Extermination ; une question de sémantique
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Extermination ; une question de sémantique
Bonsoir, à tous ;
Simplement à titre documentaire, et pour avoir vos avis sur la question, je me proposais de jeter un coup d’œil à la sémantique (qui concerne le sens des mots) entourant le génocide des Juifs durant la dictature nazie. Depuis la fin de la 2e Guerre Mondiale, et la découverte progressive de l’ampleur des diverses opérations d’assassinat en masse des Juifs d’Europe et des pays de l’Est, regroupées en un seul « concept » baptisé par les nazis « Endlösung », ou « Solution Finale », les termes utilisés pour le définir n’ont cessé de muter au gré des décennies. Il convient aussi de garder à l’esprit que leurs utilisations ont été démultipliés par les historiens, chercheurs, et ethnologues, provoquant parfois des abus, ainsi que des applications abusives en politique.
Examinant ces différents termes (génocide, solution finale, holocauste, Shoah…), nous remarquons, non seulement des transformations et des incertitudes de terminologies, mais également une variance d’usage de pays à pays, et d’époque en époque.
- Le terme Génocide fut « créé » en 1944 par le juriste polonais Raphaël Lemkin (spécialiste en droit international), dans son livre Axis Rule in Occupied Europe. De souche mi-grecque mi-latine, le mot tente de définir « la pratique de l’extermination de nations et de groupes ethniques » sous la forme « d’attaque synchronisée contre les différents aspects de la vie des peuples captifs » depuis les bases de la société et de la culture jusqu’à l’assassinat de masse. Lemkin réussira également, le 9 décembre 1948, à faire adopter par l’ONU une convention sur le génocide, reconnu comme crime sur le plan du droit international.
Le mot Génocide semblait parfaitement adapté à l’entreprise d’extermination nazie parce qu’il réunissait non seulement les trois conditions du terme :
- Un programme calculé d’extermination systématique d’une ethnie
- La puissance technique d’organisation, de rationalisation, et de contrôle bureaucratique
- La capacité de secret et de camouflage
mais avait également l’avantage d’y inclure d’autres catégories ; les Tziganes, par exemple.
Ensuite, d’autres termes voient le jour, mais concernent spécifiquement l’historiographie Juive. Ainsi, un terme délaissé de nos jours a pourtant longtemps dominé en France, en Angleterre et aux USA, ainsi qu’en Israël : Catastrophe ou, également, Catastrophe du Judaïsme Européen – en anglais The Jewish Catastrophe. Il convient de noter que le mot est utilisé dés 1940-43 par quelques auteurs en Palestine pour désigner le drame qui s’abat sur le peuple Juif. À partir de 1945 jusqu’à un peu au-delà de 1950, Catastrophe devient le mot usuel ; le mot consacré… le langage officiel.
En France, plus récemment, apparaît le mot Shoah (« catastrophe » en hébreu), mot évoquant un mystère tragique, une détresse profonde, et une désolation, qui bien que renouant avec le mot précédent (« Catastrophe »), revendique cette fois clairement une identité Juive. Après la sortie du documentaire « SHOAH » de Claude Lanzmann (1985), malheureusement à grand renfort de rhétorique journalistique et éditoriale, parfois d’un sentimentalisme pénible et racoleur, le mot Shoah, devient – presque exclusivement en France – le terme officiel, rassembleur, voire « sacral », pour parler de cette terrible tragédie… Bref, le mot politiquement correct.
Un autre mot de type sacral émerge simultanément : Holocauste. Aux environs de 1957 et 1959, le mot est utilisé par plusieurs historiens Juifs en Israël, qui le préfèrent au mot Génocide. Le mot se propage rapidement dans les pays anglo-saxons et est adopté dans les années 60. C’est un terme issu de la Bible, décrivant les offrandes sacrificielles brûlées et offertes exclusivement à Dieu (notons au passage que dans la Bible, aucun holocauste n’implique de victimes humaines). Comme pour le cas de Shoah (de Lanzmann) en France, la propagation du mot Holocaust dans l’univers anglo-saxon est largement le résultat de la projection de la médiocre (et historiquement incorrecte) série télévisée Holocaust, en 1979. Le mot est adoubé par des sommités comme Elie Wiesel, Yehuda Bauer, et plusieurs théologiens, pour ne citer qu’eux, qui y voient également la dimension sacrée, religieuse, et unique, d’un événement terrible et entouré de mystère. Mais, après analyse, force est de constater que le mot Holocauste dénature la tradition religieuse judéo-chrétienne de l’offrande à Dieu…
- De nos jours, la terminologie dominante en Angleterre, aux USA, et en Israël est : Holocauste
- En France, elle est presque exclusivement « La Shoah » et, plus rarement, « Le Génocide ».
