attaques !"

Des SCUD tomberent, mais en Arabie Saoudite seulement. J'y avais des copains (J'y ai passe 7 ans, avant les Emirats). Beaucoup de coup de telephones chaque fois que cela tombait sur Riyadh ou Dammam "Ca va ?"

Nous avons suivi cela au jour le jour. CNN parlait des fulgurantes avancees de la Division Daguet, donnant, normal pour des ricains, la priorite aux unites de la Legion Etrangere dans les comptes rendus.

Je me souviens d'un film pris "sur le tas" ou une unite de la Legion reduit une forte position irakienne. Le commentateur CNN, un officier beret vert en retraite, nous a explique, images au ralenti a l'appui, comment l'attaque demande une coordination extreme entre l'aviation, qui attaque d'abord, l'artillerie, qui enchaine, et les troupes d'assaut qui avancent a quelques dizaines de metres derrieres les salves d'artillerie.

J'ai vu ca au bar du Novotel. L'assistance franchouillarde degoulinait de fierte.

Puis les ricains ont arrete la musique, laisse tomber les Chiites du Sud et les Kurdes du Nord qui se precipitaient pour donner un coup de main a virer Saddam. Nous n'avons jamais compris.

Mais pour ce qui concerne l'avis des gens qui etaient dans le secteur, Hellfire :

VOUS AVIEZ RAISON.

Et 'ils" ont eu tort de ne pas vous laisser aller jusqu'a Baghdad. On en serait peut-etre pas la aujourd'hui.


Dernière édition par le 27/2/2007, 15:59, édité 1 fois

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Message  mcouioui 27/2/2007, 15:52

Superbe texte, son déplacement me l'a fait relire une deuxième fois, forcé sans contrainte devrais-je dire, avec un plaisir à peine dissimulé par ce frisson qui parcoure ma colonne vertébrale, de mes reins à ma nuque, et qui me rappel tant ce moment de ma vie dont je ne peux parler qu'avec difficulté 20 ans après...
Merci Hellfire62 et merci Daniel p24
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Message  Rafale68 27/2/2007, 17:10

Oui merci à vous!!!

Je tiens à noter que le premier raid effectué en Irak fut l'oeuvre de Jaguar français! Les Ricains étant trop trouillards...

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Message  Dan*. 27/2/2007, 17:38


français Vive la France français
Mais ouiii, vive la France Smile

Merci pour ce beau récit Hellfire !
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Message  Invité 27/2/2007, 20:53

Un de mes cousins Bernard GILSON y etait tu as du le connaitre Hellfire clin doeil gri

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Message  stan_hudson 27/2/2007, 21:06

C'est bien d'avoir mis ce texte. pouce gri
Sentiment partagé quant à cette erreur des américains ne avoir pas franchi la frontière irakienne et en conséquence provoquer la fin au regime de saddam hussein.
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Message  Rafale68 28/2/2007, 10:14

stan_hudson a écrit:C'est bien d'avoir mis ce texte. pouce gri
Sentiment partagé quant à cette erreur des américains ne avoir pas franchi la frontière irakienne et en conséquence provoquer la fin au regime de saddam hussein.

Il ne faut pas croire qu'ils n'ont pas franchis la frontière, comment selon toi ont-ils détruit les SCUD? les SAS et les Delat Forces furent chargés de faire des incursions dans le désert. Dans le cadre du SAS, ils revinrent aux sources avec leurs fameuses Jeeps!
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Message  stan_hudson 28/2/2007, 10:22

Je parlais des troupes traditionnelles. oui gri
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Message  Rafale68 28/2/2007, 10:34

Ok dasn ce cas là je comprends, on dit pas des troupes conventionnelles?
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Message  Hellfire62 28/2/2007, 14:12

A l’initiative de Daniel, qui décidément aura fait ressurgir en peu de temps bien des souvenirs que j’avais enterrés, je vais essayer petit à petit de témoigner de ce que fut mon expérience dans cette première guerre du Golfe. Je tiens à vous rassurer, vous ne trouverez pas dans ces pages, d’actions héroïques ou de récits fabuleux de combats. Il y en aura certes un peu mais je n’ai pas et je n’aurai jamais la prétention de me comparer à nos anciens. Sur ce site, pour moi la référence reste notre ami « Jacquemart », il a, j’en suis sûr bien plus de choses intéressantes à raconter que je ne puis en avoir. Pour autant, je pense qu’écrire m’aidera peu être à lever ce poids que je ressens depuis tant d’années…Je discutais de ce fil hier avec Corinne mon épouse, lui disant combien il m’était difficile d’évoquer tout çà, de tout bien mettre en ordre, que c’était comme exhumer un bout de ma vie que je croyais définitivement enseveli. Alors, avec sa tendresse habituelle, elle m’a apporté la solution. Elle s’est levée sans rien dire puis est revenue avec une grosse boîte en carton. Il y avait dans celle-ci la totalité de la correspondance que nous nous étions adressée à l’époque (mais aussi celles de toutes mes autres missions). Son côté fétichiste qui ne jette rien m’est aujourd’hui d’un inestimable secours. Nous avons donc hier relu chaque courrier avec émotion, les classant par date. Ils sont remplis de renseignements très intéressants sur lesquels je m’appuierai pour tenter d’expliquer. Jamais depuis 16 ans, nous n’avions réouvert ces courriers. Cela m’a un peu déboussolé, je n’en ai pas dormi de la nuit, des dizaines d’images me sont revenues en mémoire. Le passé finalement n’est peut-être pas si lointain que je le croyais…Pour parler un peu de cette « aventure », je pense qu’il est bon de faire un rappel des faits qui a conduit mon unité dans les sables d’Arabie, puis de l’Irak. Ce rappel est un peu long mais a mon avis nécessaire pour comprendre vraiment comment nous en sommes arrivés là…

