Focke-Wulf Fw 191

Alors que la Luftwaffe de 1939 est dotée de trois types de bombardiers performants (Heinkel He 111, Dornier Do 17/215 et Junkers Ju 88), elle se voit dans l'obligation de leur trouver d'éventuels successeurs. C'est dans cette logique qu'en juillet 1939, le RLM conçoit un cahier des charges – intitulé Konstruktionsprogramm « Bomber B » - prévoyant les traits caractéristiques du « bombardier du futur » de la Luftwaffe. Ce programme est ambitieux sur l'ensemble de ses aspects. L'avion doit pouvoir jouir d'une autonomie lui permettant d'atteindre l'ensemble des îles britanniques à partir de bases norvégiennes et françaises. Qui plus est, il doit être capable d'atteindre 670 km/h, tout en pouvant embarquer 4,5 tonnes de bombes. L'équipage doit quant à lui se voir doté d'un compartiment pressurisé afin que les missions puissent s'exécuter si besoin à très haute altitude. Plusieurs firmes allemandes répondent à cette ambitieux programme, Arado proposant son Ar 340, Dornier son Do 317 et Junkers le Ju 288.
La célèbre firme Focke-Wulf de Brème propose un projet dessiné par le Dipl.-Ing. Kosel, qui est ultérieurement nommé Fw 191. Cet avion répond théoriquement à l'ensemble des spécifications du RLM, en partant du principe qu'il soit équipé du moteur Junkers Jumo 222, développant théoriquement 2500 chevaux. Malgré les promesses répétées de Junkers-Motor, les retards de livraisons du moteur s'accumulent. Il est alors décidé, au tout début de l'année 1941, de le substituer par d'autres groupes motopropulseurs. Après avoir un temps pensé au Daimler-Benz 603, c'est sur le BMW 801 que l'équipe Focke-Wulf jette son dévolu. Moins puissant que son concurrent Daimler-Benz, le BMW 801 qui ne développe que 1600 chevaux au décollage est favorisé pour deux raisons. L'une est qu'il est désormais « apprivoisé » par les équipes Focke-Wulf, qui en équipent le chasseur Fw 190, et la deuxième, qui découle de la première, est que ce moteur est désormais produit en très grande quantité afin d'équiper le nouveau chasseur léger Focke-Wulf. Ainsi motorisé, le Fw 191 V1 effectue ses premiers essais au sol au début du mois de mars 1941, en vue d'un premier vol au milieu du mois.

Deux Junkers Jumo 222, moteur en étoile d'une puissance théorique de 2500 chevaux, 2200 en pratique au décollage.

-Secteur avant verrière : une mitrailleuse jumelée MG 81Z de 7,92mm alimentée par 1000 coups par armes, sur tourelle FDL-C 81 Z, commandée à distance par l'observateur-bombardier.

-Secteur ventral-arrière : un canon MG 151 de 2cm alimenté par 600 obus, sous tourelle FDL-C 151/1 dirigée à distance.

-Secteur dorsal-arrière : un canon MG 151 de 2cm alimenté par 600 obus, sous tourelle FDL-C 151/1 dirigée à distance.

-Prolongement fuseaux-moteurs : deux mitrailleuses jumelées FDL 81 Z, une par fuseau, alimentées à raison de 1000 coups par arme.

