Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
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Phil642
le ronin
sukhoi
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eddy marz
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Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
Bonjour à tous ;
Quelques notes sur le (tristement) célèbre « Rapport Jäger »…
Le « Rapport Jäger » est sans doute l’un des plus importants documents relatifs à la Solution Finale dans la mesure où il fournit un regard précis sur les procédés utilisés par les Einsatzgruppen, et sur la mentalité de leurs membres. Le rapport fut rédigé par le Standartenführer-SS Karl Jäger, Commandant de l’Einsatzkommando 3, à la demande de son supérieur, le Brigadeführer-SS und Generalmajor der Polizei, Walther Stahlecker, Commandant de l’Einsatzgruppe A. Précis, froid, parfois ahurissant, aucun autre document existant ne présente un compte-rendu aussi détaillé de la progression et de l’escalade des tueries. Le rapport fut, à l’origine, établi en 5 copies dont seule la quatrième subsiste. Elle fut découverte en 1959 dans les archives de la Lettonie Soviétique, probablement abandonnée à Riga par les Allemands lors de leur évacuation, et saisie par les autorités militaires soviétiques.
Dans son livre, « Messages of Murder – A Study of the Reports of the Einsatzgruppen of the Security Police and the Security Service, 1941-1943 », Ronald Headland écrit :
« Le rapport de Jäger ne contient que quelques pages mais, tant pour les horreurs commises de sang froid que par la dépravation stupéfiante dont il témoigne et qui laissent le lecteur choqué et incrédule, il est sans égal parmi tous les rapports des Einsatzgruppen ».
Karl Jäger naît en Suisse, à Schaffhausen, le 20 septembre 1888. Il gagne sa Croix-de-Fer (1e Classe) durant la 1e Guerre Mondiale, rejoint le NSDAP (n° 359269) dés 1923, et s’engage à la SS (n° 62823) en 1932. En poste à Ludwigsburg puis à Ravensburg (1935), il est ensuite muté à Münster où, à partir de 1938, il prend la tête de l’Office SD local. Le 10 mai 1940, lors de l’invasion des Pays-Bas, il est nommé Commandant de l’Einsatzkommando 3, une des unités de l’Einsatzgruppe A.
Karl Jäger
Le 22 juin 1941, Adolf Hitler déclanche Barbarossa. Dés juillet, Karl Jäger et sa cohorte de tueurs SD sont expédiés à Kaunas (Kovno) ; l’indépendance de la Lituanie – annexée par l’URSS depuis 1940 – est immédiatement décrétée. Des pogroms « spontanés » éclatent un peu partout. Environ 3.800 Juifs sont exterminés par les partisans anti-communistes lituaniens dans des conditions épouvantables. Le 25 juin, à peine entrés dans Kaunas, quelques hommes d’une troupe d’avant-garde de la Wehrmacht assistent à un massacre en pleine rue (voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/crimes-de-guerre-et-contre-l-humanite-f18/le-garage-lietukis-dessous-d-un-pogrom-t6000.htm?highlight=pogrom )…
Attaché au Groupe Armée-Nord, l’Einsatzgruppe A – le plus meurtrier des quatre Einsatzgruppen – a pour mission de traquer, débusquer, et assassiner les Juifs, les Tziganes, et les Communistes des États Baltes, et de plusieurs territoires russes (jusqu’à Leningrad). Des quatre Einsatzgruppen opérant dans le sillage de la Wehrmacht lors de l’avancée allemande en URSS, la composition de l’Einsatzgruppe A est la plus connue. Au moment de l’invasion, l’Einsatzgruppe compte 990 hommes organisés en une unité « QG » et quatre sous-groupes : les Sonderkommandos 1A et 1B, et les Einsatzkommandos 2 et 3. L’Einsatzkommando 3, commandé par Karl Jäger, incorpore 141 membres, dont une auxiliaire féminine, un opérateur radio, huit traducteurs, des agents de la Kriminalpolizei, de l’Ordnungspolizei, du SD, et des hommes de la Waffen-SS…
Mais, si les pogroms, les exécutions de petits nombres, et les « actions de représailles » peuvent sans doute éliminer les petites communautés, ils ne solutionnent pas le problème des grandes villes qui détiennent la plus grosse concentration Juive. Une approche graduelle est donc envisagée. Les officiels nazis contraignent les leaders Juifs à coopérer dans le processus de « relogement » d’entières communautés Juives, c’est-à-dire de les installer dans des ghettos fermés – pour « leur propre protection ».