Juillet 1990 : Un grave contentieux oppose Irakiens et Koweitiens. L'Irak réclame au Koweït 10 milliards de dollars, dont 2,4 milliards en compensation du pétrole "volé" depuis 1980 aux puits de Rumaylah (zone pétrolifère irakienne jouxtant la frontière koweïtienne). L'Irak réclame également l'effacement de ses dettes, Saddam Hussein considérant avoir défendu les intérêts arabes contre l'expansionnisme iranien. La question est posée mais aucune réponse n'est apportée alors que le temps presse. Cependant, personne, parmi les hauts dirigeants koweïtiens, ne songe un seul instant de prendre quelque disposition militaire que ce soit ! Le 17 juillet, Saddam Hussein évoque la possibilité d’une intervention armée. Le Conseil national du Koweït rejette les accusations de l'Irak et propose la constitution d'une commission arabe pour régler le problème des frontières. Une lettre est envoyée au Secrétaire général de l'ONU pour l'en informer. Bagdad accuse le Koweït d'avoir refusé une solution purement arabe et de préparer le terrain à une intervention de forces étrangères dans le Golfe en faisant appel à l'ONU pour régler son différend avec l'Irak. Le Ministre saoudien des Affaires étrangères se rend à Bagdad et à Koweït-City pour désamorcer la crise, tandis que le Secrétaire général de la Ligue arabe, Chedli Klibi, est reçu par l'émir du Koweït. Puis vient le sommet d’Alexandrie pour tenter d’apporter une solution au problème. Tous deux sont des échecs... Le 24 juillet, l’Irak masse 30000 hommes à la frontière koweitienne. Le président égyptien Hosni Moubarak se rend en Irak et au Koweït pour essayer d'organiser une réunion quadripartite avec l'Egypte et l'Arabie Saoudite. C'est un nouvel échec... Le 25 juillet les USA font savoir qu’ils n'ont pas l'intention "de déclencher une guerre économique contre l'Irak". Mais ils précisent aux responsables irakiens : "Nous insistons pour que vous régliez votre contentieux de manière non violente"... Dès le 26, La CIA reçoit des rapports selon lesquels deux divisions irakiennes ont quitté leur cantonnement pour faire mouvement vers l'émirat. Dorénavant, plus de 30.000 soldats irakiens sont postés sur la frontière. Les photos satellite confirment tous ces mouvements. Washington prévient des responsables arabes de la région. Le Koweït, l'Arabie Saoudite et l'Egypte déclarent que ce n'est qu'un chantage : Saddam Hussein veut seulement faire pression pour les négociations. Le 31 août, la diplomatie semble marquer un point. Tout d’abord,les jours précédents, a Genève une conférence de l'OPEP a, sous la pression de l'Irak, vu le Koweït et l'Arabie Saoudite accepter d'augmenter le prix du baril de pétrole de 3 dollars. Celui-ci passe ainsi à 21 dollars, au lieu des 25 dollars espérés par l'Irak. Lors des ultimes échanges diplomatiques irakokoweïtiens à Djeddah, les Koweïtiens semblent d'accord pour un prêt de 9 milliards de dollars. Mais les Irakiens en ont demandé 10 et ils ressentent cette discussion sur le montant comme une volonté de les humilier. Le roi Fahd d'Arabie se propose d'offrir le milliard de dollars qui reste. L'Irak exige l'ouverture d'entretiens bilatéraux à Bagdad. Mais les Irakiens et les Koweïtiens s'accrochent toujours au sujet de la reconnaissance de leurs frontières. La rencontre de Djeddah, en Arabie Saoudite, qui devait permettre de désamorcer une crise apparue au grand jour depuis deux semaines, se solde par un échec. Egyptiens et Saoudiens espèrent cependant renouer le dialogue rapidement mais prudents, refusent de prendre parti.

Le 01 août, la délégation irakienne quitte Djeddah, le Koweït n'ayant pas fait de nouvelle proposition. Et la nouvelle s'est répandue dans Koweït-City comme une traînée de poudre : les négociations sur le grave contentieux territorial et financier entre le Koweït et son puissant voisin irakien ont échoué. A ce moment Saddam dispose de cent mille soldats irakiens à la frontière nord du Koweït. Le maître de Bagdad, a aussi massé 300 chars et des centaines de pièces d'artillerie lourde dans ce secteur.


02/08/1990 : A deux heures du matin, montrant une nouvelle fois le goût de l’armée irakienne pour les offensives de nuit, 350 chars irakiens ont franchi la frontière de l'émirat du Koweït. Derrière eux, Saddam Hussein a lancé 100.000 hommes fortement armés et aguerris par 10 ans de conflit avec l'Iran. L'attaque est foudroyante : les forces irakiennes sont parvenues dans le centre de Koweït-City, la capitale, 4 heures seulement après le début de l'opération. Les divisions ont alors rapidement encerclé l'aéroport, le palais de l'émir, cheikh Jaber al-Ahmad al-Sabah, et les principaux ministères. Des blindés ont également pris position sur les grandes artères. Devant cette attaque éclair, l'armée koweïtienne, qui ne compte que 20.000 hommes, n'a pratiquement rien pu faire pour stopper l'ennemi. Un premier bilan fait état de 200 morts. Des troupes koweïtiennes ont tenté en vain de déloger les forces irakiennes du palais de l'Emir peu après la fuite du chef de l'Etat vers l'Arabie Saoudite. C'est au cours de ces affrontements qu'est tombé le frère de l'Emir, cheikh Fahd al-Ahmad al-Sabah. La condamnation de cet acte de guerre dans le monde est quasi unanime…

03 au 09/08/90 : L'Irak menace l'Arabie Saoudite. La communauté internationale réagit :
l'ONU condamne l'invasion et les Américains déclenchent l'opération Bouclier du désert.
L'Irak répond en prenant plusieurs milliers d'Occidentaux en otages.

10 au 16/08/90 : L'ONU décrète un embargo contre l'Irak alors que la coalition anti-irakienne se construit. Alors que les USA renforcent leurs troupes dans le Golfe, la Ligue Arabe s'oppose à l'Irak.

17 au 24/08/90 : En Irak et au Koweït occupé, les otages deviennent boucliers humains, provoquant l'inquiétude du monde entier. De son côté, l'armée irakienne assiège les ambassades occidentales au Koweït. L'ONU renforce donc l'embargo et autorise le recours à la force pour le faire respecter.

25 août 1990 : Une cinquantaine de bâtiments de guerre de 7 nations sont déjà en place en mer Méditerranée, en mer Rouge et dans le Golfe persique. Moins de 24h après l’encerclement des ambassades occidentales à Koweït-City par l’armée Irakienne, le Conseil de sécurité vote, à 4h10 du matin, heure de New York, une résolution historique. La résolution 665 est adoptée par 13 des 15 membres du Conseil, Cuba et le Yémen se sont abstenus. Le diplomate cubain commentera à l'issue de la réunion : "Les Etats-Unis n’ont pas été mandatés par le Conseil pour diriger cette force". Le délégué du Yémen déclarera que son pays ne souhaite "aucune solution autre que pacifique. Cette résolution est allée trop vite. Les mesures prévues dans le texte ne sont pas précises". Le texte autorise l'usage de la force pour faire respecter l'embargo décrété contre l'Irak le 6 août. L'ONU vient ainsi de tourner une page importante de son histoire. En effet, l'URSS, en votant la résolution, s'est engagée à soutenir une sanction dont l'exécution est laissée aux USA. Elle n’envisagera par contre à aucun moment du conflit, une participation militaire. La marine britannique se place immédiatement au premier plan. Ses bâtiments présents dans le Golfe ont déjà reçu l’ordre d’intercepter tout navire soupçonné de rompre l’embargo contre l’Irak. La grande fermeté dont viennent de faire preuve les membres de l'ONU témoigne de la gravité de la situation. La menace que fait peser Saddam Hussein sur les diplomates occidentaux au Koweït a poussé l'ONU à monter en première ligne. Saddam Hussein, loin d’être impressionné, déclare : "Quiconque se heurte à l'Irak trouvera devant lui des colonnes de morts dont on verra le commencement et non pas la fin". Le commandement révolutionnaire instaure la peine de mort pour qui tentera d’héberger des occidentaux. A Koweit city, les arrestations et les prises d’otages continuent, 4 diplomates marocains, 2 journalistes libanais et un égyptien sont « raflés ».

26/08/1990 : les Emirats Arabes Unis, inquiets de l’invasion Irakienne au Koweit font appel à la France. Celle-ci dépêche un escadron de reconnaissance du 1er Régiment de hussards parachutistes (1° R.H.P.) équipé de P4 à poste de tir MILAN, protégé par une section sol-air du 11ème Régiment d’artillerie de marine (11° RAMa) et par deux sections Crotale de l’Armée de l’air, ainsi qu’un détachement d’assistance technique (pilotes et mécaniciens) sur Mirage 2000.C’était l’opération BUSIRIS qui met en oeuvre un effectif de quelques 300 hommes à Abou Dhabi.

