Mission Gerstein Partie II: Quelques heures en Enfer...
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Bourguignon
eddy marz
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Mission Gerstein Partie II: Quelques heures en Enfer...
Bonjour à tous ;
Suite de la mission secrète de Kurt Gerstein… (Pour ceux que cela intéresse et qui auraient raté la première partie, voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/crimes-de-guerre-et-contre-l-humanite-f18/zyklon-b-la-mission-secrete-de-kurt-gerstein-t6300.htm ). Une fois encore, les conclusions atteintes dans ce récit n’expriment aucune autre vérité que mon point de vue personnel…
NB : Comme pour la Partie I, les extraits des rapports de Gerstein (Français & Allemand) sont annotés respectivement KG-Fr et KG-All. Les autres sources se trouveront en fin d’article.
Récapitulatif de la Partie I : Le 8 juin 1942, chargé par la section 4BIV du RSHA de convoyer 260 kg d’acide prussique (sans aucun doute du Zyklon B) vers une destination secrète, Kurt Gerstein (qui sait que l’acide est destiné à l’assassinat d’êtres humains mais ignore les méthodes adoptées) quitte Berlin en voiture le 15 ou 16 août. Un Professeur en Hygiène, l’Obersturmbannführer SS Wilhelm Pfannenstiel, l’accompagne (son étrange présence au sein de la mission a été abordée dans la Partie I). Un camion, dont seul le chauffeur connaît la destination du transport, et une escorte restreinte (peut-être 2 hommes dont le chauffeur SD de la voiture) forment le reste du convoi. Ayant pris livraison du poison à l’usine de potasse de Kolin (Tchécoslovaquie), Gerstein, détecte (ou prétexte) une fuite, et fait enterrer une bouteille de Zyklon quelque part le long du trajet… Gerstein, Pfannenstiel et le convoi atteignent donc Lublin – leur destination – le 16 au soir ou le 17…
Si le rapport de Gerstein nous renseigne de façon assez détaillée sur les faits dont il a été témoin à partir de son arrivée à Lublin, il n’en est pas de même en ce qui concerne leur chronologie exacte. Rédigeant trois ans après son expérience, Gerstein tente de composer un récit linéaire et cohérent, mais y injecte des incidents qui l’ont particulièrement marqués sans tenir compte de leur enchaînement réel. Nous ne savons donc pas avec certitude dans quelle séquence précise telle ou telle phrase fut proférée ou tel acte commis.
« […] À Loublin, le SS Gruppenführer Globocnek nous attenda. Il nous dit : C’est une des plus sécrètes choses qu’il y a, et même la plus sécrète. Chacun, qui en parle, sera fusillé aussitôt. Hier, deux parleurs sont morts. Alors il nous expliqua : A l’instant – 17 août 1942 – il y a 3 installations » (KG-Fr) – (nb : il s’agit des 3 camps de Belzec, Sobibor, Treblinka).
Contrairement à l’impression donnée, l’entretien crucial avec le SSPF Odilo Globocnik, chef suprême d’Aktion Reinhard, n’eut probablement pas lieu dés leur arrivée. Maintenant, comme plus tard, Gerstein synthétise. Nous ne savons pratiquement rien du court séjour de Gerstein et Pfannenstiel à Lublin, mais plusieurs indices nous renseignent sur un déroulement probable. Devant la justice allemande, le 6 juin 1950, Pfannenstiel déclare : « À Lublin, j’accomplis les tâches qui m’étaient assignées ». De quoi s’agit-il ? Selon sa déposition, il était chargé d'améliorer l'alimentation de Lublin en eau potable, et d'assurer une meilleure évacuation des eaux usées. Pfannenstiel a donc vraisemblablement passé au moins une journée à Lublin afin de s’acquitter de cette partie de sa mission ; pour autant que cette dernière soit réelle. Qu’en est-il de Gerstein entre temps ? Bien que ni lui ni Pfannenstiel n’y fassent allusion, parallèlement à sa livraison de Zyklon B, Gerstein est bel et bien à Lublin en mission de désinfection. Dans son rapport, il affirme que Globocnik lui ordonna de : « […] faire la désinfection de très grand quantitées de vêtements, dix ou vingt fois le résultat de la Spinnstoffsammlung, (collection de vêtements et textiles) qu’on ne fait que pour obscurcir la provenance des vêtements juifs, Polonais, Tchèques etc » (KG-Fr).
Odilo Globocnik; Lublin, 1942 (Photo USHMM)
Il précise également :
« […] il s'adressa seulement à moi : c'est votre tâche de désinfecter les grandes quantités de textiles, linge, vêtements et chaussures qui restent dans les installations. Ces quantités représentent 10 à 20 fois le produit des collectes de textiles. Toutes ces collectes ne sont effectuées pour l’essentiel que dans le but de rendre plausible en quelque sorte pour les travailleurs étrangers et le peuple allemand l’origine des grandes quantités de vieux vêtements» (KG-All).
Or les vastes quantités de vêtements ayant appartenus aux victimes d’Aktion Reinhard ne sont pas stockées dans les centres d’extermination eux-mêmes, mais aux dépôts du Bekleidungswerke der Waffen-SS, Aussenstelle Lublin situés sur l’aérodrome désaffecté de Lublin, afin d’y êtres traitées. Comme preuve supplémentaire de sa mission de désinfection, Gerstein ajoute un peu plus loin : « Je m’enquis ensuite auprès des compagnies les plus efficaces de la possibilité de désinfecter une telle quantité de textiles – qui consistait d’un stock accumulé d’approximativement 40 millions kgs = 60 trains de marchandises remplis – dans les blanchisseries existantes et les installations de désinfection. Toutefois il était impossible de placer des commandes aussi importantes. Je profitais de ces négociations pour faire savoir de façon habile ou au moins à suggérer, la réalité du meurtre des Juifs. À la fin, Globocnik se contenta de ce que tout fut saupoudré d’un peu de Detenoline de sorte à au moins sentir de désinfection » (KG-All). Il paraît donc probable, et logique, que Globocnik ait emmené Gerstein aux dépôts du Bekleidungswerke puisque c’est là qu’étaient entreposés les vêtements en question. Comme nous le verrons plus loin, un détail du rapport Gerstein semble confirmer cette hypothèse. Ce qui saute aux yeux c’est qu’il n’est nulle part question de Zyklon B ; en professionnel, Gerstein tente de rationaliser la désinfection de quantités colossales de textiles par des moyens plausibles et fonctionnels, c’est-à-dire industriels. Il s’adresse auprès des compagnies de désinfection de Lublin, même s’il s’avère que par la suite ces dernières ne peuvent assumer la tâche et que Globocnik doive se résoudre à un artifice. La livraison de Zyklon B n’a, par contre, d’autre but que celui d’extermination expérimentale. Elle a été envisagée conjointement à la mission de désinfection de vêtements, dans le dessein non avoué, mais bien réel, d’améliorer la technique de mise à mort ; contribuant ainsi à une amélioration globale du fonctionnement technique d’Aktion Reinhard.
Selon l’historien Joseph Poprzeczny, l’entretien fatidique n’eut pas lieu de jour au quartier général d’Aktion Reinhard, l’ancien collège Stefan Batory, mais le soir, dans la luxueuse villa de Globocnik, rue Wieniawska, où Gerstein et Pfannenstiel sont conviés à dîner. Au cours de la soirée, Globocnik réitère le caractère infiniment secret de l’Aktion :
« […] Cette affaire secrète du Reich est actuellement une des plus secrètes, on peut même dire la plus secrète qui existe. Celui qui ne tient pas sa langue est fusillé immédiatement. Hier justement, nous avons fait taire deux bavards […] » (KG-All).
et dévoile à Gerstein le véritable objectif de sa mission :
« […] Votre autre devoir sera : de changer le service de nos chambres à gas, maintenant fonctionant par échappement d'un vieux moteur « Diesel », à une chose plus toxique et fonctionnant plus vite, c’est acide prussique. » (KG-Fr).
Villa de Globocnik en 2002 (Photo A.R.C.)
Cette dernière déclaration de Globocnik paraît renforcer l’hypothèse qu’il soit à l’origine de la mission. Pfannenstiel, bien qu’apparemment présent, ne raconte pas la même histoire. Dans sa déposition du 6 juin 1950, à Darmstadt, il déclare : « […] J’appris qu’il y avait un camp à Belzec où l’on tuait les Juifs. Je voulus le voir ». Plus loin, il ajoute :
« Je demandais si je pouvais visiter le camp. Globocnik qui était très fier de ses installations en donna la permission ». Plus tard, il donne une version totalement différente :
« J’aimerais décrire les circonstances de ma présence. Lors de mes conversations avec le Brigadeführer SS Globocnik, il me parla des grandes filatures qu’il avait érigées à Belzec. Il mentionna également que le travail dans ce camp dépasserait de loin la production allemande. Lorsque je m’enquis de l’origine des matières textiles, il me dit fièrement qu’elles provenaient des Juifs. À cette occasion, il mentionna aussi les opérations d’extermination contre les Juifs qui, pour la plupart, étaient tués à Belzec ».
Absurde. Plusieurs questions : l’Aktion Reinhard, entreprise d’assassinat de populations entières, est une opération classée secret d’état ; les clauses exigeant des exécutants une discrétion totale sont, comme nous l’avons vu plus haut (voir Partie I), sans équivoque. Dans son rapport, Gerstein précise que Globocnik se vante non seulement de diriger l’opération « la plus secrète qui existe », mais que les bavards sont exécutés. De toute évidence, la proposition selon laquelle Pfannenstiel aurait pu visiter Belzec par simple « curiosité » n’est pas crédible. Personne ne pénètre dans les camps d’Aktion Reinhard sans y avoir été invité pour des raisons précises. Or si Globocnik dévoile ouvertement à Pfannenstiel « les opérations d’extermination contre les Juifs qui, pour la plupart, étaient tués à Belzec », c’est que ce dernier y est mandaté. L’unique autre possibilité serait, comme Pfannenstiel essaye sans doute de le suggérer, pour des motifs hygiéniques afin de procéder à la désinfection des vêtements, mais, comme il l’admet lui-même,
« Gerstein fut chargé par Globocnik de s'occuper de la désinfection des grandes quantités de vêtements qui se trouvaient à Belzec ».
De quoi s’agit-il, alors ? Quel intérêt un professeur d’Hygiène SS aurait-il à visiter un camp de la mort, à moins que cela ne concerne la destruction hygiénique des cadavres ? Si c’est le cas, la présence de Pfannenstiel à Belzec n’a plus rien de mystérieux.