Le ghetto de Vilna
Début juillet 1941, L’Einsatzkommando 3 est chargé de remplacer l’Einsatzkommando 2 (commandé par le Sturmbannführer-SS Rudolf Balz) et l’Einsatzkommando 9 (attaché à l’Einsatzgruppe B), et d’assumer désormais les tueries dans le secteur Vilna-Kaunas. Cette zone contient la communauté Juive la plus grande et la plus influente des régions baltes. Grâce aux efforts de Jakob Gens, chef du Ghetto Juif de Vilna, qui n’a de cesse de ménager des arrangements avec les Allemands, il n’y règne aucune activité de Partisans… Mais, contrairement aux juristes et économistes qui commandent les autres Einsatzgruppen ou Einsatzkommandos, Jäger ne voit aucune utilité à tenter de justifier les exécutions en prétendant qu’elles répondent à des actes criminels ou des actions de Partisans ; les Juifs sont assassinés tout simplement parce qu’ils sont Juifs… Le ghetto de Vilna est rayé de la carte. À Kaunas, le 7 juillet, Jäger convoque cinq prominente Juifs, et les reçoit dans son luxueux bureau décoré de tapis inestimables… et pillés. Jäger rejette la responsabilité des violences sur les milices nationalistes Lituaniennes, et jure qu’il fera tout pour y mettre un terme. Puisque les Lituaniens ne veulent plus « vivre avec les Juifs », peut-être serait-il préférable que ces derniers s’enferment dans un ghetto dans la banlieue de Viliampole, où ils auraient « plein d’espace ». Le « relogement » des Juifs s’effectue donc entre le 15 juillet et le 15 août. Ils sont amenés et enfermés dans le « Fort n°7 », une des forteresses construite par les Czars russes. Le fort possède un large réseau souterrain de cellules en béton… La première semaine, environ 8.000 Juifs y sont battus et torturés, avant d’êtres tout simplement liquidés, à l’intérieur et à l’extérieur du fort…
Ghetto de Kaunas
Sous-sol du Fort n°7
Tout comme son « collègue », l’Obergruppenführer-SS et HSSPF Russland-Nord Friedrich Jeckeln, Karl Jäger met un point d’honneur à ce que tous ses hommes participent ; pas de tires au flanc… Bravache, il écrit : « À Kaunas, tous les commandants et hommes de mon commando ont participé aux grandes opérations de façon très active ». Seul un homme sera démobilisé pour « mauvaise santé ». D’après le rapport Jäger, le 22 août, des auxiliaires Lettons sous supervision allemande vident un hôpital psychiatrique à Daugavpils ; imperturbable, le rapport énumère : « Malades mentaux : 269 hommes, 227 femmes, 48 enfants : 544… ». Les « fous » sont acheminés par camion vers la petite ville d’Aglona, et liquidés dans des fosses. Il s’avèrera par la suite que vingt-quatre d’entre eux ne souffraient d’aucun trouble mental, et que l’autre moitié avait été transférée d’un orphelinat… Les massacres continuent, sans trêve, sans compassion. Traversant la frontière au sud, le Kommando entre maintenant en Lituanie. Le 1er décembre 1941, le rapport (dont les feuillets retrouvés en 1959 ne couvrent que 5 mois d’activité) fait état de 137.346 assassinats. Dans son résumé, Jäger déclare :
« Aujourd’hui, je peux dire que la mission de résoudre le problème Juif en Lituanie a été accomplie par l’Einzatskommando 3. Il n’y a plus de Juifs en Lituanie, mis à part les travailleurs Juifs et leurs familles, dont le total est :
- Siauliai : 4.500 env.
- Kaunas : 15.000 env.
- Vilnius : 15.000 env.
J’avais l’intention de tuer les travailleurs Juifs et leurs familles également, mais j’ai dû faire face à de nombreuses plaintes sérieuses de la part du Reichskommissar et de la Wehrmacht, qui se sont soldées par une interdiction : Ces Juifs et leurs familles ne peuvent êtres fusillés ! ».
Fin décembre, six mois après le début de l’invasion, Walther Stahlecker, maintenant Befehlshaber der Sipo und des SD pour le Reichskommissariat Ostland, peut fièrement annoncer à Berlin l’extermination de 249.420 Juifs.
Walther Stahlecker
Conformément aux ordres de Stahlecker, Karl Jäger continue de dresser un rapport détaillé des massacres perpétrés par ses troupes. Il convient toutefois de noter que Jäger n’agit pas seul. La « tâche » est immense et, bien entendu, des détachements du Sonderkommando 1b (Einsatzgruppe A) viennent lui prêter main-forte. En revanche, la réaction des Lituaniens est plus inquiétante… D’après le rapport, plusieurs assassinats en masse ont déjà été commis par les « milices » Lituaniennes avant même que l’Einsatzkommando 3 ne lance ses opérations, et ce n’est pas tout. Pendant les 5 mois couverts par le rapport, les Lituaniens continuent à collaborer avec Jäger. Cette collaboration prend la forme de rafles antisémites, de surveillance des ghettos, et de participation aux meurtres. Selon certains chercheurs, dont les affirmations provoquèrent un tollé dans les pays baltes, les Lituaniens auraient eu « des comptes à régler » avec la population Juive, particulièrement concernant leur collaboration avec les occupants soviétiques en 1940. Les Lituaniens auraient alors fourni la « motivation émotionnelle » nécessaire à l’extermination ; les Allemands se bornant à assurer l’organisation et la logistique. Ce raisonnement manichéen ne supporte pas l’analyse ; comme toujours, la vérité se trouve probablement entre les deux. Il est évident que les Allemands ne se bornèrent pas à garantir l’aspect technique de ces massacres puisque les nazis en général, et les Einsatzgruppen en particulier, avaient pour objectif fondamental d’annihiler les Juifs du continent Européen. Rien ne fut plus aisé pour eux que de s’assurer la collaboration et la complicité des groupes nationalistes, anticommunistes, et antisémites, de la population Lituanienne, qui sautèrent effectivement sur l’occasion pour « régler » leurs comptes – autant personnels que politiques…
On ne sait pas grand-chose sur Karl Jäger, son caractère, sa vie familiale… Selon le chercheur Knut Stang, Jäger est un maniaque, obsédé par les rapports détaillés et truffés de statistiques. À tel point que même ses collègues de la SIPO se moquent de lui. Jäger aurait souffert d’un complexe d’infériorité en raison d’un « passé trouble », et ressenti le besoin de se « justifier » au travers de rapports concis éclairant ses prouesses dans « l’élimination d’ennemis ». En effet, Jäger s’approprie toute la « gloire » de l’Einsatzkommando 3 et des massacres commis en Lituanie, même s’il est évident – et reconnu – qu’un très grand nombre d’assassinats furent perpétrés par les milices Lituaniennes, agissant souvent de leur propre initiative, et suivant leurs propres motivations.
Karl Jäger
Sur un total de 137.346 personnes « exécutées », 83.361 d’entre elles semblent avoir été liquidées par un petit détachement de l’Einsatzkommando 3, le « groupe mobile Hamann », sous les ordres de l’Obersturmbannführer-SS Joachim Hamann. D’après le rapport, le détachement consiste d’Hamann et de 8 à 10 membres de l’EK3, travaillant « en coopération » avec les milices Lituaniennes. Notons au passage que le rapport ne précise pas que ces milices étaient sous les ordres de Hamann ; il n’est donc pas exclu que, dans plusieurs cas, les tueries étaient commises par les Lituaniens, et que Karl Jäger, soucieux de bien faire vis-à-vis de Berlin, les annotait comme siennes…
Un autre aspect important du rapport réside dans le fait qu’il fut retrouvé dans les Archives Lettones Soviétiques, c’est-à-dire abandonné à Riga par les Allemands. Nous pouvons donc en déduire que le rapport fut expédié de Kaunas, où Jäger était en poste, à Riga, quartier général de l’Einsatzgruppe A de Walther Stahlecker, et du HSSPF-Russland Nord, Friedrich Jeckeln. Mais le rapport fut-il communiqué à Berlin ? Tout semble indiquer que non.
