Hitler : la question de la ‘responsabilité’
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Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Bonjour à tous;
Ce mémo sur la responsabilité centrale d’Adolf Hitler (ou non) dans la Solution Finale est un peu long, mais il est difficile de condenser plus. Je ne vous propose d’ailleurs ici que les grosses lignes, puisqu’il faudrait des milliers de pages pour examiner les pièces et leurs commentaires. Cet article ne prétend donc aucunement faire le tour de la question, ni même refléter une « vraie » vérité – que nous n’obtiendrons jamais. Le sujet est complexe, et sa réponse ne peut, au final, que demeurer une conviction personnelle basée sur une interprétation, également personnelle, des pistes. À moins de découvrir de nouveaux documents (ce qui semble aujourd’hui improbable), la question de la responsabilité d’Hitler demeurera une forteresse ouverte à toutes les conjectures, mais une forteresse imprenable. Il s’agit donc uniquement de dresser un panorama général de la situation et de proposer des indices afin de pouvoir se forger une opinion, et en débattre…
Depuis les années 1970, deux écoles de chercheurs sont en présence concernant la genèse de la Solution Finale : les Intentionnalistes et les Fonctionnalistes. Chacune de ces théories – car ce ne sont que des théories – contiennent nombre d’éléments suffisamment crédibles ou persuasifs pour justifier leur argumentation, et proposer un débat digne de ce nom. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ces deux points de vue, en voici un rapide résumé :
Intentionnalistes
Les Intentionnalistes placent Hitler et son idéologie au centre de la décision. Il s’agit pour eux de faire ressortir le caractère cohérent et consistant d’une Weltanschauung articulée autour de l’expansion territoriale à l’Est (Lebensraum) et de l’extermination des Juifs. Les Intentionnalistes sont parfaitement conscients des forces contradictoires et des rivalités qui lézardent le système nazi, mais ils y voient un phénomène limité – produit d’une tactique de « diviser pour régner » pratiquée par Hitler. Le Führer est maître de son régime et de sa politique. Les contextes intérieurs et extérieurs peuvent l’amener à ajuster sa ligne de conduite, mais sans pour autant le faire dévier de ses objectifs : le Lebensraum et l’extermination des Juifs. Pour les Intentionnalistes, les discours d’Hitler laissent supposer l’ébauche d’un programme, au minimum une intention ou préméditation, qui s’ajuste de façon cohérente à l’action du régime, et permet d’ignorer – sans grand risque d’erreur – les lacunes documentaires. Si on tient compte du lien majeur, dans la vision du monde d’Hitler, entre destruction du bolchévisme et extermination des Juifs, la Solution Finale doit obligatoirement s’attacher à la guerre contre l’URSS qui est, elle aussi, une guerre raciale contre les Untermenschen slaves. Aucun doute n’est donc permis sur l’existence d’une décision formelle – les avis ne pouvant diverger que sur la date à laquelle elle a été communiquée. Pour la plupart des historiens adhérents à cette thèse, l’ordre d’extermination fut donné par Hitler en mars 1941, pendant la préparation de Barbarossa. Raul Hilberg, quant à lui, retient deux décisions : une en mars 1941 – ordonnant l’extermination des Juifs soviétiques ; l’autre en juillet – ordonnant l’extermination des Juifs Européens (Hilberg, Raul. The Destruction of the European Jews – Londres, Allen 1971 et Krausnick, Helmut. Anatomie des SS-Staates – Buchheim, Broszat, Jacobsen, Krausnick ; Munich DTV 1967). Pour tous, la décision est celle d’Hitler ; elle est liée à la guerre contre l’URSS, et dans la certitude d’une victoire rapide.
Ce mémo sur la responsabilité centrale d’Adolf Hitler (ou non) dans la Solution Finale est un peu long, mais il est difficile de condenser plus. Je ne vous propose d’ailleurs ici que les grosses lignes, puisqu’il faudrait des milliers de pages pour examiner les pièces et leurs commentaires. Cet article ne prétend donc aucunement faire le tour de la question, ni même refléter une « vraie » vérité – que nous n’obtiendrons jamais. Le sujet est complexe, et sa réponse ne peut, au final, que demeurer une conviction personnelle basée sur une interprétation, également personnelle, des pistes. À moins de découvrir de nouveaux documents (ce qui semble aujourd’hui improbable), la question de la responsabilité d’Hitler demeurera une forteresse ouverte à toutes les conjectures, mais une forteresse imprenable. Il s’agit donc uniquement de dresser un panorama général de la situation et de proposer des indices afin de pouvoir se forger une opinion, et en débattre…
Depuis les années 1970, deux écoles de chercheurs sont en présence concernant la genèse de la Solution Finale : les Intentionnalistes et les Fonctionnalistes. Chacune de ces théories – car ce ne sont que des théories – contiennent nombre d’éléments suffisamment crédibles ou persuasifs pour justifier leur argumentation, et proposer un débat digne de ce nom. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ces deux points de vue, en voici un rapide résumé :
Intentionnalistes
Les Intentionnalistes placent Hitler et son idéologie au centre de la décision. Il s’agit pour eux de faire ressortir le caractère cohérent et consistant d’une Weltanschauung articulée autour de l’expansion territoriale à l’Est (Lebensraum) et de l’extermination des Juifs. Les Intentionnalistes sont parfaitement conscients des forces contradictoires et des rivalités qui lézardent le système nazi, mais ils y voient un phénomène limité – produit d’une tactique de « diviser pour régner » pratiquée par Hitler. Le Führer est maître de son régime et de sa politique. Les contextes intérieurs et extérieurs peuvent l’amener à ajuster sa ligne de conduite, mais sans pour autant le faire dévier de ses objectifs : le Lebensraum et l’extermination des Juifs. Pour les Intentionnalistes, les discours d’Hitler laissent supposer l’ébauche d’un programme, au minimum une intention ou préméditation, qui s’ajuste de façon cohérente à l’action du régime, et permet d’ignorer – sans grand risque d’erreur – les lacunes documentaires. Si on tient compte du lien majeur, dans la vision du monde d’Hitler, entre destruction du bolchévisme et extermination des Juifs, la Solution Finale doit obligatoirement s’attacher à la guerre contre l’URSS qui est, elle aussi, une guerre raciale contre les Untermenschen slaves. Aucun doute n’est donc permis sur l’existence d’une décision formelle – les avis ne pouvant diverger que sur la date à laquelle elle a été communiquée. Pour la plupart des historiens adhérents à cette thèse, l’ordre d’extermination fut donné par Hitler en mars 1941, pendant la préparation de Barbarossa. Raul Hilberg, quant à lui, retient deux décisions : une en mars 1941 – ordonnant l’extermination des Juifs soviétiques ; l’autre en juillet – ordonnant l’extermination des Juifs Européens (Hilberg, Raul. The Destruction of the European Jews – Londres, Allen 1971 et Krausnick, Helmut. Anatomie des SS-Staates – Buchheim, Broszat, Jacobsen, Krausnick ; Munich DTV 1967). Pour tous, la décision est celle d’Hitler ; elle est liée à la guerre contre l’URSS, et dans la certitude d’une victoire rapide.
Fonctionnalistes
Les Fonctionnalistes estiment que la progression du régime nazi est déterminante. Ils le perçoivent comme doté d’une dynamique structurelle qui rend sa course imprévisible et immaîtrisable. Pour les historiens qui défendent cette thèse, c’est simplifier exagérément la réalité historique que de faire dériver le cours du IIIe Reich à partir des objectifs et points de vue d’un seul homme, même s’agissant d’Adolf Hitler. Derrière la façade totalitaire polie par l’appareil de propagande, des forces puissantes s’affrontent (armée, NSDAP, SS, industrie, administration), tirant le régime dans tous les sens, et produisant – par leurs rivalités – un éclatement des structures administratives si bien que la conduite de toute politique à long terme est rendue impossible.
Plutôt qu’un dirigeant diabolique divisant pour mieux régner, Adolf Hitler est incapable de maîtriser la dynamique d’un système qui ne peut fonctionner que par improvisation et survivre qu’au prix d’une politique de plus en plus radicale. C’est la théorie du « Führer faible ». Hitler « semble » dominer le régime nazi, mais il en est en fait prisonnier. Le Lebensraum et l’antisémitisme ne sont que des « métaphores » destinées à fanatiser les masses, et non des objectifs concrets. Donc, pour les Fonctionnalistes, si des choses « prédites » par Hitler se réalisent, ce n’est certainement pas parce que le Führer les a « décidées » puis orienté sa politique en conséquence. Si l’attaque sur l’URSS (Lebensraum) et l’extermination des Juifs ont bien lieu c’est parce que le fonctionnement du régime, confronté à des circonstances exceptionnelles, a fini par « transformer des symboles de lutte en réalité concrètes » (Broszat, Martin. Der Staat Hitlers – Munich DTV 1969). Quoi que Hitler ait pu avoir en tête lors de sa « prophétie » de janvier 1939 (« Aujourd'hui, je serais encore une fois prophète : si les financiers juifs internationaux en Europe et au dehors réussissent une fois de plus à plonger les nations dans une guerre mondiale, alors, il en résultera, non pas une bolchevisation du globe, et donc la victoire de la Juiverie, mais l'annihilation de la race juive en Europe ! »), la politique officielle ne vise qu’à expulser les Juifs dont le nombre augmente avec chaque nouvelle conquête. Ce n’est qu’à la suite des échecs des solutions mises en œuvre pour leur émigration que leur extermination est implémentée durant l’été 1941. Adolf Hitler se voit malgré tout attribuer un rôle déterminant : c’est lui qui « en dernière instance » détermine la politique antijuive et lui qui donne l’ordre de la Solution Finale.
Plutôt qu’un dirigeant diabolique divisant pour mieux régner, Adolf Hitler est incapable de maîtriser la dynamique d’un système qui ne peut fonctionner que par improvisation et survivre qu’au prix d’une politique de plus en plus radicale. C’est la théorie du « Führer faible ». Hitler « semble » dominer le régime nazi, mais il en est en fait prisonnier. Le Lebensraum et l’antisémitisme ne sont que des « métaphores » destinées à fanatiser les masses, et non des objectifs concrets. Donc, pour les Fonctionnalistes, si des choses « prédites » par Hitler se réalisent, ce n’est certainement pas parce que le Führer les a « décidées » puis orienté sa politique en conséquence. Si l’attaque sur l’URSS (Lebensraum) et l’extermination des Juifs ont bien lieu c’est parce que le fonctionnement du régime, confronté à des circonstances exceptionnelles, a fini par « transformer des symboles de lutte en réalité concrètes » (Broszat, Martin. Der Staat Hitlers – Munich DTV 1969). Quoi que Hitler ait pu avoir en tête lors de sa « prophétie » de janvier 1939 (« Aujourd'hui, je serais encore une fois prophète : si les financiers juifs internationaux en Europe et au dehors réussissent une fois de plus à plonger les nations dans une guerre mondiale, alors, il en résultera, non pas une bolchevisation du globe, et donc la victoire de la Juiverie, mais l'annihilation de la race juive en Europe ! »), la politique officielle ne vise qu’à expulser les Juifs dont le nombre augmente avec chaque nouvelle conquête. Ce n’est qu’à la suite des échecs des solutions mises en œuvre pour leur émigration que leur extermination est implémentée durant l’été 1941. Adolf Hitler se voit malgré tout attribuer un rôle déterminant : c’est lui qui « en dernière instance » détermine la politique antijuive et lui qui donne l’ordre de la Solution Finale.
Au fil du tremps, grâce aux recherches internationales et aux découvertes plus récentes, ces deux théories ont évoluées, se sont affinées, mais se sont aussi fracturées en une multitude de nouvelles considérations, chacune amenant de l’eau à son propre moulin sans offrir pour autant la possibilité d’un consensus. Chacun, Intentionnalistes ou Fonctionnalistes, campe sur ses positions… Raul Hilberg a démontré que la ligne séparant les deux théories est poreuse, et qu’elle le restera. Si le débat se solde par un constat de faiblesse des deux côtés, les Fonctionnalistes ont au moins le mérite d’avoir souligné le caractère conditionné de la Solution Finale ainsi que le besoin d’en élargir notre vision pour y inclure les principes qui permirent à une décision criminelle de cette dimension de dénicher des exécutants disposés à l’admettre moralement et à la réaliser concrètement.
Il n’existe pas d’ordre signé par Hitler ordonnant l’extermination, tout simplement parce que le Führer n’en aurait jamais signé un. Au lieu de ça, il exprime son « vœu » à Himmler qui se charge ensuite d’implémenter la machine de destruction. Comment en discutèrent-ils ? Quels furent les mots utilisés ? Quelle fut la réaction d’Himmler ? Nous ne le saurons jamais. Un des consensus récents admet que l’ordre fut donné verbalement lors d’une réunion à la Chancellerie du Reich, en présence d’Hitler, Himmler, Göbbels, Bormann, et Hans Frank – le 12 décembre 1941. Nous savons que cette réunion a eu lieu, et nous savons que le sujet de discussion était la « Question Juive » (agenda d’Himmler et journal de Frank). Lors de cette réunion, pour la première fois, les nazis changent leur politique visant à évincer les Juifs de la société allemande par le biais des « Lois » et de la déportation, et basculent dans la liquidation totale : le génocide. Il n’y a, par contre, aucun consensus sur ce qui se passa réellement lors de cette réunion, ni sur ce qui était prévu dans son planning. Selon Christopher Browning, Ian Kershaw, et quelques autres, il semble improbable que la Solution Finale débuta à partir d’un ordre unique – mais plus probablement fut le résultat de toute une série d’initiatives locales proposées à Hitler entre juillet et décembre 1941, et avalisées par lui. Mais, tout n’est pas si simple. Tous ces arguments, souvent très convaincants, ne sont que suppositions. Pour achever d’embrouiller les pistes, compte tenu que le leadership nazi s’assura délibérément que l’implémentation de la Solution Finale comporterait d’immenses zones d’ombre – et donc de doutes, l’ambigüité du rôle joué par Hitler dans cette affaire s’en trouva accentuée – renforçant ainsi largement les thèses négationnistes.
Ajouté à cela, au fur et à mesure de la guerre, les nazis entamèrent une politique de suppression des preuves matérielles. Himmler ordonna la destruction des camps de l’Aktion Reinhard avant l’arrivée des Soviétiques, la destruction des charniers (Kommando 1005/Paul Blobel), et la destruction des chambres à gaz d’Auschwitz. Ces mesures furent également appliquées aux rapports écrits. La documentation privée d’Himmler, découverte par les Alliés en 1945, était incroyablement désorganisée et témoignait de « trous » évidents. Certaines parties de cette documentation confidentielle furent perdues pendant les dernières phases de la guerre, brûlées par des officiels SS ou même par sa secrétaire personnelle – Frau Erika Lorenz – qui fut dépêchée par le Reichsführer-SS lui-même au château SS de Fischhorn afin d’y détruire les documents SS secrets qui y étaient dissimulés.