27/08/1990 : Les premiers Panavia Tornado britanniques expédiés au Proche-Orient quittent leur base de Brüggen (Allemagne de l'Ouest) pour l'aéroport international de Bahreïn.

28/08/1990 : Par décret Saddam Hussein déclare le Koweit « 19ème province irakienne » et divise ce nouveau territoire conquis en 3 cantons. Le porte-avions « Clémenceau », le croiseur « Colbert » et le ravitailleur « Var » quittent Djibouti pour le golf d’Oman. En Arabie Saoudite, le prince et général Khaled estime que c’est à terme l’Arabie Saoudite qui est visée par l’Irak. Il se dit inquiet de la présence de sept divisions irakienne près de ses frontières. Le roi Fahd demande l’aide de ses alliés. Le premier cargo dérouté pour cause d’embargo, à hauteur du port d’Aquaba en mer rouge est…français. Il s’agit du Paris qui appartient à la Compagnie Générale Maritime ! A quel jeu jouons nous ?

29/08/90 : 12 GI's sont tués dans le crash d’un avion cargo de l’US Air Force qui s’est produit peu après son décollage de la base de Ramstein en RFA. Le Lockeed C-5 Galaxy en provenance des USA effectuait une escale en Allemagne avant d’acheminer du matériel militaire en Arabie Saoudite. Ce sont les premiers militaires occidentaux tués dans ce conflit. Décès d’un otage américain à Bassorah. Tentative de médiation jordanienne. Hausse sensible du prix des carburants à la pompe en Europe. Le blocus commence à porter se fruits. En Irak début du rationnement de denrées alimentaires comme le riz, la farine, le sucre et le thé.

30/08/1990 : Les pillages et les exactions continuent à Koweit City. Des résistants koweitiens font le coup de feu contre les forces irakiennes d’occupation. Les magasins sont vides et le couvre-feu instauré de 19heures à 07 heures. A ce jour, plus de 250 navires de tous pavillons ont été interceptés dans le Golfe, par l'US Navy et la Royal Navy britannique. Par ailleurs, l’ambassade des USA à Bonn annonce que les USA vont renforcer leur dispositif militaire en Arabie avec des unités blindées et des hélicoptères d’assaut basés en RFA. Des unités de la 12e Brigade aérienne et de la 3ème division blindée se joindront à l’opération « Bouclier du Désert ». 32 ressortissants britanniques sont pris en otage au Koweit et emmenés en Irak. Bagdad prévient qu’elle enverra son aviation et des missiles contre Israël et l’Arabie Saoudite en cas d’attaque de son pays par les forces occidentales stationnées dans le Golfe.

31/08/1991 : Les soldats américains stationnés en Arabie Saoudite sont au nombre de 80.000, alors que la Grande-Bretagne annonce l'arrivée de sa 7ème brigade blindée en provenance d'Allemagne.

01/09/1990 : Les 198 hommes de l'escadron de reconnaissance du 1er RHP commencent à s'entraîner aux E.A.U., dans le cadre de l'opération Busiris, avec pour objectif "l'instruction de jeunes soldats émiratis" n'ayant reçu qu'une formation de base. Cette demande fait suite à une "demande de coopération accrue" formulée par les E.A.U. après l'invasion du Koweït par l'Irak. D'après le président français Mitterrand, cette aide militaire s'effectue pour faire face à une éventuelle "agression nouvelle de l'Irak à l'égard d'un des autres pays de la région. La France, qui a dépêché ses unités dans la zone du Golfe, qui dispose d'unités militaires en Arabie Saoudite et dans les Emirats Arabes Unis, serait solidaire et interviendrait". Un message on ne peut plus clair à destination de Bagdad...
Près de 700 otages français, britanniques, japonais, belges et américains peuvent quitter l'Irak. Il s'agit de femmes et d'enfants. Environ 3.000 autres pourraient partir avant le 22 septembre. Seuls les hommes sont retenus en Irak : 500 d'entre eux ont déjà été installés sur des points stratégiques.
A Koweit City, les exactions, meurtres et viols deviennent de plus en plus fréquents.

02/09/90 : Au Koweït, nouvelle agression contre des otages occidentaux. Un otage britannique et son épouse philippine sont battus avant leur arrestation par des soldats irakiens. C'est ce que raconte une Britannique à Amnesty International, et qui a assisté à la scène : "Les Irakiens ont pénétré dans leur appartement alors qu'ils se cachaient dans une pièce de derrière (...). La femme a reçu des coups de pied à la poitrine et le mari a reçu des coups violents sur la tête". Les premiers otages français libérés arrivent à Orly.


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Message  Hellfire62 28/2/2007, 14:12

05/09/90 : Saddam Hussein prône la « guerre sainte » et qualifie de traitres à l’islam, l’Arabie Saoudite et l’Egypte. Environs 200 otages libérés rejoignent leur pays d’origine. Le ministre français de la Défense, Jean-Pierre Chevènement, effectue deux jours de tournée au Proche-Orient. Après l'Egypte et le Qatar, c'est au tour des Emirats Arabes Unis de recevoir le chef des armées françaises. A Koweit, Miles Hoffman, un otage américain, est blessé par balles au bras alors qu'il tentait d'échapper aux soldats irakiens venus l'arrêter à son domicile.

06/09/1990 : La marine occidentale se renforce dans le Golfe pour faire respecter l'embargo contre l'Irak. Le cuirassé Wisconsin, fleuron de l’US Navy, est autorisé à utiliser ses énormes canons de 16 pouces (400 mm). Ils ont une portée de 37 km et tirent des obus pesant 1.215 kg. Le cuirassé Missouri devrait recevoir sous peu une autorisation similaire. Ces ordres parviennent alors que le renforcement de l’armada se poursuit. Les autorités égyptiennes du canal de Suez indiquent que 3 bâtiments de guerre espagnols (2 corvettes, 1 frégate), ayant à leur bord 500 hommes, se dirigent vers la Mer Rouge et le Golfe. Ils sont suivis par le Nassau, navire américain amphibie qui peut transporter des avions à décollage vertical (Sea Harriers), des hélicoptères et des véhicules. L’accompagnent également le Pensacola et le Saginaw, spécialisés dans le transbordement de troupes et de chars. Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères indique que la France n’a pas "d’objection de principe" à la requête des USA, qui ont demandé à leurs alliés de mettre à leur disposition des navires civils pour transporter troupes et matériels vers le Golfe. Le ministère irakien de la Défense fait savoir aux sous-officiers démobilisés âgés de plus de 37 ans (ils sont plusieurs milliers) qu’ils ont 3 jours pour rejoindre leurs unités.

