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Le caractère de Reinhard Heydrich

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Le caractère de Reinhard Heydrich Empty Le caractère de Reinhard Heydrich

Message  eddy marz 5/5/2009, 11:20

Bonjour à tous;

Puisque nous avions plus ou moins abordé le thème ardu de la personnalité de Reinhard Heydrich, dans le thread sur le « Drame de la Jalousie », je me proposais d’aller faire un petit tour par là… (les sources seront en fin d'article, comme d'habitude). Bien entendu, Kalendeer sait déjà tout cela, mais j’espère qu’elle acceptera (peut-être) de venir y mettre son grain de sel… Je pense qu’il convient – comme pour toute étude d’un personnage historique – de s’écarter des mythes officiels, des généralisations « fourre-tout » moralement satisfaisantes de l’Histoire « mainstream », afin de mieux considérer et interpréter les détails révélateurs en présence. Il y a beaucoup plus de fils dans la complexe construction mentale d’Heydrich que ceux habituellement perçus au travers de portraits standardisés du « monstre » glacial prenant sa revanche sur le monde, d’une implacabilité technocratique sans égale, et de « l’Incarnation du Nazisme »… D’un autre côté, les témoignages de personnes l’ayant côtoyé – qu’il s’agisse de Schellenberg, de Lina Heydrich elle-même, ou de quelques autres – doivent être pris pour ce qu’ils sont : des témoignages fournis à travers des points de vue plus que particuliers. Il ne nous reste plus, à nous pauvres chercheurs amateurs, qu’à faire la part des choses. Lors de ses funérailles, Adolf Hitler le décrivit comme der Mann mit dem eisernen Herzen (« L’Homme au Cœur de Fer »), mais il semble évident que cette formule n’était qu’un élément de rhétorique de plus, destiné à placer – au bénéfice du peuple – Heydrich dans le panthéon des héros et martyrs de la cause Nationale Socialiste.

Reinhard est né en 1904, dans une bourgade de Saxe : Halle an der Salle. Deuxième enfant (sur 3) de Bruno Heydrich, chanteur et compositeur mineur d’origine modeste, admirateur de Wagner, ayant réussi par ses propres moyens – et par un fructueux mariage avec Elizabeth Kranz, fille d’une famille de musiciens prospères de Dresde – à accéder à la moyenne bourgeoisie.

Malgré cette réussite, Bruno Heydrich éprouve tout de même de sérieuses difficultés à gravir l’échelle sociale et, surtout, à faire reconnaître son talent (qui ne semble pas avoir été remarquable). Tous connaissent la polémique issue des prétendues origines juives d’Heydrich, sur laquelle je ne m’appesantirais pas. Il suffit de savoir que ces rumeurs étaient sans fondements, et uniquement dues au fait que sa mère s’était remariée avec un serrurier du nom de Süss. Ce dernier n’était pas Juif, mais le nom « Süss » était porté par beaucoup de Juifs allemands, et donc par association… Un autre problème religieux se posait à Bruno ; il était en fait catholique dans un univers protestant et, pour couronner le tout, traditionnellement antisémite. Dans le climat hybride de « Darwinisme Social », de Positivisme, et d’ultra nationalisme, sévissant à l’époque, Bruno adhère aux théories racistes de Houston Chamberlain (autre admirateur de Wagner), et les enseigne à ses enfants.

Mais les rumeurs de l’origine juive de Bruno persistent. Les enfants, Maria, Reinhard, et Heinz, en pâtissent à l’école. Coups, injures, humiliations, frappant surtout les deux garçons, et créant – peut être ou sans doute – un grand sentiment d’infériorité chez le jeune Reinhard. La situation se dégrade tellement qu’en une occasion, Heinz, le frère cadet, brandira un couteau à l’école pour se défendre…

Peut-être qu’Heydrich ne fut jamais totalement convaincu que les rumeurs étaient sans fondements ; peut-être resta-t-il éternellement incertain quant à ses origines. Bien sûr, ce ne sont que des hypothèses ; nous ne pouvons le savoir. Une chose est pourtant certaine, sa scolarité le marqua de façon indélébile. Une de ses connaissances racontera plus tard qu’adolescent, il évitait les confrontations directes, et tentait de dépasser ses congénères en brillant dans la salle de classe ou en excellant au sport. Il était ombrageux et solitaire, mais exprimait déjà une immense énergie et une volonté féroce de réussite… Une réaction assez habituelle chez nombre d’enfants frappés d’ostracisme.