Il n’existe pas d’ordre signé par Hitler ordonnant l’extermination, tout simplement parce que le Führer n’en aurait jamais signé un. Au lieu de ça, il exprime son « vœu » à Himmler qui se charge ensuite d’implémenter la machine de destruction. Comment en discutèrent-ils ? Quels furent les mots utilisés ? Quelle fut la réaction d’Himmler ? Nous ne le saurons jamais. Un des consensus récents admet que l’ordre fut donné verbalement lors d’une réunion à la Chancellerie du Reich, en présence d’Hitler, Himmler, Göbbels, Bormann, et Hans Frank – le 12 décembre 1941. Nous savons que cette réunion a eu lieu, et nous savons que le sujet de discussion était la « Question Juive » (agenda d’Himmler et journal de Frank). Lors de cette réunion, pour la première fois, les nazis changent leur politique visant à évincer les Juifs de la société allemande par le biais des « Lois » et de la déportation, et basculent dans la liquidation totale : le génocide. Il n’y a, par contre, aucun consensus sur ce qui se passa réellement lors de cette réunion, ni sur ce qui était prévu dans son planning. Selon Christopher Browning, Ian Kershaw, et quelques autres, il semble improbable que la Solution Finale débuta à partir d’un ordre unique – mais plus probablement fut le résultat de toute une série d’initiatives locales proposées à Hitler entre juillet et décembre 1941, et avalisées par lui. Mais, tout n’est pas si simple. Tous ces arguments, souvent très convaincants, ne sont que suppositions. Pour achever d’embrouiller les pistes, compte tenu que le leadership nazi s’assura délibérément que l’implémentation de la Solution Finale comporterait d’immenses zones d’ombre – et donc de doutes, l’ambigüité du rôle joué par Hitler dans cette affaire s’en trouva accentuée – renforçant ainsi largement les thèses négationnistes.
Ajouté à cela, au fur et à mesure de la guerre, les nazis entamèrent une politique de suppression des preuves matérielles. Himmler ordonna la destruction des camps de l’Aktion Reinhard avant l’arrivée des Soviétiques, la destruction des charniers (Kommando 1005/Paul Blobel), et la destruction des chambres à gaz d’Auschwitz. Ces mesures furent également appliquées aux rapports écrits. La documentation privée d’Himmler, découverte par les Alliés en 1945, était incroyablement désorganisée et témoignait de « trous » évidents. Certaines parties de cette documentation confidentielle furent perdues pendant les dernières phases de la guerre, brûlées par des officiels SS ou même par sa secrétaire personnelle – Frau Erika Lorenz – qui fut dépêchée par le Reichsführer-SS lui-même au château SS de Fischhorn afin d’y détruire les documents SS secrets qui y étaient dissimulés.
Le château de Fischhorn
L’aspect fragmentaire de ces sources documentaires originales constitue un problème majeur, et plus particulièrement dans le sujet qui nous occupe : les notes manuscrites prises par Himmler lors d’un grand nombre (mais pas tous) d’entretiens privés avec Hitler. Lors de ces entretiens en tête à tête, le Reichsführer-SS emmène des listes de points à l’ordre du jour ; des questions sur lesquelles il désire consulter le Führer – et sur lesquelles Hitler doit trancher. La plupart du temps, Himmler utilise un seul mot ou une phrase brève pour se rappeler quelles questions soulever pendant les réunions. Les réponses d’Hitler y sont annotées en forme simplifiée : par un « oui » ou un « √ », par un « non » ou par « réserve ». Parfois une question est barrée, signifiant peut-être qu‘elle ne fut pas abordée lors de l’entretien. Si Hitler est célèbre pour ses longues diatribes, les notes d’Himmler sont laconiques. Ces notes ne sont donc pas un compte-rendu des entretiens, mais une annotation des décisions qu’il obtient d’Hitler sur chaque point soulevé. En tout état de cause, elles ne peuvent en aucun cas prouver qu’Hitler et Himmler n’abordèrent pas d’autres questions, et que ces dernières ne furent pas annotées. Nous savons que ces entretiens privés entre le Führer et le Reichsführer-SS eurent bien lieu car ils sont notés dans le carnet de rendez-vous d’Himmler. Mais il semble qu’aucune note écrite ne fut prise pendant certains d’entre eux. Ce vide est parlant ; il est en fait un élément significatif : il y a de toute évidence des questions qu’il ne convient pas de noter – qui doivent êtres dissimulées. Mais la dissimulation est rarement une chose parfaite…
Himmler et Hitler
À partir de 1933, et jusqu’en 1941, tant pour des raisons internes qu’externes, la politique nazie concernant les Juifs se radicalise graduellement. Les persécutions deviennent de plus en plus rudes et s’aggravent jusqu’au point de non-retour. Examinant minutieusement les faits, nous pouvons noter que, dés le départ, la présence d’Adolf Hitler se fait sentir, d’une façon ou d’une autre, à chaque nouvelle étape :
• Ses conversations avec Göbbels, le 28 mars 1933, concernant le boycott des entreprises juives.
• L’éviction des fonctionnaires et avocats Juifs un mois plus tard.
• Sa décision d’une séparation biologique entre Aryens et Juifs (Lois de Nuremberg) en septembre 1935.
• Ses ordres visant les fonctionnaires Juifs d’Autriche après l’Anschluß de 1938.
• Son long entretien avec Göbbels, à la mairie de Munich, avant Kristallnacht.
• Sa désignation de Göring – puis d’Himmler et Heydrich – pour coordonner les Affaires Juives à partir de 1938.
• Sous la férule d’Hitler et d’Himmler, Heydrich crée le « Centre du Reich pour l’Émigration Juive », le 24 janvier 1939.
Puis, une semaine plus tard, le 30 janvier 1939, dans son discours au Reichstag, Hitler déclare qu’une guerre signifierait « l'annihilation de la race juive en Europe ». Le 1er septembre 1939, la Pologne est envahie. En 8 mois, les Einsatzgruppen y assassineront environ 60.000 Polonais et Juifs. À partir du 21 septembre, le reste des Juifs Polonais est regroupé et enfermé dans des ghettos.
En politicien avisé et manipulateur, Hitler s’arrange pour paraître absent des crimes les plus importants. Néanmoins, à diverses reprises, Himmler et un nombre considérable d’autres subordonnés suggèreront ou affirmeront directement que la Solution Finale fut initiée par le Führer. Certes, ces déclarations ne constituent pas des preuves parfaites : les subordonnés invoquent fréquemment l’autorité d’un supérieur pour justifier une action. Pourtant, malgré cela, nous possédons suffisamment de sources indépendantes pour pouvoir affirmer qu’à un moment ou à un autre, et d’une façon ou d’une autre, Adolf Hitler marqua l’opération de destruction des Juifs et des Slaves du sceau de son autorité.
En politicien avisé et manipulateur, Hitler s’arrange pour paraître absent des crimes les plus importants. Néanmoins, à diverses reprises, Himmler et un nombre considérable d’autres subordonnés suggèreront ou affirmeront directement que la Solution Finale fut initiée par le Führer. Certes, ces déclarations ne constituent pas des preuves parfaites : les subordonnés invoquent fréquemment l’autorité d’un supérieur pour justifier une action. Pourtant, malgré cela, nous possédons suffisamment de sources indépendantes pour pouvoir affirmer qu’à un moment ou à un autre, et d’une façon ou d’une autre, Adolf Hitler marqua l’opération de destruction des Juifs et des Slaves du sceau de son autorité.
Déjà, lors du lancement des tueries en Pologne, le Brigadeführer-SS Bruno Streckenbach, futur chef de l’Amt I du RSHA et responsable de la formation et de l’endoctrinement des Einsatzgruppen à l’école de police de Pretsch, aborde Himmler sur le sujet de la « responsabilité » pour ces opérations dont l’aspect parfaitement illégal en perturbe plus d’un [à noter qu’une législation militaire relative à la non obéissance d’un ordre « illégal » n’existait, à l’époque, dans aucune armée au monde]. Le problème est d’ailleurs pris au sérieux puisque la « formation » dispensée à l’école de Pretsch vise justement – entre autre – à « rationnaliser » les opérations aux yeux des participants. Il est également évident qu’Himmler et Heydrich discutent de la « Question Juive » de façon quasi journalière.
Bruno Streckenbach
Aux environs de la fin octobre 1939, le Commissaire de Police et Hauptsturmführer-SS Christian Wirth, est convoqué au KdF et chargé de mettre en place la bureaucratie du « Programme d’Euthanasie » pour les malades mentaux et les incurables : l’Opération « T4 ». Les bureaux de l’opération sont situés dans une villa, au 4, Tiergartenstrasse – donc T4), louée par le KdF sous le nom « Groupe de Travail du Reich pour les Sanatoriums et Maisons de Convalescence » (Reichsarbeitsgemeinschaft Heil- und Pflegeanstalten, ou R.A.G).
Bruno Streckenbach
Aux environs de la fin octobre 1939, le Commissaire de Police et Hauptsturmführer-SS Christian Wirth, est convoqué au KdF et chargé de mettre en place la bureaucratie du « Programme d’Euthanasie » pour les malades mentaux et les incurables : l’Opération « T4 ». Les bureaux de l’opération sont situés dans une villa, au 4, Tiergartenstrasse – donc T4), louée par le KdF sous le nom « Groupe de Travail du Reich pour les Sanatoriums et Maisons de Convalescence » (Reichsarbeitsgemeinschaft Heil- und Pflegeanstalten, ou R.A.G).
Trois mois plus tard, en janvier 1940, Hitler déclenche l’opération (voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/t5874-operation-t4-euthanasie-route-vers-le-genocide). L’assassinat des malades mentaux se déroule dans le secret le plus strict sous l’égide exclusive du KdF. Parfaitement conscient des retombées possibles, Hitler ne tient pas à ce que son nom y soit associé. Dés le début du programme, il avertit Philip Bouhler et Victor Brack que : « la Chancellerie du Führer ne doit en aucune circonstance être perçue comme active dans cette affaire » (Fleming, Gerald. Hitler and the Final Solution University of California Press, Los Angeles, 1984). Les responsables du programme tentent tout de même de faire passer des décrets légalisant l’opération, mais leurs propositions sont refusées par Hitler qui estime (très justement) que cela fournirait aux Alliés un outil de propagande inacceptable. L’autorité ultime pour « T4 » est le Hauptamt II (Office Central II) du KdF. En la personne de Viktor Brack, cette agence gère toutes les décisions en matière d’euthanasie (et plus tard des camps d’extermination d’Aktion Reinhard). Les membres du personnel du KdF, tout en continuant à occuper leurs fonctions, se retrouvent bientôt immergés dans l’assassinat médicalisé de masse. Alarmé, Hans Lammers, Chef de la Chancellerie se plaint du manque de légalité de l’opération et sollicite le Führer afin d’obtenir des mesures officielles. Hitler refuse net.
Cinq mois plus tard, le 28 juin 1940, Christian Wirth passe un examen pour être promu Kriminalkommissar (HstAR Stuttgart, E151/21 Bü 1684 : PPA Christian Wirth). Sa promotion ne sera officialisée que le 21 mars 1941, mais antidatée au 1er janvier. La notification officielle, signée par Reinhard Heydrich porte la remarque : « Le Führer accorde sa protection personnelle à Wirth » (HstAR Stuttgart, E151/21 Bü 1684 : PPA Christian Wirth – Ministère de l’Intérieur du Reich à Berlin au Ministère de l’Intérieur du Wurtemberg à Stuttgart ; 21 mars 1941).
En mai 1941 (mi-juin au plus tard) Rudolf Höss est chargé par Himmler chargé de préparer le camp de concentration d’Auschwitz pour l’extermination. Lors de l’entretien, Himmler explique à Höss que « le Führer a ordonné la solution finale du problème Juif en Europe » (Témoignage de Rudolf Höss – Nuremberg, 15 avril 1946)
Le 22 juin 1941, Hitler déclenche Barbarossa et boute le feu à l’URSS…
En mai 1941 (mi-juin au plus tard) Rudolf Höss est chargé par Himmler chargé de préparer le camp de concentration d’Auschwitz pour l’extermination. Lors de l’entretien, Himmler explique à Höss que « le Führer a ordonné la solution finale du problème Juif en Europe » (Témoignage de Rudolf Höss – Nuremberg, 15 avril 1946)
Le 22 juin 1941, Hitler déclenche Barbarossa et boute le feu à l’URSS…
Dans le sillage de la Wehrmacht, les Einsatzgruppen A, B, C, et D (5.000 hommes environ de la Waffen-SS, du SD, de l’ORPO, de la KRIPO, et de divers autres organismes policiers auxiliaires) avancent, massacrant indifféremment la population civile : Juifs, Slaves, femmes, et enfants. Un membre de l’Einsatzgruppe D raconte qu’Otto Ohlendorf, économiste de formation et commandant de l’Einsatzgruppe en question, lui aurait déclaré que « l’ordre de tuer les Juifs provenait du Reichsführer-SS par le biais d’Heydrich, et avait été donné à tous les Einsatzkommandos. C’était un ordre du Führer » (Angrick, Andrej. Bezatzungspolitik und Massenmord, Die Einsatzgruppe D in der südlichen Sowjetunion 1941-1943 Hambourg 2003. Hamburger Edition).
À un moment pendant l’été 1941, Reinhard Heydrich convoque Adolf Eichmann des « Affaires Juives » (RSHA – IVB4), et l’informe que « Le Führer a ordonné la destruction physique des Juifs ». Eichmann ajoute qu’Heydrich marqua un temps de pause « comme s’il voulait mesurer l’impact de ce qu’il venait de dire » (Von Lang, Jochen. Das Eichmann-Protokoll – Tonbandaufzeichnungen der israelischen Verböre – notes enregistrées sur bande magnétique/Procès Israéliens ; Gütersloh, Bertelsmann, p.69).