07/09/90 : Spéculation sur les pertes qui seraient engendrées en cas d’attaque des nations unies pour libérer le Koweit. Jean-Pierre Chevènement, ministre français de la Défense pense que les estimations de l'état-major américain vont bien au-delà des experts français : 20.000 à 30.000 morts de leur côté pour la reconquête du Koweït, contre 10.000 selon nos propres évaluations (et 90.000 dans les rangs irakiens). Le roi Fahd d'Arabie et l'émir du Koweït en exil s'engagent à couvrir, à hauteur de plusieurs milliards de dollars, le coût de l'opération Bouclier du Désert. La Norvège et la Suède décident d'évacuer leurs ambassades et consulats du Koweït. François Miterrand sur TF1 déclare qu’il n’exclue pas l’envoi d’une force blindée en Arabie Saoudite.

09/09/90 : Envois de renforts militaires en Arabie Saoudite. La France franchit un nouveau pas dans la "logique de guerre" avec l’arrivée d’un contingent d’une centaine d’hommes en Arabie Saoudite. L’envoi de ce "détachement précurseur a été annoncé par le porte-parole de l’Elysée le 27 août dernier, au moment même où députés et sénateurs étaient réunis pour débattre de la situation dans le Golfe. 4 avions de transport Transall C-160 et 2 Hercules C-130 ont été mobilisés pour l’opération. Hommes et matériels ont été embarqués à leur bord sur la base d’Etain, près de Verdun, où est stationné le 3ème RHC qui a fourni le gros du détachement. Le 4ème RHCM de Phalsbourg (Moselle) a également été mis à contribution. Au total, 55 pilotes et mécaniciens se sont envolés pour l’Arabie Saoudite. 45 hommes appartenant au 1er RI de Sarrebourg (unité de fantassins héliportés appartenant à la Force d’Action Rapide) les accompagnent. 4 hélicoptères de combat Gazelle et 2 hélicoptères de transport Puma ont été démontés pour être embarqués à bord des Transall. Par ailleurs, un Boeing 747 cargo décolle de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle avec une quinzaine de jeeps et de camions ainsi qu’un lot de pièces de rechange. Ce détachement doit être stationné à Yanbu (Arabie Saoudite). Sa mission va consister à aménager une base susceptible d’accueillir un régiment d’hélicoptères de combat qui pourrait être le 5ème RHC de Pau embarqué à bord du Clemenceau.

11/09/90 : A l’hôtel Menial Mansour, les policiers d’un service spécial vient chercher les 2 derniers Français "hôtes du président" pour les emmener sur des sites qui pourraient être bombardés par l’aviation américaine. Ils sont désormais 19, dont 2 femmes qui ont refusé d’être séparées de leur mari, parmi plusieurs centaines d’étrangers raflés au Koweit. Des rafles qui peuvent fournir dans des jours prochains de nouveaux "hôtes" au building moderne du Menial Mansour, gardé militairement et impossible à approcher. Les évènements se précipitent chaque jour davantage dans le Golfe. Désormais, 8 divisions irakiennes sont massées à la frontière turque. Quant à la Syrie, elle décide d'envoyer des forces supplémentaires dans le Golfe. De son côté, Chedli Klibi démissionne de ses fonctions de secrétaire général de la ligue Arabe. Entrée dans les eaux du Golfe des porte-hélicoptères américains Guam, Iwo Jima et du Nassau qui transporte à lui seul 2.700 hommes, des hélicoptères et des chasseurs à décollage vertical Harrier. La Suisse, l'Autriche, le Bangladesh, le Danemark et la Grèce décident d'évacuer leurs ambassades et consulats du Koweït. Ces 2 derniers pays sont les seuls à avoir rompu l'engagement de la CEE de rester sur place.

13/09/90 : L'armée irakienne viole la neutralité de la résidence de l'ambassadeur de France à Koweït-City. Les bureaux sont dévastés, la résidence saccagée, et les 4 diplomates qui étaient en poste à l'ambassade sont emmenés de force par les soldats vers une destination inconnue. Au même moment, des soldats irakiens pénètrent dans les enceintes diplomatiques de Belgique (où ils forcent les diplomates qui s'y trouvent à quitter les lieux) des Pays-Bas et du Canada de Koweït-City. Dans l'après-midi, l'attaché militaire de l'ambassade de France est libéré. A Paris, l'ambassadeur d'Irak est convoqué par le ministère français des Affaires étrangères qui lui fait part de sa vive protestation. François Mitterrand, en visite officielle à Bratislava (Tchécoslovaquie), affirme aussitôt lors d'une conférence de presse : "La résidence de notre ambassade au Koweït a été envahie par des troupes irakiennes. Ce viol (...) est une agression et nous y répondrons..." Mitterrand annonce par la même occasion la tenue à l'Elysée d'un conseil restreint dès demain matin, d'une réunion exceptionnelle de l'U.E.O. mardi prochain et d'une réunion des 12 ministres des Affaires étrangères de la CEE. Malgré la capture de 4 diplomates, l'ambassade de France de Koweït-City reste ouverte, le personnel continue de travailler. Il reste toujours une centaine de Français au Koweït et près de 300 en Irak. En votant la résolution 666, le Conseil de sécurité demande que l'aide alimentaire éventuellement envoyée à l'Irak et au Koweït soit distribuée par l'ONU, le CICR ou d'autres organisations internationales. Bagdad qualifie d’"humiliante et injuste" cette résolution. L'Italie annonce un renforcement de ses forces déjà présentes dans le Golfe : elle ajoute en effet 8 Tornado et un 4ème navire de guerre. Saddam Hussein fait dans le « grand guignol » : L’Irak annonce que le procès ouvert contre George Bush pour "crimes contre l'Humanité" débutera le 15 octobre à Bagdad. Un exemplaire de l’acte d’accusation a été adressé à l’ambassade des USA à Bagdad et l’accusé a le droit de se faire défendre par un avocat, a annoncé le bâtonnier de Bagdad !

15/09/90 : La France lance l’Opération Daguet. La riposte au pillage de son ambassade et de l'enlèvement de ses diplomates ne s'est pas fait attendre. C'est le plus grand déploiement de troupes françaises depuis la guerre d'Algérie. Cette opération est placée sous le commandement du général de Corps d’Armée Roquejoffre, qui aura sous ses ordres, le général de brigade Jean-Charles Mouscardès commandant des forces terrestres, et le général Jean-Pierre Gellibert commandant les forces aériennes. L'état-major s'installera à Riyad et restera sous contrôle français. Cette opération prévoit l'envoi en Arabie Saoudite, dans les prochains jours, d'une brigade aéroterrestre composée de 4.000 hommes, 1.000 véhicules, dont 210 blindés, 48 hélicoptères de combat et 30 avions de combat, d'une compagnie du génie et une section de missiles anti-aériens Mistral. Le dispositif français dans le Golfe passe ainsi de 9.000 à 13.000 hommes. La réponse à la violation de l'ambassade comporte également 3 autres points : l'expulsion immédiate d'une trentaine de ressortissants irakiens, dont des diplomates et des militaires stagiaires, une demande au Conseil de sécurité d'étendre au trafic aérien l'embargo contre l'Irak et, enfin, de lourdes sanctions contre toute entreprise française qui contreviendrait à cet embargo. Après l'annonce par la France du déclenchement de l'opération Daguet, Saddam Hussein se dit surpris de la position de François Mitterrand, l'accusant de nourrir une "attitude hostile" contre l'Irak.