Dans le chaos suivant l’armistice de 1918, Bruno Heydrich se rallie aux forces paramilitaires antisémites et anti-communistes, les Freikorps. Âgé d’à peine 15 ans, Reinhard rejoint le Märacker Freikorps qui sera responsable d’affrontements sanglants à Halle, Magdebourg et Dresde, pendant le printemps 1919. Heydrich affirma plus tard qu’il n’aurait servi qu’en qualité d’estafette, mais il est presque certain que ses ordres prévoyaient la dénonciation de « rouges » locaux – un préambule, en quelque sorte, à sa carrière dans le SD…

Lorsque les Freikorps continuent leur route, Bruno et Reinhard rejoignent un groupe de Volontaires pour la Défense de Halle, entraîné et armé par le Märacker Freikorps. Parallèlement, Reinhard Heydrich s’inscrit au Deutscher Schutz und Truzbund, une organisation violemment nationaliste et antisémite, dont le blason affiche un bluet et un swastika ainsi qu’une maxime : Nous sommes les Seigneurs de la Terre. D’après certains dires, Bruno Heydrich aurait déclaré que l’appartenance de Reinhard à cette organisation n’aurait servie qu’à « sortir le squelette du placard familial » : « Le vieux Heydrich ne peut être Juif, ayant un fils aussi sauvagement antisémite »… Mais il s’agit, bien entendu, plus que d’un simple camouflage protecteur ; c’était un pas en avant naturel pour un jeune homme ayant été abreuvé son enfance durant de thèmes Völkisch et racistes. Nous pourrions, à ce stade, argumenter que l’expérience vécue et subie d’une scolarité douloureuse, de la Défaite, puis de la Révolution, confirmèrent sans doute tous les préjugés qu’il avait ingurgités pendant son enfance, et contribuèrent à faire de lui un ultranationaliste.

La crise touche durement la famille Heydrich et, malgré tous ses efforts, Bruno n’obtient aucune aide de l’état, et se retrouve dans l’impossibilité d’assurer des études universitaires pour ses enfants.

Reinhard Heydrich s’engage donc dans la marine le 30 mars 1922, à l’âge de 18 ans. Contrairement à l’idée reçue, la marine jouissait d’un statut social haut de gamme auprès de la bourgeoisie en Allemagne Impériale ; elle était considérée comme un service hautement technologique, offrant des possibilités de carrières à de jeunes talents issus de cette même bourgeoisie, éduqués, et désireux de servir leur pays. Il paraît donc normal – compte tenu de son itinéraire – que la marine ait attiré le jeune Reinhard : La promesse d’une forte identité « d’Officier et de Gentleman », nettement plus attrayante qu’un futur incertain et anonyme à Halle.

Mais la marine est, elle aussi, « impeccablement nationaliste » et terriblement sélective, refusant les Juifs ainsi que les couches sociales « inférieures » au rang de cadets. Apparemment, Heydrich en souffre terriblement, se referme sur lui-même, présente une image « introvertie » et solitaire, c’est en tout cas ce qui ressort de la lecture des divers témoignages disponibles. Le drame du père devient, à son tour, celui du fils. Un de ses camarades d’école témoignera plus tard que « Son complexe au sujet d’une prétendue ascendance Juive doit être pris en compte. Il voulait toujours être plus « Nordique » que tout le monde. D’où son attirance pour une marine « Nordique». Un membre du groupe de cadets auquel il appartient se souviendra : « Aux yeux de notre promotion, Heydrich était plus ou moins considéré comme un Juif car un autre membre du groupe de Halle nous avait raconté que sa famille s’était précédemment nommée Süss ». Reinhard écope du surnom de « Moïse Blond »…

Suite...

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Message  eddy marz 5/5/2009, 11:32

Suite...