En ce qui me concerne personnellement, j’ai opté depuis longtemps pour « Solution Finale » (en anglais « Final Solution »), simple traduction du terme que les nazis utilisèrent, Endlösung. Le terme est internationalement connu (et internationalement reconnu), libre de toute influence politique ou religieuse, discret et respectueux. L’utilisation de lettres majuscules au début de chacun des deux mots y conférant dignité, unicité, et spécificité, en l’absence de tout sentimentalisme. La Solution Finale fut une catastrophe presque essentiellement Juive, mais sa signification dépasse toute frontière et ethnie ; en ce début de 3e Millénaire elle demeure un avertissement à tous, et donc propriété de tout le monde.
Eddy
Simplement à titre documentaire, et pour avoir vos avis sur la question, je me proposais de jeter un coup d’œil à la sémantique (qui concerne le sens des mots) entourant le génocide des Juifs durant la dictature nazie. Depuis la fin de la 2e Guerre Mondiale, et la découverte progressive de l’ampleur des diverses opérations d’assassinat en masse des Juifs d’Europe et des pays de l’Est, regroupées en un seul « concept » baptisé par les nazis « Endlösung », ou « Solution Finale », les termes utilisés pour le définir n’ont cessé de muter au gré des décennies. Il convient aussi de garder à l’esprit que leurs utilisations ont été démultipliés par les historiens, chercheurs, et ethnologues, provoquant parfois des abus, ainsi que des applications abusives en politique.
Examinant ces différents termes (génocide, solution finale, holocauste, Shoah…), nous remarquons, non seulement des transformations et des incertitudes de terminologies, mais également une variance d’usage de pays à pays, et d’époque en époque.
- Le terme Génocide fut « créé » en 1944 par le juriste polonais Raphaël Lemkin (spécialiste en droit international), dans son livre Axis Rule in Occupied Europe. De souche mi-grecque mi-latine, le mot tente de définir « la pratique de l’extermination de nations et de groupes ethniques » sous la forme « d’attaque synchronisée contre les différents aspects de la vie des peuples captifs » depuis les bases de la société et de la culture jusqu’à l’assassinat de masse. Lemkin réussira également, le 9 décembre 1948, à faire adopter par l’ONU une convention sur le génocide, reconnu comme crime sur le plan du droit international.
Le mot Génocide semblait parfaitement adapté à l’entreprise d’extermination nazie parce qu’il réunissait non seulement les trois conditions du terme :
- Un programme calculé d’extermination systématique d’une ethnie
- La puissance technique d’organisation, de rationalisation, et de contrôle bureaucratique
- La capacité de secret et de camouflage
mais avait également l’avantage d’y inclure d’autres catégories ; les Tziganes, par exemple.
Ensuite, d’autres termes voient le jour, mais concernent spécifiquement l’historiographie Juive. Ainsi, un terme délaissé de nos jours a pourtant longtemps dominé en France, en Angleterre et aux USA, ainsi qu’en Israël : Catastrophe ou, également, Catastrophe du Judaïsme Européen – en anglais The Jewish Catastrophe. Il convient de noter que le mot est utilisé dés 1940-43 par quelques auteurs en Palestine pour désigner le drame qui s’abat sur le peuple Juif. À partir de 1945 jusqu’à un peu au-delà de 1950, Catastrophe devient le mot usuel ; le mot consacré… le langage officiel.
En France, plus récemment, apparaît le mot Shoah (« catastrophe » en hébreu), mot évoquant un mystère tragique, une détresse profonde, et une désolation, qui bien que renouant avec le mot précédent (« Catastrophe »), revendique cette fois clairement une identité Juive. Après la sortie du documentaire « SHOAH » de Claude Lanzmann (1985), malheureusement à grand renfort de rhétorique journalistique et éditoriale, parfois d’un sentimentalisme pénible et racoleur, le mot Shoah, devient – presque exclusivement en France – le terme officiel, rassembleur, voire « sacral », pour parler de cette terrible tragédie… Bref, le mot politiquement correct.