Le Fw 191 V1 effectue son premier vol le 18 mars 1941, piloté par le pilote d'usine Kurt Mehlhorn. Le vol s'avère relativement satisfaisant et aucun incident grave ne l'émaille, même s'il est indéniable que l'aéronef est déjà clairement sous-motorisé. Ce constat s'effectue alors que le prototype était pourtant dépourvu de son complexe armement télécommandé, les multiples tourelles étant substituées par des maquettes en bois. Après une dizaine de vols, le V1 se voit rejoint par le V2 qui atteint le seuil critique des 25 350 kg à pleine charge. Déjà très handicapé par sa son surpoids, ce deuxième prototype est endommagé lors d'un incendie dû aux moteurs électriques d'une tourelle télécommandée. Bien que réparé, le V2 dévoile au grand jours les difficultés que rencontrent les équipes Focke-Wulf avec les très complexes installations électriques demandées par le RLM. Peu fiables, celles-ci se révèlent par ailleurs fort coûteuses – 172 000 heures de travail rien que pour le V3 – ce qui ne peut convenir à une Allemagne obligée de maintenir un rythme de production très soutenu. La malchance semble vouloir pourchasser le deuxième prototype lorsqu'il s'avère que les volets provoquent un effet flutter, entraînant d'importantes vibrations structurelles. Le destin du programme Fw 191 semble se sceller lorsque le V3, qui a enfin reçu les Jumo 222 initialement prévus, connaît un incendie-moteur. Le RLM ordonne alors l'arrêt des travaux sur l'ensemble du programme, ainsi que le ferraillage des Fw 191 V4 et V5, mais autorise toutefois l'achèvement du sixième prototype , qui se veut être le premier appareil de la version A.
Les premiers vols du V6 sont effectués au début 1943 sur l'aérodrome de Delmenhorst, avec le Flugkapitän Sandner aux commandes. L'appareil déçoit alors en raison des contre-performances des Jumo 222 dont il est équipé. Ici encore, les performances réelles et théoriques semblent être fort distantes, puisque le moteur Junkers ne développe que 2200 chevaux, soit 300 de moins que les prévisions optimistes du motoriste. Afin d'essayer de palier un temps soit peu cet état de fait peu élogieux, il est essayé le montage de moteurs DB-610 de 2950 chevaux. Aucune évaluation de l'appareil – qui prendrait alors le nom de Fw 191B – n'a cependant lieu avec ces moteurs, au vu de la crainte d'incendies. Le V6, de nouveau doté de Jumo 222 est par la suite transféré à Wenzendorf pour achever son évaluation par le RLM. Comme il l'était craint par l'équipe Focke-Wulf, l'appareil se voit refusé, malgré les propositions d'installation de quatre moteurs DB 601, 605 ou Jumo 211 pour une éventuelle version C. Avec ce refus se clôt le Konstruktionsprogramm « Bomber B », nul constructeur n'ayant pu proposer une machine convaincante.

-Trois prototypes achevés (V1, V2 et V3), deux autres ferraillés alors qu'ils sont inachevés (V4 et V5).

-Version A : Version de présérie dotée de moteur Jumo 222. Un exemplaires produit (V6), trois autres commencés mais restés inachevés lors de l'annulation du projet (V7, V8 et V9).

-Version B : Version relativement improvisée dotée de moteurs Daimler-Benz 210 de 2950 chevaux (1700 en pratique). Un exemplaire produit en 1943 à partir d'une conversion (Le V6 après un bref remplacement de ses Jumo 222).

-Version C : Version quadrimoteur, jamais produite. La motorisation – qui n'a jamais été fixée – aurait put être constitué de quatre Jumo 211F, quatre DB 601E ou encore quatre DB 605 A.

* Notons que s'il est admis que seuls quatre exemplaires du Fw 191 ont été produits (toutes versions confondues), Heinz Conradis évoque, dans la biographie de Kurt Tank, la production d'un cinquième appareil sans que l'on ait d'avantage de détails.

Le Fw 191 V1, dans les ateliers des usines Focke-Wulf de Brème. Un Fw 190A est observable au second plan, un appareil qui a connu lui un énorme succès, tout en ayant également subi une bien dure jeunesse.

Le même appareil, peu après son premier vol, le 18 mars 1941. Nous pouvons noter les moteurs BMW 801A qui l'équipent, en lieu et place des Jumo 222.

Vu de face, la disproportion entre le fuselage et les moteurs apparaît flagrante. Il faut dire que le Fw 191 pèse 20 tonnes et que le BMW 801 est d'avantage voué à équiper le Fw 190 de trois tonnes et demie.

Cette vue permet d'observer la maquette de la tourelle FDL-C 81 Z qui est installée sous le fuselage. Commandée par l'observateur-bombardier, elle a l'inconvénient d'entraîner un surpoids important ainsi qu'un risque d'incendie, tout en étant d'une puissance bien faible pour défendre efficacement l'avion.

Autre vue centrée sur l'armement télécommandé, celle-ci dévoile le tronçon central de l'appareil, défendu par quatre tourelles. Quelques sources évoquent un lobbying de l'industrie électro-mécanique allemande pour expliquer la foison de dispositif électriques dont le Fw 191 et ses concurrents sont remplis, voir alourdis.

L'échec de l'appareil ne saurait cependant s'expliquer par une seule cause. Outre les dispositifs électriques, l'architecture même de l'appareil est imparfaite, en témoigne l'effet flutter qu'entraînent volets et freins de piqué.

Source image : http://www.luftwaffephotos.com/lfw1911.htm



Sources :


CONRADIS Heinz. Design for flight-The Kurt Tank Story. Éditions Macdonald & Co Ltd. 1960.

GRIEHL Manfred. Deutsche Flugzeurg-bewaffnung bis 1945. Éditions Motorbuchverlag, Stuttgart, 2008.

NOWARRA Heinz. Die deutsche Luftrüstung 1933-1945. Éditions Bernard & Graefe, Bonn, 1983.