Le rapport est daté du 1er décembre 1941. Y sont inclus parmi le total des victimes du « groupe mobile Hamann » : 2.934 Juifs Allemands tués à Kaunas le 25 novembre, et 2.000 autres Juifs Allemands également liquidés, au même endroit, 4 jours plus tard…
Deux jours avant que Jäger ne boucle son rapport, Himmler envoie une lettre rageuse à Friedrich Jeckeln, le réprimandant vertement pour avoir agi arbitrairement et bravé les ordres en autorisant le massacre de Juifs Allemands déporté dans l’Ostland – y compris en Lettonie et en Lituanie. Il semble donc que l’extermination des Juifs Allemands de Kaunas, et d’un train entier de Juifs Allemands à Rumbula, n’avait pas été ordonnée par les autorités SS, le SD, ni même le KdF, mais fut le résultat d’un « excès de zèle » de la part de Jeckeln, de Jäger, et des hommes de la SIPO.
Friedrich Jeckeln
Nous pouvons raisonnablement en déduire que le 1er décembre, date à laquelle Jäger signe son rapport, et avant que la lettre d’Himmler n’atteigne le QG de Jeckeln, Jäger était fier d’avoir tué les Juifs Allemands, et fier également de les faire paraître dans ses « comptes », comme preuve de son efficacité. Nous pouvons aussi imaginer qu’il fit parvenir le rapport à Jeckeln, à Riga, le même jour. N’est-il pas possible alors d’imaginer que Jeckeln, après avoir reçu la lettre d’Himmler, ait décidé de ne pas transmettre le rapport à Berlin, justement parce qu’il comptabilisait des assassinats de Juifs Allemands ?
Une page du "Rapport Jäger"
Walther Stahlecker échappe à la justice, tué en URSS par des Partisans Soviétiques lors d’un engagement près de Krasnogvardyesk, le 23 mars, 1942… Friedrich Jeckeln est capturé par l’Armée Rouge, jugé par une Cour Militaire Soviétique à Riga, et exécuté le 3 février 1946.
Sous une fausse identité, Karl Jäger rentre en Allemagne, se réinsère dans la société Allemande de l’après-guerre, et travaille dans une ferme jusqu’à la découverte de son rapport, en mars 1959. Arrêté la même année, il est inculpé pour crimes de guerre, mais se suicide dans la prison de Hohenasperg avant le jugement…
Eddy
Sources :
- Klee, Ernst. Dressen, Willi, and Riess, Volker : The Good Old Days" -- The Holocaust as Seen by its Perpetrators and Bystanders, MacMillan, New York, 1991
- Krausnick, Helmut, and Wilhelm, Hans-Heinrich: Die Truppe des Weltanschauungskrieges. Die Einsatzgruppen der Sicherheitspolizei und des SD 1938-1942. Deutsche Verlags-Anstalt, Stuttgart 1981
- Stang, Knut: Kollaboration und Massenmord. Die litauische Hilfspolizei, das Rollkommando Hamann und die Ermordung der litauischen Juden. Peter Lang, Frankfurt am Main 1996
- Headland, Ronald : Messages of Murder: A Study of the Reports of the Einsatzgruppen of the Security Police and the Security Service, 1941-1943 April 1992
- MacLean, French L. : The Field Men Schiffer Military History Press (1999)
- Raul Hilberg, Perpetrators, Victims, Bystanders HarperCollins, New York (1992).
- USHMM
- Lithuanian State Archives
Quelques notes sur le (tristement) célèbre « Rapport Jäger »…
Le « Rapport Jäger » est sans doute l’un des plus importants documents relatifs à la Solution Finale dans la mesure où il fournit un regard précis sur les procédés utilisés par les Einsatzgruppen, et sur la mentalité de leurs membres. Le rapport fut rédigé par le Standartenführer-SS Karl Jäger, Commandant de l’Einsatzkommando 3, à la demande de son supérieur, le Brigadeführer-SS und Generalmajor der Polizei, Walther Stahlecker, Commandant de l’Einsatzgruppe A. Précis, froid, parfois ahurissant, aucun autre document existant ne présente un compte-rendu aussi détaillé de la progression et de l’escalade des tueries. Le rapport fut, à l’origine, établi en 5 copies dont seule la quatrième subsiste. Elle fut découverte en 1959 dans les archives de la Lettonie Soviétique, probablement abandonnée à Riga par les Allemands lors de leur évacuation, et saisie par les autorités militaires soviétiques.
Dans son livre, « Messages of Murder – A Study of the Reports of the Einsatzgruppen of the Security Police and the Security Service, 1941-1943 », Ronald Headland écrit :
« Le rapport de Jäger ne contient que quelques pages mais, tant pour les horreurs commises de sang froid que par la dépravation stupéfiante dont il témoigne et qui laissent le lecteur choqué et incrédule, il est sans égal parmi tous les rapports des Einsatzgruppen ».
Karl Jäger naît en Suisse, à Schaffhausen, le 20 septembre 1888. Il gagne sa Croix-de-Fer (1e Classe) durant la 1e Guerre Mondiale, rejoint le NSDAP (n° 359269) dés 1923, et s’engage à la SS (n° 62823) en 1932. En poste à Ludwigsburg puis à Ravensburg (1935), il est ensuite muté à Münster où, à partir de 1938, il prend la tête de l’Office SD local. Le 10 mai 1940, lors de l’invasion des Pays-Bas, il est nommé Commandant de l’Einsatzkommando 3, une des unités de l’Einsatzgruppe A.