Pfannenstiel tente également de nous faire croire qu’il ne connaît pas Globocnik : « […] J’étais dans la ville de Lublin pour la première fois en août 1942. C’est la que je rencontrais le Gruppenführer SS Globocnik pour la première fois. À l’époque il y avait des projets de construire un camp à l’extérieur de Lublin, capable de contenir 150.000 personnes ». Le professeur insiste lourdement sur les premières fois, et en profite pour tenter de retourner la situation : « Je fis la connaissance de ce dernier par l’entremise du Dr. Gerstein qui avait souvent été à Lublin et à Belzec ». Pfannenstiel opère ici un véritable transfert car il n’existe aucune preuve, aucun indice, aucun témoignage, pouvant lier Gerstein à Odilo Globocnik hors du cadre de la visite du mois d’août 1942. Ce qui n’est pas le cas de Pfannenstiel… Pour nous en assurer, il nous faut opérer un bond en avant dans le temps :
Absente de son dossier SS, la dépression nerveuse de Globocnik, courant printemps 1943 (soit 9 mois après la visite de Gerstein), a pu être provoqué par nombre de facteurs. Son alcoolisme et sa consommation de médicaments y sont certainement pour quelque chose, mais ne sont que les symptômes d’une conscience torturée par son implication majeure dans les assassinats en masse, et sa liaison amoureuse sans issue. Il faut se rappeler qu’à cette époque, printemps 1943, Globocnik a déjà tué 1,5 millions de Juifs, et est sur le point de procéder à l’évacuation des Polonais de la région de Zamosc. Sans doute y a-t-il d’autres raison encore. Il avait également rompu, sur ordre d’Himmler, avec Irmgard Rickheim, la seule femme qu’il ait jamais aimée. Rickheim, qui nia toujours avoir su quoi que ce soit au sujet des exterminations, déclara que Globocnik prenait constamment des calmants ou des euphorisants, dépendant des situations auxquelles il avait affaire. C’est là qu’intervient un obscur personnage : Max Cichotski. Complice discret, Oberscharführer dans les Hitler-Jugend de Lublin et Hrubieszow au printemps 1942, Cichotsky se voit proposer le poste d’adjudant de Globocnik, et entre à la SS. Il parle couramment polonais. Globocnik s’en sert comme interprète et comme chauffeur. Capturé et emprisonné par les Soviétiques à la fin de la guerre, Cichotski rentre en Allemagne en 1947, et se fait désormais appeler Max Runhof. En 1961, il est assigné à comparaître devant le Département des Enquêtes Criminelles de Hesse. Certes, aucune preuve n’existe liant Cichotsky à l’Aktion Reinhard, mais il fut sans aucun doute impliqué, à un niveau élevé, dans les expulsions massives du territoire de Zamosc. En 1961, il déclare au tribunal d’avoir, en qualité de chauffeur occasionnel de Globocnik, conduit ce dernier à un camp proche de Lublin, où Ernst Lerch (un des cadres de Globocnik) l’attendait. Les deux hommes restèrent 45 minutes à l’intérieur du camp, mais Cichotsky ne fut pas autorisé à les y accompagner. Bien qu’il nie avoir su ce qui se passait dans les centres d’exterminations, il est néanmoins bien informé. Interrogé sur la dépression nerveuse de Globocnik, Cichotsky se montre plus prolixe :
R. « Ce devait être aux environs du printemps 1943. Un soir, Globocnik quitta son bureau sans son képi ni son manteau. […] Je le rencontrais et il était complètement absent. Il ne réussit à quitter la maison que quelques heures plus tard. […] Je tentais d’en savoir plus. […] Il répétait que tout était épouvantable et que je ne devais pas le questionner davantage ».
Q. « Vous souvenez-vous du Professeur [Wilhelm] Pfannenstiel ? »
R. « L’adjudant d’Himmler nous informa que Pfannenstiel arriverait de Berlin. Je reçus l’ordre de l’installer dans la maison de Globocnik. […] Lorsqu’il arriva, après le dîner, Pfannenstiel eut une longue conversation avec Globocnik près de la cheminée, où ils restèrent sans êtres dérangés ».
Il semble donc que Pfannenstiel était assurément chargé par Himmler d’une mission de la plus haute importance, puisque le responsable de l’extermination des Juifs et de l’expulsion des Polonais venait de « craquer » avant de d’avoir mené l’opération à bien. Pfannenstiel était bien à Lublin, en 1943, dorlotant Odilo Globocnik, le responsable de la Solution Finale en Pologne orientale. Or pour soigner un patient dont les maux sont liés à un secret d’État, il semble logique d’avoir dépêché un médecin initié, et non un témoin « occasionnel » comme Pfannenstiel tente de nous le faire croire. D’après le chercheur Michael Tregenza, un ancien élève de Pfannenstiel à l’Université de Marbourg assure l’avoir reconnu dans le cortège conduisant le Gruppenführer SS Hans Kammler (ingénieur responsable du SS-Amt II) à Belzec, le 8 Août 1942, à travers la ville de Tomaszow-Lubelski ; soit dix jours avant la visite avec Gerstein. L’élève de Pfannenstiel était interne à l’hôpital de Tomaszow. Nous voici avec une toute autre image du professeur en hygiène que celle concoctée par le négationniste Henri Roques. On comprendra alors aisément que ce n’est pas seulement le désir de se distancier de l’épisode Gerstein qui pousse Pfannenstiel à jongler si maladroitement avec les détails de ses dépositions, mais plutôt l’obsession de ne pas se contredire ou susciter de soupçons supplémentaires quant à la nature de ses relations rapprochées avec Odilo Globocnik et les camps d’Aktion Reinhard...
à suivre...
Eddy
Suite de la mission secrète de Kurt Gerstein… (Pour ceux que cela intéresse et qui auraient raté la première partie, voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/crimes-de-guerre-et-contre-l-humanite-f18/zyklon-b-la-mission-secrete-de-kurt-gerstein-t6300.htm ). Une fois encore, les conclusions atteintes dans ce récit n’expriment aucune autre vérité que mon point de vue personnel…
NB : Comme pour la Partie I, les extraits des rapports de Gerstein (Français & Allemand) sont annotés respectivement KG-Fr et KG-All. Les autres sources se trouveront en fin d’article.
Récapitulatif de la Partie I : Le 8 juin 1942, chargé par la section 4BIV du RSHA de convoyer 260 kg d’acide prussique (sans aucun doute du Zyklon B) vers une destination secrète, Kurt Gerstein (qui sait que l’acide est destiné à l’assassinat d’êtres humains mais ignore les méthodes adoptées) quitte Berlin en voiture le 15 ou 16 août. Un Professeur en Hygiène, l’Obersturmbannführer SS Wilhelm Pfannenstiel, l’accompagne (son étrange présence au sein de la mission a été abordée dans la Partie I). Un camion, dont seul le chauffeur connaît la destination du transport, et une escorte restreinte (peut-être 2 hommes dont le chauffeur SD de la voiture) forment le reste du convoi. Ayant pris livraison du poison à l’usine de potasse de Kolin (Tchécoslovaquie), Gerstein, détecte (ou prétexte) une fuite, et fait enterrer une bouteille de Zyklon quelque part le long du trajet… Gerstein, Pfannenstiel et le convoi atteignent donc Lublin – leur destination – le 16 au soir ou le 17…
Si le rapport de Gerstein nous renseigne de façon assez détaillée sur les faits dont il a été témoin à partir de son arrivée à Lublin, il n’en est pas de même en ce qui concerne leur chronologie exacte. Rédigeant trois ans après son expérience, Gerstein tente de composer un récit linéaire et cohérent, mais y injecte des incidents qui l’ont particulièrement marqués sans tenir compte de leur enchaînement réel. Nous ne savons donc pas avec certitude dans quelle séquence précise telle ou telle phrase fut proférée ou tel acte commis.
« […] À Loublin, le SS Gruppenführer Globocnek nous attenda. Il nous dit : C’est une des plus sécrètes choses qu’il y a, et même la plus sécrète. Chacun, qui en parle, sera fusillé aussitôt. Hier, deux parleurs sont morts. Alors il nous expliqua : A l’instant – 17 août 1942 – il y a 3 installations » (KG-Fr) – (nb : il s’agit des 3 camps de Belzec, Sobibor, Treblinka).
Contrairement à l’impression donnée, l’entretien crucial avec le SSPF Odilo Globocnik, chef suprême d’Aktion Reinhard, n’eut probablement pas lieu dés leur arrivée. Maintenant, comme plus tard, Gerstein synthétise. Nous ne savons pratiquement rien du court séjour de Gerstein et Pfannenstiel à Lublin, mais plusieurs indices nous renseignent sur un déroulement probable. Devant la justice allemande, le 6 juin 1950, Pfannenstiel déclare : « À Lublin, j’accomplis les tâches qui m’étaient assignées ». De quoi s’agit-il ? Selon sa déposition, il était chargé d'améliorer l'alimentation de Lublin en eau potable, et d'assurer une meilleure évacuation des eaux usées. Pfannenstiel a donc vraisemblablement passé au moins une journée à Lublin afin de s’acquitter de cette partie de sa mission ; pour autant que cette dernière soit réelle. Qu’en est-il de Gerstein entre temps ? Bien que ni lui ni Pfannenstiel n’y fassent allusion, parallèlement à sa livraison de Zyklon B, Gerstein est bel et bien à Lublin en mission de désinfection. Dans son rapport, il affirme que Globocnik lui ordonna de : « […] faire la désinfection de très grand quantitées de vêtements, dix ou vingt fois le résultat de la Spinnstoffsammlung, (collection de vêtements et textiles) qu’on ne fait que pour obscurcir la provenance des vêtements juifs, Polonais, Tchèques etc » (KG-Fr).
Odilo Globocnik; Lublin, 1942 (Photo USHMM)
Il précise également :
« […] il s'adressa seulement à moi : c'est votre tâche de désinfecter les grandes quantités de textiles, linge, vêtements et chaussures qui restent dans les installations. Ces quantités représentent 10 à 20 fois le produit des collectes de textiles. Toutes ces collectes ne sont effectuées pour l’essentiel que dans le but de rendre plausible en quelque sorte pour les travailleurs étrangers et le peuple allemand l’origine des grandes quantités de vieux vêtements» (KG-All).
Or les vastes quantités de vêtements ayant appartenus aux victimes d’Aktion Reinhard ne sont pas stockées dans les centres d’extermination eux-mêmes, mais aux dépôts du Bekleidungswerke der Waffen-SS, Aussenstelle Lublin situés sur l’aérodrome désaffecté de Lublin, afin d’y êtres traitées. Comme preuve supplémentaire de sa mission de désinfection, Gerstein ajoute un peu plus loin : « Je m’enquis ensuite auprès des compagnies les plus efficaces de la possibilité de désinfecter une telle quantité de textiles – qui consistait d’un stock accumulé d’approximativement 40 millions kgs = 60 trains de marchandises remplis – dans les blanchisseries existantes et les installations de désinfection. Toutefois il était impossible de placer des commandes aussi importantes. Je profitais de ces négociations pour faire savoir de façon habile ou au moins à suggérer, la réalité du meurtre des Juifs. À la fin, Globocnik se contenta de ce que tout fut saupoudré d’un peu de Detenoline de sorte à au moins sentir de désinfection » (KG-All). Il paraît donc probable, et logique, que Globocnik ait emmené Gerstein aux dépôts du Bekleidungswerke puisque c’est là qu’étaient entreposés les vêtements en question. Comme nous le verrons plus loin, un détail du rapport Gerstein semble confirmer cette hypothèse. Ce qui saute aux yeux c’est qu’il n’est nulle part question de Zyklon B ; en professionnel, Gerstein tente de rationaliser la désinfection de quantités colossales de textiles par des moyens plausibles et fonctionnels, c’est-à-dire industriels. Il s’adresse auprès des compagnies de désinfection de Lublin, même s’il s’avère que par la suite ces dernières ne peuvent assumer la tâche et que Globocnik doive se résoudre à un artifice. La livraison de Zyklon B n’a, par contre, d’autre but que celui d’extermination expérimentale. Elle a été envisagée conjointement à la mission de désinfection de vêtements, dans le dessein non avoué, mais bien réel, d’améliorer la technique de mise à mort ; contribuant ainsi à une amélioration globale du fonctionnement technique d’Aktion Reinhard.
Selon l’historien Joseph Poprzeczny, l’entretien fatidique n’eut pas lieu de jour au quartier général d’Aktion Reinhard, l’ancien collège Stefan Batory, mais le soir, dans la luxueuse villa de Globocnik, rue Wieniawska, où Gerstein et Pfannenstiel sont conviés à dîner. Au cours de la soirée, Globocnik réitère le caractère infiniment secret de l’Aktion :
« […] Cette affaire secrète du Reich est actuellement une des plus secrètes, on peut même dire la plus secrète qui existe. Celui qui ne tient pas sa langue est fusillé immédiatement. Hier justement, nous avons fait taire deux bavards […] » (KG-All).
et dévoile à Gerstein le véritable objectif de sa mission :
« […] Votre autre devoir sera : de changer le service de nos chambres à gas, maintenant fonctionant par échappement d'un vieux moteur « Diesel », à une chose plus toxique et fonctionnant plus vite, c’est acide prussique. » (KG-Fr).