Aux environs de juillet ou début août 1941, en raison des plaintes croissantes de la Wehrmacht et des administrations locales concernant les tueries, Himmler profite d’une visite d’inspection à Minsk pour rencontrer Arthur Nebe, Directeur de la Kripo et Commandant de l’Einsatzgruppe B, et se rendre compte de la situation. Arthur Nebe organise une exécution « modèle » afin de rassurer le Reichsführer-SS, mais l’opération ne se passe pas comme prévu. Pendant la fusillade, Himmler manque se trouver mal. D’après Karl Wolff, son adjudant, le Reichsführer-SS, éclaboussé de débris de cerveau, aurait vomi. Ce témoignage d’après-guerre est certainement une affabulation car Himmler n’aurait sûrement pas assisté ensuite à une deuxième exécution, ni tenu un discours à l’unité sur la nature extrêmement pénible, mais « sacrée », de leur mission. (Padfield, Peter. Himmler ; Reichsführer SS – Papermac, 1995 et Höhne, Heinz. L’Ordre Noir ; Histoire de la SS – Casterman, 1968). Himmler ordonne au RSHA de trouver une autre méthode. Cet ordre débouche sur la création de 15 camions à gaz fournis aux Einsatzgruppen.
Aux environs de juillet ou début août 1941, en raison des plaintes croissantes de la Wehrmacht et des administrations locales concernant les tueries, Himmler profite d’une visite d’inspection à Minsk pour rencontrer Arthur Nebe, Directeur de la Kripo et Commandant de l’Einsatzgruppe B, et se rendre compte de la situation. Arthur Nebe organise une exécution « modèle » afin de rassurer le Reichsführer-SS, mais l’opération ne se passe pas comme prévu. Pendant la fusillade, Himmler manque se trouver mal. D’après Karl Wolff, son adjudant, le Reichsführer-SS, éclaboussé de débris de cerveau, aurait vomi. Ce témoignage d’après-guerre est certainement une affabulation car Himmler n’aurait sûrement pas assisté ensuite à une deuxième exécution, ni tenu un discours à l’unité sur la nature extrêmement pénible, mais « sacrée », de leur mission. (Padfield, Peter. Himmler ; Reichsführer SS – Papermac, 1995 et Höhne, Heinz. L’Ordre Noir ; Histoire de la SS – Casterman, 1968). Himmler ordonne au RSHA de trouver une autre méthode. Cet ordre débouche sur la création de 15 camions à gaz fournis aux Einsatzgruppen.
Hitler est parfaitement au courant de ce qui se passe à l’Est puisque, le 1er août, une directive codée est transmise par Heinrich Müller, Chef de la Gestapo, aux commandants des quatre Einsatzgruppen précisant que « le Führer doit être continuellement informé du travail des Einsatzgruppen à l’Est » et que « par conséquent, une documentation visuelle d’intérêt spécifique, comme des photos » est nécessaire » (RSHA IV A Ib, B. N° 576B/41g, FT [codé] signé « Müller, SS Brif » Fa 213/3, Institut für Zeitgeschichte). Le 24 août 1941, de son QG du Wolfsschanze – où il est installé depuis le 25 juin – Hitler téléphone au Dr. Karl Brandt et lui ordonne de mettre fin à l’opération T4. À son tour, Brandt transmet l’ordre à Viktor Brack qui témoignera plus tard : « J’ai reçu l’ordre oral de cesser l’entreprise d’euthanasie […] Bouhler a demandé – après une réunion avec Himmler, me semble-t-il – que j’envoie ces gens là [Christian Wirth et les équipes T4] à Lublin pour les mettre à la disposition du Brigadeführer-SS Globocnik. J’ai eu alors l’impression qu’ils allaient êtres utilisés dans les camps de travail juifs gérés par Globocnik » (IMT Nuremberg, Viktor Brack. 13 et 15 septembre 1946).
Le même jour le KdF confirme l’ordre d’Hitler de stopper l’opération T4 au Dr. Georg Renno (médecin chef à la clinique T4 de Hartheim), qui reçoit un appel urgent de Berlin au cours duquel il informé « sur un ton militaire que le Führer avait ordonné que l’opération soit immédiatement stoppée ! ». Mais Renno remarque aussi un détail d’importance : Christian Wirth, qui était à Hartheim ce jour là, « ôta subitement son uniforme de police pour revêtir un uniforme SS » (témoignage Georg Renno dans Kohl, Walter. Ich fühle mich nicht schuldig Zsolnay Verlag, Wien 2000 - ISBN-10 3552049738). Si Renno dit vrai, et nous n’avons aucune raison d’en douter, cela signifie que Wirth connaissait déjà son futur rôle dans Aktion Reinhard.
Le 26 août – deux jours plus tard - l’adjoint d’Heydrich téléphone à Rudolf Brandt, conseiller personnel d’Himmler, pour l’informer que le Reichsführer-SS avait l’accord d’Heydrich « pour mettre en œuvre le plan de ce dernier »… C’est à dire l’extermination des Juifs (NA Washington, RG 242, microfilm T-581, bobine 39A). L’opération gigantesque imaginée par Heydrich ne peut pas être réalisée sur le seul ordre du Reichsführer-SS, même si la SS y joue un rôle déterminant. Ceux qui vont matérialiser l’extermination – les hommes de l’opération T4 – dans les camps d’Aktion Reinhard, se trouvant sous l’autorité exclusive du KdF, un ordre direct à Himmler par l’entremise d’Heydrich, son subordonné, ne peut provenir que d’Hitler lui-même.
Le même jour le KdF confirme l’ordre d’Hitler de stopper l’opération T4 au Dr. Georg Renno (médecin chef à la clinique T4 de Hartheim), qui reçoit un appel urgent de Berlin au cours duquel il informé « sur un ton militaire que le Führer avait ordonné que l’opération soit immédiatement stoppée ! ». Mais Renno remarque aussi un détail d’importance : Christian Wirth, qui était à Hartheim ce jour là, « ôta subitement son uniforme de police pour revêtir un uniforme SS » (témoignage Georg Renno dans Kohl, Walter. Ich fühle mich nicht schuldig Zsolnay Verlag, Wien 2000 - ISBN-10 3552049738). Si Renno dit vrai, et nous n’avons aucune raison d’en douter, cela signifie que Wirth connaissait déjà son futur rôle dans Aktion Reinhard.
Le 26 août – deux jours plus tard - l’adjoint d’Heydrich téléphone à Rudolf Brandt, conseiller personnel d’Himmler, pour l’informer que le Reichsführer-SS avait l’accord d’Heydrich « pour mettre en œuvre le plan de ce dernier »… C’est à dire l’extermination des Juifs (NA Washington, RG 242, microfilm T-581, bobine 39A). L’opération gigantesque imaginée par Heydrich ne peut pas être réalisée sur le seul ordre du Reichsführer-SS, même si la SS y joue un rôle déterminant. Ceux qui vont matérialiser l’extermination – les hommes de l’opération T4 – dans les camps d’Aktion Reinhard, se trouvant sous l’autorité exclusive du KdF, un ordre direct à Himmler par l’entremise d’Heydrich, son subordonné, ne peut provenir que d’Hitler lui-même.
En septembre 1941, les SS créent à Trawniki (près de Lublin) un camp de prisonniers destiné à recevoir les prisonniers militaires Russes et Polonais. Un nombre de volontaires soviétiques sont sélectionnés pour servir dans la SS, en tant que gardes et gardiens de ghettos. Simultanément, le vieux manoir de Chelmno (dans la région de Lodz) est converti en centre d’extermination. Ces préparatifs sont effectués trois mois AVANT la conférence de Wannsee. L’opération de destruction est donc déjà en place.
Toujours en septembre, Philipp Bouhler et Viktor Brack du KdF se rendent à Lublin pour rencontrer le HSSPF Odilo Globocnik dans le contexte de la « Solution Finale » en Pologne.
Un mois plus tard, en octobre, Globocnik est chargé par Himmler de planifier et d’implémenter Aktion Reinhard : l’extermination des Juifs du Generalgouvernement. Fin novembre 1941, les premiers déportés en provenance du Ghetto de Lodz, d’Allemagne et de Tchécoslovaquie, sont acheminés par trains à Chelmno et, à partir du 8 décembre, assassinés au moyen de 2 camions à gaz « prêtés » par les Einsatzgruppen. La décision de construire le camp d’extermination de Belzec date sûrement de cette époque car les travaux seront terminés le 1er novembre, (donc toujours AVANT la conférence de Wannsee).
Toujours en septembre, Philipp Bouhler et Viktor Brack du KdF se rendent à Lublin pour rencontrer le HSSPF Odilo Globocnik dans le contexte de la « Solution Finale » en Pologne.
Un mois plus tard, en octobre, Globocnik est chargé par Himmler de planifier et d’implémenter Aktion Reinhard : l’extermination des Juifs du Generalgouvernement. Fin novembre 1941, les premiers déportés en provenance du Ghetto de Lodz, d’Allemagne et de Tchécoslovaquie, sont acheminés par trains à Chelmno et, à partir du 8 décembre, assassinés au moyen de 2 camions à gaz « prêtés » par les Einsatzgruppen. La décision de construire le camp d’extermination de Belzec date sûrement de cette époque car les travaux seront terminés le 1er novembre, (donc toujours AVANT la conférence de Wannsee).
Un mémorandum signé par Martin Bormann, en date du 21 octobre 1941, témoigne qu’Hitler, installé dans son QG de campagne, aurait déclaré, en parlant des Juifs et des Slaves : « Lorsque nous aurons enfin éradiqué ce fléau, nous aurons accompli pour l’humanité un acte dont la signification échappe complètement à nos hommes sur le champ de bataille » (Adolf Hitler, Monologe im Führerhauptquartier : 1941-1944. ed. Werner Jochmann – Hambourg 1980).
Quelques jours plus tard, en présence de Himmler et de Reinhard Heydrich, le Führer est informé qu’un nombre trop élevé d’officiers subalternes sur le terrain procèdent à des exécutions de leur propre initiative, créant une ambiance exécrable au sein de la troupe. Hitler ne s’en offusque aucunement. Au contraire, il dévoile le fond de sa pensée : « Le fait que nous soyons précédés d’une aura de terreur est favorable à nos plans d’extermination de la Juiverie » (Ibid).
Puis, une note manuscrite dans un des volumes du journal personnel d’Himmler, datée du 18 décembre 1941, et prise lors d’un entretien avec Hitler à son QG du Wolfsschanze, mentionne sans aucune ambigüité : « Judenfrage/als Partisanen auszurotten » (« Question Juive/exterminer comme partisans »).
Quelques jours plus tard, en présence de Himmler et de Reinhard Heydrich, le Führer est informé qu’un nombre trop élevé d’officiers subalternes sur le terrain procèdent à des exécutions de leur propre initiative, créant une ambiance exécrable au sein de la troupe. Hitler ne s’en offusque aucunement. Au contraire, il dévoile le fond de sa pensée : « Le fait que nous soyons précédés d’une aura de terreur est favorable à nos plans d’extermination de la Juiverie » (Ibid).
Puis, une note manuscrite dans un des volumes du journal personnel d’Himmler, datée du 18 décembre 1941, et prise lors d’un entretien avec Hitler à son QG du Wolfsschanze, mentionne sans aucune ambigüité : « Judenfrage/als Partisanen auszurotten » (« Question Juive/exterminer comme partisans »).
Quatre jours plus tard, le 22 décembre, Christian Wirth, l’homme « sous la protection personnelle du Führer », réquisitionne nombre de propriétés le long de l’artère principale du village de Belzec pour y loger son personnel (sous autorité du KdF), et assume le commandement du camp d’extermination expérimental de Belzec.
À son tour, l’Obergruppenführer-SS Gottlob Berger, chef du SS-Hauptamt (Administration Centrale SS), et recruteur principal pour la Waffen-SS, s’inquiète. Il s’adresse au Reichsführer-SS à ce sujet deux fois : une fois avant l’attentat contre Heydrich (27 mai 1942), et une fois après. La première fois, Himmler se montre « visiblement peiné, et invoque l’autorité d’un ordre d’Hitler » (Gottlob Berger, déposition du 15 octobre 1962/Staatsanwaltschaft Munich – 10 a Js 39/60). La fois d’après, Himmler concède à Berger qu’« il eut été préférable de ne pas créer les Einsatzgruppen » (Ibid).
À son tour, l’Obergruppenführer-SS Gottlob Berger, chef du SS-Hauptamt (Administration Centrale SS), et recruteur principal pour la Waffen-SS, s’inquiète. Il s’adresse au Reichsführer-SS à ce sujet deux fois : une fois avant l’attentat contre Heydrich (27 mai 1942), et une fois après. La première fois, Himmler se montre « visiblement peiné, et invoque l’autorité d’un ordre d’Hitler » (Gottlob Berger, déposition du 15 octobre 1962/Staatsanwaltschaft Munich – 10 a Js 39/60). La fois d’après, Himmler concède à Berger qu’« il eut été préférable de ne pas créer les Einsatzgruppen » (Ibid).
Gottlob Berger
Himmler a, en effet, de quoi s’inquiéter. Non seulement les opérations Einsatzgruppen, trop voyantes, font-elles l’objet de plaintes répétées (Wehrmacht, administrations), mais les nouvelles se propagent comme une trainée de poudre dans toute l’Europe occupée. Sur le terrain, s’ajoutent les cas de dépression, d’alcoolisme généralisé, et d’exactions incontrôlables. Quant à l’Aktion Reinhard, non seulement sa confidentialité s’est largement érodée (soldats et civils de passage, fournisseurs locaux, villageois etc.), mais les cas de vols et de corruption au sein même des équipes de tueurs prennent des dimensions préoccupantes. Himmler expédie le juge SS Konrad Morgen à Lublin pour enquêter sur Christian Wirth et son management des 3 camps (Belzec, Sobibor, Treblinka). Interrogé à Nuremberg en 1946, Konrad Morgen déclare :
« Lorsque Wirth devint responsable de l’extermination des Juifs, il était déjà un spécialiste en destruction massive d’êtres humains. Il ne recevait aucune aide […] Par ordre du Führer lui-même, dont les ordres étaient transmis par la Chancellerie du Führer, il avait, au début de la guerre, formé un détachement dans ce but, composé de quelques officiels à lui, les autres étant, je crois, des agents et des espions de la KRIPO »
Plus loin, Morgen affirme :
« J’ai également vu le QG d’où Wirth dirigeait les opérations. C’était petit et discret. Il n’y avait que trois ou quatre personnes travaillant avec lui. Je leur ai parlé aussi. J’ai vu les coursiers aller et venir. Ils venaient de Berlin, de la Tiergartenstrasse, la Chancellerie du Führer. Et ils y retournaient. J’ai fouillé les courriers de Wirth et trouvé la confirmation de tout ceci […] Peu de noms étaient mentionnés […] Je me souviens d’un des noms : Blankenburg, à Berlin […] Blankenburg, de la Chancellerie du Führer ».