Karl Jäger
Le 22 juin 1941, Adolf Hitler déclanche Barbarossa. Dés juillet, Karl Jäger et sa cohorte de tueurs SD sont expédiés à Kaunas (Kovno) ; l’indépendance de la Lituanie – annexée par l’URSS depuis 1940 – est immédiatement décrétée. Des pogroms « spontanés » éclatent un peu partout. Environ 3.800 Juifs sont exterminés par les partisans anti-communistes lituaniens dans des conditions épouvantables. Le 25 juin, à peine entrés dans Kaunas, quelques hommes d’une troupe d’avant-garde de la Wehrmacht assistent à un massacre en pleine rue (voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/crimes-de-guerre-et-contre-l-humanite-f18/le-garage-lietukis-dessous-d-un-pogrom-t6000.htm?highlight=pogrom )…
Attaché au Groupe Armée-Nord, l’Einsatzgruppe A – le plus meurtrier des quatre Einsatzgruppen – a pour mission de traquer, débusquer, et assassiner les Juifs, les Tziganes, et les Communistes des États Baltes, et de plusieurs territoires russes (jusqu’à Leningrad). Des quatre Einsatzgruppen opérant dans le sillage de la Wehrmacht lors de l’avancée allemande en URSS, la composition de l’Einsatzgruppe A est la plus connue. Au moment de l’invasion, l’Einsatzgruppe compte 990 hommes organisés en une unité « QG » et quatre sous-groupes : les Sonderkommandos 1A et 1B, et les Einsatzkommandos 2 et 3. L’Einsatzkommando 3, commandé par Karl Jäger, incorpore 141 membres, dont une auxiliaire féminine, un opérateur radio, huit traducteurs, des agents de la Kriminalpolizei, de l’Ordnungspolizei, du SD, et des hommes de la Waffen-SS…
Mais, si les pogroms, les exécutions de petits nombres, et les « actions de représailles » peuvent sans doute éliminer les petites communautés, ils ne solutionnent pas le problème des grandes villes qui détiennent la plus grosse concentration Juive. Une approche graduelle est donc envisagée. Les officiels nazis contraignent les leaders Juifs à coopérer dans le processus de « relogement » d’entières communautés Juives, c’est-à-dire de les installer dans des ghettos fermés – pour « leur propre protection ».
Le ghetto de Vilna
Début juillet 1941, L’Einsatzkommando 3 est chargé de remplacer l’Einsatzkommando 2 (commandé par le Sturmbannführer-SS Rudolf Balz) et l’Einsatzkommando 9 (attaché à l’Einsatzgruppe B), et d’assumer désormais les tueries dans le secteur Vilna-Kaunas. Cette zone contient la communauté Juive la plus grande et la plus influente des régions baltes. Grâce aux efforts de Jakob Gens, chef du Ghetto Juif de Vilna, qui n’a de cesse de ménager des arrangements avec les Allemands, il n’y règne aucune activité de Partisans… Mais, contrairement aux juristes et économistes qui commandent les autres Einsatzgruppen ou Einsatzkommandos, Jäger ne voit aucune utilité à tenter de justifier les exécutions en prétendant qu’elles répondent à des actes criminels ou des actions de Partisans ; les Juifs sont assassinés tout simplement parce qu’ils sont Juifs… Le ghetto de Vilna est rayé de la carte. À Kaunas, le 7 juillet, Jäger convoque cinq prominente Juifs, et les reçoit dans son luxueux bureau décoré de tapis inestimables… et pillés. Jäger rejette la responsabilité des violences sur les milices nationalistes Lituaniennes, et jure qu’il fera tout pour y mettre un terme. Puisque les Lituaniens ne veulent plus « vivre avec les Juifs », peut-être serait-il préférable que ces derniers s’enferment dans un ghetto dans la banlieue de Viliampole, où ils auraient « plein d’espace ». Le « relogement » des Juifs s’effectue donc entre le 15 juillet et le 15 août. Ils sont amenés et enfermés dans le « Fort n°7 », une des forteresses construite par les Czars russes. Le fort possède un large réseau souterrain de cellules en béton… La première semaine, environ 8.000 Juifs y sont battus et torturés, avant d’êtres tout simplement liquidés, à l’intérieur et à l’extérieur du fort…
Ghetto de Kaunas
Sous-sol du Fort n°7
Tout comme son « collègue », l’Obergruppenführer-SS et HSSPF Russland-Nord Friedrich Jeckeln, Karl Jäger met un point d’honneur à ce que tous ses hommes participent ; pas de tires au flanc… Bravache, il écrit : « À Kaunas, tous les commandants et hommes de mon commando ont participé aux grandes opérations de façon très active ». Seul un homme sera démobilisé pour « mauvaise santé ». D’après le rapport Jäger, le 22 août, des auxiliaires Lettons sous supervision allemande vident un hôpital psychiatrique à Daugavpils ; imperturbable, le rapport énumère : « Malades mentaux : 269 hommes, 227 femmes, 48 enfants : 544… ». Les « fous » sont acheminés par camion vers la petite ville d’Aglona, et liquidés dans des fosses. Il s’avèrera par la suite que vingt-quatre d’entre eux ne souffraient d’aucun trouble mental, et que l’autre moitié avait été transférée d’un orphelinat… Les massacres continuent, sans trêve, sans compassion. Traversant la frontière au sud, le Kommando entre maintenant en Lituanie. Le 1er décembre 1941, le rapport (dont les feuillets retrouvés en 1959 ne couvrent que 5 mois d’activité) fait état de 137.346 assassinats. Dans son résumé, Jäger déclare :
« Aujourd’hui, je peux dire que la mission de résoudre le problème Juif en Lituanie a été accomplie par l’Einzatskommando 3. Il n’y a plus de Juifs en Lituanie, mis à part les travailleurs Juifs et leurs familles, dont le total est :
- Siauliai : 4.500 env.
- Kaunas : 15.000 env.
- Vilnius : 15.000 env.
J’avais l’intention de tuer les travailleurs Juifs et leurs familles également, mais j’ai dû faire face à de nombreuses plaintes sérieuses de la part du Reichskommissar et de la Wehrmacht, qui se sont soldées par une interdiction : Ces Juifs et leurs familles ne peuvent êtres fusillés ! ».
Fin décembre, six mois après le début de l’invasion, Walther Stahlecker, maintenant Befehlshaber der Sipo und des SD pour le Reichskommissariat Ostland, peut fièrement annoncer à Berlin l’extermination de 249.420 Juifs.