Villa de Globocnik en 2002 (Photo A.R.C.)
Cette dernière déclaration de Globocnik paraît renforcer l’hypothèse qu’il soit à l’origine de la mission. Pfannenstiel, bien qu’apparemment présent, ne raconte pas la même histoire. Dans sa déposition du 6 juin 1950, à Darmstadt, il déclare : « […] J’appris qu’il y avait un camp à Belzec où l’on tuait les Juifs. Je voulus le voir ». Plus loin, il ajoute :
« Je demandais si je pouvais visiter le camp. Globocnik qui était très fier de ses installations en donna la permission ». Plus tard, il donne une version totalement différente :
« J’aimerais décrire les circonstances de ma présence. Lors de mes conversations avec le Brigadeführer SS Globocnik, il me parla des grandes filatures qu’il avait érigées à Belzec. Il mentionna également que le travail dans ce camp dépasserait de loin la production allemande. Lorsque je m’enquis de l’origine des matières textiles, il me dit fièrement qu’elles provenaient des Juifs. À cette occasion, il mentionna aussi les opérations d’extermination contre les Juifs qui, pour la plupart, étaient tués à Belzec ».
Absurde. Plusieurs questions : l’Aktion Reinhard, entreprise d’assassinat de populations entières, est une opération classée secret d’état ; les clauses exigeant des exécutants une discrétion totale sont, comme nous l’avons vu plus haut (voir Partie I), sans équivoque. Dans son rapport, Gerstein précise que Globocnik se vante non seulement de diriger l’opération « la plus secrète qui existe », mais que les bavards sont exécutés. De toute évidence, la proposition selon laquelle Pfannenstiel aurait pu visiter Belzec par simple « curiosité » n’est pas crédible. Personne ne pénètre dans les camps d’Aktion Reinhard sans y avoir été invité pour des raisons précises. Or si Globocnik dévoile ouvertement à Pfannenstiel « les opérations d’extermination contre les Juifs qui, pour la plupart, étaient tués à Belzec », c’est que ce dernier y est mandaté. L’unique autre possibilité serait, comme Pfannenstiel essaye sans doute de le suggérer, pour des motifs hygiéniques afin de procéder à la désinfection des vêtements, mais, comme il l’admet lui-même,
« Gerstein fut chargé par Globocnik de s'occuper de la désinfection des grandes quantités de vêtements qui se trouvaient à Belzec ».
De quoi s’agit-il, alors ? Quel intérêt un professeur d’Hygiène SS aurait-il à visiter un camp de la mort, à moins que cela ne concerne la destruction hygiénique des cadavres ? Si c’est le cas, la présence de Pfannenstiel à Belzec n’a plus rien de mystérieux.
Pfannenstiel tente également de nous faire croire qu’il ne connaît pas Globocnik : « […] J’étais dans la ville de Lublin pour la première fois en août 1942. C’est la que je rencontrais le Gruppenführer SS Globocnik pour la première fois. À l’époque il y avait des projets de construire un camp à l’extérieur de Lublin, capable de contenir 150.000 personnes ». Le professeur insiste lourdement sur les premières fois, et en profite pour tenter de retourner la situation : « Je fis la connaissance de ce dernier par l’entremise du Dr. Gerstein qui avait souvent été à Lublin et à Belzec ». Pfannenstiel opère ici un véritable transfert car il n’existe aucune preuve, aucun indice, aucun témoignage, pouvant lier Gerstein à Odilo Globocnik hors du cadre de la visite du mois d’août 1942. Ce qui n’est pas le cas de Pfannenstiel… Pour nous en assurer, il nous faut opérer un bond en avant dans le temps :
Absente de son dossier SS, la dépression nerveuse de Globocnik, courant printemps 1943 (soit 9 mois après la visite de Gerstein), a pu être provoqué par nombre de facteurs. Son alcoolisme et sa consommation de médicaments y sont certainement pour quelque chose, mais ne sont que les symptômes d’une conscience torturée par son implication majeure dans les assassinats en masse, et sa liaison amoureuse sans issue. Il faut se rappeler qu’à cette époque, printemps 1943, Globocnik a déjà tué 1,5 millions de Juifs, et est sur le point de procéder à l’évacuation des Polonais de la région de Zamosc. Sans doute y a-t-il d’autres raison encore. Il avait également rompu, sur ordre d’Himmler, avec Irmgard Rickheim, la seule femme qu’il ait jamais aimée. Rickheim, qui nia toujours avoir su quoi que ce soit au sujet des exterminations, déclara que Globocnik prenait constamment des calmants ou des euphorisants, dépendant des situations auxquelles il avait affaire. C’est là qu’intervient un obscur personnage : Max Cichotski. Complice discret, Oberscharführer dans les Hitler-Jugend de Lublin et Hrubieszow au printemps 1942, Cichotsky se voit proposer le poste d’adjudant de Globocnik, et entre à la SS. Il parle couramment polonais. Globocnik s’en sert comme interprète et comme chauffeur. Capturé et emprisonné par les Soviétiques à la fin de la guerre, Cichotski rentre en Allemagne en 1947, et se fait désormais appeler Max Runhof. En 1961, il est assigné à comparaître devant le Département des Enquêtes Criminelles de Hesse. Certes, aucune preuve n’existe liant Cichotsky à l’Aktion Reinhard, mais il fut sans aucun doute impliqué, à un niveau élevé, dans les expulsions massives du territoire de Zamosc. En 1961, il déclare au tribunal d’avoir, en qualité de chauffeur occasionnel de Globocnik, conduit ce dernier à un camp proche de Lublin, où Ernst Lerch (un des cadres de Globocnik) l’attendait. Les deux hommes restèrent 45 minutes à l’intérieur du camp, mais Cichotsky ne fut pas autorisé à les y accompagner. Bien qu’il nie avoir su ce qui se passait dans les centres d’exterminations, il est néanmoins bien informé. Interrogé sur la dépression nerveuse de Globocnik, Cichotsky se montre plus prolixe :
R. « Ce devait être aux environs du printemps 1943. Un soir, Globocnik quitta son bureau sans son képi ni son manteau. […] Je le rencontrais et il était complètement absent. Il ne réussit à quitter la maison que quelques heures plus tard. […] Je tentais d’en savoir plus. […] Il répétait que tout était épouvantable et que je ne devais pas le questionner davantage ».
Q. « Vous souvenez-vous du Professeur [Wilhelm] Pfannenstiel ? »
R. « L’adjudant d’Himmler nous informa que Pfannenstiel arriverait de Berlin. Je reçus l’ordre de l’installer dans la maison de Globocnik. […] Lorsqu’il arriva, après le dîner, Pfannenstiel eut une longue conversation avec Globocnik près de la cheminée, où ils restèrent sans êtres dérangés ».
Il semble donc que Pfannenstiel était assurément chargé par Himmler d’une mission de la plus haute importance, puisque le responsable de l’extermination des Juifs et de l’expulsion des Polonais venait de « craquer » avant de d’avoir mené l’opération à bien. Pfannenstiel était bien à Lublin, en 1943, dorlotant Odilo Globocnik, le responsable de la Solution Finale en Pologne orientale. Or pour soigner un patient dont les maux sont liés à un secret d’État, il semble logique d’avoir dépêché un médecin initié, et non un témoin « occasionnel » comme Pfannenstiel tente de nous le faire croire. D’après le chercheur Michael Tregenza, un ancien élève de Pfannenstiel à l’Université de Marbourg assure l’avoir reconnu dans le cortège conduisant le Gruppenführer SS Hans Kammler (ingénieur responsable du SS-Amt II) à Belzec, le 8 Août 1942, à travers la ville de Tomaszow-Lubelski ; soit dix jours avant la visite avec Gerstein. L’élève de Pfannenstiel était interne à l’hôpital de Tomaszow. Nous voici avec une toute autre image du professeur en hygiène que celle concoctée par le négationniste Henri Roques. On comprendra alors aisément que ce n’est pas seulement le désir de se distancier de l’épisode Gerstein qui pousse Pfannenstiel à jongler si maladroitement avec les détails de ses dépositions, mais plutôt l’obsession de ne pas se contredire ou susciter de soupçons supplémentaires quant à la nature de ses relations rapprochées avec Odilo Globocnik et les camps d’Aktion Reinhard...
à suivre...
Eddy
Dernière édition par eddy marz le 28/11/2011, 13:12, édité 3 fois
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Mission Gerstein Partie II: Quelques heures en Enfer...
Suite...
Revenons maintenant au 17 août 1942, et au dîner chez Globocnik… Dans le courant de la conversation, Globocnik déclare à Gerstein et Pfannenstiel :
« Avant-hier, le 15 août 1942, le Führer et Himmler étaient ici. Je ne dois pas établir de laissez-passer aux gens qui doivent visiter les installations, mais, pour garder le secret, les y conduire personnellement. Pfannenstiel demanda alors: ‘Qu'a dit le Führer de tout cela?’ et Globocnec répondit: ‘Toute l'action doit être menée à son terme au plus vite!’ En sa compagnie, se trouvait aussi le Conseiller ministériel Dr. Herbert Linden du Ministère du Reich (du Département de Sécurité Sociale) . Celui-ci est d'avis qu'il serait mieux de brûler les cadavres au lieu de les ensevelir. Un jour pourrait venir une génération après nous qui ne comprendrait pas tout cela. Sur quoi, moi Globocnec, j'ai dit: "Messieurs, si jamais devait venir après nous une génération qui ne comprenait notre grande tâche si digne de reconnaissance et nécessaire, alors c'est notre National-socialisme tout entier qui aurait été vain". Je suis au contraire d'avis qu'il faudrait enfoncer des tables de bronze sur lesquelles serait écrit que nous, que c'était nous qui avons eu le courage d'accomplir cette œuvre si nécessaire et importante. Et là-dessus, Hitler: Bien, Globocnec, c'est vraiment aussi mon point de vue » (KG-All).
Le négationniste Henri Roques s’insurge ; Gerstein ment ! Hitler n’a, bien entendu, jamais mis les pieds à Lublin, et encore moins dans un camp d’extermination ; car rien ne doit lier le Führer à la Solution Finale. Indubitablement renseigné quant à l’évolution globale de l’opération, il n’a pas à en connaître les détails ; les statistiques fournies par Himmler lors de leurs entretiens privés lui suffisent. C’est vrai. Mais Gerstein n’affirme rien… il ne fait que répéter ce que lui raconte Globocnik. Car Globocnik se vante ; tente d’impressionner ses invités en affichant son intimité avec Hitler. Cette posture, à la fois arrogante et immature, correspond en tout points à sa personnalité. S’il peut se targuer d’avoir entretenu des rapports personnels avec Hitler lors de l’Anschluss, aucun accès direct à la Chancellerie ne lui est actuellement consenti. C’est à Himmler, et lui seul, qu’il rend des comptes sur Aktion Reinhard. Détail non sans importance, une visite d’Himmler à Lublin, à la mi-juillet 1942, (soit un mois avant la visite de Gerstein) est attestée ; il n’est pas impossible qu’à cette occasion une conversation comme celle décrite par Globocnik ait eue lieu.