Himmler est, de toute évidence, perturbé. Il réalise qu’il est indispensable d’affranchir les services concernés. Toutefois, il ne s’y résout pas avant 1944. Ses déclarations secrètes (devant des parterres sélectionnés), quant à la responsabilité et les autorisations concernant l’extermination des Juifs, sont parfaitement répertoriées :
« Lorsque Wirth devint responsable de l’extermination des Juifs, il était déjà un spécialiste en destruction massive d’êtres humains. Il ne recevait aucune aide […] Par ordre du Führer lui-même, dont les ordres étaient transmis par la Chancellerie du Führer, il avait, au début de la guerre, formé un détachement dans ce but, composé de quelques officiels à lui, les autres étant, je crois, des agents et des espions de la KRIPO »
Plus loin, Morgen affirme :
« J’ai également vu le QG d’où Wirth dirigeait les opérations. C’était petit et discret. Il n’y avait que trois ou quatre personnes travaillant avec lui. Je leur ai parlé aussi. J’ai vu les coursiers aller et venir. Ils venaient de Berlin, de la Tiergartenstrasse, la Chancellerie du Führer. Et ils y retournaient. J’ai fouillé les courriers de Wirth et trouvé la confirmation de tout ceci […] Peu de noms étaient mentionnés […] Je me souviens d’un des noms : Blankenburg, à Berlin […] Blankenburg, de la Chancellerie du Führer ».
Himmler est, de toute évidence, perturbé. Il réalise qu’il est indispensable d’affranchir les services concernés. Toutefois, il ne s’y résout pas avant 1944. Ses déclarations secrètes (devant des parterres sélectionnés), quant à la responsabilité et les autorisations concernant l’extermination des Juifs, sont parfaitement répertoriées :
1. Son discours du 26 janvier 1944, devant un parterre de généraux réunis dans le théâtre municipal de Posen est décrit en détail par le général de division Baron Freiherr von Gersdoff (membre des conjurés de l’attentat contre Hitler du 20 juillet 1944). En voici l’extrait significatif : «[…] Lorsque le Führer me donna l’ordre de procéder à la solution totale du problème Juif, j’ai d’abord hésité, incertain de pouvoir exiger de mes valeureux SS l’exécution d’un ordre aussi épouvantable… Mais il s’agissait d’un ordre du Führer [Führerbefehl], et je ne pouvais donc avoir aucun scrupules »(Confirmé par von Gersdoff/déclaration officielle à G. Fleming, 12 décembre 1979).
2. Le 5 mai 1944, à Sonthofen, également devant un parterre de généraux, Himmler déclare : « Essayez de comprendre quelle difficulté représentait pour moi l’accomplissement de cet ordre militaire que j’ai obéi et accompli par obéissance et avec totale conviction » (US National Archives T175/92/3475).
3. Le 24 mai 1944, toujours devant des généraux, Himmler affirme : « Une autre question d’une importance décisive pour la sécurité interne du Reich et de l’Europe dans son ensemble fut la question Juive. Elle a été résolue sans compromis, selon les ordres, et avec une totale compréhension » (US National Archives T175/94/4609).
4. Le 21 juin 1944, à Sonthofen, Himmler s’adresse à des généraux « éduqués en concepts nationaux-socialistes » : « C’est la tâche la plus épouvantable et la mission la plus terrible dont une organisation pouvait être chargée : la mission de résoudre la question Juive » (Bundesarchiv Koblenz NS 19/HR 19).
L’authenticité des remarques d’Himmler ne fait aucun doute – elles furent annotées par des personnes présentes et/ou enregistrées. Par conséquent, cet « ordre du Führer de procéder à la solution totale du problème Juif », cet « ordre militaire », cette « mission la plus terrible » n’a pu être donné à Himmler que par Hitler car il ne se trouve personne entre eux dans la chaîne de commandement. Et la raison pour laquelle le Reichsführer-SS décide d’en informer les personnels concernés lors de ses discours répond, non seulement à l’impératif de les affranchir afin d’éviter des remous supplémentaires, mais également au besoin de leur faire comprendre que, justement en raison de son serment d’obéissance, lui, Himmler, n’aurait jamais pris l’initiative d’une telle opération de son propre chef – sans ordre provenant des « plus hautes instances ».
Plus tard, l’Obergruppenführer-SS Werner Best (représentant du RSHA en France occupée) déclarera : « Ces mesures n’ont pu êtres ordonnées que par Hitler ; pas par Müller, ni Heydrich, ni même par Himmler. Des mesures de cette gravité – et compte tenu de leur impact sur les relations entre l’Allemagne et les états ennemis et sur les Affaires Étrangères – ne peuvent avoir été ordonnées que par Hitler » (déclaration officielle à G. Fleming, 16 septembre 1979).
Le Hauptsturmführer-SS Werner Grothmann (2e adjudant Waffen-SS d’Himmler – et capturé avec lui en 1945) déclarera également après-guerre : « Ma conviction est que Heinrich Himmler ne prit ni la décision, ni les mesures décisives, ni l’initiative, sans en avoir reçu l’ordre » (déclaration officielle à G. Fleming, 30 janvier 1978).
Werner Grothmann et Himmler
2. Le 5 mai 1944, à Sonthofen, également devant un parterre de généraux, Himmler déclare : « Essayez de comprendre quelle difficulté représentait pour moi l’accomplissement de cet ordre militaire que j’ai obéi et accompli par obéissance et avec totale conviction » (US National Archives T175/92/3475).
3. Le 24 mai 1944, toujours devant des généraux, Himmler affirme : « Une autre question d’une importance décisive pour la sécurité interne du Reich et de l’Europe dans son ensemble fut la question Juive. Elle a été résolue sans compromis, selon les ordres, et avec une totale compréhension » (US National Archives T175/94/4609).
4. Le 21 juin 1944, à Sonthofen, Himmler s’adresse à des généraux « éduqués en concepts nationaux-socialistes » : « C’est la tâche la plus épouvantable et la mission la plus terrible dont une organisation pouvait être chargée : la mission de résoudre la question Juive » (Bundesarchiv Koblenz NS 19/HR 19).
L’authenticité des remarques d’Himmler ne fait aucun doute – elles furent annotées par des personnes présentes et/ou enregistrées. Par conséquent, cet « ordre du Führer de procéder à la solution totale du problème Juif », cet « ordre militaire », cette « mission la plus terrible » n’a pu être donné à Himmler que par Hitler car il ne se trouve personne entre eux dans la chaîne de commandement. Et la raison pour laquelle le Reichsführer-SS décide d’en informer les personnels concernés lors de ses discours répond, non seulement à l’impératif de les affranchir afin d’éviter des remous supplémentaires, mais également au besoin de leur faire comprendre que, justement en raison de son serment d’obéissance, lui, Himmler, n’aurait jamais pris l’initiative d’une telle opération de son propre chef – sans ordre provenant des « plus hautes instances ».
Plus tard, l’Obergruppenführer-SS Werner Best (représentant du RSHA en France occupée) déclarera : « Ces mesures n’ont pu êtres ordonnées que par Hitler ; pas par Müller, ni Heydrich, ni même par Himmler. Des mesures de cette gravité – et compte tenu de leur impact sur les relations entre l’Allemagne et les états ennemis et sur les Affaires Étrangères – ne peuvent avoir été ordonnées que par Hitler » (déclaration officielle à G. Fleming, 16 septembre 1979).
Le Hauptsturmführer-SS Werner Grothmann (2e adjudant Waffen-SS d’Himmler – et capturé avec lui en 1945) déclarera également après-guerre : « Ma conviction est que Heinrich Himmler ne prit ni la décision, ni les mesures décisives, ni l’initiative, sans en avoir reçu l’ordre » (déclaration officielle à G. Fleming, 30 janvier 1978).
Werner Grothmann et Himmler
L’Oberführer-SS Dr. Horst Bender (juge SS - Dienstaltersliste der Schutzstaffel der NSDAP) ajoute : « Mon opinion personnelle est qu’Himmler n’aurait jamais osé – particulièrement en matière de politique d’État – agir en opposition à Hitler ou agir indépendamment. Himmler était son subalterne » (déclaration officielle à G. Fleming, 21 juin 1980).
Les précautions prises par Hitler pour ne pas être associé aux massacres, ainsi que la sémantique particulière qu’il utilise afin d’éviter que ce ne soit le cas, trouvent un écho naturel dans le choix des mots et la prudence tactique exprimés par Himmler – prudence nécessairement dictée par l’ordre d’extermination lui-même. Comme nous le verrons plus loin, cette prudence transpire tant dans ses déclarations des 4 et 6 octobre 1943 à Posen que dans ses interventions de la première moitié de 1944…
Pourquoi Heinrich Himmler se livre-t-il d’abord « en toute candeur » à ses Gruppenführers-SS (4 octobre 1943) puis aux Gauleiters et Reichsleiters (6 octobre 1943), levant le voile sur les opération – « Je veux parler de l’évacuation des Juifs, l’extermination de la race Juive » (Himmler ; discours secret à Posen devant les Gruppenführers-SS – PS 1919-1MG, vol. 9, p. 65-66. Bundesarchiv Koblentz) – sans pour autant confirmer aux dignitaires SS et NSDAP présents qu’il s’agit d’un ordre émanant « d’en haut » ? Et pourquoi, alors, dans ses discours secrets aux généraux, en 1944, estime-t-il nécessaire de souligner la question de « l’ordre » et de le qualifier d’« ordre aussi épouvantable » et de « mission la plus terrible » ? De toute évidence, le 4 octobre 1943, Himmler tente de signifier à ses Gruppenführers-SS leur responsabilité collective : « La plupart d’entre vous savent ce que 500 ou 1000 cadavres alignés veut dire… ». Il lie les exécutants au crime. Le pacte du sang. Aucun des Gruppenführer-SS présents ne peut envisager un seul instant qu’Himmler soit à l’origine de la mission. Quant aux Gauleiters et Reichsleiters, même s’il est évident pour eux qu’Himmler ne peut être donneur d’ordre, le Reichsführer-SS tient particulièrement à ce qu’aucun doute ne subsiste quant à la chaine de commandement : "Pour l’organisation qui a été chargée d’exécuter cette tâche, cela a été la plus difficile qu’il nous ait été donné à accomplir jusqu’à maintenant".
Voilà. Ce devrait être suffisant pour l'instant. Comme je l’ai dit, il y a des centaines de facteurs supplémentaires à prendre en compte – une longue étude. Pour moi, la responsabilité centrale d’Hitler ne fait aucun doute. Et qu’il ait donné son assentiment à des propositions, ou donné l’ordre directement n’y change rien ; c’est dire la même chose de manière différente – il reste de toute façon l’ultime autorité. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Merci de votre attention
Eddy
Sources
• Poprzeczny, Joseph. Odilo Globocnik ; Hitler’s man in the East – Mc Farland & Co., 2004
• Reitlinger, Gerald. The SS, Alibi of a Nation 1922-1945 Arms & Armour Press, London, 1981
• Sereny, Gitta. Into that Darkness : from Mercy Killing to Mass Murder – Random House, London, 1974
• Tregenza, Michael : Christian Wirth a pierwsze fasza Akcji Reinhardt dans Zeszyty Majdanka Vol. 14 – Pantwowe Muzeum na Majdanka, Lublin 1992
• Tregenza, Michael : Christian Wirth: Inspekteur der SS-Sonderkommandos Aktion Reinhardt dans Zeszyty Majdanka Vol. 15 - Pantwowe Muzeum na Majdanka, Lublin 1993
• Breitman, Richard. The Architect of Genocide ; Himmler and the Final Solution – Pimlico 2004
• Deschner, Günther. Heydrich ; the Pursuit of Total Power London 1981
• Fleming, Gerald. Hitler and the Final Solution – University of California Press, Los Angeles, 1984
• Bédarida, François. La politique nazie d’extermination (ouvrage collectif présenté par F. Bédarida) – Albin Michel, Paris, 1989
• Browning, Christopher R. The Path to Genocide: Essays on Launching the Final Solution. Cambridge University Press ; Cambridge, 1992
• Browning, Christopher R. The Origins of the Final Solution – The Evolution of Nazi Jewish Policy, September 1939 – March 1942 – William Heinemann ; London, 2004
• Bundesarchiv
• USHMM
• Yad-Vashem
Les précautions prises par Hitler pour ne pas être associé aux massacres, ainsi que la sémantique particulière qu’il utilise afin d’éviter que ce ne soit le cas, trouvent un écho naturel dans le choix des mots et la prudence tactique exprimés par Himmler – prudence nécessairement dictée par l’ordre d’extermination lui-même. Comme nous le verrons plus loin, cette prudence transpire tant dans ses déclarations des 4 et 6 octobre 1943 à Posen que dans ses interventions de la première moitié de 1944…
Pourquoi Heinrich Himmler se livre-t-il d’abord « en toute candeur » à ses Gruppenführers-SS (4 octobre 1943) puis aux Gauleiters et Reichsleiters (6 octobre 1943), levant le voile sur les opération – « Je veux parler de l’évacuation des Juifs, l’extermination de la race Juive » (Himmler ; discours secret à Posen devant les Gruppenführers-SS – PS 1919-1MG, vol. 9, p. 65-66. Bundesarchiv Koblentz) – sans pour autant confirmer aux dignitaires SS et NSDAP présents qu’il s’agit d’un ordre émanant « d’en haut » ? Et pourquoi, alors, dans ses discours secrets aux généraux, en 1944, estime-t-il nécessaire de souligner la question de « l’ordre » et de le qualifier d’« ordre aussi épouvantable » et de « mission la plus terrible » ? De toute évidence, le 4 octobre 1943, Himmler tente de signifier à ses Gruppenführers-SS leur responsabilité collective : « La plupart d’entre vous savent ce que 500 ou 1000 cadavres alignés veut dire… ». Il lie les exécutants au crime. Le pacte du sang. Aucun des Gruppenführer-SS présents ne peut envisager un seul instant qu’Himmler soit à l’origine de la mission. Quant aux Gauleiters et Reichsleiters, même s’il est évident pour eux qu’Himmler ne peut être donneur d’ordre, le Reichsführer-SS tient particulièrement à ce qu’aucun doute ne subsiste quant à la chaine de commandement : "Pour l’organisation qui a été chargée d’exécuter cette tâche, cela a été la plus difficile qu’il nous ait été donné à accomplir jusqu’à maintenant".