Un autre mot de type sacral émerge simultanément : Holocauste. Aux environs de 1957 et 1959, le mot est utilisé par plusieurs historiens Juifs en Israël, qui le préfèrent au mot Génocide. Le mot se propage rapidement dans les pays anglo-saxons et est adopté dans les années 60. C’est un terme issu de la Bible, décrivant les offrandes sacrificielles brûlées et offertes exclusivement à Dieu (notons au passage que dans la Bible, aucun holocauste n’implique de victimes humaines). Comme pour le cas de Shoah (de Lanzmann) en France, la propagation du mot Holocaust dans l’univers anglo-saxon est largement le résultat de la projection de la médiocre (et historiquement incorrecte) série télévisée Holocaust, en 1979. Le mot est adoubé par des sommités comme Elie Wiesel, Yehuda Bauer, et plusieurs théologiens, pour ne citer qu’eux, qui y voient également la dimension sacrée, religieuse, et unique, d’un événement terrible et entouré de mystère. Mais, après analyse, force est de constater que le mot Holocauste dénature la tradition religieuse judéo-chrétienne de l’offrande à Dieu…
- De nos jours, la terminologie dominante en Angleterre, aux USA, et en Israël est : Holocauste
- En France, elle est presque exclusivement « La Shoah » et, plus rarement, « Le Génocide ».
En ce qui me concerne personnellement, j’ai opté depuis longtemps pour « Solution Finale » (en anglais « Final Solution »), simple traduction du terme que les nazis utilisèrent, Endlösung. Le terme est internationalement connu (et internationalement reconnu), libre de toute influence politique ou religieuse, discret et respectueux. L’utilisation de lettres majuscules au début de chacun des deux mots y conférant dignité, unicité, et spécificité, en l’absence de tout sentimentalisme. La Solution Finale fut une catastrophe presque essentiellement Juive, mais sa signification dépasse toute frontière et ethnie ; en ce début de 3e Millénaire elle demeure un avertissement à tous, et donc propriété de tout le monde.
Eddy
eddy marz- Membre légendaire
- Nombre de messages : 3953
Age : 69
Localisation : England/France/Italia
Date d'inscription : 24/03/2008
Re: Extermination ; une question de sémantique
Merci Eddy pour cette intéressante analyse sémantique.
Sans doute sous influence médiatique, je me rends compte que j'utilise le plus souvent les termes SHOAH et HOLOCAUSTE. Ce sont aussi des termes brefs, précis et compris de tous (du moins je l'espère) (même si au final, je n'en connaissais pas vraiment les origines précises avant d'avoir lu Eddy)
Je n'ai jamais entendu le terme "CATASTROPHE" mais celui de "SOLUTION FINALE" fut le premier que j'ai utilisé (suite à un travail de lycée que j'avais du présenter sur le thème "De la persécution ancestrale des Juifs à la Solution Finale" - il y a environ 18 ans, ça commence à dater mais ça m'a marqué).
Je n'utilise jamais le terme "GENOCIDE" pour parler de celui des Juifs. Je le réserve involontairement aux autres génocides :rwandais ou cambodgien par exemple (sans doute encore influencée par les médias)
Par contre, j'utilise aussi la "simple" expression "EXTERMINATION DES JUIFS" parce que c'était vraiment le but nazi, et je trouve ce mot extrèmement fort d'intensité.
Sans doute sous influence médiatique, je me rends compte que j'utilise le plus souvent les termes SHOAH et HOLOCAUSTE. Ce sont aussi des termes brefs, précis et compris de tous (du moins je l'espère) (même si au final, je n'en connaissais pas vraiment les origines précises avant d'avoir lu Eddy)
Je n'ai jamais entendu le terme "CATASTROPHE" mais celui de "SOLUTION FINALE" fut le premier que j'ai utilisé (suite à un travail de lycée que j'avais du présenter sur le thème "De la persécution ancestrale des Juifs à la Solution Finale" - il y a environ 18 ans, ça commence à dater mais ça m'a marqué).
Je n'utilise jamais le terme "GENOCIDE" pour parler de celui des Juifs. Je le réserve involontairement aux autres génocides :rwandais ou cambodgien par exemple (sans doute encore influencée par les médias)
Par contre, j'utilise aussi la "simple" expression "EXTERMINATION DES JUIFS" parce que c'était vraiment le but nazi, et je trouve ce mot extrèmement fort d'intensité.
Re: Extermination ; une question de sémantique
le mot employé par les nazis était "Endlösung". Si d'autres groupement emploient un autre mot, ça peut être légitime.
Rainer- Adjudant
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Age : 76
Localisation : D/B
Date d'inscription : 15/01/2009
Re: Extermination ; une question de sémantique
J'ai un Shoha (chin, wav, aleph) : désolation, destruction.
_________________
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ghjattuvolpa*- Police militaire (Modérateur)
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Date d'inscription : 18/06/2008
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