« Le lendemain, nous allâmes à Belzec avec la voiture du capitaine Wirth » (KG-All)
Selon Pfannenstiel : « Globocnik […] nous emmena dans le camp, Gerstein et moi ». Une fois de plus, Pfannenstiel brode. Il tente de minimiser son rôle en donnant l’impression que Globocnik l’autorise à visiter Belzec sur simple demande. Dans sa déposition, il affirme encore : « […] J’appris qu’il y avait un camp à Belzec où l’on tuait les Juifs. Je voulus le voir ». Ce récit est également absurde. La présence de Pfannenstiel à Belzec, impensable en terme de « curiosité », n’est possible que dans le cadre des travaux sanitaires dont il est chargé. Plus laconique, Gerstein écrit : « Le lendemain nous allâmes à Belzec ». Mais, un peu plus loin dans le texte, il poursuit : « Globocnec me confia au Hauptsturmführer Obermeyer de Pirmasens, qui me fit voir les installations avec beaucoup de réticence […] » (KG-All)).
La plupart des chercheurs s’accordent pour admettre que Gerstein commet ici une erreur. En effet, la seule personne habilitée, en l’absence de Wirth, à faire visiter le camp est l’Oberscharführer SS Josef Oberhauser. Il ne peut donc que s’agir de lui. Il existe bien dans le sillage d’Aktion Reinhard un Hauptsturmführer SS Obermeyer. C’est un SS Polizei Führer (SSPF), expert en textile et précisément responsable du « Bekleidungswerke der Waffen-SS, Aussenstelle Lublin », le dépôt de vêtements volés aux déportés. Il paraît donc évident que Globocnik emmena effectivement Gerstein aux entrepôts de l’aérodrome de Lublin, et lui présenta Obermeyer. Par la suite, Gerstein le confondra avec Oberhauser, second de Wirth. Similitude du nom, lapsus ; quoi qu’il en soit, il s’agit d’une confusion et non d’une invention ou d’une erreur.
Gerstein et Pfannenstiel s’accordent au moins sur un point : c’est bien Odilo Globocnik en personne qui les accompagne à Belzec, à 130 kilomètres au sud-est de Lublin ; preuve qu’il considère la mission suffisamment importante. Sans doute faut-il également imaginer que, connaissant Wirth, il préfère se charger de présenter les experts mandatés par Berlin personnellement.
Wirth (au centre) - (Photo USHMM)
La première partie de la visite n’est pas décrite par Pfannenstiel ; seulement par Gerstein. Comme pour ce qui suivra le lendemain, certains détails, ou la séquence des évènements, varient selon les différentes versions de son rapport mais forment néanmoins un récit cohérent, amplement confirmé par celui de Pfannenstiel, ainsi que par ceux d’autres intervenants d’Aktion Reinhard. « Une petite gare spéciale de deux quais s’incline à la colline de sable jaune, immédiatement au nord de la rue et du chemin de fer Lublin-Lemberg […] Mais l’odeur de toute la région, aussi de la grande chaussée, était pestilent » (KG-Fr). La description concorde étroitement avec celle de Franz Stangl, venu quatre mois plus tôt : « J’y suis allé en voiture. Quand on arrive, on rencontre d’abord la gare. […] Dieu ! Quelle odeur ! Elle domine partout ». Arrivés par la route, Gerstein et Pfannenstiel pénètrent dans le camp n°1 par une entrée accolée au portail ferroviaire. Wirth est absent ; c’est donc l’Oberscharführer Josef Oberhauser qui se charge de la visite guidée avec beaucoup de réticence. Comme tous les tueurs d’Aktion Reinhard, Oberhauser a fait le serment de maintenir le secret absolu. L’idée que deux étrangers au service – fussent-ils des SS eux aussi – puissent le lier à ce lieu ne l’enchante probablement guère ; de surcroît, occupant la place peu enviable d’adjudant de Wirth, préfèrerait certainement avoir l’aval de son chef avant de procéder.
Belzec : Gardes Volkdeutsche (Photo A.R.C.)
Traversant le secteur comprenant les quartiers, l’infirmerie, et la cantine des auxiliaires Ukrainiens, ils franchissent une seconde poterne gardée et débouchent sur l’Appellplatz, une esplanade de « réception » en terre sablonneuse entièrement isolée des autres sections du camp par de hautes clôtures entrelacées de feuillage constamment renouvelé. Il n’y a pas de « fausse gare » ; les trains dépassent la gare du village de Belzec puis, environ trois cents mètres plus loin, bifurquent le long de l’embranchement et pénètrent immédiatement dans le camp. La rampe d’arrivée, la rampe « A », donne directement sur l’Appellplatz ; une rampe « B », parallèle à la première, sert à parquer les secondes parties de convois en attente de traitement. L’administration SS cherche plutôt à faire croire aux déportés qu’ils sont arrivés dans un camp de travail ou de transit. Plusieurs baraquements ont d’ailleurs été érigés sur l’Appellplatz : un vaste entrepôt destiné au triage des valeurs dérobées aux déportés, une salle réservée au déshabillage et à la tonsure des femmes, un atelier de reprise de vêtements, un garage, et même un atelier de cordonnerie. Gerstein note : «À côté de la petite gare, il y avait une grande baraque ‘Garderobe’ avec un guichet ‘Valeurs’. Alors, une chambre de 100 chaises ‘Coiffeurs’ ».(KG-All). L’Oberscharführer SS Kurt Franz, qui servit à Belzec jusqu’à la fin août 1942, confirme : « A l’intérieur de la baraque de déshabillage il y avait un comptoir pour le dépôt des valeurs. Il fut clairement expliqué aux juifs qu’ils récupèreraient leurs biens après le bain ». L’Appellplatz est apparemment vide ce jour-là ; sans doute est-il déjà tard. À contrecœur, Oberhauser entraîne les deux hygiénistes vers le camp n° 2. Un sas en planches de bois a été créé entre la baraque de déshabillage et l’entrepôt. Une fois dans le sas, impossible de rebrousser chemin ; la seule issue est l’entrée du boyau, « der Schlauch » : « Alors un corridor de 150 mètres au plein vent, fils barbelés de deux côtés, et affiches : ‘Au bains et inhalations’ ». (KG-Fr) L’étroit boyau à ciel ouvert, large de 2 mètres et fermé des deux côtés par des planches et du barbelé entrelacé de feuillage, grimpe vers le sommet de la colline, traversant une vaste clairière sablonneuse, elle aussi strictement délimitée par une clôture camouflée de trois mètres de haut, pour s’arrêter au centre d’un bouquet d’arbres : « Avant nous une maison comme institut de bains, à droite et à gauche grand pot de béton avec géranium ou autres fleurs. Après avoir monté un petit escalier, à droite et à gauche, trois et trois chambres comme des garages, 4x5 mètres, 1,90 mètre d’altitude. " (KG-Fr).
Les dimensions des chambres à gaz, telles que Gerstein les perçoit à vue de nez, deviendront par la suite un élément excessivement controversé dont les négationnistes et les révisionnistes se saisiront dans la tentative de discréditer le rapport Gerstein. La belle affaire ! Écrivant de mémoire 3 ans après les faits, Gerstein se trompe de deux mètres sur la longueur des chambres. En effet, l’Unterscharführer SS Karl Schluch, qui servit à Belzec de mars 1942 jusqu’à la fin des opérations, donne une version légèrement différente : « […] et à Belzec on me montra les chambres à gaz. […] Elles mesuraient environ 4x8 mètres chacune ». Schluh nous offre même des détails sur leur aspect :
« Elles avaient une apparence claire et amicale [sic]. Je ne me souviens plus si elles étaient de couleur jaune ou grise. Peut-être les murs étaient-ils peints avec des couleurs à l’huile. De toute façon, les sols et une partie des murs étaient conçus de façon à faciliter le nettoyage ». D’autres particularités attirent l’attention de Gerstein :
« […] Au toit, l’étoile de David en cuivre. Avant le bâtiment, inscription ‘Fondation Hackenholdt’ » (KG-Fr).
À Belzec, les journées se terminent aux environs de 18h. Les travailleurs Juifs, épargnés quelques jours ou quelques heures, doivent se rendre à l’appel. Pour Gerstein et Pfannenstiel, la visite s’interrompt : « […] De plus – cet après-midi – je n’ai aperçu » (KG-Fr). Les deux hommes sont escortés en dehors du camp. Les quartiers SS, situés le long de l’artère principale du village de Belzec, consistent de trois maisons civiles dont une tient lieu de Kommandantur. C’est de toute évidence là que Gerstein et Pfannenstiel sont hébergés pour la nuit. Le lendemain, 18 août, les deux hommes sont réveillés aux environs de sept heures et invités à se rendre rapidement à l’Appellplatz ; le premier convoi de la journée arrive : « […] Autre matin, quelques minutes avant sept heures, on m’annonça : ‘Dans dix minutes, le premier train arrivera !’ En effet, quelques minutes plus tard un train arrivait de Lemberg, 45 wagons, contenant plus de 6000 personnes » (KG-All). Selon une routine bien établie, les trains de l’Ostbahn s’arrêtent à une centaine de mètres du camp ; une plaque tournante permet de retourner les locomotives et de les atteler au wagon de queue. Les gardes Allemands et mécaniciens Polonais quittent alors le convoi ; pas de témoins inutiles. Les transports, comprenant entre quarante et soixante wagons sont ensuite fractionnés en deux ou trois sections ; la capacité du camp ne consentant qu’une vingtaine de wagons à la fois. Dès qu’une section est vide, elle est remplacée par la prochaine. Des Ukrainiens armés se hissent sur les toits des wagons tandis que Rudolf Göckel, le seul employé des chemins de fer autorisé à entrer dans le camp de la mort, se charge de les conduire à l’intérieur. Roulant au pas, les wagons sont poussés en marche arrière à l’intérieur de l’enceinte, jusqu’aux buttoirs à l’extrémité de la rampe.
à suivre...
Revenons maintenant au 17 août 1942, et au dîner chez Globocnik… Dans le courant de la conversation, Globocnik déclare à Gerstein et Pfannenstiel :
« Avant-hier, le 15 août 1942, le Führer et Himmler étaient ici. Je ne dois pas établir de laissez-passer aux gens qui doivent visiter les installations, mais, pour garder le secret, les y conduire personnellement. Pfannenstiel demanda alors: ‘Qu'a dit le Führer de tout cela?’ et Globocnec répondit: ‘Toute l'action doit être menée à son terme au plus vite!’ En sa compagnie, se trouvait aussi le Conseiller ministériel Dr. Herbert Linden du Ministère du Reich (du Département de Sécurité Sociale) . Celui-ci est d'avis qu'il serait mieux de brûler les cadavres au lieu de les ensevelir. Un jour pourrait venir une génération après nous qui ne comprendrait pas tout cela. Sur quoi, moi Globocnec, j'ai dit: "Messieurs, si jamais devait venir après nous une génération qui ne comprenait notre grande tâche si digne de reconnaissance et nécessaire, alors c'est notre National-socialisme tout entier qui aurait été vain". Je suis au contraire d'avis qu'il faudrait enfoncer des tables de bronze sur lesquelles serait écrit que nous, que c'était nous qui avons eu le courage d'accomplir cette œuvre si nécessaire et importante. Et là-dessus, Hitler: Bien, Globocnec, c'est vraiment aussi mon point de vue » (KG-All).
Le négationniste Henri Roques s’insurge ; Gerstein ment ! Hitler n’a, bien entendu, jamais mis les pieds à Lublin, et encore moins dans un camp d’extermination ; car rien ne doit lier le Führer à la Solution Finale. Indubitablement renseigné quant à l’évolution globale de l’opération, il n’a pas à en connaître les détails ; les statistiques fournies par Himmler lors de leurs entretiens privés lui suffisent. C’est vrai. Mais Gerstein n’affirme rien… il ne fait que répéter ce que lui raconte Globocnik. Car Globocnik se vante ; tente d’impressionner ses invités en affichant son intimité avec Hitler. Cette posture, à la fois arrogante et immature, correspond en tout points à sa personnalité. S’il peut se targuer d’avoir entretenu des rapports personnels avec Hitler lors de l’Anschluss, aucun accès direct à la Chancellerie ne lui est actuellement consenti. C’est à Himmler, et lui seul, qu’il rend des comptes sur Aktion Reinhard. Détail non sans importance, une visite d’Himmler à Lublin, à la mi-juillet 1942, (soit un mois avant la visite de Gerstein) est attestée ; il n’est pas impossible qu’à cette occasion une conversation comme celle décrite par Globocnik ait eue lieu.
