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Nice, l'Italie et la France

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Message  Invité 20/1/2007, 13:42

Nice, la France et l’Italie

Nice, l'Italie et la France Nice12fa


«Citoyens de la Zone Niçoise !
Fidèles à la parole donnée, nous n’avons jamais manqué aux accords réciproques d’armistice.
Dans le but d’empêcher que le sol de France ne puisse devenir un nouveau théâtre de guerre, à cause de débarquements de forces militaires anglo-américaines, nous occupons temporairement la zone démilitarisée.
Pas un de vous ne doit penser à d’intentions hostiles de notre côté. »

C’est par la lecture de ce texte imprimé sur des tracts, lancés à partir d’un avion italien au-dessus de la ville, que les Niçois apprenaient que leur terre était désormais occupée par une armée étrangère et ennemie. C’était le 11 novembre 1942. Le texte portait la signature de son auteur : le général Vercellino, commandant la IVe armée italienne.

La gêne ressentie par l’auteur apparaît dans le vocabulaire utilisé. L’occupation est temporaire et désintéressée. Les “habitants de la zone de Nice” sont invités à le comprendre de gré ou, à défaut, de force. Le texte s’achève par une menace précise :
«l’Italie qui est juste avec ceux qui sont eux-mêmes justes, est quand même implacable avec les rebelles partout où ils se manifestent, où ils se dérobent».

Alors que l’armée italienne s’apprêtait à occuper huit départements du sud-est de la France (Var, Hautes-Alpes, Basses-Alpes, Drôme, Isère, Savoie, Haute Savoie, Alpes Maritimes), l’information en forme d’avertissement était adressée aux Niçois. Le geste laisse supposer que l’occupant, même temporaire et désintéressé, s’inquiétait de l’accueil qui lui serait réservé par une population hostile. Il visait à rassurer. Pour autant il n’empêchait pas le parti fasciste, implanté au sein de la colonie italienne, d’appeler à accueillir «les compatriotes venus les libérer des Français».

Le moment choisi, le 11 novembre, était pour le moins inopportun. Dans ses mémoires, André Cane, l’historien de Beaulieu écrit :
«Date symbolique qui marquait, vingt quatre ans plus tôt, une victoire commune et qui, aujourd’hui ajoute un peu plus à notre chagrin et à notre humiliation »

L’occupation italienne avait une cause immédiate : le débarquement réussi des troupes anglaises et américaines en Algérie et au Maroc. Les autorités civiles et militaires françaises avaient ordonné le cessez-le-feu, après des combats de courte durée mais meurtriers. Elles ralliaient le camp des envahisseurs.

Pour les deux États de l’Axe, cette situation nouvelle autorisait la violation des conditions d’armistice et l’occupation de la totalité du territoire français. Ils pouvaient craindre une réaction comparable des autorités métropolitaines dans l’hypothèse d’un débarquement anglo-américain en Provence. Dans l’immédiat le ralliement d’une partie de l’Afrique du nord mettait en péril les unités allemandes et italiennes engagées en Libye. Il offrait surtout l’occasion de saisir la flotte française de haute-mer mouillée en rade de Toulon.

Pour l’Italie, cette occupation avait aussi une cause plus lointaine. Elle remontait aux origines de l’unité italienne. Les gouvernements français, ceux du Second empire comme ceux de la IIIe République, avaient surévalué les effets de l’aide française. Ils attendaient donc de l’Italie un alignement permanent et inconditionnel sur la politique européenne déterminée par Paris.

Les gouvernements italiens voyaient dans cette prétention un produit de ce qu’ils appelaient “l’arrogance” française. Pour contrecarrer ce qui leur apparaissait comme une tentative de “protectorat”, ils se rapprochaient de la puissance dominante en Europe, dans la deuxième moitié du XIXe siècle : l’Empire allemand. Il fascinait une partie de l’élite italienne. Il resserrait ses liens économiques avec la péninsule. A “l’arrogance” française s’opposait “l’ingratitude” italienne. Fondées sur des comportements de cette nature, les relations entre Paris et Rome ne pouvaient que s’altérer.