Voilà. Ce devrait être suffisant pour l'instant. Comme je l’ai dit, il y a des centaines de facteurs supplémentaires à prendre en compte – une longue étude. Pour moi, la responsabilité centrale d’Hitler ne fait aucun doute. Et qu’il ait donné son assentiment à des propositions, ou donné l’ordre directement n’y change rien ; c’est dire la même chose de manière différente – il reste de toute façon l’ultime autorité. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Merci de votre attention
Eddy
Sources
• Poprzeczny, Joseph. Odilo Globocnik ; Hitler’s man in the East – Mc Farland & Co., 2004
• Reitlinger, Gerald. The SS, Alibi of a Nation 1922-1945 Arms & Armour Press, London, 1981
• Sereny, Gitta. Into that Darkness : from Mercy Killing to Mass Murder – Random House, London, 1974
• Tregenza, Michael : Christian Wirth a pierwsze fasza Akcji Reinhardt dans Zeszyty Majdanka Vol. 14 – Pantwowe Muzeum na Majdanka, Lublin 1992
• Tregenza, Michael : Christian Wirth: Inspekteur der SS-Sonderkommandos Aktion Reinhardt dans Zeszyty Majdanka Vol. 15 - Pantwowe Muzeum na Majdanka, Lublin 1993
• Breitman, Richard. The Architect of Genocide ; Himmler and the Final Solution – Pimlico 2004
• Deschner, Günther. Heydrich ; the Pursuit of Total Power London 1981
• Fleming, Gerald. Hitler and the Final Solution – University of California Press, Los Angeles, 1984
• Bédarida, François. La politique nazie d’extermination (ouvrage collectif présenté par F. Bédarida) – Albin Michel, Paris, 1989
• Browning, Christopher R. The Path to Genocide: Essays on Launching the Final Solution. Cambridge University Press ; Cambridge, 1992
• Browning, Christopher R. The Origins of the Final Solution – The Evolution of Nazi Jewish Policy, September 1939 – March 1942 – William Heinemann ; London, 2004
• Bundesarchiv
• USHMM
• Yad-Vashem
Dernière édition par eddy marz le 25/8/2012, 20:49, édité 5 fois
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Comme d'habitude, un exposé remarquable, merci.
Une petite question:
Sinon, en fouillant bien, j'ai trouvé une virgule en trop, c'est un scandale! (6 lignes au-dessus de la photo du château de Fischhorn)
-il me parait évident qu'Hitler ne pouvait pas ne pas savoir
-s'il sait et qu'il laisse faire, vu sa position, c'est la même responsabilité qu'être donneur d'ordres.
Une petite question:
Erreur de personne où Himmler avait réellement besoin de l'accord d'Heydrich?Le 26 août – deux jours plus tard - l’adjoint d’Heydrich téléphone à Rudolf Brandt, conseiller personnel d’Himmler, pour l’informer que le Reichsführer-SS avait l’accord d’Heydrich « pour mettre en œuvre le plan de ce dernier »… C’est à dire l’extermination des Juifs (NA Washington, RG 242, microfilm T-581, bobine 39A)
Sinon, en fouillant bien, j'ai trouvé une virgule en trop, c'est un scandale! (6 lignes au-dessus de la photo du château de Fischhorn)
Je pense également que la responsabilité d'Hitler est trés nette. Je pense qu'Hitler était le donneur d'ordres pour plein de raisons. Maintenant, si l'on imagine qu'il n'est pas donneur d'ordres que cela change-t-il sur sa responsabilité?Et vous, qu’en pensez-vous ?
-il me parait évident qu'Hitler ne pouvait pas ne pas savoir
-s'il sait et qu'il laisse faire, vu sa position, c'est la même responsabilité qu'être donneur d'ordres.
supertomate- Capitaine
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Non, Himmler n'a pas besoin, bien évidemment, de l'accord d'heydrich - c'est une façon de parler protocolaire dans l'administration SS. En fait, le "plan technique" est celui d'Heydrich; et c'est lui qui doit convaincre Hitler. Une fois le Führer d'accord, Heydrich informe son chef qu'il a le feu vert.supertomate a écrit:
Une petite question:Erreur de personne où Himmler avait réellement besoin de l'accord d'Heydrich?Le 26 août – deux jours plus tard - l’adjoint d’Heydrich téléphone à Rudolf Brandt, conseiller personnel d’Himmler, pour l’informer que le Reichsführer-SS avait l’accord d’Heydrich « pour mettre en œuvre le plan de ce dernier »… C’est à dire l’extermination des Juifs (NA Washington, RG 242, microfilm T-581, bobine 39A)
Désolé pour les virgules, j'y remédie de suite
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Bonjour,
Bravo et merci pour ce remarquable exposé, aussi documenté que mesuré. Je renverrai également les lecteurs à cette page, qui recense les déclarations mortifères de Hitler contre les Juifs : http://www.phdn.org/histgen/hitler/declarations.html
Je voudrais vous faire part de deux séries de remarques, toutefois, s'agissant des extraits suivants :
Il n'y a pas véritablement consensus, en fait, sauf sur un point, à savoir que l'ordre d'extermination globale des Juifs d'Europe aurait été formulé à Himmler et Heydrich au second semestre 1941. Selon Florent Brayard, mais il ne me convainc pas, ce n'est qu'au premier semestre de l'année suivante que le mécanisme est définitivement lancé. Selon Edouard Husson, en revanche, une directive en ce sens est notifiée dans la première semaine de novembre 1941. Selon Christian Gerlach, l'ordre n'est formalisé que le 12 décembre 1941.
En ce qui me concerne (je simplifie) :
1) Hitler conçoit, au sortir de la Grande Guerre, une haine impitoyable envers les Juifs, qui gagne en cohérence et en "rationalité" de 1919 à 1922 : il s'engage dans une guerre à mort contre eux, parce qu'il les assimile à la fois à une conspiration internationale et à un bacille. Bref, s'oriente déjà vers leur extermination.
2) Compte tenu du caractère radical et violent de la solution qu'il fantasme, y compris au regard de ses propres acolytes, il la garde longtemps pour lui, se contentant de formules vagues, et de lancer un mouvement de radicalisation par étapes.
3) Dès sa prise du pouvoir, il s'efforce d'exclure et d'isoler les Juifs du Reich, et de convaincre par divers canaux les Etats étrangers de la nécessité de résoudre la "question juive" à l'échelle internationale.
4) A la fin des années trente, au plus tard fin 1938, il projette de déporter les Juifs du Reich, sinon d'Europe, à Madagascar. Un tel projet tend à mettre en oeuvre un "génocide lent", à l'échelle d'une génération. Parallèlement, il planifie secrètement une guerre en Europe, et promet publiquement qu'en cas de guerre mondiale, les Juifs en paieront le prix - par leur extermination.
5) L'occupation de la Pologne entraîne les premières opérations d'expulsion et de concentration des Juifs locaux. Non sans désordres, mais peu importe : l'essentiel est qu'une machinerie se met en place, et impose aux Juifs des conditions de vie inhumaines. Chez les nazis, les esprits commencent à s'habituer à cette ambiance mortifère.
6) La victoire contre la France, l'attente d'une paix avec l'Angleterre, permettent d'envisager sérieusement, à l'été 1940, la mise en oeuvre du projet malgache. Mais les Britanniques refusent de plier. A la fin de l'année, un autre programme est préparé : la déportation de l'ensemble des Juifs d'Europe vers le territoire soviétique, destiné à être conquis grâce à l'opération Barbarossa.
7) Ce projet consiste, là encore, en un "génocide lent", par décimation. Dans le même temps, les experts économiques du Reich prévoient que l'occupation de la Russie communiste impliquera sa mise à sac pour nourrir le peuple allemand et la Wehrmacht : plusieurs dizaines de millions de Slaves sont donc destinés à mourir de faim. Himmler lance par ailleurs des recherches en vue de procéder à une stérilisation de masse. Enfin, l'extermination des "improductifs" dans le cadre de l'opération T-4 crée un savoir-faire technique autant qu'un précédent psychologique, pour anticiper une éventuelle solution meurtrière à court terme.
8) L'invasion de l'U.R.S.S. s'accompagne également du lancement d'un génocide à court terme - contre les Juifs soviétiques. Il ne fait pour moi aucun doute que Hitler, Himmler et Heydrich ont prévu leur extermination totale avant le début de la campagne. Toutefois, une certaine marge de manoeuvre est laissée aux exécuteurs locaux, réunis en formations spéciales (les Einsatzgruppen), de manière à les préparer psychologiquement à franchir, progressivement, toutes les étapes de la transgression. De fait, en moins de six semaines, le massacre, plus ou moins limité aux hommes juifs, s'étend aux femmes et aux enfants.
9) Toutefois, l'invasion tourne rapidement court. Dès le mois de juillet, Hitler déchante : l'Armée rouge a beau subir d'effroyables pertes et céder du terrain, les chances de victoire décisive s'amenuisent jour après jour. L'hypothèse d'une transplantation massive des Juifs dans les territoires soviétiques à conquérir perd en crédibilité.
10) Par ailleurs, le Führer redoute de plus en plus l'hypothèse d'une belligérance des Etats-Unis, la tête capitaliste de l'hydre juive - dont il s'agit, pour le moment, de trancher la tête bolchevique. Les Juifs, comme il cherchait à le faire comprendre au monde dès 1939, étaient des otages : en cas de mondialisation du conflit, ils devaient être éliminés. Pas question pour eux de fomenter un nouveau 1918 - ou, tout du moins, d'en profiter. Ainsi, Hitler commence à entrevoir l'éventualité de sa propre défaite, même s'il n'en a pas la certitude.
11) En conséquence, des mesures préparatoires pour une solution encore plus extrême qu'un génocide lent sont planifiées. Le 31 juillet 1941, Göring confie à Heydrich un mandat aux fins d'organiser une "Solution finale" du "problème juif" en Europe. Heydrich prépare également les premières déportations vers l'Est de Juifs du Reich. S'agit-il alors de tuer immédiatement ? Peu probable : aucun site d'extermination n'est mis en chantier, même si l'annihilation des Juifs soviétiques dans leur totalité est lancée. Par ailleurs, Hitler cherche encore à temporiser, pour éviter toute difficulté avec son opinion publique, laquelle proteste en août 1941 contre l'élimination des malades mentaux. Si l'on y ajoute les difficultés ferroviaires liées à la saturation du réseau ferré allemand, rien d'étonnant à ce que le Führer suspende les déportations de Juifs du Reich vers l'Est dès le mois d'août.
12) Mais tout s'accélère le mois suivant. Les triomphes de la Wehrmacht devant Leningrad et Kiev ont rassuré l'opinion : Hitler peut donc se permettre d'aller de l'avant sans réelle crainte pour la popularité du régime. En outre, l'offensive finale va être lancée contre Moscou, même s'il n'est pas certain qu'elle aboutisse. De plus, les tensions diplomatiques avec l'Amérique se durcissent. Enfin, les différents appareils d'extermination (ciblant les malades mentaux et les Juifs soviétiques) ont très rapidement gagné en expérience.
13) Fin octobre et début novembre, tout bascule. L'offensive contre Moscou s'est enlisée, même s'il est prévu de la reprendre à la mi-novembre. Les relations germano-américaines se dégradent, de même que la situation s'envenime dans le Pacifique entre le Japon, que Hitler finit par encourager, et les Etats-Unis. Aux yeux d'Hitler, il est certain que la guerre va bientôt devenir mondiale, et il est possible que l'Allemagne la perde. Cette possibilité lui est insupportable, mais moins encore que la perspective de laisser les Juifs lui survivre.
14) Une directive de génocide des Juifs d'Europe à court terme est donc formulée dans ce laps de temps, qui correspond en outre à l'anniversaire de la déroute allemande de 1918, et à celui du putsch de la Brasserie de 1923 : cette puissance symbolique a peut-être joué sur le calendrier que s'est fixé Hitler quant à la divulgation d'un tel ordre à ses plus proches lieutenants.
15) Il faut encore quelques mois pour lancer définitivement le processus, sachant qu'en juin 1942 Himmler se fixe comme objectif d'en avoir fini avec les Juifs d'Europe avant une année.
16) Hitler, toutefois, reste pragmatique : l'exécution massive et immédiate des Juifs d'Europe vise aussi à faire du chantage aux Alliés occidentaux, en excitant leur pitié pour les traîner à la table des négociations. Bien entendu, la "Solution finale" génocidaire demeure un secret d'Etat, mais il est tout aussi évident qu'un tel meurtre de masse ne peut rester entièrement discret. "Il est bon que la terreur nous précède du fait que nous exterminons les Juifs", avouait le Führer le 25 octobre 1941. De fait, certaines tentatives de négociation tourneront autour du sort des Juifs de Hongrie en 1944, ou des Juifs déportés en 1945, mais les Occidentaux refuseront de mettre le doigt dans l'engrenage.
Par ailleurs :
Höss a d'ailleurs répété cette assertion dans ses Mémoires - cf. l'extrait ici : http://www.livresdeguerre.net/forum/contribution.php?index=33805
Toutefois, il est probable, pour ne pas dire certain, que Höss se soit trompé d'une année, et que l'entretien avec Himmler soit survenu après la conférence de Wannsee, et avant l'été 1942. Explications ici : http://www.livresdeguerre.net/forum/contribution.php?index=33806
Cordialement,
Nicolas
Bravo et merci pour ce remarquable exposé, aussi documenté que mesuré. Je renverrai également les lecteurs à cette page, qui recense les déclarations mortifères de Hitler contre les Juifs : http://www.phdn.org/histgen/hitler/declarations.html
Je voudrais vous faire part de deux séries de remarques, toutefois, s'agissant des extraits suivants :
eddy marz a écrit:Il n’existe pas d’ordre signé par Hitler ordonnant l’extermination, tout simplement parce que le Führer n’en aurait jamais signé un. Au lieu de ça, il exprime son « vœu » à Himmler qui se charge ensuite d’implémenter la machine de destruction. Comment en discutèrent-ils ? Quels furent les mots utilisés ? Quelle fut la réaction d’Himmler ? Nous ne le saurons jamais. Un des consensus récents admet que l’ordre fut donné verbalement lors d’une réunion à la Chancellerie du Reich, en présence d’Hitler, Himmler, Göbbels, Bormann, et Hans Frank – le 12 décembre 1941. Nous savons que cette réunion a eu lieu, et nous savons que le sujet de discussion était la « Question Juive » (agenda d’Himmler et journal de Frank). Lors de cette réunion, pour la première fois, les nazis changent leur politique visant à évincer les Juifs de la société allemande par le biais des « Lois » et de la déportation, et basculent dans la liquidation totale : le génocide. Il n’y a, par contre, aucun consensus sur ce qui se passa réellement lors de cette réunion, ni sur ce qui était prévu dans son planning. Selon Christopher Browning, Ian Kershaw, et quelques autres, il semble improbable que la Solution Finale débuta à partir d’un ordre unique – mais plus probablement fut le résultat de toute une série d’initiatives locales proposées à Hitler entre juillet et décembre 1941, et avalisées par lui. Mais, tout n’est pas si simple. Tous ces arguments, souvent très convaincants, ne sont que suppositions. Pour achever d’embrouiller les pistes, compte tenu que le leadership nazi s’assura délibérément que l’implémentation de la Solution Finale comporterait d’immenses zones d’ombre – et donc de doutes, l’ambigüité du rôle joué par Hitler dans cette affaire s’en trouva accentuée – renforçant ainsi largement les thèses négationnistes.