« Le lendemain, nous allâmes à Belzec avec la voiture du capitaine Wirth » (KG-All)
Selon Pfannenstiel : « Globocnik […] nous emmena dans le camp, Gerstein et moi ». Une fois de plus, Pfannenstiel brode. Il tente de minimiser son rôle en donnant l’impression que Globocnik l’autorise à visiter Belzec sur simple demande. Dans sa déposition, il affirme encore : « […] J’appris qu’il y avait un camp à Belzec où l’on tuait les Juifs. Je voulus le voir ». Ce récit est également absurde. La présence de Pfannenstiel à Belzec, impensable en terme de « curiosité », n’est possible que dans le cadre des travaux sanitaires dont il est chargé. Plus laconique, Gerstein écrit : « Le lendemain nous allâmes à Belzec ». Mais, un peu plus loin dans le texte, il poursuit : « Globocnec me confia au Hauptsturmführer Obermeyer de Pirmasens, qui me fit voir les installations avec beaucoup de réticence […] » (KG-All)).
La plupart des chercheurs s’accordent pour admettre que Gerstein commet ici une erreur. En effet, la seule personne habilitée, en l’absence de Wirth, à faire visiter le camp est l’Oberscharführer SS Josef Oberhauser. Il ne peut donc que s’agir de lui. Il existe bien dans le sillage d’Aktion Reinhard un Hauptsturmführer SS Obermeyer. C’est un SS Polizei Führer (SSPF), expert en textile et précisément responsable du « Bekleidungswerke der Waffen-SS, Aussenstelle Lublin », le dépôt de vêtements volés aux déportés. Il paraît donc évident que Globocnik emmena effectivement Gerstein aux entrepôts de l’aérodrome de Lublin, et lui présenta Obermeyer. Par la suite, Gerstein le confondra avec Oberhauser, second de Wirth. Similitude du nom, lapsus ; quoi qu’il en soit, il s’agit d’une confusion et non d’une invention ou d’une erreur.
Gerstein et Pfannenstiel s’accordent au moins sur un point : c’est bien Odilo Globocnik en personne qui les accompagne à Belzec, à 130 kilomètres au sud-est de Lublin ; preuve qu’il considère la mission suffisamment importante. Sans doute faut-il également imaginer que, connaissant Wirth, il préfère se charger de présenter les experts mandatés par Berlin personnellement.
Wirth (au centre) - (Photo USHMM)
La première partie de la visite n’est pas décrite par Pfannenstiel ; seulement par Gerstein. Comme pour ce qui suivra le lendemain, certains détails, ou la séquence des évènements, varient selon les différentes versions de son rapport mais forment néanmoins un récit cohérent, amplement confirmé par celui de Pfannenstiel, ainsi que par ceux d’autres intervenants d’Aktion Reinhard. « Une petite gare spéciale de deux quais s’incline à la colline de sable jaune, immédiatement au nord de la rue et du chemin de fer Lublin-Lemberg […] Mais l’odeur de toute la région, aussi de la grande chaussée, était pestilent » (KG-Fr). La description concorde étroitement avec celle de Franz Stangl, venu quatre mois plus tôt : « J’y suis allé en voiture. Quand on arrive, on rencontre d’abord la gare. […] Dieu ! Quelle odeur ! Elle domine partout ». Arrivés par la route, Gerstein et Pfannenstiel pénètrent dans le camp n°1 par une entrée accolée au portail ferroviaire. Wirth est absent ; c’est donc l’Oberscharführer Josef Oberhauser qui se charge de la visite guidée avec beaucoup de réticence. Comme tous les tueurs d’Aktion Reinhard, Oberhauser a fait le serment de maintenir le secret absolu. L’idée que deux étrangers au service – fussent-ils des SS eux aussi – puissent le lier à ce lieu ne l’enchante probablement guère ; de surcroît, occupant la place peu enviable d’adjudant de Wirth, préfèrerait certainement avoir l’aval de son chef avant de procéder.
Belzec : Gardes Volkdeutsche (Photo A.R.C.)
Traversant le secteur comprenant les quartiers, l’infirmerie, et la cantine des auxiliaires Ukrainiens, ils franchissent une seconde poterne gardée et débouchent sur l’Appellplatz, une esplanade de « réception » en terre sablonneuse entièrement isolée des autres sections du camp par de hautes clôtures entrelacées de feuillage constamment renouvelé. Il n’y a pas de « fausse gare » ; les trains dépassent la gare du village de Belzec puis, environ trois cents mètres plus loin, bifurquent le long de l’embranchement et pénètrent immédiatement dans le camp. La rampe d’arrivée, la rampe « A », donne directement sur l’Appellplatz ; une rampe « B », parallèle à la première, sert à parquer les secondes parties de convois en attente de traitement. L’administration SS cherche plutôt à faire croire aux déportés qu’ils sont arrivés dans un camp de travail ou de transit. Plusieurs baraquements ont d’ailleurs été érigés sur l’Appellplatz : un vaste entrepôt destiné au triage des valeurs dérobées aux déportés, une salle réservée au déshabillage et à la tonsure des femmes, un atelier de reprise de vêtements, un garage, et même un atelier de cordonnerie. Gerstein note : «À côté de la petite gare, il y avait une grande baraque ‘Garderobe’ avec un guichet ‘Valeurs’. Alors, une chambre de 100 chaises ‘Coiffeurs’ ».(KG-All). L’Oberscharführer SS Kurt Franz, qui servit à Belzec jusqu’à la fin août 1942, confirme : « A l’intérieur de la baraque de déshabillage il y avait un comptoir pour le dépôt des valeurs. Il fut clairement expliqué aux juifs qu’ils récupèreraient leurs biens après le bain ». L’Appellplatz est apparemment vide ce jour-là ; sans doute est-il déjà tard. À contrecœur, Oberhauser entraîne les deux hygiénistes vers le camp n° 2. Un sas en planches de bois a été créé entre la baraque de déshabillage et l’entrepôt. Une fois dans le sas, impossible de rebrousser chemin ; la seule issue est l’entrée du boyau, « der Schlauch » : « Alors un corridor de 150 mètres au plein vent, fils barbelés de deux côtés, et affiches : ‘Au bains et inhalations’ ». (KG-Fr) L’étroit boyau à ciel ouvert, large de 2 mètres et fermé des deux côtés par des planches et du barbelé entrelacé de feuillage, grimpe vers le sommet de la colline, traversant une vaste clairière sablonneuse, elle aussi strictement délimitée par une clôture camouflée de trois mètres de haut, pour s’arrêter au centre d’un bouquet d’arbres : « Avant nous une maison comme institut de bains, à droite et à gauche grand pot de béton avec géranium ou autres fleurs. Après avoir monté un petit escalier, à droite et à gauche, trois et trois chambres comme des garages, 4x5 mètres, 1,90 mètre d’altitude. " (KG-Fr).
Les dimensions des chambres à gaz, telles que Gerstein les perçoit à vue de nez, deviendront par la suite un élément excessivement controversé dont les négationnistes et les révisionnistes se saisiront dans la tentative de discréditer le rapport Gerstein. La belle affaire ! Écrivant de mémoire 3 ans après les faits, Gerstein se trompe de deux mètres sur la longueur des chambres. En effet, l’Unterscharführer SS Karl Schluch, qui servit à Belzec de mars 1942 jusqu’à la fin des opérations, donne une version légèrement différente : « […] et à Belzec on me montra les chambres à gaz. […] Elles mesuraient environ 4x8 mètres chacune ». Schluh nous offre même des détails sur leur aspect :
« Elles avaient une apparence claire et amicale [sic]. Je ne me souviens plus si elles étaient de couleur jaune ou grise. Peut-être les murs étaient-ils peints avec des couleurs à l’huile. De toute façon, les sols et une partie des murs étaient conçus de façon à faciliter le nettoyage ». D’autres particularités attirent l’attention de Gerstein :
« […] Au toit, l’étoile de David en cuivre. Avant le bâtiment, inscription ‘Fondation Hackenholdt’ » (KG-Fr).
À Belzec, les journées se terminent aux environs de 18h. Les travailleurs Juifs, épargnés quelques jours ou quelques heures, doivent se rendre à l’appel. Pour Gerstein et Pfannenstiel, la visite s’interrompt : « […] De plus – cet après-midi – je n’ai aperçu » (KG-Fr). Les deux hommes sont escortés en dehors du camp. Les quartiers SS, situés le long de l’artère principale du village de Belzec, consistent de trois maisons civiles dont une tient lieu de Kommandantur. C’est de toute évidence là que Gerstein et Pfannenstiel sont hébergés pour la nuit. Le lendemain, 18 août, les deux hommes sont réveillés aux environs de sept heures et invités à se rendre rapidement à l’Appellplatz ; le premier convoi de la journée arrive : « […] Autre matin, quelques minutes avant sept heures, on m’annonça : ‘Dans dix minutes, le premier train arrivera !’ En effet, quelques minutes plus tard un train arrivait de Lemberg, 45 wagons, contenant plus de 6000 personnes » (KG-All). Selon une routine bien établie, les trains de l’Ostbahn s’arrêtent à une centaine de mètres du camp ; une plaque tournante permet de retourner les locomotives et de les atteler au wagon de queue. Les gardes Allemands et mécaniciens Polonais quittent alors le convoi ; pas de témoins inutiles. Les transports, comprenant entre quarante et soixante wagons sont ensuite fractionnés en deux ou trois sections ; la capacité du camp ne consentant qu’une vingtaine de wagons à la fois. Dès qu’une section est vide, elle est remplacée par la prochaine. Des Ukrainiens armés se hissent sur les toits des wagons tandis que Rudolf Göckel, le seul employé des chemins de fer autorisé à entrer dans le camp de la mort, se charge de les conduire à l’intérieur. Roulant au pas, les wagons sont poussés en marche arrière à l’intérieur de l’enceinte, jusqu’aux buttoirs à l’extrémité de la rampe.
à suivre...
Dernière édition par eddy marz le 28/11/2011, 13:12, édité 4 fois
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Mission Gerstein Partie II: Quelques heures en Enfer...
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Debout sur l’esplanade, Gerstein et Pfannenstiel assistent au déchargement. Wirth et Oberhauser sont sûrement là eux aussi, mais Gerstein ne les mentionne pas. Vociférant, les auxiliaires Ukrainiens courent le long des wagons, ouvrant brutalement les portes. En cinq minutes À coups de schlague, déportés et bagages se déversent sur le quai dans la confusion la plus totale. Pourtant, tout cela fait partie d’une procédure parfaitement rodée. La configuration du camp, la brutalité des auxiliaires Ukrainiens, et les gestes que les déportés sont contraints à accomplir dès qu’ils descendent des wagons sont calculés afin de s’assurer qu’ils n’aient pas le temps de comprendre. Ils sont arrivés dans un camp de transit, ou de travail, et doivent continuer à le croire jusqu’à l’intérieur de la Fondation Hackenholdt. Tout se passe très vite. Éreintées du voyage, choquées, intimidées, les victimes sont poussées, séparées, battues, forcées à courir ; elles n’ont pas le temps de réfléchir, ni d’inspecter les lieux. De toute façon, d’ici, le reste du camp est invisible. Cette paralysie mentale et physique les empêche de résister ou de tenter de s’échapper. Un haut-parleur les informe immédiatement de ce qui va suivre. Vingt ans après les faits, l’Unterscharführer SS Schluch s’en souviendra encore : « Pendant le déchargement, les juifs étaient informés qu’ils étaient ici pour êtres transférés et qu’ils devaient prendre un bain et y êtres désinfectés. Cette annonce était faite par Wirth et traduite par un kapo Juif ». Gerstein apporte des précisions : « Alors un grand haut-parleur donne les instructions : Au plein vent, quelques dans la baraque, se déshabiller de tout vêtement, aussi prothèse et lunettes » (KG-Fr). Ici, pas de sélection comme ce sera le cas, plus tard, à Auschwitz ; tous sont voués à la mort. Une fois les déportés séparés par sexe, les femmes et les jeunes enfants sont dirigés vers la baraque de déshabillage. Les hommes se dévêtent à même l’esplanade ; par mesure de sécurité, ils seront les premiers à prendre le chemin de la Fondation Hackenholdt.