La géographie offrait à l’Italie le choix entre deux options diplomatiques. Elle pouvait s’attacher à la récupération de “terre irrédente” septentrionales. Elle se heurtait inévitablement à l’hostilité traditionnelle de l’Autriche. Elle pouvait affirmer sa vocation méditerranéenne par la conquête de “terres africaines” là où existait déjà une présence humaine. Elle affrontait alors la France. Très habilement Bismarck va aider l’Italie à effectuer son choix en créant un différend émotionnel : la Tunisie. Au moment où en 1881 le chancelier allemand encourageait le gouvernement français à intervenir militairement en Tunisie, il engageait le gouvernement italien à demander, pour maintenir sa neutralité en Europe, des compensations dans la Régence de Tunis :

“Il y a là, bien entendu, écrivent Bernstein et Milza, une politique délibérée qui vise à la fois à détourner la France de l’idée de revanche continentale et à brouiller les deux pays latins. Sur ce dernier point la réussite est complète”.

Il obtenait, en prime, un allègement de la pression militaire française sur les frontières occidentales du IIe Reich, la France devant renforcer ses défenses sur les Alpes en créant, en 1888, des unités spécialisées dans le combat de montagne : les bataillons de chasseurs alpins. Bismarck était un redoutable joueur.

Il ne cachait pas le mépris qu’il éprouvait pour les Italiens. Il déclarait en 1880 qu’ils : “ressemblaient à ces corbeaux qui se nourrissent de charogne et attendent autour des champs de bataille qu’on leur laisse quelque chose à manger”.

Il ne manquait pas pourtant de se féliciter de son coup gagnant. En octobre 1881, Humbert 1er rencontrait à Vienne François-Joseph ; le 20 mai 1882 le traité établissant la Triplice était signé dans la capitale autrichienne. S’ouvrait alors une longue période de crise marquée par les pogroms d’Aigues-Morte en 1893 et de Lyon, en 1894, après l’assassinant par Caserio du président Carnot.
La réconciliation venait en 1915 avec l’entrée en guerre de l’Italie aux côtés des Alliés. L’alliance était conclue avec le plus offrant, l’Entente ayant accepté par le traité de Londres, le 26 avril, l’essentiel des revendications italiennes sur les “terre irrédente” (Trentin, Sud Tyrol et Trieste) et le contrôle de l’Adriatique (côte dalmate et région de Valona en Albanie).

La mise en oeuvre effective de ces promesses se heurtait, en 1919, à l’opposition de Wilson attaché au respect du principe des nationalités et de leur droit à disposer d’elles-mêmes. La Conférence de la paix permettait à l’Italie de retrouver certaines terres irrédentes, mais la privait des assises matérielles de son ambition méditerranéenne. Le peuple italien considérait que sa victoire était mutilée :

“L’Italie de 1919, notent Bernstein et Milza, souffre de frustration collective”.
Elle provoquait une exaspération nationaliste, une effervescence patriotique et un détachement de la démocratie libérale incapable d’assumer le destin de la nation. La voie était ouverte pour le triomphe fasciste.

De 1922 à 1938, les relations franco-italiennes évoluaient au gré des circonstances et des initiatives du gouvernement de Rome. Elles passaient par des phases successives de tension et de détente. Elles étaient empoisonnées par une innovation mussolinienne : la revendication lancinante de terres françaises. Elles n’étaient jamais officiellement désignées, mais toujours suggérées par des campagnes de presse, des manifestations à la spontanéité programmée, des travaux qui se voulaient scientifiques ou des déclarations de dignitaires fascistes.

J-L. Panicacci a relevé les pics de ces accès de fièvre du nouvel irrédentisme. Ils s’expliquaient par un changement de majorité parlementaire en France en 1924 ou par de nouvelles orientations de la politique étrangère de l’Italie, en 1926 et surtout en 1933, avec l’arrivée de Ciano au ministère des Affaires étrangères7.