Il n'y a pas véritablement consensus, en fait, sauf sur un point, à savoir que l'ordre d'extermination globale des Juifs d'Europe aurait été formulé à Himmler et Heydrich au second semestre 1941. Selon Florent Brayard, mais il ne me convainc pas, ce n'est qu'au premier semestre de l'année suivante que le mécanisme est définitivement lancé. Selon Edouard Husson, en revanche, une directive en ce sens est notifiée dans la première semaine de novembre 1941. Selon Christian Gerlach, l'ordre n'est formalisé que le 12 décembre 1941.
En ce qui me concerne (je simplifie) :
1) Hitler conçoit, au sortir de la Grande Guerre, une haine impitoyable envers les Juifs, qui gagne en cohérence et en "rationalité" de 1919 à 1922 : il s'engage dans une guerre à mort contre eux, parce qu'il les assimile à la fois à une conspiration internationale et à un bacille. Bref, s'oriente déjà vers leur extermination.
2) Compte tenu du caractère radical et violent de la solution qu'il fantasme, y compris au regard de ses propres acolytes, il la garde longtemps pour lui, se contentant de formules vagues, et de lancer un mouvement de radicalisation par étapes.
3) Dès sa prise du pouvoir, il s'efforce d'exclure et d'isoler les Juifs du Reich, et de convaincre par divers canaux les Etats étrangers de la nécessité de résoudre la "question juive" à l'échelle internationale.
4) A la fin des années trente, au plus tard fin 1938, il projette de déporter les Juifs du Reich, sinon d'Europe, à Madagascar. Un tel projet tend à mettre en oeuvre un "génocide lent", à l'échelle d'une génération. Parallèlement, il planifie secrètement une guerre en Europe, et promet publiquement qu'en cas de guerre mondiale, les Juifs en paieront le prix - par leur extermination.
5) L'occupation de la Pologne entraîne les premières opérations d'expulsion et de concentration des Juifs locaux. Non sans désordres, mais peu importe : l'essentiel est qu'une machinerie se met en place, et impose aux Juifs des conditions de vie inhumaines. Chez les nazis, les esprits commencent à s'habituer à cette ambiance mortifère.
6) La victoire contre la France, l'attente d'une paix avec l'Angleterre, permettent d'envisager sérieusement, à l'été 1940, la mise en oeuvre du projet malgache. Mais les Britanniques refusent de plier. A la fin de l'année, un autre programme est préparé : la déportation de l'ensemble des Juifs d'Europe vers le territoire soviétique, destiné à être conquis grâce à l'opération Barbarossa.
7) Ce projet consiste, là encore, en un "génocide lent", par décimation. Dans le même temps, les experts économiques du Reich prévoient que l'occupation de la Russie communiste impliquera sa mise à sac pour nourrir le peuple allemand et la Wehrmacht : plusieurs dizaines de millions de Slaves sont donc destinés à mourir de faim. Himmler lance par ailleurs des recherches en vue de procéder à une stérilisation de masse. Enfin, l'extermination des "improductifs" dans le cadre de l'opération T-4 crée un savoir-faire technique autant qu'un précédent psychologique, pour anticiper une éventuelle solution meurtrière à court terme.
8) L'invasion de l'U.R.S.S. s'accompagne également du lancement d'un génocide à court terme - contre les Juifs soviétiques. Il ne fait pour moi aucun doute que Hitler, Himmler et Heydrich ont prévu leur extermination totale avant le début de la campagne. Toutefois, une certaine marge de manoeuvre est laissée aux exécuteurs locaux, réunis en formations spéciales (les Einsatzgruppen), de manière à les préparer psychologiquement à franchir, progressivement, toutes les étapes de la transgression. De fait, en moins de six semaines, le massacre, plus ou moins limité aux hommes juifs, s'étend aux femmes et aux enfants.
9) Toutefois, l'invasion tourne rapidement court. Dès le mois de juillet, Hitler déchante : l'Armée rouge a beau subir d'effroyables pertes et céder du terrain, les chances de victoire décisive s'amenuisent jour après jour. L'hypothèse d'une transplantation massive des Juifs dans les territoires soviétiques à conquérir perd en crédibilité.
10) Par ailleurs, le Führer redoute de plus en plus l'hypothèse d'une belligérance des Etats-Unis, la tête capitaliste de l'hydre juive - dont il s'agit, pour le moment, de trancher la tête bolchevique. Les Juifs, comme il cherchait à le faire comprendre au monde dès 1939, étaient des otages : en cas de mondialisation du conflit, ils devaient être éliminés. Pas question pour eux de fomenter un nouveau 1918 - ou, tout du moins, d'en profiter. Ainsi, Hitler commence à entrevoir l'éventualité de sa propre défaite, même s'il n'en a pas la certitude.
11) En conséquence, des mesures préparatoires pour une solution encore plus extrême qu'un génocide lent sont planifiées. Le 31 juillet 1941, Göring confie à Heydrich un mandat aux fins d'organiser une "Solution finale" du "problème juif" en Europe. Heydrich prépare également les premières déportations vers l'Est de Juifs du Reich. S'agit-il alors de tuer immédiatement ? Peu probable : aucun site d'extermination n'est mis en chantier, même si l'annihilation des Juifs soviétiques dans leur totalité est lancée. Par ailleurs, Hitler cherche encore à temporiser, pour éviter toute difficulté avec son opinion publique, laquelle proteste en août 1941 contre l'élimination des malades mentaux. Si l'on y ajoute les difficultés ferroviaires liées à la saturation du réseau ferré allemand, rien d'étonnant à ce que le Führer suspende les déportations de Juifs du Reich vers l'Est dès le mois d'août.
12) Mais tout s'accélère le mois suivant. Les triomphes de la Wehrmacht devant Leningrad et Kiev ont rassuré l'opinion : Hitler peut donc se permettre d'aller de l'avant sans réelle crainte pour la popularité du régime. En outre, l'offensive finale va être lancée contre Moscou, même s'il n'est pas certain qu'elle aboutisse. De plus, les tensions diplomatiques avec l'Amérique se durcissent. Enfin, les différents appareils d'extermination (ciblant les malades mentaux et les Juifs soviétiques) ont très rapidement gagné en expérience.
13) Fin octobre et début novembre, tout bascule. L'offensive contre Moscou s'est enlisée, même s'il est prévu de la reprendre à la mi-novembre. Les relations germano-américaines se dégradent, de même que la situation s'envenime dans le Pacifique entre le Japon, que Hitler finit par encourager, et les Etats-Unis. Aux yeux d'Hitler, il est certain que la guerre va bientôt devenir mondiale, et il est possible que l'Allemagne la perde. Cette possibilité lui est insupportable, mais moins encore que la perspective de laisser les Juifs lui survivre.
14) Une directive de génocide des Juifs d'Europe à court terme est donc formulée dans ce laps de temps, qui correspond en outre à l'anniversaire de la déroute allemande de 1918, et à celui du putsch de la Brasserie de 1923 : cette puissance symbolique a peut-être joué sur le calendrier que s'est fixé Hitler quant à la divulgation d'un tel ordre à ses plus proches lieutenants.
15) Il faut encore quelques mois pour lancer définitivement le processus, sachant qu'en juin 1942 Himmler se fixe comme objectif d'en avoir fini avec les Juifs d'Europe avant une année.
16) Hitler, toutefois, reste pragmatique : l'exécution massive et immédiate des Juifs d'Europe vise aussi à faire du chantage aux Alliés occidentaux, en excitant leur pitié pour les traîner à la table des négociations. Bien entendu, la "Solution finale" génocidaire demeure un secret d'Etat, mais il est tout aussi évident qu'un tel meurtre de masse ne peut rester entièrement discret. "Il est bon que la terreur nous précède du fait que nous exterminons les Juifs", avouait le Führer le 25 octobre 1941. De fait, certaines tentatives de négociation tourneront autour du sort des Juifs de Hongrie en 1944, ou des Juifs déportés en 1945, mais les Occidentaux refuseront de mettre le doigt dans l'engrenage.
Par ailleurs :
eddy marz a écrit:En mai 1941 (mi-juin au plus tard) Rudolf Höss est chargé par Himmler chargé de préparer le camp de concentration d’Auschwitz pour l’extermination. Lors de l’entretien, Himmler explique à Höss que « le Führer a ordonné la solution finale du problème Juif en Europe » (Témoignage de Rudolf Höss – Nuremberg, 15 avril 1946)
Höss a d'ailleurs répété cette assertion dans ses Mémoires - cf. l'extrait ici : http://www.livresdeguerre.net/forum/contribution.php?index=33805
Toutefois, il est probable, pour ne pas dire certain, que Höss se soit trompé d'une année, et que l'entretien avec Himmler soit survenu après la conférence de Wannsee, et avant l'été 1942. Explications ici : http://www.livresdeguerre.net/forum/contribution.php?index=33806
Cordialement,
Nicolas
Nicolas Bernard- Caporal
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Nicolas Bernard a écrit:
Je voudrais vous faire part de deux séries de remarques, toutefois, s'agissant des extraits suivants :eddy marz a écrit:Il n’existe pas d’ordre signé par Hitler ordonnant l’extermination, tout simplement parce que le Führer n’en aurait jamais signé un. Au lieu de ça, il exprime son « vœu » à Himmler qui se charge ensuite d’implémenter la machine de destruction. Comment en discutèrent-ils ? Quels furent les mots utilisés ? Quelle fut la réaction d’Himmler ? Nous ne le saurons jamais. Un des consensus récents admet que l’ordre fut donné verbalement lors d’une réunion à la Chancellerie du Reich, en présence d’Hitler, Himmler, Göbbels, Bormann, et Hans Frank – le 12 décembre 1941. Nous savons que cette réunion a eu lieu, et nous savons que le sujet de discussion était la « Question Juive » (agenda d’Himmler et journal de Frank). Lors de cette réunion, pour la première fois, les nazis changent leur politique visant à évincer les Juifs de la société allemande par le biais des « Lois » et de la déportation, et basculent dans la liquidation totale : le génocide. Il n’y a, par contre, aucun consensus sur ce qui se passa réellement lors de cette réunion, ni sur ce qui était prévu dans son planning. Selon Christopher Browning, Ian Kershaw, et quelques autres, il semble improbable que la Solution Finale débuta à partir d’un ordre unique – mais plus probablement fut le résultat de toute une série d’initiatives locales proposées à Hitler entre juillet et décembre 1941, et avalisées par lui. Mais, tout n’est pas si simple. Tous ces arguments, souvent très convaincants, ne sont que suppositions. Pour achever d’embrouiller les pistes, compte tenu que le leadership nazi s’assura délibérément que l’implémentation de la Solution Finale comporterait d’immenses zones d’ombre – et donc de doutes, l’ambigüité du rôle joué par Hitler dans cette affaire s’en trouva accentuée – renforçant ainsi largement les thèses négationnistes.
Il n'y a pas véritablement consensus, en fait, sauf sur un point, à savoir que l'ordre d'extermination globale des Juifs d'Europe aurait été formulé à Himmler et Heydrich au second semestre 1941. Selon Florent Brayard, mais il ne me convainc pas, ce n'est qu'au premier semestre de l'année suivante que le mécanisme est définitivement lancé. Selon Edouard Husson, en revanche, une directive en ce sens est notifiée dans la première semaine de novembre 1941. Selon Christian Gerlach, l'ordre n'est formalisé que le 12 décembre 1941.
Bonjour Nicolas, merci à toi également pour ces éclaircissements de qualité.
Je suis d'accord avec toi qu'il n'y a qu'un "semblant" de consensus. Brayard - avec qui j'étais en contact il y a quelques années - ne me convainc pas non plus. Paradoxalement, je le respecte et le considère comme un chercheur de qualité, proposant des points de vue très fins, mais se laissant souvent perturber dans ses prémisses par des considérations typiques de certains milieux intellectuels français (Lévinas etc.). Mon contact avec lui concernait spécifiquement l'affaire Kurt Gerstein (sur laquelle je travaille depuis plusieurs années) et force était de constater qu'il utilisait certains témoignages, en omettant certains passages afin de cimenter son argumentation... Inattention peut-être. Je suis personnellement plutôt d'accord avec Husson et Gerlach
Nicolas Bernard a écrit:Par ailleurs :eddy marz a écrit:En mai 1941 (mi-juin au plus tard) Rudolf Höss est chargé par Himmler chargé de préparer le camp de concentration d’Auschwitz pour l’extermination. Lors de l’entretien, Himmler explique à Höss que « le Führer a ordonné la solution finale du problème Juif en Europe » (Témoignage de Rudolf Höss – Nuremberg, 15 avril 1946)
Höss a d'ailleurs répété cette assertion dans ses Mémoires - cf. l'extrait ici : http://www.livresdeguerre.net/forum/contribution.php?index=33805
Toutefois, il est probable, pour ne pas dire certain, que Höss se soit trompé d'une année, et que l'entretien avec Himmler soit survenu après la conférence de Wannsee, et avant l'été 1942. Explications ici : http://www.livresdeguerre.net/forum/contribution.php?index=33806
Une hypothèse parfaitement possible. J'avais effectivement lu cette affirmation (dans un livre de vulgarisation sur Auschwitz par Laurence Rees - de la BBC). Nous savons toutefois qu'une rencontre Himmler-Höss a bien eu lieu durant l'été 1941, et que des travaux furent immédiatement entrepris. Environ sept mois plus tard, en janvier 1942, l’extermination à Auschwitz débute de façon irrégulière. Les travaux d’assainissement et de drainage du camp sont achevés en février 1942, et l'extermination se poursuit, cette fois ci de façon routinière à partir de mars. Himmler visite Auschwitz pour la seconde fois les 17 et 18 juillet 1942, inspecte les laboratoires, l’usine de Buna, les fermes, et les travaux de terrassement, et assiste à un gazage (à Birkenau).