Dans le chaos, plusieurs détails isolés s’impriment dans la mémoire de Gerstein : « Avec petit morceau de ficelle, offert par un petit garçon Juif de 4 ans, joindre ensemble les chaussures. Rendre tout valeur, tout argent au guichet ‘valeurs’ sans bon, sans reçu. Alors les femmes, les jeunes filles au coiffeur – faire couper à un ou deux coups les cheveux, qui disparaîtront dans des grands sacs de pommes de terre ‘pour en faire quelques choses spéciales pour les sous-marins, épaisseurs etc’ – me dit le SS Unterscharführer de service » (KG-Fr).
À partir de cet instant, Gerstein assiste à l’anéantissement total d’un convoi. Or Belzec, comme nous l’avons vu, ne peut « traiter » plus de vingt wagons à la fois. Et Gerstein précise qu’il s’agit bien d’un train de quarante-cinq wagons. Cela permet donc de supposer qu’il a assisté à au moins deux débarquements et au moins deux gazages dans la journée (quatre si nous comptons les hommes et femmes séparés) ; plusieurs détails de son récit penchent en ce sens. Cela n’infirme aucunement son rapport ; il relate les scènes individuelles qui l’ont particulièrement marqué, respectant les contextes particuliers (déshabillage, tonsure, conversations techniques) et les chronologies des évènements (arrivée, déshabillage, gazage) mais ne les situe pas nécessairement en temps réel dans la chronologie du déroulement de la journée. Donc, même s’il tente dans son rapport de donner une version cohérente du déroulement de l’opération, les scènes décrites par Gerstein forment une image composite de son expérience ; elles se sont vraisemblablement déroulées à des moments différents de la matinée. Le célèbre détail des sacs de cheveux « pour en faire quelques choses spéciales pour les sous-marins, épaisseurs etc’ » ne peut avoir été inventé par Gerstein. Certains objecteront que la circulaire pour tous les camps d’Aktion Reinhard de tondre systématiquement les femmes, afin de confectionner des pantoufles pour les sous-mariniers ou des bas de feutre pour les employés du Reichsbahn, ne fut diffusée par le WVHA (Office Central de l’Administration et de l’Économie SS) que le 16 août 1942, soit deux jours avant la visite Gerstein et donc trop tôt pour être déjà en vigueur. Il ne fait cependant aucun doute que la récupération des cheveux fut planifiée dès le début puisque, lors de la première activité du camp (de mars à juin 1942) avant sa restructuration, les femmes étaient tondues après gazage.
Les femmes et les enfants sont dans la baraque de déshabillage, les hommes, nus, sur l’Appellplatz ; la phase 2 de l’opération s’enclenche. Vieillards, malades, et individus
« suspects » sont mis à l’écart, conduits au Lazarett, une aire de réception déguisée en infirmerie, et discrètement éliminés d’une balle dans la nuque. Les hommes valides sont introduits dans le boyau et poussés en avant par un détachement d’auxiliaires Ukrainiens armés : « Alors la marche commence : à droite, à gauche le fil barbelé, en derrière deux douzaines Ukrains avec fusil […]» (KG-Fr). Ici encore, Gerstein énumère les détails qui l’ont choqué émotionnellement. Les hommes et les femmes sont amenés séparément aux chambres à gaz, mais en mélangeant ces séquences distinctes ce n’est de toute évidence pas qu’il se trompe ou confond ; il nous donne une vision globale de l’opération. Il convient toutefois de noter que c’est le sort réservé aux femmes qui semble l’avoir le plus marqué car les détails les concernant sont plus nombreux que pour les hommes. Gerstein est particulièrement affecté par une fille, aperçue dans la file que l’on mène à l’abattoir. Son ami, Helmut Franz en témoignera vingt-cinq ans plus tard : « Peut-être quinze jours après son voyage à Belzec, il m’a emmené promener dans le quartier. Il avait besoin de parler. Il l’a fait pendant deux heures – d’une voix d’entre les dents, aiguë, les yeux à demi fermés, concentré. […] Il évoquait une jeune fille d’une grande beauté qui marchait en tête de la colonne :’Aidez-nous donc !’. Le pire est qu’il n’avait jamais pu donner aucune réponse. Le pire avait été pour lui de résister à la pensée de faire quelque chose ». La fille en question lui a-t-elle adressé la parole ? Cela n’aurait rien de surprenant ; nombre de fonctionnaires des camps d’exterminations, y compris Rudolf Höss, l’un des commandants d’Auschwitz, rapporteront des incidents similaires. Trois ans plus tard, la belle inconnue trouvera sa place dans le rapport :« […] Guidés d’une jeune fille extraordinairement belle, ils approchent. Moi-même avec le Hauptmann Wirth, police, nous nous trouvons devant les chambres de la mort » (KG-Fr).
À l’intérieur du bouquet d’arbres, Gerstein, et Pfannenstiel attendent devant la Fondation Hackenholdt. en compagnie de Christian Wirth. C’est la première fois que Gerstein mentionne l’effroyable commandant de Belzec ; et le détail de l’uniforme de Capitaine de Police (Polizeihauptmann) de ce dernier correspond à la réalité ; Himmler n’imposera le port de l’uniforme SS aux effectifs de l’Ordnungspolizei servant dans l’Aktion Reinhard qu’à partir de décembre 1942, quatre mois plus tard.
Wirth exerce un contrôle total sur la technique de mise à mort. Même ses supérieurs immédiats, les cadres de T4, Odilo Globocnik, ou Friedrich Wilhelm Krüger, le HSSPF de Cracovie, n’oseront mettre en doute son autorité en la matière. Il n’a pas non plus d’ordre à recevoir du RSHA, et encore moins de la section IVB4. Wirth est intouchable pour la simple raison qu’il a un accès direct à la Chancellerie de Hitler. Ses ordres ne viennent que d’une seule source : le Hauptamt II de la Chancellerie du Führer, via Dieter Allers, le directeur de T4 à Berlin; un atout qu’il conservera jusqu’à sa mort. Techniquement, c’est le SSPF Odilo Globocnik qui détient le pouvoir absolu sur l’administration et le contrôle d’Aktion Reinhard ; mais pour tout ce qui touche de près ou de loin au fonctionnement interne des camps d’extermination, c’est Wirth qui a le dernier mot et qui gère comme il l’entend. Il n’a rien à craindre pour sa méthode. Même s’il en exagère le rendement, elle a été adoptée dans tous les camps d’Aktion Reinhard, dont il est lui-même en passe de devenir l’inspecteur général. Par contre, il est certainement opposé à de nouvelles améliorations. Transformer les chambres à gaz une fois de plus afin de les rendre compatibles à l’utilisation du Zyklon B exigerait un énorme travail, une nouvelle formation du personnel, et créerait des délais d’exécution ralentissant considérablement les opérations. Wirth ne craint donc probablement pas le verdict de Gerstein quant au bon fonctionnement de l’aktion comme le suggère Pierre Joffroy. Par contre, il a d’autres ambitions et par conséquent une réputation à tenir ; les deux « experts » sont mandatés par Berlin, il s’agit donc de dissiper leurs doutes éventuels par le biais d’une opération « témoin » impeccable. Et pour l’instant, tout se déroule comme prévu : « Totalement nus, les hommes, les femmes, les jeunes filles, les enfants, les à une seule jambe, tous nus, passent » (KG-Fr). Une fois de plus, Gerstein amalgame les différentes phases des gazages de la matinée, mélangeant hommes, femmes, et enfants en une seule séquence. On les rassure, on les calme : « Au coin, un SS fort, qui à haute voix pastorale dit aux pauvres : il ne vous arrivera ni le moindre ! Il ne vous faudra rien que vivement respirer, cela fait fort les poumons, cette inhalation, c'est nécessaire contre les maladies contagieuses, c'est une belle désinfection ! » (KG-Fr) ; jusqu’au bout, on entretient le mirage d’une existence meilleure : « Vraiment les hommes doivent travailler, bâtir des rues et des maisons. Mais les femmes ne sont pas obligées. Seulement si elles veulent, elles peuvent aider au ménage ou dans la cuisine » (KG-Fr). Lors du procès de Belzec, à Munich en janvier 1965, l’ex-Oberscharführer SS Kurt Franz racontera une histoire analogue : « De mes propres oreilles, j’entendis Wirth, d’une voix plutôt convaincante, expliquer aux Juifs qu’ils seraient transférés plus loin, mais que d’abord, pour des raisons d’hygiène, ils devaient prendre un bain, et que leurs vêtements seraient désinfectés. […] J’entends encore aujourd’hui les Juifs applaudir Wirth après son discours. Ce comportement des Juifs me convainc que les Juifs croyaient réellement Wirth ».
Rien n’est moins sûr. Même si beaucoup sont apaisés par les mensonges de Wirth ou de ses acolytes, que peut bien inspirer à ces malheureux la terrible odeur de chair putréfiée mélangée aux relents de désinfectant utilisé la veille pour nettoyer les chambres ? Dans ses mémoires, Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz, parle d’une « ambiance inhabituelle » où les « […] enfants en bas âge se mettaient généralement à pleurnicher […] ». On ne peut qu’imaginer la sourde angoisse et les pressentiments confus s’insinuant dans leurs esprits à l’approche du bâtiment. Gerstein nous les transmets :« […] la majorité sait tout, l’odeur leur indique le sort ! Alors ils montent le petit escalier et voyent la Véritée ! […] Nus – ils hésitent, mais entrent dans les chambres de la mort, la plupart sans mot dire" . Parfois, un incident vient troubler le déroulement des opérations ; une prise de conscience, des nerfs qui flanchent : « Une Juife, 40 ans environ, les yeux comme des flambeaux, cite le sang de leurs enfants sur leurs meurtriers. Recevant 5 coups de carache au visage de part hauptmann de police Wirth lui-même, elle disparaît dans la chambre à gaz » (KG-Fr).
Quelques auxiliaires Ukrainiens, et peut-être un ou deux SS, officient autour des marches de la Fondation Hackenholdt ; d’autres, dans le corridor, introduisent les victimes dans les chambres. Conscient de ses devoirs, Wirth donne des instructions techniques : « Bien remplir » (KG-Fr). Dans cette atmosphère ourdie d'inquiétude, les victimes défilent devant un Gerstein anéanti, probablement en état de choc, mais contraint par les circonstances à adopter une « attitude SS » :
« Certains s'adressent à moi: ô Monsieur, aidez-nous, mais aidez-nous! Beaucoup prient. Mais je ne peux pas les aider, je prie avec eux, je me serre dans un coin et adresse mon Dieu et le leur à haute voix. Il y a assez de bruit autour de moi, je peux me permettre de parler à mon Dieu à haute voix » (KG-Fr).