De façon prévisible, Heydrich met, comme lorsqu’il était petit garçon à l’école, tout en œuvre pour briller, autant dans ses responsabilités et devoirs que dans ses activités personnelles, afin de surmonter ce handicap social. Il témoigne d’une grande aptitude pour les aspects technologiques de la marine et, en 1926, est muté aux transmissions, où il reste le restant de sa carrière navale. Parallèlement, et malgré une aversion pour les cultures étrangères, il étudie les langues, et passe haut la main ses examens en anglais, en français, et en russe. C’est quelqu’un doué d’une grande faculté de concentration et d’assimilation. Il a une mémoire prodigieuse (comme en témoigneront Walter Schellenberg et Eugen Dollmann), et c’est un sportif de calibre olympique. D’ailleurs, ces réelles qualités ne passent pas inaperçues aux yeux de ses supérieurs. Il est sélectionné pour l’équipe de pentathlon, et envoyé à l’école militaire sportive de Wunsdorf (où il se casse deux fois le nez lors d’accidents d’équitation). Heydrich participe à de très nombreux évènements sportifs, mais ne joue que pour gagner ; il a une horreur quasi-pathologique de la défaite, et c’est à partir de cette époque qu’il commence à se faire remarquer de façon négative, en adoptant de temps à autre une attitude « indigne d’un gentleman ». Par exemple, éliminé lors des matchs préliminaires d’un tournoi d’escrime à Dresde, fou de rage, il jette son sabre à terre, et se fait durement remettre à sa place par les juges…

Côté loisirs, et mis à part le sport, Reinhard s’intéresse au violon (il ne se débrouille pas trop mal), et lit avidement des romans d’espionnage. Il apprécie également la littérature politique, et devient convaincu que la Droite Radicale représente l’unique salut de l’Allemagne.

En 1923, alors qu’il navigue à bord du croiseur Berlin, il se lie d’amitié avec le 1er officier : Wilhelm Canaris. Tous deux haïssent la république de Weimar et adorent la musique. L’amitié de cet officier supérieur, mélomane et bien introduit dans les cercles nationalistes, n’a pu que rassurer et flatter l’insécurité sociale de ce jeune homme mal à l’aise. Reinhard est souvent invité chez Canaris, et joue avec Erika, la femme de ce dernier, elle-même violoncelliste. Je ne rentrerais pas dans la relation Heydrich-Canaris, mais les chemins des deux hommes se recroiseront, et nous pouvons affirmer que la rencontre de 1923 fut d’une importance capitale pour la carrière de Reinhard.

Après six ans en mer, Reinhard Heydrich est promu 1er Lieutenant et muté à Kiel, dans la section des Communications. Cette promotion prouve la confiance qu’ont en lui ses supérieurs et, bien entendu, éclaire son orthodoxie politique. On ne sait pas grand-chose de ses activités durant cette période, mais il semble peu probable que son rôle ait été limité à un simple officier de signalisation. La version officielle nazie raconte qu’en 1928-31 il était attaché au contre-espionnage naval. En l’absence de preuves du contraire, cette proposition est plausible. Certaines cellules top secret, comme le B-DIENST étaient basées à Kiel lorsque Heydrich y était en poste…

Donc, Reinhard semble s’être destiné à une carrière dans la Marine. Convaincu que cette carrière atteindrait des sommets en cas de guerre, il se prend à rêver de devenir Amiral. L’adolescent gauche et chevalin s’est transformé en homme au physique aryen rêvé : yeux de loup en meurtrières, grand, athlétique, et vêtu d’un prestigieux uniforme.
Seul bémol : des hanches un peu larges – quasi féminines, et une voix trop haut perchée chez un homme de cette corpulence. D’après ses collègues du SD (voir Schellenberg), loin de prêter à rire, sa voix insufflait à l’ensemble du personnage une expression dérangeante. Mais notre jeune et ambitieux lieutenant a une faiblesse de taille, qui ne va pas tarder à créer un conflit avec ses supérieurs : Le sexe. Un insatiable appétit pour le sexe. Heydrich est ce que nous appelons dans le monde anglo-saxon un « womanizer » ; il est perpétuellement en chasse ; passe de conquêtes en conquêtes. Cependant, d’après la quasi-totalité des témoignages, le manque de correction d’Heydrich ne se limitait pas uniquement aux terrains de sports, mais également aux femmes. Apparemment, il ne se comporta jamais en gentleman avec elles… Pourquoi ? Parce que Heydrich ne supporte pas d’être éconduit en quoi que ce soit ; il lui faut conquérir, dominer, prouver sa supériorité en tout. Les femmes y compris. Cette attitude détestable (pour notre culture du début du XXIe siècle) est probablement, et en partie, due à son éducation socio-darwiniste de « lutte pour l’existence »… Un officier de marine se souvient : « Nous étions invité au Club Allemand, à Barcelone ; il y avait tout le gratin. Heydrich a rencontré une jeune femme au pedigree impeccable et s’est promené avec elle dans les jardins. […] Il se comporta tellement mal que la jeune femme le gifla. Rouge de colère, il vint se plaindre à moi. […] Lorsque je lui dit ‘Vous l’avez mérité’, il quitta la soirée… ». La jeune femme porte plainte, et Heydrich est contraint à lui présenter des excuses, évitant ainsi une procédure officielle.