C’est dans ce contexte qu’intervient ma modeste contribution dans ce conflit. Depuis le 08 septembre, date à laquelle F. Mitterrand a déclaré qu’il n’excluait aucunement l’envoi de forces blindées en Arabie, je suis certain que mon unité sera une des prochaines à partir. Surtout parce que mon escadron (3/1RS) doit prendre « l’alerte Guépard ». Cette alerte qui tourne au sein des unités de la FAR permet d’avoir immédiatement une force de frappe en état d’agir en moins de 72 heures. Le dix septembre au matin, mon mariage célébré et des souvenirs plein la tête, je rejoins le 1er Spahis à Valence. Les derniers permissionnaires sont rappelés. Finalement la totalité du régiment sera engagée (moins le 1° Escadron qui assure une mission de 4 mois à Mayotte). Des séances d’informations au cinéma sont données au profit des cadres. Déjà on attire notre attention sur le secret militaire, sur la faible protection de nos engins, sur les difficultés topographiques et d’orientation, sur la terrible protection et précision du T72, dont sont dotés les irakiens. On sait alors que nous serons parés pour la toute première fois, du nouvel obus flèche (OFL), au carbure de tungstène, qui poussera la portée de nos 105mm à 2500m. Mais il ne sera efficace contre un T72 de face qu’à une distance de 800 mètres. Quand on sait que le 125mm du T72 peut nous pulvériser à 2500m, çà nous laisse septiques ! Il nous est aussi martelé l'importance capitale qu’auront le 1° REC et le 1° Spahis dans leur recherche du renseignement et la précision de leurs identifications. En effet, l’Irak est équipée d’un grand nombre d’armement français fourni lors de sa guerre contre l’Iran. Il ne sera pas facile de reconnaitre l’ami de l’ennemi. A cet effet, aucun mirage F1 CR français ne sera envoyé en Arabie Saoudite afin d’éviter toute confusion possible avec un de ses homologues irakien. Cela nous soulage, car nous savons combien il est difficile d’identifier un « troisième dimension », quand il file à haute altitude…Il nous faut maintenant nous préparer à l’intervention, repeindre les blindés en camo sable, changer les huiles des moteurs pour d'autres supportant mieux les fortes chaleurs que nous allons affronter dans les sables. Il faut aussi changer les lunettes pour inclure les réticules de tir OFL (nous sommes déjà dotés du frein de bouche OFL à simple étage). Effectuer nos parages guerre, monter notre DTI (dotation technique immédiate), en bref le nombre de véhicules en état de faire campagne. Parer en vivre pour une semaine, faire des vaccinations, bref, une effervescence permanente. Pendant une semaine le régiment va ressembler à une immense ruche, où les maintenanciers effectueront jours et nuits de véritables prouesses techniques pour que nous soyons au top, où chaque homme fera preuve du plus grand professionnalisme, car maintenant c’est certain, cette affaire est très sérieuse, chacun en est persuadé…


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Message  Hellfire62 28/2/2007, 14:37

Petite précision suite à l'affirmation de Stan_Hudson. Même si ce fut bien moins médiatisé que la reprise du Koweit, des troupes Américaines prirent effectivement part au combat en entrant avec la division Daguet en Irak. De notre position face à la frontière irakienne (20 km à l'Est de Rafha), nous avons été rattaché au 17° corps US qui nous a suivi dans la progression avec notamment une unité de reco de la 82ème Airborne, des MLRS, et un appui permanent aérien assuré par leurs Thunderbolt Fairshild A10. Ils firent un travail épatant. pouce gri
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Message  Invité 28/2/2007, 15:03

A l’initiative de Daniel, qui décidément aura
Pas foutu grand chose a part renifler avec son gros nez (Poilu) le temoignage digne d'interet, voire plus...

Il y en aura certes un peu mais je n’ai pas et je n’aurai jamais la prétention de me comparer à nos anciens. Sur ce site, pour moi la référence reste notre ami « Jacquemart », il a, j’en suis sûr bien plus de choses intéressantes à raconter que je ne puis en avoir.
J'ai hate de lire ce que Jacquemart vas en dire.

Pour autant, je pense qu’écrire m’aidera peu être à lever ce poids que je ressens depuis tant d’années…Je discutais de ce fil hier avec Corinne mon épouse, lui disant combien il m’était difficile d’évoquer tout çà, de tout bien mettre en ordre, que c’était comme exhumer un bout de ma vie que je croyais définitivement enseveli. Alors, avec sa tendresse habituelle, elle m’a apporté la solution. Elle s’est levée sans rien dire puis et revenu avec une grosse boîte en carton. Il y avait dans celle-ci la totalité de la correspondance que nous nous étions adressé à l’époque (mais aussi celles de toutes mes autres missions). Son côté fétichiste qui ne jette rien m’est donc aujourd’hui d’un inestimable secours. Nous avons donc hier relu chaque courrier avec émotion, les classant par date. Ils sont remplis de renseignements très intéressants sur lesquels je m’appuierai pour tenter d’expliquer. Jamais depuis 16 ans, nous n’avions réouvert ces courriers. Cela m’a un peu déboussolé, je n’en ai pas dormi de la nuit, des dizaines d’images me sont revenues en mémoire. Le passé finalement n’est peut-être pas si lointain que je le croyais…
Nous, les pekins qui ont eu le bol de ne jamais avoir a risquer leur peaux, ignorent (Ignoraient) tout de cet etat d'esprit, Hellfire. Pour nous, le combattant se doit d'etre tout simplement fier d'avoir combattu.
Mais c'est, vu ce que tu nous dit, plus complique que cela.
J'ai hate de lire les commentaires des nombreux autres pekins de ce forum.

Juste 3 commentaires sur la suite de tes postes :

1 - J'ai tout lu jusqu'a a fin. T'as pas fini. Chouette, mais prends ton temps, on n'est pas aux pieces. Et, surtout, merci.

2 - Le debut de ton recit, avant les decisions de se battre, me fait penser a Munich... Les democraties qui cherchent a "negocier", a trouver des "solutions pacifiques"... encore. Et perdent du temps. Cette introduction de ton recit, Hellfire, ne fait que me motiver davantage a etudier le nazisme et faire savoir autour de moi ce qu'il en etait. Si les politicards qui "negociaient" avant de, enfin, vous lacher sur Saddam, avaient bien etudie le nazisme, ils auraient, sans doute, reagit avant et, donc epargne des vies. Et nous revoila dans le sujet de ce forum ET JE LE SAVAIS. Donc, merci encore. Je sens que je vais reprendre ce sujet quand tu aura fini, tu m'as deja compris.

3 - Mes hommages a Corinne. Etrange, tous les hommes de bien que je connais ont des epouses admirables. Ceci explique cela ?
clin doeil gri

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Message  Jacques 1/3/2007, 19:30

Daniel Laurent a écrit:
A l’initiative de Daniel, qui décidément aura
Pas foutu grand chose a part renifler avec son gros nez (Poilu) le temoignage digne d'interet, voire plus...