Cordialement
Eddy
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
eddy marz a écrit:Intentionnalistes
Les Intentionnalistes placent Hitler et son idéologie au centre de la décision.[...]Fonctionnalistes
Les Fonctionnalistes estiment que la progression du régime nazi est déterminante. Ils le perçoivent comme doté d’une dynamique structurelle qui rend sa course imprévisible et immaîtrisable.[...]Selon Christopher Browning, Ian Kershaw, et quelques autres, il semble improbable que la Solution Finale débuta à partir d’un ordre unique – mais plus probablement fut le résultat de toute une série d’initiatives locales proposées à Hitler entre juillet et décembre 1941, et avalisées par lui.A noter que Browning se qualifie lui même de fonctionnaliste modéré.
Wigan- Major
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Je suis en train de lire le chapitre 5 du Himmler, de Peter Longerich, Edition Héloise d'Ormesson, 2010, consacré au massacre à l'est et à la solution finale. J'en ferai une synthèse précise. Mais pour le moment, Longerich semble penser qu'Himmler est allé un peu plus loin que les ordres hitlériens et que les meurtres de masse se transforme en action génocidaire sous l'impulsion du Reichführer SS, lors des premiers mois de la campagne de Russie.
Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
eddy marz a écrit:• Browning, Christopher R. The Path to Genocide: Essays on Launching the Final Solution. Cambridge University Press ; Cambridge, 1992
• Browning, Christopher R. The Origins of the Final Solution – The Evolution of Nazi Jewish Policy, September 1939 – March 1942 – William Heinemann ; London, 2004A noter que Browning se qualifie lui même de fonctionnaliste modéré. Lorsque la guerre éclate en 1939 Hitler n'a conçu aucun programme d'extermination des Juifs. Tout change en juin 1941 avec l'entrée en guerre de l'Allemagne contre l'URSS. Cette fois les hiérarques nazis entendent tirer la leçon des échecs précédents. La SF est née des frustrations qui résultèrent de l'échec des solutions que les nazis avaient tenté d'appliquer auparavant. Ni la politique d'expulsion ni la « ghettoïsation » n'avaient donné les résultats escomptés.
De fait, la guerre contre l'Union soviétique marque un tournant. L'Allemagne en vient à envisager une "solution" plus radicale pour les juifs : la liquidation systématique. Placé devant la perspective d'hériter, sur sa nouvelle terre de conquête, de millions d'autres juifs, un Hitler mû par l'obsession d'épurer le Grand Reich et poussé à bout par les échecs précédents opte pour l'extermination.Nicolas Bernard a écrit:
En ce qui me concerne (je simplifie) :
[...]
13) Fin octobre et début novembre, tout bascule. L'offensive contre Moscou s'est enlisée, même s'il est prévu de la reprendre à la mi-novembre. [...] Aux yeux d'Hitler, il est certain que la guerre va bientôt devenir mondiale, et il est possible que l'Allemagne la perde. Cette possibilité lui est insupportable, mais moins encore que la perspective de laisser les Juifs lui survivre.
14) Une directive de génocide des Juifs d'Europe à court terme est donc formulée dans ce laps de tempsNous sommes ici en présence d'une thèse que Arno Mayer (1989) fut probablement le premier à défendre. Si Hitler ordonna le génocide, ce fut par réaction à l'échec de l'offensive sur le front de l'est. A la différence de Browning, qui lie la décision de mort à un climat de triomphe et d'euphorie, Mayer voit dans l'échec de la campagne de Russie la conjoncture qui fit naître le génocide.
Wigan- Major
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Wigan a écrit:Nous sommes ici en présence d'une thèse que Arno Mayer (1989) fut probablement le premier à défendre. Si Hitler ordonna le génocide, ce fut par réaction à l'échec de l'offensive sur le front de l'est. A la différence de Browning, qui lie la décision de mort à un climat de triomphe et d'euphorie, Mayer voit dans l'échec de la campagne de Russie la conjoncture qui fit naître le génocide.
Ce qui me gène dans tout cela, c'est que le génocide est déjà en cours et déjà ordonné dès le début de Barbarosa. A un moment, on "ordonne" l'étape suivante qui est l'industrialisation du génocide avec la construction des camps de la mort. Mais, à ce moment-là, on a déjà tué plus d'un million de juifs par des méthodes artisanales. La Shoah par balle commence dès l'invasion de l'URSS avant que l'offensive ne soit un échec et alors que la campagne en est à ses débuts.
Narduccio- Général (Administrateur)
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Les fusillades des Einsatzgruppen commencent dès le début de l'opération Barbarossa. Ce sont les grands « nettoyages meurtriers » pour reprendre l'expression de Raul Hilberg. La question est de savoir si la création des Einsatzgruppen répond à une volonté d'exterminer l'ensemble des Juifs d'Europe. Cela me semble peu vraisemblable.
Des massacres ont été commis en Pologne bien avant l'invasion de l'Union soviétique. Mais nous n'en sommes pas encore au stade du génocide.
A quel moment Hitler et/ou Himmler ont-ils décidé qu'il fallait exterminer l'ensemble des Juifs d'Europe ? Sur ce point, les historiens ne sont pas parvenus à un consensus. Des auteurs très sérieux, par exemple Philippe Burrin, affirment que la décision fut une réaction à l'échec de l'offensive sur le front de l'est. Cela revient à dire que la décision fut prise après l'été 1941.
On connaît le discours de Hitler le 30 janvier 1939 : « Je vais à nouveau être prophète. Si la juiverie financière internationale (...) réussissait à précipiter encore une fois les peuples dans une guerre mondiale, alors la conséquence n'en serait pas la bolchevisation de la terre et la victoire de la juiverie, mais l'anéantissement de la race juive en Europe. »
A quel moment les hiérarques nazis ont-ils décidé de réaliser cette sinistre prophétie ? La controverse n'a pas fini de faire couler beaucoup d'encre tant les analyses sont divergentes.
Des massacres ont été commis en Pologne bien avant l'invasion de l'Union soviétique. Mais nous n'en sommes pas encore au stade du génocide.
A quel moment Hitler et/ou Himmler ont-ils décidé qu'il fallait exterminer l'ensemble des Juifs d'Europe ? Sur ce point, les historiens ne sont pas parvenus à un consensus. Des auteurs très sérieux, par exemple Philippe Burrin, affirment que la décision fut une réaction à l'échec de l'offensive sur le front de l'est. Cela revient à dire que la décision fut prise après l'été 1941.
On connaît le discours de Hitler le 30 janvier 1939 : « Je vais à nouveau être prophète. Si la juiverie financière internationale (...) réussissait à précipiter encore une fois les peuples dans une guerre mondiale, alors la conséquence n'en serait pas la bolchevisation de la terre et la victoire de la juiverie, mais l'anéantissement de la race juive en Europe. »
A quel moment les hiérarques nazis ont-ils décidé de réaliser cette sinistre prophétie ? La controverse n'a pas fini de faire couler beaucoup d'encre tant les analyses sont divergentes.
Wigan- Major
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Certains auteurs pensent que la décision d'exterminer les Juifs fut une réaction à l'échec de l'offensive sur le front de l'est. Hitler a compris dans l'été 1941 que son projet de victoire rapide contre l'Union soviétique était en échec, et qu'il allait se retrouver dans la perspective d'une guerre longue, face à une coalition mondiale (l'URSS., si elle met en échec l'opération Barbarossa, va s'allier à la Grande-Bretagne. Les Etats-Unis, qui soutiennent cette dernière, entreront tôt ou tard dans l'alliance).
Richard Breitman s'inscrit en faux contre cette thèse. L'invasion de l'Union soviétique va permettre à Himmler de réaliser un projet qu'il avait envisagé avant le printemps 1941.
En 1991 les éditions Alfred A. Knopf publiaient l'ouvrage de Breitman "The Architect of Genocide: Himmler and the Final Solution". En 2009 la version française sortait aux éditions Calmann-Lévy.
Breitman nous livre deux enseignements majeurs :
- Himmler est l'architecte du génocide
- Himmler envisage l'extermination des Juifs avant le printemps 1941
J'aimerais savoir dans quelle mesure les travaux de Longerich confirment l'analyse de Breitman. J'attends le résumé de Tietie.
Richard Breitman s'inscrit en faux contre cette thèse. L'invasion de l'Union soviétique va permettre à Himmler de réaliser un projet qu'il avait envisagé avant le printemps 1941.
En 1991 les éditions Alfred A. Knopf publiaient l'ouvrage de Breitman "The Architect of Genocide: Himmler and the Final Solution". En 2009 la version française sortait aux éditions Calmann-Lévy.
Breitman nous livre deux enseignements majeurs :
- Himmler est l'architecte du génocide
- Himmler envisage l'extermination des Juifs avant le printemps 1941
J'aimerais savoir dans quelle mesure les travaux de Longerich confirment l'analyse de Breitman. J'attends le résumé de Tietie.
Wigan- Major
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Wigan a écrit:Les fusillades des Einsatzgruppen commencent dès le début de l'opération Barbarossa. Ce sont les grands « nettoyages meurtriers » pour reprendre l'expression de Raul Hilberg. La question est de savoir si la création des Einsatzgruppen répond à une volonté d'exterminer l'ensemble des Juifs d'Europe. Cela me semble peu vraisemblable.
Des massacres ont été commis en Pologne bien avant l'invasion de l'Union soviétique. Mais nous n'en sommes pas encore au stade du génocide.
A quel moment Hitler et/ou Himmler ont-ils décidé qu'il fallait exterminer l'ensemble des Juifs d'Europe ? Sur ce point, les historiens ne sont pas parvenus à un consensus. Des auteurs très sérieux, par exemple Philippe Burrin, affirment que la décision fut une réaction à l'échec de l'offensive sur le front de l'est. Cela revient à dire que la décision fut prise après l'été 1941.
On connaît le discours de Hitler le 30 janvier 1939 : « Je vais à nouveau être prophète. Si la juiverie financière internationale (...) réussissait à précipiter encore une fois les peuples dans une guerre mondiale, alors la conséquence n'en serait pas la bolchevisation de la terre et la victoire de la juiverie, mais l'anéantissement de la race juive en Europe. »
A quel moment les hiérarques nazis ont-ils décidé de réaliser cette sinistre prophétie ? La controverse n'a pas fini de faire couler beaucoup d'encre tant les analyses sont divergentes.
Plus on cherche à définir une date D pour figer dans le temps le point de départ du génocide, moins on y arrive. Les mots et les discours sont légion, les documents signés beaucoup moins. Même T4 semble déjà préparer la Solution Finale.
Jules- Général de Division
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Wigan a écrit:
Breitman nous livre deux enseignements majeurs :
- Himmler est l'architecte du génocide
- Himmler envisage l'extermination des Juifs avant le printemps 1941
J'aimerais savoir dans quelle mesure les travaux de Longerich confirment l'analyse de Breitman. J'attends le résumé de Tietie.
Breitman et Longerich soulignent tout deux la position centrale d'Himmler en tant qu'architecte, certes. Mais pas comme initiateur. Comme n'importe quel "architecte" ferait des propositions de structure, d'aménagements, ou de fonctionnements, pas nécessairement prévus ou même réfléchis par le commanditaire, Himmler propose à Hitler telle ou telle mesure allant dans le sens du souhait global. Ce souhait global est tacitement compris par tous les cadres impliqués dans la "Question Juive" qui le mettent en application à leur façon (une fois le feu vert donné), dépendant des situations politiques et militaires locales. Il est tout à fait plausible, par exemple, qu'Odilo Globocnik ait proposé à Himmler la création de Belzec, le 1er camp d'Aktion Reinhard, avant qu'Himmler ne l'en charge, afin de régler des problèmes démographiques spécifiques dans le Generalgouvernement (probablement liés à Generalplan Ost), mais cette proposition devra, de toute évidence être soumise à Hitler pour être avalisée. Comme je l'ai souligné plus haut, il semble impossible qu'Himmler ait pu déclencher une opération d'assassinat en masse de dimension internationale (donc sujette et soumise aux relations Reich-Alliés-Axe) sans l'aval direct, actif, et réfléchi, du chef de l'État
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Wigan a écrit:La question est de savoir si la création des Einsatzgruppen répond à une volonté d'exterminer l'ensemble des Juifs d'Europe. Cela me semble peu vraisemblable.
Les Einsatzgruppen répondent à la volonté de se débarrasser des nombreux juifs qui existent dans la zone d'occupation allemande. Dès avant l'invasion, le "problème" avait été soulevé : l'Allemagne s'apprêtait à conquérir des zones "riches" en juif et on allait donc fortement augmenter le nombre de juifs sous domination allemande. Pour résoudre le problème, on a décidé de les éliminer. Pour moi, cela démontre nettement la volonté génocidaire.
Pourquoi ? Simplement parce que cela fait des années que les nazis travaillent pour mettre les juifs au banc de la société allemande. Les juifs allemands étaient très bien intégrés en 1932 : il y avait des réactions en leur faveur à l'époque. On ne pouvait pas envisager de les supprimer de but en blanc. On a commencé par les marginaliser.
Là, les allemands mettent la main sur des communautés entières, qui parfois vivent séparées des autres communautés. De plus, en tant qu'envahisseurs, ils ne vont pas s'embarrasser de principes : ils n'ont pas besoin de les marginaliser. Donc, on peut en disposer comme on veut.
Je pense que la volonté de se débarrasser des juifs existe dès l'origine du gouvernement d'Hitler. Mais Hitler et ses séides savent qu'ils ne peuvent pas encore agir à leur guise. Ils doivent d'abord pérenniser leur régime, mettre au pas la nation allemande et mettre au pas l'armée allemande. Une fois tout cela fait, ils pourront agit à leur guise.
Narduccio- Général (Administrateur)
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Narduccio a écrit:Wigan a écrit:La question est de savoir si la création des Einsatzgruppen répond à une volonté d'exterminer l'ensemble des Juifs d'Europe. Cela me semble peu vraisemblable.
Les Einsatzgruppen répondent à la volonté de se débarrasser des nombreux juifs qui existent dans la zone d'occupation allemande. Dès avant l'invasion, le "problème" avait été soulevé : l'Allemagne s'apprêtait à conquérir des zones "riches" en juif et on allait donc fortement augmenter le nombre de juifs sous domination allemande. Pour résoudre le problème, on a décidé de les éliminer. Pour moi, cela démontre nettement la volonté génocidaire.