Que dire ? Plus de soixante ans se sont écoulés, mais les mots de Gerstein expriment avec la même force l'atmosphère hystérique et poisseuse de son cauchemar ; l’intensité de son désarroi… Rien ne nous autorise à mettre en doute l’authenticité de ces sentiments. Du reste, comme nombre de personnes, amis ou rencontres fortuites, en témoigneront par la suite, Gerstein ne se remettra jamais de cette journée. C’est ici, dans la clairière de Belzec, qu’aboutit la quête entreprise de longue date, et qui va, de façon inattendue, donner un sens à son existence ; il est là où il a toujours voulu être, au cœur du secret ; avec Dieu : « […] Je dois vivre, hurler ce que j’ai vu ici » (KG-All). Mais il n’est pas encore au bout de ses peines...
Suite et fin : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/crimes-de-guerre-et-contre-l-humanite-f18/mission-gerstein-partie-iii-fin-l-espion-de-dieu-t7068.htm
Eddy
Debout sur l’esplanade, Gerstein et Pfannenstiel assistent au déchargement. Wirth et Oberhauser sont sûrement là eux aussi, mais Gerstein ne les mentionne pas. Vociférant, les auxiliaires Ukrainiens courent le long des wagons, ouvrant brutalement les portes. En cinq minutes À coups de schlague, déportés et bagages se déversent sur le quai dans la confusion la plus totale. Pourtant, tout cela fait partie d’une procédure parfaitement rodée. La configuration du camp, la brutalité des auxiliaires Ukrainiens, et les gestes que les déportés sont contraints à accomplir dès qu’ils descendent des wagons sont calculés afin de s’assurer qu’ils n’aient pas le temps de comprendre. Ils sont arrivés dans un camp de transit, ou de travail, et doivent continuer à le croire jusqu’à l’intérieur de la Fondation Hackenholdt. Tout se passe très vite. Éreintées du voyage, choquées, intimidées, les victimes sont poussées, séparées, battues, forcées à courir ; elles n’ont pas le temps de réfléchir, ni d’inspecter les lieux. De toute façon, d’ici, le reste du camp est invisible. Cette paralysie mentale et physique les empêche de résister ou de tenter de s’échapper. Un haut-parleur les informe immédiatement de ce qui va suivre. Vingt ans après les faits, l’Unterscharführer SS Schluch s’en souviendra encore : « Pendant le déchargement, les juifs étaient informés qu’ils étaient ici pour êtres transférés et qu’ils devaient prendre un bain et y êtres désinfectés. Cette annonce était faite par Wirth et traduite par un kapo Juif ». Gerstein apporte des précisions : « Alors un grand haut-parleur donne les instructions : Au plein vent, quelques dans la baraque, se déshabiller de tout vêtement, aussi prothèse et lunettes » (KG-Fr). Ici, pas de sélection comme ce sera le cas, plus tard, à Auschwitz ; tous sont voués à la mort. Une fois les déportés séparés par sexe, les femmes et les jeunes enfants sont dirigés vers la baraque de déshabillage. Les hommes se dévêtent à même l’esplanade ; par mesure de sécurité, ils seront les premiers à prendre le chemin de la Fondation Hackenholdt.
Dans le chaos, plusieurs détails isolés s’impriment dans la mémoire de Gerstein : « Avec petit morceau de ficelle, offert par un petit garçon Juif de 4 ans, joindre ensemble les chaussures. Rendre tout valeur, tout argent au guichet ‘valeurs’ sans bon, sans reçu. Alors les femmes, les jeunes filles au coiffeur – faire couper à un ou deux coups les cheveux, qui disparaîtront dans des grands sacs de pommes de terre ‘pour en faire quelques choses spéciales pour les sous-marins, épaisseurs etc’ – me dit le SS Unterscharführer de service » (KG-Fr).
À partir de cet instant, Gerstein assiste à l’anéantissement total d’un convoi. Or Belzec, comme nous l’avons vu, ne peut « traiter » plus de vingt wagons à la fois. Et Gerstein précise qu’il s’agit bien d’un train de quarante-cinq wagons. Cela permet donc de supposer qu’il a assisté à au moins deux débarquements et au moins deux gazages dans la journée (quatre si nous comptons les hommes et femmes séparés) ; plusieurs détails de son récit penchent en ce sens. Cela n’infirme aucunement son rapport ; il relate les scènes individuelles qui l’ont particulièrement marqué, respectant les contextes particuliers (déshabillage, tonsure, conversations techniques) et les chronologies des évènements (arrivée, déshabillage, gazage) mais ne les situe pas nécessairement en temps réel dans la chronologie du déroulement de la journée. Donc, même s’il tente dans son rapport de donner une version cohérente du déroulement de l’opération, les scènes décrites par Gerstein forment une image composite de son expérience ; elles se sont vraisemblablement déroulées à des moments différents de la matinée. Le célèbre détail des sacs de cheveux « pour en faire quelques choses spéciales pour les sous-marins, épaisseurs etc’ » ne peut avoir été inventé par Gerstein. Certains objecteront que la circulaire pour tous les camps d’Aktion Reinhard de tondre systématiquement les femmes, afin de confectionner des pantoufles pour les sous-mariniers ou des bas de feutre pour les employés du Reichsbahn, ne fut diffusée par le WVHA (Office Central de l’Administration et de l’Économie SS) que le 16 août 1942, soit deux jours avant la visite Gerstein et donc trop tôt pour être déjà en vigueur. Il ne fait cependant aucun doute que la récupération des cheveux fut planifiée dès le début puisque, lors de la première activité du camp (de mars à juin 1942) avant sa restructuration, les femmes étaient tondues après gazage.
Les femmes et les enfants sont dans la baraque de déshabillage, les hommes, nus, sur l’Appellplatz ; la phase 2 de l’opération s’enclenche. Vieillards, malades, et individus
« suspects » sont mis à l’écart, conduits au Lazarett, une aire de réception déguisée en infirmerie, et discrètement éliminés d’une balle dans la nuque. Les hommes valides sont introduits dans le boyau et poussés en avant par un détachement d’auxiliaires Ukrainiens armés : « Alors la marche commence : à droite, à gauche le fil barbelé, en derrière deux douzaines Ukrains avec fusil […]» (KG-Fr). Ici encore, Gerstein énumère les détails qui l’ont choqué émotionnellement. Les hommes et les femmes sont amenés séparément aux chambres à gaz, mais en mélangeant ces séquences distinctes ce n’est de toute évidence pas qu’il se trompe ou confond ; il nous donne une vision globale de l’opération. Il convient toutefois de noter que c’est le sort réservé aux femmes qui semble l’avoir le plus marqué car les détails les concernant sont plus nombreux que pour les hommes. Gerstein est particulièrement affecté par une fille, aperçue dans la file que l’on mène à l’abattoir. Son ami, Helmut Franz en témoignera vingt-cinq ans plus tard : « Peut-être quinze jours après son voyage à Belzec, il m’a emmené promener dans le quartier. Il avait besoin de parler. Il l’a fait pendant deux heures – d’une voix d’entre les dents, aiguë, les yeux à demi fermés, concentré. […] Il évoquait une jeune fille d’une grande beauté qui marchait en tête de la colonne :’Aidez-nous donc !’. Le pire est qu’il n’avait jamais pu donner aucune réponse. Le pire avait été pour lui de résister à la pensée de faire quelque chose ». La fille en question lui a-t-elle adressé la parole ? Cela n’aurait rien de surprenant ; nombre de fonctionnaires des camps d’exterminations, y compris Rudolf Höss, l’un des commandants d’Auschwitz, rapporteront des incidents similaires. Trois ans plus tard, la belle inconnue trouvera sa place dans le rapport :« […] Guidés d’une jeune fille extraordinairement belle, ils approchent. Moi-même avec le Hauptmann Wirth, police, nous nous trouvons devant les chambres de la mort » (KG-Fr).
À l’intérieur du bouquet d’arbres, Gerstein, et Pfannenstiel attendent devant la Fondation Hackenholdt. en compagnie de Christian Wirth. C’est la première fois que Gerstein mentionne l’effroyable commandant de Belzec ; et le détail de l’uniforme de Capitaine de Police (Polizeihauptmann) de ce dernier correspond à la réalité ; Himmler n’imposera le port de l’uniforme SS aux effectifs de l’Ordnungspolizei servant dans l’Aktion Reinhard qu’à partir de décembre 1942, quatre mois plus tard.
Wirth exerce un contrôle total sur la technique de mise à mort. Même ses supérieurs immédiats, les cadres de T4, Odilo Globocnik, ou Friedrich Wilhelm Krüger, le HSSPF de Cracovie, n’oseront mettre en doute son autorité en la matière. Il n’a pas non plus d’ordre à recevoir du RSHA, et encore moins de la section IVB4. Wirth est intouchable pour la simple raison qu’il a un accès direct à la Chancellerie de Hitler. Ses ordres ne viennent que d’une seule source : le Hauptamt II de la Chancellerie du Führer, via Dieter Allers, le directeur de T4 à Berlin; un atout qu’il conservera jusqu’à sa mort. Techniquement, c’est le SSPF Odilo Globocnik qui détient le pouvoir absolu sur l’administration et le contrôle d’Aktion Reinhard ; mais pour tout ce qui touche de près ou de loin au fonctionnement interne des camps d’extermination, c’est Wirth qui a le dernier mot et qui gère comme il l’entend. Il n’a rien à craindre pour sa méthode. Même s’il en exagère le rendement, elle a été adoptée dans tous les camps d’Aktion Reinhard, dont il est lui-même en passe de devenir l’inspecteur général. Par contre, il est certainement opposé à de nouvelles améliorations. Transformer les chambres à gaz une fois de plus afin de les rendre compatibles à l’utilisation du Zyklon B exigerait un énorme travail, une nouvelle formation du personnel, et créerait des délais d’exécution ralentissant considérablement les opérations. Wirth ne craint donc probablement pas le verdict de Gerstein quant au bon fonctionnement de l’aktion comme le suggère Pierre Joffroy. Par contre, il a d’autres ambitions et par conséquent une réputation à tenir ; les deux « experts » sont mandatés par Berlin, il s’agit donc de dissiper leurs doutes éventuels par le biais d’une opération « témoin » impeccable. Et pour l’instant, tout se déroule comme prévu : « Totalement nus, les hommes, les femmes, les jeunes filles, les enfants, les à une seule jambe, tous nus, passent » (KG-Fr). Une fois de plus, Gerstein amalgame les différentes phases des gazages de la matinée, mélangeant hommes, femmes, et enfants en une seule séquence. On les rassure, on les calme : « Au coin, un SS fort, qui à haute voix pastorale dit aux pauvres : il ne vous arrivera ni le moindre ! Il ne vous faudra rien que vivement respirer, cela fait fort les poumons, cette inhalation, c'est nécessaire contre les maladies contagieuses, c'est une belle désinfection ! » (KG-Fr) ; jusqu’au bout, on entretient le mirage d’une existence meilleure : « Vraiment les hommes doivent travailler, bâtir des rues et des maisons. Mais les femmes ne sont pas obligées. Seulement si elles veulent, elles peuvent aider au ménage ou dans la cuisine » (KG-Fr). Lors du procès de Belzec, à Munich en janvier 1965, l’ex-Oberscharführer SS Kurt Franz racontera une histoire analogue : « De mes propres oreilles, j’entendis Wirth, d’une voix plutôt convaincante, expliquer aux Juifs qu’ils seraient transférés plus loin, mais que d’abord, pour des raisons d’hygiène, ils devaient prendre un bain, et que leurs vêtements seraient désinfectés. […] J’entends encore aujourd’hui les Juifs applaudir Wirth après son discours. Ce comportement des Juifs me convainc que les Juifs croyaient réellement Wirth ».