Le Comté de Nice figurait toujours en bonne place dans la revendication fasciste. Il est évidemment possible d’en trouver l’origine dans l’incontestable blessure des coeurs piémontais ressentie en 1860. Le 28 mars, l’ancien intendant royal à Nice, le Comte Théodore de Santa Rosa écrivait au syndic de la ville, François Malausséna : “En Piémont, on sent vivement le sacrifice grave que nous faisons en perdant nos concitoyens de Nice, tandis que de la Savoie on ne parle pas”.

La nostalgie niçoise justifiait dans les manuels, rédigés conformément aux programmes ministériels du 10 octobre 1867, la place du Comté parmi les terres d’Italie “sous la domination de la France”8. Il est vrai que, refusant d’exploiter les difficultés des années 1870-1871, le gouvernement de Rome n’avait pas apporté son soutien aux Niçois favorables à la remise en cause des effets de plébiscite de 1860. Les responsables italiens abandonnaient dès lors, par prudence diplomatique, toute pression officielle irrédentiste, laissant à d’autres le soin de la faire éventuellement resurgir.

En 1915, profitant des nouvelles conditions internationales, la députation provinciale de Cunéo votait une motion demandant une rectification de la frontière. Elle permettait l’annexion du canton de Breil et l’appropriation du cours de la Roya. Elle était publiée par La Stampa, le journal de l’influent Giovanni Giolitti et évoqué par l’ambassadeur d’Italie à Paris au cours d’un entretien avec Aristide Briand. Ce dernier était morigéné par le Président Poincaré. Le chef de l’État lui rappelait que “la cession totale ou partielle d’une canton français révolterait l’opinion publique”. Les conseils municipaux de Fontan, de Saorge et de Breil, “douloureusement” impressionnés avaient rejeté la prétention italienne, localement renouvelée en 1917, puis momentanément oubliée.

L’avènement du fascisme, les rodomontades mussoliennes allaient raviver et exacerber un irrédentisme somnolent et replacer la frontière franco-italienne sur le Var.

Il se nourrissait de la présence d’une forte colonie italienne (100.000 personnes en 1939) implantée surtout dans les villes du littoral et de l’apparition “spontanée” dans les provinces de la péninsule de “Gruppi d’Azione Nizzarda”. Ils étaient censés manifester l’existence d’un courant populaire et d’un mouvement d’opinion capable de sous-tendre la “légitimité” des exigences fascistes.

Le roi Victor Emmanuel III s’en réjouissait. Il avouait en 1934 à son aide de camp, le général Silvio Scaroni : “Eh oui ! Il ne faut jamais laisser tomber des questions comme celles de Nice... Il n’y a rien à faire pour le moment, mais on ne sait jamais. Les situations peuvent changer”.

En 1938, à Munich, Mussolini prenait conscience de la faiblesse, de la pusillanimité, de l’irrésolution de la France. Elle devenait la cible privilégiée. Le coup était porté le 30 novembre 1938. Le nouvel ambassadeur, François Poncet, accrédité la veille, était invité à assister à l’une des dernières séances de la Chambre des députés qui allait devenir celle des faisceaux et des corporations.

Le Comte Ciano devait y exposer les grandes orientations de la politique étrangère de son pays. L’arrivée théâtrale de Mussolini chauffait la salle. Au moment où Ciano prononçait la phrase attendue : “Nous entendons défendre, avec une inflexible fermeté, les intérêts et les aspirations naturelles du peuple italien”, les députés se levaient en criant : “Tunisie, Djibouti, Corse, Nice”.

Ils dévoilaient ainsi au représentant de la République française le contenu des “aspirazioni naturali”. François Poncet quittait la tribune diplomatique. Il était attendu, devant l’édifice, par un comité d’accueil dont les membres reprenaient les mêmes cris.

Le Ministre de Suisse interprétait, pour son gouvernement, le sens donné par les Italiens à l’incident auquel il avait assisté :
“Il y a un pays avec lequel nous avons encore des comptes à régler, un pays vis-à-vis duquel nous n’éprouvons jusqu’à nouvel ordre, qu’une réserve hostile et dont nous voulons des concessions : c’est la France”.