En décembre 1930, lors d’un bal, Reinhard rencontre Lina von Osten, alors interne dans un collège de formation d’enseignants à Kiel. Après seulement quatre rendez-vous, Heydrich lui demande de l’épouser. Le père de Lina n’est qu’un modeste instituteur sur l’île de Fehmarn (Baltique), mais sa famille peut revendiquer une souche aristocratique – ce qui n’était pas pour déplaire à Reinhard. Pour Lina, ardente sympathisante du NSDAP (son frère également), un officier de marine représente plutôt une belle prise, lui offrant à son tour le prestige auquel elle estime que sa famille a droit. Les Von Osten sont, eux aussi, férocement nationalistes et antisémites… Une alliance parfaite. Les deux tourtereaux sont officiellement fiancés en janvier 1931. Trois mois plus tard, le rêve de Heydrich – devenir un jour Amiral – vole en éclats… Arrivant à Kiel pour un nouveau trimestre, Lina est accueillie à la gare par Reinhard qui, assez agité, lui annonce qu’une chose terrible est arrivée. Il est sommé de comparaître devant une Cour d’Honneur Navale afin de répondre d’une accusation de « violation de promesse »…

D’après Heydrich, il rencontra une fille lors de la régate de Kiel. Cette dernière serait apparue dans ses appartements, un soir, demandant à être hébergée pour la nuit. Rien ne se serait passé entre eux, mais le père aurait exigé le mariage afin de préserver l’honneur de sa fille. Non sans difficultés, Lina accepte la version de Reinhard. Mais elle se demande tout de même comment un incident aussi insignifiant pourrait constituer une « promesse de mariage »… Amer, Reinhard répond : « Tu ne connais pas la Marine… ». La Cour, quant à elle, ne l’entend pas de cette façon. Les témoignages tendent à prouver qu’Heydrich aurait invité la fille chez lui sous prétexte que les hôtels de Kiel étaient trop chers : « Elle accepta par nécessité, mais dû repousser ses avances ». De plus, la fille avait d’excellentes relations, ce qui n’était pas pour arranger les choses. Son père était surintendant des docks navals de Kiel, et un ami personnel de l’amiral Raeder (connu pour son étroitesse d’esprit et son inflexibilité). Lors de l’audience, Heydrich tente de dédramatiser la situation, bafouant avec arrogance le code d’honneur de la marine, et se mettant automatiquement les magistrats à dos. Il est renvoyé de la Marine Allemande en avril 1931. Au moment le plus fort de la Dépression, il se retrouve au chômage comme plus de 5 millions d’Allemands ; ni un officier… ni un gentleman.

De retour à Halle, Reinhard s’enferme dans sa chambre et pleure. Des années plus tard, Lina se souviendra : « Son congédiement de la Marine fut la plus grosse déception de sa vie. […] Ce n’était pas l’aspect financier qui lui pesait, mais le fait que chaque fibre de son corps s’accrochait à une carrière d’officier ». Elizabeth, la mère de Heydrich, accuse Lina d’être responsable de la catastrophe ; leurs relations demeureront toujours glaciales. Quant au clan von Osten, il commence à douter du bien fondé d’un mariage. Mais Lina refuse de briser les fiançailles. Bien sûr, un mariage est impossible si Reinhard ne retrouve pas de travail. Au début, il place ses espoirs dans un appel du jugement de la Cour d’Honneur, mais le verdict est confirmé. Il fait quelques tentatives pour s’enrôler dans la Marine Marchande, mais, compte tenu de la crise, aucune opportunité ne se présente. De plus, son congédiement de la Marine militaire ne joue pas en sa faveur. Le Hanseatic Yacht Club lui propose un poste d’instructeur et un bon salaire, mais Heydrich n’y songe même pas. C’est en dessous de lui ; jamais il ne deviendra un civil, instructeur de gosses de riches. Il a la nostalgie de la vie militaire, et continue de s’accrocher à ses rêves d’officier… Que faire ?