Rien n’est moins sûr. Même si beaucoup sont apaisés par les mensonges de Wirth ou de ses acolytes, que peut bien inspirer à ces malheureux la terrible odeur de chair putréfiée mélangée aux relents de désinfectant utilisé la veille pour nettoyer les chambres ? Dans ses mémoires, Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz, parle d’une « ambiance inhabituelle » où les « […] enfants en bas âge se mettaient généralement à pleurnicher […] ». On ne peut qu’imaginer la sourde angoisse et les pressentiments confus s’insinuant dans leurs esprits à l’approche du bâtiment. Gerstein nous les transmets :« […] la majorité sait tout, l’odeur leur indique le sort ! Alors ils montent le petit escalier et voyent la Véritée ! […] Nus – ils hésitent, mais entrent dans les chambres de la mort, la plupart sans mot dire" . Parfois, un incident vient troubler le déroulement des opérations ; une prise de conscience, des nerfs qui flanchent : « Une Juife, 40 ans environ, les yeux comme des flambeaux, cite le sang de leurs enfants sur leurs meurtriers. Recevant 5 coups de carache au visage de part hauptmann de police Wirth lui-même, elle disparaît dans la chambre à gaz » (KG-Fr).
Quelques auxiliaires Ukrainiens, et peut-être un ou deux SS, officient autour des marches de la Fondation Hackenholdt ; d’autres, dans le corridor, introduisent les victimes dans les chambres. Conscient de ses devoirs, Wirth donne des instructions techniques : « Bien remplir » (KG-Fr). Dans cette atmosphère ourdie d'inquiétude, les victimes défilent devant un Gerstein anéanti, probablement en état de choc, mais contraint par les circonstances à adopter une « attitude SS » :
« Certains s'adressent à moi: ô Monsieur, aidez-nous, mais aidez-nous! Beaucoup prient. Mais je ne peux pas les aider, je prie avec eux, je me serre dans un coin et adresse mon Dieu et le leur à haute voix. Il y a assez de bruit autour de moi, je peux me permettre de parler à mon Dieu à haute voix » (KG-Fr).
Que dire ? Plus de soixante ans se sont écoulés, mais les mots de Gerstein expriment avec la même force l'atmosphère hystérique et poisseuse de son cauchemar ; l’intensité de son désarroi… Rien ne nous autorise à mettre en doute l’authenticité de ces sentiments. Du reste, comme nombre de personnes, amis ou rencontres fortuites, en témoigneront par la suite, Gerstein ne se remettra jamais de cette journée. C’est ici, dans la clairière de Belzec, qu’aboutit la quête entreprise de longue date, et qui va, de façon inattendue, donner un sens à son existence ; il est là où il a toujours voulu être, au cœur du secret ; avec Dieu : « […] Je dois vivre, hurler ce que j’ai vu ici » (KG-All). Mais il n’est pas encore au bout de ses peines...
Suite et fin : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/crimes-de-guerre-et-contre-l-humanite-f18/mission-gerstein-partie-iii-fin-l-espion-de-dieu-t7068.htm
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Re: Mission Gerstein Partie II: Quelques heures en Enfer...
Sources :
- Rapport Gerstein ; dactylographié, rédigé en allemand et daté du 6 mai 1945. Original de treize pages conservé aux National Archives de Washington (NARA).
- Rapport Gerstein ; dactylographié, rédigé en français et daté du 26 Avril 1945 à Rottweil.
- Interrogatoire de Kurt Gerstein. 19 juillet 1945 – 2e Tribunal Militaire. Paris
- Déposition de Wilhelm Pfannenstiel – Tribunal de Darmstadt, 6 juin 1950
- Déposition Max Runhof – Wiesbaden, 1961 – cité par Poprzeczny op.cit.
- Correspondance de Michael Tregenza à Eddy Marz
- Interrogatoire d’Adolf Eichmann ; Archives de la Police Israélienne – cité par Pierre Joffroy : Eichmann par Eichmann (Paris, 1970).
- Procès Belzec – Oberhauser – Cité par Y. ARAD op. cit.
- Journal de Wilhelm Cornides – 30 août 1942
- Déposition de Stefan Kirsz, conducteur de locomotive Polonais ayant convoyé plusieurs transports de déportés à Belzec. Procès Belzec – Oberhauser – cité par Y. ARAD op. cit.
- Arad, Yitzhak. Belzec, Sobibor, Treblinka ; The Operation Reinhard Death Camps – Indiana University Press, 1987.
- Roques, Henri Les « confessions » de Kurt Gerstein. Étude comparative des différentes versions » (Édition Critique.) 1985.
- Brayard, Florent. Comment l’idée vint à M. Rassinier ; naissance du révisionnisme – Fayard, 1996.
- Friedländer, Saul. Kurt Gerstein ou l’ambiguïté du bien – Casterman, Tournai, 1967
- Joffroy, Pierre. L’Espion de Dieu ; la passion de Kurt Gerstein (ré-édition) – Seghers, Paris, 1992.
- Poprzeczny, Joseph. Odilo Globocnik ; Hitler’s man in the East – Mc Farland & Co., 2004
- O’Neil, Robin. Belzec : Prototype for the Final Solution ; Hitler's answer to the Jewish Question – E-book : www.jewishgen.org/belzec1/belzec.html
EM
- Rapport Gerstein ; dactylographié, rédigé en allemand et daté du 6 mai 1945. Original de treize pages conservé aux National Archives de Washington (NARA).
- Rapport Gerstein ; dactylographié, rédigé en français et daté du 26 Avril 1945 à Rottweil.
- Interrogatoire de Kurt Gerstein. 19 juillet 1945 – 2e Tribunal Militaire. Paris
- Déposition de Wilhelm Pfannenstiel – Tribunal de Darmstadt, 6 juin 1950
- Déposition Max Runhof – Wiesbaden, 1961 – cité par Poprzeczny op.cit.
- Correspondance de Michael Tregenza à Eddy Marz
- Interrogatoire d’Adolf Eichmann ; Archives de la Police Israélienne – cité par Pierre Joffroy : Eichmann par Eichmann (Paris, 1970).
- Procès Belzec – Oberhauser – Cité par Y. ARAD op. cit.
- Journal de Wilhelm Cornides – 30 août 1942
- Déposition de Stefan Kirsz, conducteur de locomotive Polonais ayant convoyé plusieurs transports de déportés à Belzec. Procès Belzec – Oberhauser – cité par Y. ARAD op. cit.
- Arad, Yitzhak. Belzec, Sobibor, Treblinka ; The Operation Reinhard Death Camps – Indiana University Press, 1987.
- Roques, Henri Les « confessions » de Kurt Gerstein. Étude comparative des différentes versions » (Édition Critique.) 1985.
- Brayard, Florent. Comment l’idée vint à M. Rassinier ; naissance du révisionnisme – Fayard, 1996.
- Friedländer, Saul. Kurt Gerstein ou l’ambiguïté du bien – Casterman, Tournai, 1967
- Joffroy, Pierre. L’Espion de Dieu ; la passion de Kurt Gerstein (ré-édition) – Seghers, Paris, 1992.
- Poprzeczny, Joseph. Odilo Globocnik ; Hitler’s man in the East – Mc Farland & Co., 2004
- O’Neil, Robin. Belzec : Prototype for the Final Solution ; Hitler's answer to the Jewish Question – E-book : www.jewishgen.org/belzec1/belzec.html
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eddy marz- Membre légendaire
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Re: Mission Gerstein Partie II: Quelques heures en Enfer...
Merci à toi Eddy pour tout ce remarquable travail de synthèse et d'analyse !
Bourguignon- Aspirant
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Re: Mission Gerstein Partie II: Quelques heures en Enfer...
Je ne m'y habituerai jamais, je suis bouleversé à chaque lecture ou témoignage.
Phil642- Général (Administrateur)
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Re: Mission Gerstein Partie II: Quelques heures en Enfer...
Moi aussi, Phil;
Cette histoire m'a mis la tête à l'envers.
à+
Eddy
Cette histoire m'a mis la tête à l'envers.
à+
Eddy
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Mission Gerstein Partie II: Quelques heures en Enfer...
salut à tous,
Que se soit la première partie ou la seconde, tu as fait un super travail de recherche, et un excellent article. MERCI pour toutes ses précisions qui m'ont fait froid au dos.
Que se soit la première partie ou la seconde, tu as fait un super travail de recherche, et un excellent article. MERCI pour toutes ses précisions qui m'ont fait froid au dos.
Carsomyr- Caporal-chef
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Re: Mission Gerstein Partie II: Quelques heures en Enfer...
Thank you Carsomyr;
J'essayerais de boucler l'histoire (3e volet de la mission) dans 1 mois ou deux...
Eddy
J'essayerais de boucler l'histoire (3e volet de la mission) dans 1 mois ou deux...
Eddy
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Mission Gerstein Partie II: Quelques heures en Enfer...
Salut Eddy,
j'ai relu très attentivement tout ce qui concerne la mission Gerstein (les 3 threads).
Ma question est la suivante : le 15 août 1942, est-ce que Hitler s'est réellement rendu à Lublin avec Himmler ou était-ce pure invention ?
Si oui, dispose t-on de sources à ce sujet et/ou témoins ?
Merci à toi.
edit. : Lublin
j'ai relu très attentivement tout ce qui concerne la mission Gerstein (les 3 threads).
Ma question est la suivante : le 15 août 1942, est-ce que Hitler s'est réellement rendu à Lublin avec Himmler ou était-ce pure invention ?
Si oui, dispose t-on de sources à ce sujet et/ou témoins ?
Merci à toi.
edit. : Lublin
Dernière édition par Jules le 20/10/2009, 18:17, édité 1 fois
Jules- Général de Division
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Re: Mission Gerstein Partie II: Quelques heures en Enfer...
Salut Jules;
Non, Adolf Hitler n'a jamais mis les pieds dans un camp d'extermination, pas plus qu'il n'existe un ordre signé de sa main relatif à la Solution Finale. Le Führer ne devait en aucun cas être perçu comme ayant un rôle dans ces opérations. L'unique document "criminel" portant sa signature est un document ordonnant l'opération d'Euthanasie des Incurables. La notion d'une visite d'Hitler et d'Himmler dans les camps d'Aktion Reinhard provient d'une vantardise d'Odilo Globocnik (pour se donner de l'importance par une supposée "proximité au Führer") déclarée au Professeur Pfannenstiel et à Kurt Gerstein, et que ce dernier reproduit dans son rapport. Gerstein ne dit pas Hitler était à Lublin; il dit Globocnik m'a dit que... Seul Himmler et ses lieutenants directements impliqués dans l'opération se rendaient sur place.
Eddy
Non, Adolf Hitler n'a jamais mis les pieds dans un camp d'extermination, pas plus qu'il n'existe un ordre signé de sa main relatif à la Solution Finale. Le Führer ne devait en aucun cas être perçu comme ayant un rôle dans ces opérations. L'unique document "criminel" portant sa signature est un document ordonnant l'opération d'Euthanasie des Incurables. La notion d'une visite d'Hitler et d'Himmler dans les camps d'Aktion Reinhard provient d'une vantardise d'Odilo Globocnik (pour se donner de l'importance par une supposée "proximité au Führer") déclarée au Professeur Pfannenstiel et à Kurt Gerstein, et que ce dernier reproduit dans son rapport. Gerstein ne dit pas Hitler était à Lublin; il dit Globocnik m'a dit que... Seul Himmler et ses lieutenants directements impliqués dans l'opération se rendaient sur place.
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Re: Mission Gerstein Partie II: Quelques heures en Enfer...
Merci pour ta réponse aussi rapide. C'est bien ce que je me disais aussi.
Jules- Général de Division
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Re: Mission Gerstein Partie II: Quelques heures en Enfer...
Je remonte le sujet et dis merci Eddy!
vilak- Capitaine
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