Il y en aura certes un peu mais je n’ai pas et je n’aurai jamais la prétention de me comparer à nos anciens. Sur ce site, pour moi la référence reste notre ami « Jacquemart », il a, j’en suis sûr bien plus de choses intéressantes à raconter que je ne puis en avoir.
J'ai hate de lire ce que Jacquemart vas en dire.

mort de rir gri Bonsoir Hellfire
Je ne suis vraiment pas une reference en ce domaine! J'ai ,bien sûr, participe à certains evennements, mais je n'ai pas d'exploit a mon actif.
Je suis certain que mon fils( pas bavard) a subit et fait, sans armes,beaucoup plus que moi au cours de ses missions pour Medecins Du Monde, en Irak, Kurdistan, Yougoslavie,Serbie, Croatie, Kosovo, Afganistan, Tchetchenie,Rwanda etc, etc.
Merci de nous faire partager tes connaissances et recits si bien ecrits.
Tu as une chance inestimable, Corinne ton epouse sait t'ecouter.
Cordialement
Jacquemart

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Message  Baugnez44 2/3/2007, 00:01

Daniel Laurent a écrit: - Le debut de ton recit, avant les decisions de se battre, me fait penser a Munich... Les democraties qui cherchent a "negocier", a trouver des "solutions pacifiques"... encore. Et perdent du temps. Cette introduction de ton recit, Hellfire, ne fait que me motiver davantage a etudier le nazisme et faire savoir autour de moi ce qu'il en etait. Si les politicards qui "negociaient" avant de, enfin, vous lacher sur Saddam, avaient bien etudie le nazisme, ils auraient, sans doute, reagit avant et, donc epargne des vies. Et nous revoila dans le sujet de ce forum ET JE LE SAVAIS. Donc, merci encore. Je sens que je vais reprendre ce sujet quand tu aura fini, tu m'as deja compris.


Je pense cher Daniel, que la répugnance à entrer en guerre constitue à la fois l'avantage et le talon d'Achille des démocraties.

La où un régime dictatorial ne s'embarassera pas de fioriture pour faire sonner le clairon et partir en guerre, un régime démocratique ne se résoudra généralement à faire la guerre qu'en dernière extrémité (avec les dangers que cela comporte et que nous connaissons bien désormais).

Au hasard de mes lectures, je suis tombé sur des écrits rédigés par un professeur (émérite) de sciences politiques à l'université d'Hawaii, Rudolph J. Rummel. Ce dernier note que depuis qu'elles existent (en gros deux siècles), les démocraties n'ont jamais été en guerre entre elles. Et que les guerres qu'elles ont livrées l'ont été contre des régimes dictatoriaux.

Autrement dit, si vous vivez dans un régime non démocratique, vous courrez beaucoup plus de risque de vous retrouver embrigadés dans une guerre que si vous vivez dans une démocratie.

Selon le même Rummel, vous courrez aussi beaucoup plus de risque de vous retrouver victime d'un génocide ou d'un démocide.

Où je ne suis pas Rummel, c'est quand il affirme que le meilleur moyen d'éviter qu'un régime démocratique ne devienne dictatorial et ne s'en prenne un jour à ses citoyens, c'est de leur laisser le droit d'avoir des armes. Mais ceci est une autre histoire.

Dans le cas particulier de la 1ère guerre du Golfe, je pense qu'il était préférable d'épuiser tous les voies diplomatiques avant de recourir à la force. Je crois qu'à l'époque, on était tout de même loin de l'esprit de Munich.

Mais je suis bien d'accord qu'on aurait dû finir le travail à ce moment là et pas se limiter à faire sortir les Irakiens du Koweit. Les conditions étaient à l'époque bien plus favorables pour éliminer Sadam Hussein sans créer la catastrophe à laquelle nous assistons tous les jours.

Et je m'en voudrais de ne pas remercier Hellfire pour l'expérience qu'il nous fait partager.

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Message  Invité 2/3/2007, 06:44

Baugnez44 a écrit:
Je pense cher Daniel, que la répugnance à entrer en guerre constitue à la fois l'avantage et le talon d'Achille des démocraties.
Touche.
Aie...

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Message  Hellfire62 3/3/2007, 14:54

Merci à tous pour vos réactions, elles sont intéressantes à tous point de vue. Jacquemart reste à mon avis trop humble, j'en suis sûr, Ha la sagesse de l'âge !! Je suis aussi persuadé que son fils a dû voir des tas de choses assez traumatisantes. Les ONG sont toujours sur les mêmes théâtres de désolation, affrontant les mêmes misères, constatant les mêmes saloperies. Faisant au mieux pour atténuer les souffrances des autres. Le courage et l'abnégation font partie de leur pain quotidien et ils méritent le respect de tous. Je leur tire mon chapeau.

Seconde partie de ces souvenirs de Daguet (qui reviennent de plus en plus souvent suite au coup de baguette du magicien Daniel !!). L'ennui s'est que je vais surement être long. Comment réduire? Tout me semble important mais ce n'est peut-être pas le cas pour vous. Dites-moi et j'abrègerai...
clin doeil gri