Walther Stahlecker
Conformément aux ordres de Stahlecker, Karl Jäger continue de dresser un rapport détaillé des massacres perpétrés par ses troupes. Il convient toutefois de noter que Jäger n’agit pas seul. La « tâche » est immense et, bien entendu, des détachements du Sonderkommando 1b (Einsatzgruppe A) viennent lui prêter main-forte. En revanche, la réaction des Lituaniens est plus inquiétante… D’après le rapport, plusieurs assassinats en masse ont déjà été commis par les « milices » Lituaniennes avant même que l’Einsatzkommando 3 ne lance ses opérations, et ce n’est pas tout. Pendant les 5 mois couverts par le rapport, les Lituaniens continuent à collaborer avec Jäger. Cette collaboration prend la forme de rafles antisémites, de surveillance des ghettos, et de participation aux meurtres. Selon certains chercheurs, dont les affirmations provoquèrent un tollé dans les pays baltes, les Lituaniens auraient eu « des comptes à régler » avec la population Juive, particulièrement concernant leur collaboration avec les occupants soviétiques en 1940. Les Lituaniens auraient alors fourni la « motivation émotionnelle » nécessaire à l’extermination ; les Allemands se bornant à assurer l’organisation et la logistique. Ce raisonnement manichéen ne supporte pas l’analyse ; comme toujours, la vérité se trouve probablement entre les deux. Il est évident que les Allemands ne se bornèrent pas à garantir l’aspect technique de ces massacres puisque les nazis en général, et les Einsatzgruppen en particulier, avaient pour objectif fondamental d’annihiler les Juifs du continent Européen. Rien ne fut plus aisé pour eux que de s’assurer la collaboration et la complicité des groupes nationalistes, anticommunistes, et antisémites, de la population Lituanienne, qui sautèrent effectivement sur l’occasion pour « régler » leurs comptes – autant personnels que politiques…
On ne sait pas grand-chose sur Karl Jäger, son caractère, sa vie familiale… Selon le chercheur Knut Stang, Jäger est un maniaque, obsédé par les rapports détaillés et truffés de statistiques. À tel point que même ses collègues de la SIPO se moquent de lui. Jäger aurait souffert d’un complexe d’infériorité en raison d’un « passé trouble », et ressenti le besoin de se « justifier » au travers de rapports concis éclairant ses prouesses dans « l’élimination d’ennemis ». En effet, Jäger s’approprie toute la « gloire » de l’Einsatzkommando 3 et des massacres commis en Lituanie, même s’il est évident – et reconnu – qu’un très grand nombre d’assassinats furent perpétrés par les milices Lituaniennes, agissant souvent de leur propre initiative, et suivant leurs propres motivations.
Karl Jäger
Sur un total de 137.346 personnes « exécutées », 83.361 d’entre elles semblent avoir été liquidées par un petit détachement de l’Einsatzkommando 3, le « groupe mobile Hamann », sous les ordres de l’Obersturmbannführer-SS Joachim Hamann. D’après le rapport, le détachement consiste d’Hamann et de 8 à 10 membres de l’EK3, travaillant « en coopération » avec les milices Lituaniennes. Notons au passage que le rapport ne précise pas que ces milices étaient sous les ordres de Hamann ; il n’est donc pas exclu que, dans plusieurs cas, les tueries étaient commises par les Lituaniens, et que Karl Jäger, soucieux de bien faire vis-à-vis de Berlin, les annotait comme siennes…
Un autre aspect important du rapport réside dans le fait qu’il fut retrouvé dans les Archives Lettones Soviétiques, c’est-à-dire abandonné à Riga par les Allemands. Nous pouvons donc en déduire que le rapport fut expédié de Kaunas, où Jäger était en poste, à Riga, quartier général de l’Einsatzgruppe A de Walther Stahlecker, et du HSSPF-Russland Nord, Friedrich Jeckeln. Mais le rapport fut-il communiqué à Berlin ? Tout semble indiquer que non.
Le rapport est daté du 1er décembre 1941. Y sont inclus parmi le total des victimes du « groupe mobile Hamann » : 2.934 Juifs Allemands tués à Kaunas le 25 novembre, et 2.000 autres Juifs Allemands également liquidés, au même endroit, 4 jours plus tard…
Deux jours avant que Jäger ne boucle son rapport, Himmler envoie une lettre rageuse à Friedrich Jeckeln, le réprimandant vertement pour avoir agi arbitrairement et bravé les ordres en autorisant le massacre de Juifs Allemands déporté dans l’Ostland – y compris en Lettonie et en Lituanie. Il semble donc que l’extermination des Juifs Allemands de Kaunas, et d’un train entier de Juifs Allemands à Rumbula, n’avait pas été ordonnée par les autorités SS, le SD, ni même le KdF, mais fut le résultat d’un « excès de zèle » de la part de Jeckeln, de Jäger, et des hommes de la SIPO.
Friedrich Jeckeln
Nous pouvons raisonnablement en déduire que le 1er décembre, date à laquelle Jäger signe son rapport, et avant que la lettre d’Himmler n’atteigne le QG de Jeckeln, Jäger était fier d’avoir tué les Juifs Allemands, et fier également de les faire paraître dans ses « comptes », comme preuve de son efficacité. Nous pouvons aussi imaginer qu’il fit parvenir le rapport à Jeckeln, à Riga, le même jour. N’est-il pas possible alors d’imaginer que Jeckeln, après avoir reçu la lettre d’Himmler, ait décidé de ne pas transmettre le rapport à Berlin, justement parce qu’il comptabilisait des assassinats de Juifs Allemands ?
Une page du "Rapport Jäger"
Walther Stahlecker échappe à la justice, tué en URSS par des Partisans Soviétiques lors d’un engagement près de Krasnogvardyesk, le 23 mars, 1942… Friedrich Jeckeln est capturé par l’Armée Rouge, jugé par une Cour Militaire Soviétique à Riga, et exécuté le 3 février 1946.