Pour Romain Rainero, la guerre se présentait avant tout, comme l’aboutissement obligé d’une politique d’hostilité inaugurée avec le discours de Ciano du 30 novembre 1938 à propos des revendications territoriales”12.

Le Duce arrêtait sa décision dans son memorandum secret du 31 mars 1940 :
“Le problème n’est pas tellement de savoir si l’Italie entrera ou n’entrera pas en guerre, car l’Italie ne pourra faire autrement qu’entrer en guerre. Il s’agit de savoir quand et comment ; il s’agit dans les limites de l’honneur et de la dignité de retarder le plus possible notre entrée en guerre pour s’y préparer de telle façon que notre intervention soit déterminante”.

L’effondrement de l’armée française, après la percée de Serdan, oblige Mussolini à entrer en guerre, le 10 juin 1940, hors des “limites de l’honneur et de la dignité”. Le lendemain, “l’Éclaireur de Nice”, qui fut pourtant indulgent à l’égard de l’Italie fasciste tout au long des années 193014, titrait : Le coup de poignard dans le dos : l’Italie entre en guerre aux côtés des Barbares contre ses anciennes alliées”.

L’inquiétude gagnait la population des Alpes-Maritimes. L’ultime tentative italienne, “l’offensive de la Riviera”, lancée le 21 juin, pour percer le secteur fortifié et occuper le littoral, tournait court en raison de la résistance du XVe corps d’armée. La convention de Villa Incisa du 24 juin tenait compte des réalités du terrain. Seuls les territoires conquis dans les Alpes Maritimes : 6750 hectares, dont les communes de Menton et de Fontan, 22.820 habitants, seraient occupés.

Cette générosité italienne n’était qu’apparence. Mussolini était persuadé que la guerre était finie et que très vite l’heure des comptes définitifs sonnerait avec l’ouverture des négociations de paix voulue par Hitler. Or la guerre durait et les annexions attendues tardaient à se réaliser. Dans cette perspective, le 11 novembre 1942 était, pour les irrédentistes, un “événement inouï”, une “divine surprise”. Elle permettrait enfin de saisir la proie niçoise.

En revanche, pour les originaires de l’ancien Comté, unanimes dans le rejet des prétentions fascistes, l’occupation de Nice, reflet d’une illusion, était une erreur historique.

Source : Paul Isoard, « Le 11 novembre 1942 », Cahiers de la Méditerranée, vol 62, «L'évènement dans l'histoire des Alpes-Maritimes », mis en ligne le 27 octobre 2004.

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Message  momotou 25/1/2007, 21:46

merci pour ces precieux renseignement pouce

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Message  Norman-Cota 25/1/2007, 22:21

Wouahh mais il est tard, donc la lecture sera reportée à demain ... Mais ça à l'air pas mal du tout !
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Message  bandofbrother 20/2/2012, 22:41

lecture intéressante, Ch'ti et donc venant d'une région marqué par ce conflit, vivre à Nice me pousse très logiquement à m'intéressait à l'Histoire du département et de la Ville. Je me rends compte que la Ville de Nice a eu position stratégique durant ce conflit.

Cette lecture m'a permis de faire le plein de connaissances et de renseignements pouce

Merci













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Message  alderome 9/5/2012, 22:36

Les Alpes-Maritimes avaient une forte concentration d'Italiens qui demeurèrent fidèles à la France, en général, d'autant plus qu'il y avait beaucoup de fuoriusciti (exilés politiques) et aussi pour raison économique.
Les autorités fascistes avaient des organisations pour promouvoir la mère-patrie, avec des colonies de vacances gratuites en Italie (Pise). Des cours étaient dispensées au travers de la société Dante Alighieri et des Case d'Italia, nombreuses dans le département. En octobre 39, elles furent fermées. Les Italiens, à l'instar des exilés espagnols furent enfermés dans les camps comme Vernet dans l'Arriège et ainsi fasciste et fuoriusciti se retrouvèrent enfermés dans les mêmes geôles françaises.
ALEX
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