À cette époque, Reinhard Heydrich a au moins un contact au sein du NSDAP, en la personne de Karl von Eberstein, avec qui il correspondait lors de son service dans la marine, et qui était alors Chef de la SA de Munich et de Haute-Bavière. Sans doute les harangues antisémites de bas étage du parti nazi, ainsi que la philosophie de lutte pour l’existence, touchent-elles une corde sensible dans l’éducation de l’officier déchu. D’ailleurs, depuis 1930, il exprime ouvertement, et de plus en plus fréquemment, son approbation d’Hitler ; il commence à le considérer comme le seul sauveur possible de l’Allemagne. Heydrich se tourne donc vers le nazisme… pour sauver la Nation. Mais peut-être aussi pour sauver sa propre carrière. Il demande à von Eberstein – maintenant membre du staff d’Himmler – de glisser quelques recommandations au Parti en sa faveur… En juin 1931, Reinhard s’inscrit au NSDAP (n° 544.916). Il rejoint les SA de Hambourg, et participe à de sanglants combats de rue anti-communistes. Mais cette « concession » – la fréquentation obligée de soudards vulgaires et de tavernes enfumées – n’est que temporaire ; Reinhard vise autre chose. Il attend que l’influence de von Eberstein permette son transfert à la SS. Car non seulement le fait d’appartenir à cette nouvelle « aristocratie » remplacerait avantageusement une carrière d’officier, mais les critères de sélection aryens balayeraient tous soupçons d’appartenance à la « race juive » qui le poursuivent depuis son enfance…

Une entrevue avec Himmler est finalement arrangée à Munich. Mais, alors qu’Heydrich fait ses valises, un télégramme de von Eberstein arrive, annonçant qu’Himmler est très enrhumé ; le rendez-vous est remis à une date indéfinie. Heydrich panique. Mais Lina lui conseille de forcer la main du Reichsführer SS. Heydrich envoie un télégramme à von Eberstein pour le prévenir, et prend le train pour Munich le soir même.

Plus que mécontent, von Eberstein emmène Heydrich à la ferme d’Himmler, aux environs de Munich. Himmler aussi est mécontent de voir cet arrogant petit arriviste sur le pas de sa porte. Il ne perd pas de temps en civilités, et informe Heydrich qu’il a 20 minutes pour dresser le schéma d’un nouveau Service Secret SS. La tâche ne présente aucune difficulté pour Heydrich. Himmler est tellement impressionné qu’il l’engage séance tenante.

À partir de cet instant, Heydrich va offrir à Himmler une obéissance aveugle, aux antipodes de son caractère habituel. Les détails honteux de son congédiement de la Marine sont rayés de son dossier SS et, dans l’espoir de gagner l’estime des « vieux combattants » du Parti, Reinhard affirmera toujours avoir été expulsé pour activités pro-nazies. Son ascension est rapide (il est promu Standartenführer SS (colonel) dés juillet 1932), et sa position sociale désormais assurée (malgré des revenus encore faibles et irréguliers). Il épouse Lina von Osten à la Noël 1931. Heydrich a, depuis longtemps, tourné le dos à l’éducation catholique de son enfance, et un mariage protestant ne lui pose aucun problème… L’église est décorée de croix gammées, et le service assuré par un pasteur. L’orgue de l’église entame le « Horst Wessel Lied », le chant antisémite des SA. Lina emménage à Munich avec son mari, et s’emploie désormais à devenir l’épouse et mère nazie idéale. Il semble que Lina et Reinhard aient eus une relation très amoureuse (le sexe et le pouvoir, communes passions, n’entraveront pas le romantisme de leur union, bien au contraire), contrairement à toutes les rumeurs. Il suffit de lire les contenus de leurs correspondances pour s’en assurer…

Voici donc le passé (grosso modo) de Reinhard Heydrich jusqu’à son entrée à la SS (nous pourrons discuter de sa carrière SS dans d’autres posts). Comme nous l’avons vu, l’homme « au cœur de fer », le technocrate de l’assassinat, est un personnage complexe, issu d’une histoire familiale troublée, dans une époque troublée. Et c’est probablement là qu’il faut chercher les possibles explications (sans jamais prétendre les trouver totalement) de son comportement ultérieur…


Le caractère de Reinhard Heydrich Marte_10
Lina Heydrich (à droite) et sa fille Marte (née après l’assassinat de son père) dans les années 60. Nous remarquons chez Marte plus qu’une simple ressemblance avec Reinhard Heydrich.