Sous une fausse identité, Karl Jäger rentre en Allemagne, se réinsère dans la société Allemande de l’après-guerre, et travaille dans une ferme jusqu’à la découverte de son rapport, en mars 1959. Arrêté la même année, il est inculpé pour crimes de guerre, mais se suicide dans la prison de Hohenasperg avant le jugement…
Eddy
Sources :
- Klee, Ernst. Dressen, Willi, and Riess, Volker : The Good Old Days" -- The Holocaust as Seen by its Perpetrators and Bystanders, MacMillan, New York, 1991
- Krausnick, Helmut, and Wilhelm, Hans-Heinrich: Die Truppe des Weltanschauungskrieges. Die Einsatzgruppen der Sicherheitspolizei und des SD 1938-1942. Deutsche Verlags-Anstalt, Stuttgart 1981
- Stang, Knut: Kollaboration und Massenmord. Die litauische Hilfspolizei, das Rollkommando Hamann und die Ermordung der litauischen Juden. Peter Lang, Frankfurt am Main 1996
- Headland, Ronald : Messages of Murder: A Study of the Reports of the Einsatzgruppen of the Security Police and the Security Service, 1941-1943 April 1992
- MacLean, French L. : The Field Men Schiffer Military History Press (1999)
- Raul Hilberg, Perpetrators, Victims, Bystanders HarperCollins, New York (1992).
- USHMM
- Lithuanian State Archives
Dernière édition par eddy marz le 9/8/2014, 19:38, édité 5 fois
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
Excellent travail, une fois de plus!
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Toutes les vertus secondaires comme le courage, la discipline, la fidélité, l'endurance n'ont un effet positif qu'aussi longtemps qu'elles servent une cause positive. Si une cause positive devient négative, les vertus secondaires deviennent problématiques
Baugnez44- Général (Administrateur)
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Date d'inscription : 04/01/2007
Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
Très intéressant comme toujours.
Merci Eddy Marz pour ce boulot.
Merci Eddy Marz pour ce boulot.
sukhoi- Général de Brigade
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Localisation : Lyon
Date d'inscription : 18/08/2008
Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
Thank you my friends
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
bonsoir, pour la énième fois Eddy, bravo, excellent boulot, inutile que je dise que c'est extrêmement intéressant? Merci de nous faire
partager ces documents .
Amicalement.
Le ronin.
...Dans la réalité, il n'y a pas de round d'observation.....
Semper fidelis.
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Le ronin.
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le ronin- Police militaire (Modérateur)
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
Thank you, Ronin
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
Merci Eddy pour ce travail précis.
On trouve la traduction du rapport ici: http://www.phdn.org/negation/documents/jaeger.html
On trouve la traduction du rapport ici: http://www.phdn.org/negation/documents/jaeger.html
Phil642- Général (Administrateur)
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
magnifique récit, vous êtes historien ?
ickx43- Soldat 1ère classe
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
ickx43 a écrit:magnifique récit, vous êtes historien ?
Merci. Historien amateur seulement...
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
Phil642 a écrit:Merci Eddy pour ce travail précis.
On trouve la traduction du rapport ici: http://www.phdn.org/negation/documents/jaeger.html
Merci Phil
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
Merci Eddy pour ce nouvel "épisode" sur les Einzatsgruppen.
J'avais entendu parler de ce rapport pas mal de fois mais ignorais son contenu.
Ce rapport montre vraiment l'incroyable et malsaine "surenchère" qui régnait au sein de ces groupes d'assassins. Tous ces hommes voulaient tuer encore et encore plus de juifs, tout ça simplement pour se hisser dans la hiérarchie.
J'avais entendu parler de ce rapport pas mal de fois mais ignorais son contenu.
Ce rapport montre vraiment l'incroyable et malsaine "surenchère" qui régnait au sein de ces groupes d'assassins. Tous ces hommes voulaient tuer encore et encore plus de juifs, tout ça simplement pour se hisser dans la hiérarchie.
Jules- Général de Division
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
Jules a écrit:Ce rapport montre vraiment l'incroyable et malsaine "surenchère" qui régnait au sein de ces groupes d'assassins. Tous ces hommes voulaient tuer encore et encore plus de juifs, tout ça simplement pour se hisser dans la hiérarchie.
You're welcome, Jules...
Effectivement, nous remarquons cette surenchère dans de nombreux cas de tueurs nazis, qu'ils soient organisateurs, Einzatsgruppe ou personnel de camp. Les hommes sélectionnés par le KdF ou directement par les services d'Himmler ou du SD l'étaient, en majeure partie, en raison de leur fanatisme ou "idéalisme" nazi (ce qui veut dire leur "fidélité" à la politique raciale en vigueur) ou de leur haine viscérale des "Juifs" (C. Wirth, G. Wagner, K. Franz, O. Dirlewanger, K. Jäger); de leur sens de l'organisation (F. Stangl, R. Höss, C. Wirth, K. Jäger), de leur absence totale de scrupules et de leur appétit pour la promotion et l'enrichissement personnel (O. Globocnik, H. Höfle)... Puis il y avait aussi les éléments intéressants mais peu sûrs; ceux que l'on a besoin de "mettre au pas" et d'impliquer pour sonder leur conviction politique (Otto Ohlendorf est un bon exemple). Le "candidat" accepte la "mission" pour ne pas être accusé de lâcheté ou, pire, d'antipatriotisme. Une fois qu'il a participé aux tueries, il est lié par le "pacte du sang" et la culpabilité collective. Il ne peut plus, au risque de briser sa carrrière, faire machine arrière. C'est donc la fuite en avant : en finir avec le boulo, chercher la promotion, et atteindre un poste respecté loin de toutes ces "horreurs". Le candidat a donc - selon les termes d'Himmler - "accompli cet effort pour se dépasser", et mérite d'être reconnu. Il se sent désormais accepté par le système...
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
En sait-on plus sur l'engagement religieux de ces assassins ?
Etaient-ils croyants ou bien athées ?
Leur conscience religieuse n'avait aucune importance quand on les choisissait ou bien les croyants étaient-ils systématiquement écartés de ces "taches" ?
Il me semble qu'a cette période, l'Europe, donc l'Allemagne, était majoritairement chrétienne. Il y a donc de fortes chances pour qu'ils aient reçus une éducation religieuse et morale peu en rapport avec les crimes de masse qu'on leur a fait commettre.
Non pas que seuls les athées aient des prédispositions au meurtre de masse, mais une foi profonde et assumée (connue des chefs) pouvait elle être un frein pour choisir ces bourreaux ?
Etaient-ils croyants ou bien athées ?
Leur conscience religieuse n'avait aucune importance quand on les choisissait ou bien les croyants étaient-ils systématiquement écartés de ces "taches" ?