Tout va donc très vite dans cette semaine déterminante de préparation. Deux des trois AMX 10RC du peloton ont des ennuis techniques et ne seront pas réparables pour le départ. J’apprends avec tristesse que notre numéro 102, le « Cyrénaïque » ne fera pas le voyage. C’est un des blindés les plus rapides du régiment mais il a eu une fâcheuse tendance à péter plusieurs génératrices ces dernières semaines. C’est un véhicule que l’équipage affectionne et avec lequel nous avons jusqu’ici mené toutes nos campagnes de tirs canon. Nous connaissons ses réactions, points forts et faibles sur le bout des ongles. Le numéro 100, le « Champagne », blindé de l’adjoint fera par contre le voyage. Le chef de peloton sera également contraint de laisser son 020. Nous percevons à leur place des AMX du premier escadron, qui se trouve à Mayotte en compagnie tournante TTA (TTA= toutes armes, comprendre infanterie). Pour la durée de l’opération, je servirai sur le 040 et le chef de peloton sur le 045. Je suis chargé le samedi 15 d’acheminer un convoi de blindés de l’escadron sur l’ERM de Ste Eggrève, près de Lyon. Cela ne m’arrange pas car mon épouse arrive justement en gare en fin d’après-midi et il n’y aura personne pour l’accueillir. Mais notre capitaine, fidèle à son habitude ne veut rien entendre, il se moque bien de savoir si une femme enceinte va poirauter seule sur un quai de gare dans une ville qu’elle ne connaît pas. Il maintient ma mission, précisant que je n’ai qu’à me débrouiller. Mon chef de peloton m’ôte alors une belle épine du pied en allant avec sa femme la récupérer et en l’hébergeant jusqu’à mon retour. Cette mission est longue et pénible et nous allons passer toute la nuit éveillés pour mettre les véhicules en peinture et passer en cabine de séchage. Je reviens au quartier fatigué en début d’après-midi le dimanche. Là, j’apprend qu’il faut restituer toutes les rations perçues par les équipages. Certaines contiennent du porc et il nous est strictement interdit d’en emmener en terre sainte. Dès le lundi, les véhicules sont prêts et les nouvelles lunettes tireur et chef d’engin montées. Le régiment travaille jour et nuit. Dans l’après-midi, en colonne nous montons au DMU (dépôt de munitions) de Billard. Nous percevons la totalité du parage en munitions en suivant un circuit astucieux le long de la piste auto-école. Tous les cent mètres, des équipes placées par catégorie de munition arrêtent les véhicules et nous font percevoir notre dotation. Ainsi par blindé, on comptera 12 obus flèche (OFL), 16 obus antichars charge creuse (OCC), dix obus explosifs (OE), 4000 cartouches de 7,62mm (20 boîtes de 200), 1000 cartouches de 5,56mm (FAMAS), 18 cartouche de 9mm (destinées au PA du chef d’engin car nous sommes en double dotation armement individuel, FAMAS + Pistolet automatique MAC 50). Nous embarquons également 16 pots fumigènes de défense rapprochée d’engin blindé (DREB), 8 grenades défensives, un pot thermique et deux grenades phosphore, destinées à saboter l’engin (culasse, canon et moteur) si nous avions à l’abandonner sur le champ de bataille… Les escouades ont la même dotation 7,62 et 5,56mm que nous. Elles ont en plus les grenades à fusils dont les derniers modèles antichars, piège à balle (PAB) permettant le tir avec une cartouche réelle. Elles disposent également pour le véhicule lance roquette antichar de 89mm de 12 roquettes et de 800 cartouches de 12,7mm pour le véhicule browning 50, plus des grenades offensives (OF) et défensives (DF). Les véhicules font au retour les pleins à toc. Nos réservoirs sont remplis à 525 litres et les VLTT P4 reçoivent 115 litres. Après la perception d’eau pour réserve de combat à 5 jours, des moyens de vision nocturnes (OB31, OB41 et 42) les véhicules sont pleins à craquer. Chaque AMX affiche maintenant un poids de presque 19 tonnes en ordre de combat. Le lendemain, nos brancardiers-secouristes envoient les pelotons à la vaccination à… l’ordinaire ! Arrivé au restaurant régimentaire, j’ai la surprise de voir des dizaines de gars, allongés sur les tables de repas, les fesses à l’air et les infirmiers en train de les piquer à la chaîne. Je cesse bientôt de sourire parce que j’y passe presque aussitôt après. Dans mon malheur, j’ai la chance de tomber sur le Brigadier-chef Fontaine, probablement l’infirmier le plus compétent sur place, les autres sont des novices à peine qualifiés... Il m’injecte donc une Gamaglobuline, sorte de « pot belge », qui permet de lutter contre certaines maladies tropicales mais permettra aussi à l’organisme de lutter contre une intoxication chimique par neurotoxiques. Avant de me piquer, il m’a glissé l’ampoule dans la main en me disant, chauffez-là, où vous allez déguster…L’injection est en effet douloureuse et longue, aussi avec son accent alsacien à couper au couteau et sa bonhommie habituelle, Fontaine m’occupe en me racontant comme à son habitude des histoires drôles. La fesse droite en compote, je rejoins avec mes gars l’escadron, ou je ne tarde pas (fatigue accumulée ces derniers jours aidant) à faire un début d’hypoglycémie. Les derniers jours sont passés à percevoir les derniers compléments de paquetage, à accueillir les derniers renforts provenant des pelotons d’instruction et des personnels du « casernement » qu’on ne tardera pas à transformer en cavaliers d’accompagnement. Le quartier est souvent pris d’assaut par des journalistes en quête de sensationnel. Des officiers communication leur fournissent quelques informations de routine, car chacun sait que si ces reporters n’obtiennent rien de nous, ils n’hésiteront pas à broder, faisant courir des rumeurs non fondées qui ne manqueront pas d’inquiéter nos proches. Les familles sont d’ailleurs très souvent sollicitées ou harcelées pour des interviews. Le vendredi, Corinne et moi prenons la sage mais difficile résolution de se séparer. Elle repart sur mon conseil chez ses parents. Elle ne peut décemment pas rester seule, enceinte, dans un appartement quasi vide, sans famille à proximité pour l’aider et sans surtout savoir quand je reviendrai… Je la raccompagne donc à la gare, rassuré de savoir qu’elle sera bien entourée. La séparation est très pénible mais c’est mieux comme çà. Je referme la porte de mon appartement de Granges les Valences et ne sais pas encore qu’il demeurera inoccupé pendant presque sept mois…
Départ le samedi 22 dans l’après-midi, destination Toulon. Beaucoup de larmes d’épouses et de mères, d’enfants qui ne comprennent pas vraiment ce qu’il se passe. Certains jeunes spahis se sont mariés avant leur départ, rapidement, dans une salle du poste de sécurité du quartier Baquet. Toutes les formalités ont été faites par le père Uzel, notre aumônier. D’autres encore ont rédigé des testaments. Nous passons la nuit dans les véhicules un peu après Montélimar. On sent chez chacun un peu de nervosité, tout le monde en a gros sur la patate, surtout ceux qui ont vu leur épouses ou copines, leur faire un dernier geste d’adieu, lorsque le régiment est passé sous le pont d’autoroute de Valence Sud. Chacun veut maintenant faire un break et ne se consacrer qu’à sa mission, trop penser à ceux qui sont restés vous mine et entame votre efficacité… A l’arsenal de Toulon commence une longue attente, chaque unité doit patienter et attendre son tour pour embarquer ses véhicules, il y en a des centaines. Des navires de la compagnie ont été réquisitionnés. Leurs équipages ont parfois « débrayé » sans prévenir pour montrer leur désaccord. La Royale n’a pas tergiversé, remplaçant les grévistes par certains de leurs marins ayant les compétences requises. Tout en restant objectif, j’ai du mal à comprendre leur réaction et çà me fait penser à ce qui se passait au moment de l’Indochine, je me demande si nous serons aussi accueillis à coup de pierre et de crotte de chiens, quand nous reviendrons…Le dernier repas pris sur le sol français est ignoble. A l’arsenal, personne n’a anticipé sur la présence de milliers de soldats en ce dimanche. Les équipes de service sont restreintes comme pour un week-end normal, les réserves en vivres sont insuffisantes, chacun a droit à une part symbolique et à un peu d’eau du robinet. Il est plus de 15 heures quand mon peloton reçoit l’autorisation de manger. Tout est froid, la purée et le boudin. J’essaie de demander si on peu avoir ne serait-ce qu’un peu de pain, je me fais jeter par un officier d’ordinaire furibond, comme si je lui avais demandé la lune ! L’attente se prolonge dans l’après-midi. Chacun est assis sur ses sacs, lit ou écrit, attend l’ordre d’embarquer. Le téléphone portable n’existe pas encore, il nous est interdit de quitter nos emplacements pour aller aux cabines téléphoniques. J’aurai pourtant bien aimé passer au moins un coup de fil. En ce même jour, mon frère aîné est en train de se marier et j’aurai aimé le féliciter, mais il faut se résigner. Le feu vert est donné et nous embarquons les véhicules sur le « Girolatta ». Les blindés sont calés, élingués les tourelles verrouillées pour prévenir du roulis. En fin d’après-midi, le Girolatta lève l’ancre et s’éloigne des côtes, il emporte à son bord, mes deux amis, les Maréchaux des Logis Marchand et Chaillet qui verront donc le Canal de Suez avant moi. Le reliquat des Spahis embarque sur « l’Esterel », joli bateau blanc de croisière, assez luxueux je dois le reconnaître. Nous sommes avec de nombreux légionnaires du 1°REC et du 2° REI et également avec des paras du 35° RAP. Tous cohabitent dans une bonne ambiance, et se branchent parfois gentiment. Il en a toujours été ainsi entre romains, fraises des bois et spagadas, un respect mutuel des vieilles troupes professionnelles mais chacun reste persuadé qu’il est meilleur que l’autre…Les hommes sont logés dans des conditions un peu précaires dans les garage du ferry. Ils n’ont gardé avec eux que leur musette et leurs affaires de toilettes et sont regroupés par pelotons, dormant sur de vieux lits picots. Certains plus « anciens » sortent des hamacs et les attachent aux poutrelles d’acier. L’ordre et la discipline sont assurés par nos brigadiers-chefs qui font respecter à la lettre les consignes. Je mets bien dix minutes pour identifier dans cette immense cale où se trouve mon équipage. Je vérifie leur installation, leur donne les ordres pour le lendemain, les autorisent a abandonner le treillis pour le survêtement, plus confortable, puis rejoint l’endroit ou je serai logé. C’est à peine mieux. Les sous-officiers subalternes sont regroupés par six dans de minuscules bannettes réservées habituellement aux hommes d’équipages. Il y règne une odeur, de sueur, de pieds et de mazout insupportable. Cà deviendra encore plus étouffant quand nous serons à hauteur de la mer rouge. Les bannettes sont superposées par trois, pas plus larges que les épaules, on peut à peine s’y retourner. Quant au couloir qui les sépare, il est de la largeur d’un homme, on ne peut s’y croiser. Aucun hublot, aucune arrivée d’air, c’est la promiscuité. La nuit, le bruit des moteurs gémissant résonnera contre les parois, trouver le sommeil sera impossible. Dans la soirée du 23, l’ « Esterel » lève enfin l’ancre et prend la mer à destination du port de Yanbu en mer rouge, via Port Saïd…
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Message  Invité 4/3/2007, 12:08