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Sources:

- Günther Deschner Heydrich ; the Pursuit of Total Power London 1981

- Lina Heydrich Leben mit einem Kriegsverbrecher – Pfaffenhofen, 1976.

- Keith W. Bird Weimar, The German Naval Officer Corps and the rise of National Socialism Amsterdam 1977)

- Shlomo Aronson Reinhard Heydrich und die Frügeschichte von Gestapo und SD DVA, Stuttgart, 1971.

- Max Williams Reinhard Heydrich. The biography, vol. 1 : Road to War Ulric Publishing, Church Stretton, 2001.

- Heinz Höhne L’Ordre Noir ; Histoire de la SS – Casterman, 1968

- Peter Padfield Himmler ; Reichsführer SS – Papermac, 1995


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Message  Jules 5/5/2009, 13:22

Merci pour ce superbe post, monsieur Eddy.
Je suis d'accord avec toi lorsque tu parles d'Heydrich comme d'un être complexe. À la lecture de cette "mini-biographie", pour moi ça ne fait aucun doute : la "cassure" s'est produite lorsque Reinhard fut "viré" de la Marine. Elle est comparable au rejet dont fut victime Hitler à l'Académie des Beaux-Arts.
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Message  eddy marz 5/5/2009, 13:54

Merci, Jules... Tu as raison, je pense, en ce qui concerne sa réaction d'adulte, et l'importance cruciale de son congédiement de la Marine comme détonateur/révélateur. Mais je ne puis m'empêcher de penser que les "automatismes" de ses raisonnements sont enfouis dans les expériences (conscientes ou non) de son enfance. Hitler est issu de la rue. C'est un agitateur, un tribun - quelqu'un dont les certitudes remontent à l'adolescence (et c'est d'ailleurs ce qui lui permettra de progresser à travers ses années de vagabondage). Même si la volonté de pouvoir est similaire chez les deux, Heydrich semble nettement plus fragile et, en même temps, plus calculateur (peut-être à cause de son penchant pour la discrétion, lui-même sans doute dû à sa panique d'être identifié comme Juif...).
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Message  Phil642 5/5/2009, 14:32

Pour ma part je pense que son ambition à vouloir accéder à la classe sociale supérieure, à vouloir réussir en tant qu'officier, son manque de scrupule et l'ascension du nsdap à une époque où des cadres étaient recherchés sont une conjonction d'éléments explicatifs.

Je pense que son enfance a posé des jalons mais les circonstances ont davantage jouées en sa faveur.

Le fait qu'il soit devenu un des assassins les plus efficace est à trouver dans le "boulot" qu'il a dû faire par la suite. Son ambition était plus que suffisante que pour lui faire faire n'importe quoi, surtout pour ceux qui pouvaient lui assurer une position sociale acceptable par lui.

Amicalement,



Phil


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Message  thex 5/5/2009, 14:36

A noter également qu'il n'aimait que les sports individuels, où il ne devait pas partager la victoire avec d'autres ( ce qui n'empeche pas des sports d'équipes comme l'escrime mais il combatait seul, mais pas des sports tels que le foot par exemple)

Maintenant je pense que même maintenu dans marine, il aurait surement adhéré au parti nazi comme probablement un complément.
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Message  Yeoman 35 5/5/2009, 14:37

Très bon article. Pertinent et bien documenté.
Félicitations.
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Message  Kalendeer 5/5/2009, 16:16

eddy marz a écrit:Bien entendu, Kalendeer sait déjà tout cela, mais j’espère qu’elle acceptera (peut-être) de venir y mettre son grain de sel…

Ah non, je savais pas tout, loin de là mort de rir gri je suis une étudiante fauchée donc la très très grande majorité de mes sources sont sur internet, donc pas forcément fiable, jamais vraiment complet ou détaillé. Le reste, c'est de la pure déduction de rôliste (et c'est honteux et pas professionnel, je sais...) C'est pour ça que j'adore tes articles, toujours plein de petits détails très inspirants, complet et bien entendu, basé sur des ouvrages sérieux sur lesquels je pourrai me jeter quand j'aurai des sous (ou quand ma mère arrêtera de croire que lire des trucs sur Heydrich va me faire pousser le nez et des cheveux blonds). Tu es ma référence pouce gri