Il me semble qu'a cette période, l'Europe, donc l'Allemagne, était majoritairement chrétienne. Il y a donc de fortes chances pour qu'ils aient reçus une éducation religieuse et morale peu en rapport avec les crimes de masse qu'on leur a fait commettre.
Non pas que seuls les athées aient des prédispositions au meurtre de masse, mais une foi profonde et assumée (connue des chefs) pouvait elle être un frein pour choisir ces bourreaux ?
furie- Caporal-chef
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
furie a écrit:En sait-on plus sur l'engagement religieux de ces assassins ?
Etaient-ils croyants ou bien athées ?
Leur conscience religieuse n'avait aucune importance quand on les choisissait ou bien les croyants étaient-ils systématiquement écartés de ces "taches" ?
Il me semble qu'a cette période, l'Europe, donc l'Allemagne, était majoritairement chrétienne. Il y a donc de fortes chances pour qu'ils aient reçus une éducation religieuse et morale peu en rapport avec les crimes de masse qu'on leur a fait commettre.
Non pas que seuls les athées aient des prédispositions au meurtre de masse, mais une foi profonde et assumée (connue des chefs) pouvait elle être un frein pour choisir ces bourreaux ?
Salut Furie;
Oui, la plupart étaient issus de milieux entretenant une conscience religieuse, Lutherienne ou Catholique. Certains d'entre eux, comme Himmler, décidèrent de rompre avec l'église (même s'il n'est pas certain qu'il réussit à se débarasser de toute quête religieuse); certains étaient perturbés, certains, comme Hitler (qui ne fut jamais excommunié), étaient convaincus "d'oeuvrer dans le sens du Seigneur", certains avaient des penchants "païens" ("Nous en avons assez de ce sauveur (le Christ) qui ne sait que geindre au lieu de se taire comme les héros")... Hermann Göring avait clairement exprimé le point de vue : Nous ne saurions autoriser l'Église à invoquer Dieu contre l'État... Donc, les "hommes nouveaux" doivent se surpasser et, dans un sentiment d'amour et de sacrifice pour les générations futures, patauger dans le sang même contre leurs propres convictions...
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
Bonsoir Eddy, et merci pour ta réponse.
Pourtant en 1941 Mgr von Galen s'oppose avec véhémence a l'Aktion T4, levant le voile s'il le fallait sur les agissements des nazis sur leur propre peuple (et qui plus est, de meme confession, car ici on ne parle pas de tuer des juifs) et montre ainsi la position officielle de l'église allemande.
Dans une Europe fortement croyante, les appels désespérés du "Lion de Münster" n'ont pas trouvés d'échos dans la conscience des SS ?
Doit on comprendre (ou imaginer) que l'ordre noir était devenu en quelques années une religion qui a pris le pas sur les religions "historiques" ?
De plus il me semble que les membres de T4 ont été recrutés pour participer au génocide juif. De fait, je n'arrive pas a comprendre comment lorsque l'on est croyant et montré du doigt par un évêque, on peut continuer une œuvre aussi terrible qui bouleverse ses propres valeurs...
La force de conviction des nazis devait être hors du commun pour forcer des hommes a se renier de telle manière.
Triste période...
Pourtant en 1941 Mgr von Galen s'oppose avec véhémence a l'Aktion T4, levant le voile s'il le fallait sur les agissements des nazis sur leur propre peuple (et qui plus est, de meme confession, car ici on ne parle pas de tuer des juifs) et montre ainsi la position officielle de l'église allemande.
Dans une Europe fortement croyante, les appels désespérés du "Lion de Münster" n'ont pas trouvés d'échos dans la conscience des SS ?
Doit on comprendre (ou imaginer) que l'ordre noir était devenu en quelques années une religion qui a pris le pas sur les religions "historiques" ?
De plus il me semble que les membres de T4 ont été recrutés pour participer au génocide juif. De fait, je n'arrive pas a comprendre comment lorsque l'on est croyant et montré du doigt par un évêque, on peut continuer une œuvre aussi terrible qui bouleverse ses propres valeurs...
La force de conviction des nazis devait être hors du commun pour forcer des hommes a se renier de telle manière.
Triste période...
furie- Caporal-chef
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
je n'arrive pas a comprendre comment lorsque l'on est croyant et montré du doigt par un évêque, on peut continuer une œuvre aussi terrible qui bouleverse ses propres convictions...
Aussi facilement que les prêtres qui torturèrent, brûlèrent, mentirent etc. au nom du "Christ-Roi" pendant l'Inquisition; aussi facilement que les terroristes islamiques tuant des innocents au nom d'Allah, aussi facilement que les exactions soviétiques commises au nom d'une idéologie fondée sur le partage... mais la liste est trop longue. Nous pouvons, je pense, jauger le degré d'endoctrinement, ou plutôt, d'aveuglement, des partis concernés en mesurant la contradiction flagrante entre le message religieux ou idéologique et l'action. Finalement, les nazis semblent presque les plus cohérents dans leur détermination de joindre la parole à l'acte. Pour eux, l'Ordre Nouveau" (comprendre une nouvelle société, de nouvelles valeurs) ne peut se créer qu'à travers la violence... Et puis nous parlons de la nature et des contradictions humaines, de pulsions archaïques, de pensée millénariste, de confusion religieuse, de peur de la vie... vaste sujet.
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
eddy marz a écrit:
Le "candidat" accepte la "mission" pour ne pas être accusé de lâcheté ou, pire, d'antipatriotisme. Une fois qu'il a participé aux tueries, il est lié par le "pacte du sang" et la culpabilité collective. Il ne peut plus, au risque de briser sa carrrière, faire machine arrière. C'est donc la fuite en avant : en finir avec le boulo, chercher la promotion, et atteindre un poste respecté loin de toutes ces "horreurs". Le candidat a donc - selon les termes d'Himmler - "accompli cet effort pour se dépasser", et mérite d'être reconnu. Il se sent désormais accepté par le système...
En effet, Eddy. Je crois que c'est qu'il y a de plus intéressant.
Et puis tout ces sentiments étaient "gonflés" par le fait que le 3ème Reich était censé durer mille ans.