Hellfire62 a écrit:Dites-moi et j'abrègerai...
Tu fais dans le trop court
beret
En avant, spahi.
Quand tu aura fini, je remettrais tout ce que j'ai sauvegarde dans l'ordre chronologique et te ferais une suggestion.

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Message  Hellfire62 5/3/2007, 21:01

L’ONU décidément aime les résolutions. Si seulement elle les appliquait avec fermeté ! Le 25 septembre, la résolution 670 est déjà la neuvième du genre. Elle instaure un embargo cette fois-ci aérien de l’Irak, excepté pour les transports à caractère humanitaire. Nous n’avons connaissance que de bribes d’informations. Celles-ci nous parviennent surtout dans la soirée quand un créneau téléphonique est alloué à l’unité. Une longue file d’attente mène au poste de commandement de l’Esterel, où un précieux téléphone satellitaire permet de contacter les proches durant cinq trop courtes minutes. Des heures d’attente pour cinq minutes, mais oh combien précieuses, car nos familles nous en apprennent décidément beaucoup plus que nos chefs, même si nous savons qu’il faut en prendre et en laisser. Notre voyage nous semble long, déjà deux jours que nous sommes en mer, mais nous profitons du paysage en méditerranée qui est magnifique. Dans mon courrier à Corinne, j’ironise sur le fait que je sois en train de faire une belle croisière, un chouette voyage de noces, sauf que je le fais… seul ! (Sans cesse repoussé à causes de missions diverses, ce voyage de noces tant désiré aura finalement lieu en…août 1999, en Irlande du Sud, pendant quinze jours. Mais nous ne serons plus seuls car trois enfants nous accompagneront et Corinne sera à cette époque enceinte du quatrième ! Comme quoi, les voyages forment la jeunesse…).
Après avoir contourné la Corse par l’ouest, nous avons traversé le détroit qui la sépare de la Sardaigne, mettant le cap au sud-est vers la Sicile. Le 26 septembre, à l’heure de midi, nous nous trouvons à hauteur des côtes grecques quand nous sommes rejoint par un aviso de la Royale. Il va nous escorter et assurer notre protection jusqu’au terminal de Yanbu. Le bruit court également que, depuis le départ, nous sommes silencieusement escorté par un de nos sous-marins d’attaque. J’ignorerai toujours quel était le nom de celui-ci, et j’aurai beau scruter la mer de longs instants, jamais je n’apercevrai l’ombre de son kiosque ou de son périscope jusqu’à notre débarquement. Il fait un temps superbe et nous en profitons pour prendre un peu le soleil sur le pont avant quand on nous laisse tranquille. Les pelotons s’occupent au rythme de deux heures d’instruction le matin et de deux autres l’après-midi. On révise les fondamentaux théoriques du combat blindé, on s’entraîne à démonter toutes nos armes individuelles les yeux bandés et surtout en ambiance NBC. Le port de l’ANP 51-53 (masque à gaz) est difficilement supportable par cette chaleur. On pourrait presque boire sa sueur dans le couvre face, tellement çà nous dégouline de partout. Le soir des séances de cinéma sont organisées. Tout le monde souhaite y aller car la salle est climatisée. Mais elle contient seulement 150 places et nous sommes plus de 2000 à bord, il faut camper devant les portes du cinéma une heure avant la séance si on veut avoir la moindre chance d’y pénétrer. Pendant les sept jours que va durer la traversée, j’aurai l’occasion de voir deux films dont je me souviens encore. C’était « à droite en sortant de l’ascenseur » avec Bohringer, Pierre Richard et Emmanuelle Béart et puis « Cadillac Man » avec Robin William.
Au niveau du détroit de Messine, nous avons été suivis pendant quelques miles par des dauphins. C’était pour beaucoup la première fois que nous en admirions à l’état sauvage et le spectacle qu’ils offrirent était superbe. A bord, la vie s’organise peu à peu et chacun cohabite tant bien que mal, mais dans un bon esprit et une discipline de tous les instants. L’alcool est devenu définitivement interdit, enfin pour la troupe tout du moins. J’ai pu observer en passant dans un entrebaîllement de porte, que de la bière Heineken était servie aux membres de l’état-major durant une de ses réunions…Cela confirme mon impression qu’il y a bien les chevaliers et les autres… Personnellement, je préfère faire partie des autres, au moins quoi qu’il arrive j’aurai ma conscience pour moi. Les nuits sont étouffantes et il est pénible de s’endormir entre les ronflements des uns, les bruits des moteurs et les relèves des gardes et des quarts. La chaleur s’accroît alors que nous approchons du canal de Suez, il fait bientôt pas loin de 40 degrés. A cours d’eau potable, il va nous falloir faire escale pour ravitaillement à Port Saïd. Le Girolatta aura alors une demi-journée d’avance sur nous. Cela permettra aussi aux premiers courriers écrits à bord de partir pour la France, en transitant par notre ambassade. Les consignes de sécurité sont draconiennes à l’entrée du canal, il est interdit à quiconque de se montrer sur les ponts, chacun demeurera des heures durant enfermé dans ses locaux, par une chaleur écrasante. Le bateau doit passer inaperçu, aurait-on peur de l’espionnage ? Toujours est-il qu’à la faveur de la nuit, deux légionnaires en profitent pour faire la belle. En short et tee-shirt, ils détournent l’attention des gardes dans les couloirs, se hissent sur le pont et se jettent à la mer. Vu des hublots de la salle à manger, nous estimons être à un kilomètre du port, çà fait une trotte à la nage. Les deux déserteurs, nageurs émérites, ont pourtant tenté leur chance. J’apprendrai le lendemain matin qu’ils sont parvenus saufs à la côte.

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