Une des rares informations que j'ai et dont tu n'as pas parlé, et que je pense être fiable (elle provenait d'un extrait de livre en ligne, d'un historien apparemment respectable, ce qui me fait dire qu'il faut absolument que je fasse du rangement dans mes favoris un de ces jours pour retrouver la page ; je crois qu'il s'agissait d'un chapitre d'une biographie de Canaris), était que le père d'Heydrich était quelqu'un de très strict. L'ambiance à la maison n'était vraisemblablement pas propre aux débordements d'affection et le jeune Reinhard n'y aurait donc pas trouvé le décors idéal pour se remettre de ses péripéties scolaires.

Le livre le décrivait également, lorsqu'il se trouvait dans la marine, comme d'un comportement assez erratique : tour à tour méprisant et obséquieux, ses changements d'humeur comme les humeurs en question agaçaient ses camarades. Ses origines catholiques et surtout son goût pour la musique classique lui auraient aussi attiré quelques moqueries. Enfin, la biographie indiquait que c'était par "pitié pour un jeune homme solitaire" que Canaris lui aurait prêté attention au départ, avant qu'il ne vienne très régulièrement jouer du violon chez lui. Quant à savoir s'il s'agissait d'une figure de style de la part de l'auteur de la biographie ou s'il avait des preuves à ce propos, je ne saurais le dire, notamment parce que la page des sources faisait partie des 90% du livre indisponibles à la lecture gratuite.


Comme d'habitude, merci pour l'article. Eddy Marz est mon gourou, pour reprendre une private joke que seuls mes co préparationnaires comprendraient pleinement, mais qui est évidemment élogieuse pouce gri
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Message  eddy marz 5/5/2009, 16:41

Good evening, Kal;

Thank you for your very nice comments.

je crois qu'il s'agissait d'un chapitre d'une biographie de Canaris), était que le père d'Heydrich était quelqu'un de très strict. L'ambiance à la maison n'était vraisemblablement pas propre aux débordements d'affection et le jeune Reinhard n'y aurait donc pas trouvé le décors idéal pour se remettre de ses péripéties scolaires.

D'après mes sources (en particulier Günther Deschner et Max Williams - dans les sources citées ci-dessus), il semblerait que c'était surtout Elizabeth, la mère, qui était disciplinaire. Elle n'hésitait pas à fouetter les enfants lorsque ces derniers passaient la mesure (ceci dit, le fouet - le "martinet" en France - a fait partie de l'appareillage parental au moins jusqu'au début des années 60).

La biographie en 2 tomes, par Max Williams. Si jamais tu es en Angleterre... (environ £ 40 pièce... je sais, je sais...):

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Message  thex 5/5/2009, 18:05

eddy marz a écrit:

D'après mes sources (en particulier Günther Deschner et Max Williams - dans les sources citées ci-dessus), il semblerait que c'était surtout Elizabeth, la mère, qui était disciplinaire. Elle n'hésitait pas à fouetter les enfants lorsque ces derniers passaient la mesure
Eddy
clin doeil gri

Exacte. Le père était plutot un homme qui cherchait la reconnaisance et la gloire, la mère cherchait plutot a éduquer ses enfants d'une manière rigoureuse et stricte. Heydrich tient ces même caractéristiques ( je ne sais pas comment il éduquait ses enfants, mais dans son travail il était très exigeant et strict).

En revanche c'est qui est amusant c'est qu'il détient des caractéristiques contraires de ses parents. Son père était franc maçon et Heydrich détestera et combatera la franc maconnerie. Sa mère était très catholique, il détestera le christianisme ( et toutes forme de religion) et combatera également les religions ( il se fera débaptiser ( si mes souvenirs sont bons) mais aussi avait l'intention d'infiltrer l'église allemande pour la renverser ).
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Message  navigant 6/5/2009, 19:35

Merci eddy marz pour ces excellents articles documentés.

Heydrich a choisi d'être pilote pour être seul dans un avion, dans un bombardier lourd, l'équipage aurait été sans doute terrorisé vu le pouvoir de Heydrich.

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