Je pense qu'aucun homme n'est fait pour tuer, même sur commande. Ces individus étaient persuadés qu'il fallait tuer massivement des Juifs et leur conscience était litérallement dépassée par cette période extraordinaire. Je crois même qu'elle était modifiée à jamais. Je vais me répéter encore et encore mais je crois que nous n'avons pas idée de ce que le National Socialisme représentait alors. Il ne s'agit en aucun de déculpabiliser ces hommes... MAIS il est toujours intéressant d'imaginer ce que nous aurions fait à leur place.
Jules- Général de Division
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
Excellent t§ravail....bravo
K.
K.
kaisersozer- Sous-lieutenant
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Date d'inscription : 15/09/2009
Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
Bonjour
J'ai besoin de votre aide. Dans le cadre d'une recherche j'ai identifié un " Polizei Inspektor" qui faisait partie en Lituanie du groupe " Jäger".
Etant donné que le rapport Jäger est sorti tardivement , il n'a pas été inquiété.
Cet inspecteur de Police Friedrich JOHN était de Hambourg, or il semble avoir travaillé avec le SD de Caen et avec l'Untersturmführer Henrich Meier, policier professionnel et ancien membre de la Gestapo d'Hambourg.
Avez vous deja "croisé" Friedrich JOHN dans des documents du SD de Caen ou de Cherbourg. ( En lien peut être avec la résistance communiste de l'arsenal? )
Merci d'avance
Axel
J'ai besoin de votre aide. Dans le cadre d'une recherche j'ai identifié un " Polizei Inspektor" qui faisait partie en Lituanie du groupe " Jäger".
Etant donné que le rapport Jäger est sorti tardivement , il n'a pas été inquiété.
Cet inspecteur de Police Friedrich JOHN était de Hambourg, or il semble avoir travaillé avec le SD de Caen et avec l'Untersturmführer Henrich Meier, policier professionnel et ancien membre de la Gestapo d'Hambourg.
Avez vous deja "croisé" Friedrich JOHN dans des documents du SD de Caen ou de Cherbourg. ( En lien peut être avec la résistance communiste de l'arsenal? )
Merci d'avance
Axel
axel67- Soldat 1ère classe
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Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
axel67 a écrit:J'ai besoin de votre aide. Dans le cadre d'une recherche j'ai identifié un " Polizei Inspektor" qui faisait partie en Lituanie du groupe " Jäger".
Etant donné que le rapport Jäger est sorti tardivement , il n'a pas été inquiété. Cet inspecteur de Police Friedrich JOHN était de Hambourg, or il semble avoir travaillé avec le SD de Caen et avec l'Untersturmführer Henrich Meier, policier professionnel et ancien membre de la Gestapo d'Hambourg. Avez vous deja "croisé" Friedrich JOHN dans des documents du SD de Caen ou de Cherbourg. ( En lien peut être avec la résistance communiste de l'arsenal? )
Salut Axel67;
La seule façon, à mon avis, d'obtenir un renseignement aussi précis sur un personnage aussi obscur, et de plus mêlé à une activité d'Einsatzkommando (dont les membres se fondirent dans les rangs de la Waffen-SS ou des diverses branches de Polizei), est de s'adresser à la Zentrale Stelle de Ludwigsburg, où tous les renseignements (et donc affectations) des criminels nazis (et affiliés), SD, SS, Gestapo etc. sont triées et répertoriés. Il faut toutefois une lettre de recommandation ou un statut particulier : chercheur, historien, universitaire, enquêteur etc., essentiellement afin qu'il puissent avoir le temps de mettre l'objet des recherches à disposition, et également éviter que des fanatiques détruisent des preuves et documents uniques. Il leur faut donc tamiser la fréquentation.
C'est ici :
http://www.zentrale-stelle.de/servlet/PB/menu/1193201/index.html
C'est tout ce que je peux faire.
Eddy Marz
eddy marz- Membre légendaire
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Date d'inscription : 24/03/2008
Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
Bonjour
Merci de l'information , j'ai déja son acte de dénazification ( 45 pages ). Il y est indiqué qu'il a été collaborateur de Jäger en Lituanie à partir du 3 juillet 41 au 15 janvier 1942 , il essaye de minimiser son rôle qui prend tout son relief à la lecture du rapport.
Mais par contre, il n'a pas indiqué sa présence en Normandie en 1943. Et il est passé sur ce point au travers de la sagacité de l'enquêteur anglais. Aussi, je pense qu'il a "aidé" son collègue de Hambourg présent à Caen et que sans doute son action a été pire en Normandie qu'en Lituanie.
C'est la raison pour laquelle, je me demande si il existe une liste du personnel de SD ou de la Gestapo de Caen ou Cherbourg pour l'année 43/44.
A mon avis si cette liste existe nous devrions l'y retrouver. il faisait partie à cette époque du RSHA de Hambourg, et sans doute a t il été détaché en Normandie.
Merci encore
Axel
Merci de l'information , j'ai déja son acte de dénazification ( 45 pages ). Il y est indiqué qu'il a été collaborateur de Jäger en Lituanie à partir du 3 juillet 41 au 15 janvier 1942 , il essaye de minimiser son rôle qui prend tout son relief à la lecture du rapport.
Mais par contre, il n'a pas indiqué sa présence en Normandie en 1943. Et il est passé sur ce point au travers de la sagacité de l'enquêteur anglais. Aussi, je pense qu'il a "aidé" son collègue de Hambourg présent à Caen et que sans doute son action a été pire en Normandie qu'en Lituanie.
C'est la raison pour laquelle, je me demande si il existe une liste du personnel de SD ou de la Gestapo de Caen ou Cherbourg pour l'année 43/44.
A mon avis si cette liste existe nous devrions l'y retrouver. il faisait partie à cette époque du RSHA de Hambourg, et sans doute a t il été détaché en Normandie.
Merci encore
Axel
axel67- Soldat 1ère classe
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Date d'inscription : 25/04/2010
Re: Einsatzgruppen : le "Rapport Jäger"
axel67 a écrit:
C'est la raison pour laquelle, je me demande si il existe une liste du personnel de SD ou de la Gestapo de Caen ou Cherbourg pour l'année 43/44.
Je crois qu'il existe une liste "exhaustive" sur le personnel SS (Dienstaltersliste Der Schutzstaffel) mais ça te ne diras pas si ce monsieur était en Normandie pendant cette période...
Jules- Général de Division
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Date d'inscription : 04/01/2009
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