Pourquoi ? Simplement parce que cela fait des années que les nazis travaillent pour mettre les juifs au banc de la société allemande. Les juifs allemands étaient très bien intégrés en 1932 : il y avait des réactions en leur faveur à l'époque. On ne pouvait pas envisager de les supprimer de but en blanc. On a commencé par les marginaliser.
Là, les allemands mettent la main sur des communautés entières, qui parfois vivent séparées des autres communautés. De plus, en tant qu'envahisseurs, ils ne vont pas s'embarrasser de principes : ils n'ont pas besoin de les marginaliser. Donc, on peut en disposer comme on veut.
Je pense que la volonté de se débarrasser des juifs existe dès l'origine du gouvernement d'Hitler. Mais Hitler et ses séides savent qu'ils ne peuvent pas encore agir à leur guise. Ils doivent d'abord pérenniser leur régime, mettre au pas la nation allemande et mettre au pas l'armée allemande. Une fois tout cela fait, ils pourront agit à leur guise.
Tout à fait d'accord, la volonté d'extermination a toujours été là et jamais déguisée. Les Einsatzgruppen ne semblent avoir été qu'une "étape" dans le génocide. Je ne cherche pas à la minimiser. Juste à dire qu'au gré des évènements, cette politique d'extermination a évolué dans sa méthodologie.
https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/t12844-les-nazis-et-leur-volonte-croissante-d-exterminer-les-juifs
Jules- Général de Division
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Hitler est "responsable" et "coupable" en tout état de cause. Et si l'on imagine qu'il n'est pas donneur d'ordres, cela change considérablement notre compréhension du régime nazi en général et de la SF en particulier.supertomate a écrit:Je pense également que la responsabilité d'Hitler est trés nette. Je pense qu'Hitler était le donneur d'ordres pour plein de raisons. Maintenant, si l'on imagine qu'il n'est pas donneur d'ordres que cela change-t-il sur sa responsabilité?
C'est la même responsabilité, mais nous perdons les certitudes que nous pensions avoir. C'est un changement radical de notre compréhension de la genèse de la SF. Si cette hypothèse venait à être confirmée, nous serions dans l'obligation d'écarter les thèses de certains auteurs, et non des moindres. Quelle serait la réaction de Saul Friedländer s'il lisait ce fil ?supertomate a écrit:-il me parait évident qu'Hitler ne pouvait pas ne pas savoir
-s'il sait et qu'il laisse faire, vu sa position, c'est la même responsabilité qu'être donneur d'ordres.
Quelle serait la réaction de Friedländer si Longerich lui disait que Hitler n'est qu'un initiateur ?eddy marz a écrit:Breitman et Longerich soulignent tout deux la position centrale d'Himmler en tant qu'architecte, certes. Mais pas comme initiateur.
Quelle serait la réaction de Friedländer si Longerich lui disait que le Führer se contentait d'exprimer un souhait global ?eddy marz a écrit:Himmler propose à Hitler telle ou telle mesure allant dans le sens du souhait global.
Je me demande si certaines initiatives ont été menées par des officiers qui anticipaient le "feu vert".eddy marz a écrit:Ce souhait global est tacitement compris par tous les cadres impliqués dans la "Question Juive" qui le mettent en application à leur façon (une fois le feu vert donné)
Wigan- Major
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Je connaissais pas trop ce Saul Friedländer. Qui a lu "L'Allemagne nazie et les Juifs" ?
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Wigan a écrit:Je me demande si certaines initiatives ont été menées par des officiers qui anticipaient le "feu vert".
S'ils l'ont fait, c'est qu'ils savaient qu'on ne leur en tiendrait pas rigueur.
Narduccio- Général (Administrateur)
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Bonjour Jules.
Friedländer a souligné le rôle central de Hitler dans la SF, notamment dans un article fondamental, "From Antisemitism to Extermination" publié en 1984.
Friedländer a souligné le rôle central de Hitler dans la SF, notamment dans un article fondamental, "From Antisemitism to Extermination" publié en 1984.
Wigan- Major
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Jules a écrit:Je connaissais pas trop ce Saul Friedländer. Qui a lu "L'Allemagne nazie et les Juifs" ?
Salut Jules;
Moi, je l'ai lu; mais il y a un moment déjà. Friedlander a écrit nombre de livres sur le nazisme (nazisme et les Juifs, Pie XII et le nazisme, une bio de Kurt Gerstein (aujourd'hui dépassée) etc.), mais les travaux plus récents ont un peu relégué en arrière une recherche très honorable qui pêche parfois par manque de documentation ou de l'intention adéquate (dans le cas, par exemple, de la bio de Gerstein, c'était une bio de commande)...
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
"L'Allemagne nazie et les Juifs" révèle des choses "nouvelles" ?
Jules- Général de Division
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Le régime nazi est stable bien avant le début de la guerre en septembre 1939. Quant au génocide, il ne commence pas avant 1941.Je pense que la volonté de se débarrasser des juifs existe dès l'origine du gouvernement d'Hitler. Mais Hitler et ses séides savent qu'ils ne peuvent pas encore agir à leur guise. Ils doivent d'abord pérenniser leur régime, mettre au pas la nation allemande et mettre au pas l'armée allemande. Une fois tout cela fait, ils pourront agit à leur guise.
On se demande à quel moment Hitler et ses adjoints ont décidé que l'extermination était le meilleur moyen de se débarrasser des Juifs. Selon Browning cette décision est tardive puisque des solutions alternatives (expulsion ; ghettoïsation) avaient été essayées, sans grand succès, auparavant. Le génocide est né des frustrations qui résultèrent de l'échec des solutions précédentes.Je pense que la volonté de se débarrasser des juifs existe dès l'origine du gouvernement d'Hitler.
On y arrive difficilement. On a le droit d'avancer des hypothèses. Eté 1941 selon Browning. Automne 1941 selon Mayer. Préférez vous la théorie de Browning ou celle de Mayer ?Plus on cherche à définir une date D pour figer dans le temps le point de départ du génocide, moins on y arrive.
Come vous, je pense que le NSDAP a développé très tôt une Weltanschauung (vision du monde). La question est de savoir à quel moment les chefs nazis décident de l'accomplir.Tout à fait d'accord, la volonté d'extermination a toujours été là et jamais déguisée.
Wigan- Major
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
L'ouvrage de Longerich sur Himmler, mais le Reichführer SS au centre du processus d'extermination, même si celui-ci à l'assentiment d'Hitler. Mais il n'y a, apparemment, pas d'ordre écrit de ce dernier, juste des discussions entre le Führer et Himmler, sur la question juive, avec l'impression que le second influence le premier.
1°) Une guerre d'anéantissement.
a°) Une guerre qui ne respectera pas les lois de la guerre.
La particularité de Barbarossa fut qu'une mission sécuritaire fut dévolue à la SS, ce qui n'avait pas été le cas sur le front de l'Ouest. La directive du 13 mars 1941, éditée par les services de Keitel, chef de l'OKW, précise bien que des missions spéciales seront dévolues à la SS, et que ces derniers ne seront pas subordonnées à l'armée de Terre.
Ces missions spéciales s'inscrivent dans une guerre d'anéantissement. Les directives sur "le comportement des troupes en Russie", du 19 mai, et "sur le traitement des commissaires politiques", du 6 juin, toutes les deux signés par Keitel, restent assez générales, mais désignent les "juifs, les francs-tireurs, les saboteurs, les agitateurs, les membres du parti bolchevique" comme des ennemis irréductibles.
De plus, Hitler a bien confirmé que la justice militaire ne devrait pas condamner les exactions contre les civils.
b°) Le zèle exterminateur d'Himmler.
Comme le constate Longerich, Himmler va aller plus loin que les directives du Führer. Lors d'une réunion à Wewelsburg, avec ses plus proches collaborateurs, dont Wolff, Daluege, von dem Bach-Zelewsky, Prützmann, Heydrich, Jeckeln et Oswald Pohl, le Reichführer parle de 30 millions de morts inévitable, en URSS, selon le témoignage de Von dem Bach-Zelewsky.
Le 2 juillet 1941, une directive d'Heydrich dressait la liste de tous les ennemis à éliminer, bien plus exhaustive que la directive de Keitel.
De juillet à octobre, Himmler et ses adjoints sont très présents sur le front de l'Est,pour assister et chapeauter des exécutions qui deviendront de plus en plus massives.
Au début, seuls les hommes juifs, de 17 à 45 ans étaient exécutés, selon un directive du 11 juillet de von dem Bach-Zeleswski. Puis, le 5 août, Karl Jäger, en Lituanie fit exécuter indistinctement hommes, femmes et enfants. Ici, on peut s'apercevoir que la base se radicalise par rapport aux directives du centre. Car le 1er août, Himmler avait ordonné de fusiller tous les juifs hommes et de chasser dans les marais les femmes.
On peut remarquer la confusion dans la planification des assassinats de masse. Les directives générales ont été donnée par Hitler/Keitel, et Himmler radicalise progressivement ses ordres devant l'action de la base. Au début, seuls les hommes doivent être assassinés, puis, devant les actions sur le terrain, où tout le monde est tué, il consacre la chose en pondant un ordre.
2°) Des massacres au génocide.
a°) Déportations des juifs vers l'Est.
C'est dans ce contexte qu'Hitler va demander que l'on déport tous les juifs du Reich à l'Est. En août, il disait vouloir attendre la fin de la guerre, pour commencer les déportations, mais, le mois suivant, en septembre, il change d'avis. Les raisons en sont peu claires, mais on peut retenir la déportation des allemands de la Volga, l'imminence de l'entrée en guerre des USA, pays très influencé par les juifs, selon Hitler, sans compter le regain de résistance dans toute l'Europe occupée, avec l'entrée en résistance des communistes, générant une dynamique répressive plus intense.
Mais Longerich montre très bien que ces déportations vers les territoires occupés à l'Est n'étaient pas prévus, et que les ghettos n'ont pas assez de place pour accueillir tout le monde. Le gouverneur du district de Lodz, Friederich Uebelhoer s'élève contre le transfert prévu de 60 000 juifs, dans son ghetto, qui n'est pas un ghetto de décimation, d'après lui, mais un ghetto de travail, provoquant l'ire d'Himmler. Rosenberg traîna des pieds et fit comprendre à Hans Frank, qu'il était hors de question que les juifs du Gouvernement général soient déportés dans les Territoires à l'est.
Or, comme la Galicie avait été rattachée au Gouvernement général, et que les massacres avaient commencé dans cette zone, l'idée de "traiter" les juifs dans le gouvernement général fit son chemin.
b°) Le rôle d'Odilo Globocnik: camp d'extermination plutôt que ghettoïsation.
Le 13 octobre 41, avec l'entrevue entre Himmler et Globocnik, le second proposa au premier un camp d'extermination pour régler le problème juif. Peu après, la construction de Belzec commença. Le fait que la capacité de ce camp soit limité et qu'aucun autre camp ne fut construit dans le gouvernement général avant le printemps 1942, démontre que Globocnik n'avait pas reçu, au début de Barbarossa, l'ordre d'exterminer tous les juifs.
En résumé, Himmler semble avoir élargi les catégories à exterminer, avec l'assentiment du Führer, car les tâtonnements sur le terrain et la confusion des directives données démontraient bien que l'extinction massive n'avait pas été prévue dès le début. D'ailleurs, dans un premier temps, c'est l'option des ghettos qui est plutôt choisis, pour traiter le problème juif et pas des camps d'extermination. Certains, d'ailleurs, était pour la première option, comme Hinrich Lohse, le Reichskommissar de l'Ostland ou Alfred Rosenberg. Mais la violence paroxystique sur le terrain, avec tous ces massacres, semble avoir radicalisée la bureaucratie SS, qui se trouve devant une équation impossible à résoudre, si on est reste uniquement à la ghettoïsation.
1°) Une guerre d'anéantissement.
a°) Une guerre qui ne respectera pas les lois de la guerre.
La particularité de Barbarossa fut qu'une mission sécuritaire fut dévolue à la SS, ce qui n'avait pas été le cas sur le front de l'Ouest. La directive du 13 mars 1941, éditée par les services de Keitel, chef de l'OKW, précise bien que des missions spéciales seront dévolues à la SS, et que ces derniers ne seront pas subordonnées à l'armée de Terre.
Ces missions spéciales s'inscrivent dans une guerre d'anéantissement. Les directives sur "le comportement des troupes en Russie", du 19 mai, et "sur le traitement des commissaires politiques", du 6 juin, toutes les deux signés par Keitel, restent assez générales, mais désignent les "juifs, les francs-tireurs, les saboteurs, les agitateurs, les membres du parti bolchevique" comme des ennemis irréductibles.
De plus, Hitler a bien confirmé que la justice militaire ne devrait pas condamner les exactions contre les civils.
b°) Le zèle exterminateur d'Himmler.
Comme le constate Longerich, Himmler va aller plus loin que les directives du Führer. Lors d'une réunion à Wewelsburg, avec ses plus proches collaborateurs, dont Wolff, Daluege, von dem Bach-Zelewsky, Prützmann, Heydrich, Jeckeln et Oswald Pohl, le Reichführer parle de 30 millions de morts inévitable, en URSS, selon le témoignage de Von dem Bach-Zelewsky.
Le 2 juillet 1941, une directive d'Heydrich dressait la liste de tous les ennemis à éliminer, bien plus exhaustive que la directive de Keitel.
De juillet à octobre, Himmler et ses adjoints sont très présents sur le front de l'Est,pour assister et chapeauter des exécutions qui deviendront de plus en plus massives.
Au début, seuls les hommes juifs, de 17 à 45 ans étaient exécutés, selon un directive du 11 juillet de von dem Bach-Zeleswski. Puis, le 5 août, Karl Jäger, en Lituanie fit exécuter indistinctement hommes, femmes et enfants. Ici, on peut s'apercevoir que la base se radicalise par rapport aux directives du centre. Car le 1er août, Himmler avait ordonné de fusiller tous les juifs hommes et de chasser dans les marais les femmes.
On peut remarquer la confusion dans la planification des assassinats de masse. Les directives générales ont été donnée par Hitler/Keitel, et Himmler radicalise progressivement ses ordres devant l'action de la base. Au début, seuls les hommes doivent être assassinés, puis, devant les actions sur le terrain, où tout le monde est tué, il consacre la chose en pondant un ordre.
2°) Des massacres au génocide.
a°) Déportations des juifs vers l'Est.
C'est dans ce contexte qu'Hitler va demander que l'on déport tous les juifs du Reich à l'Est. En août, il disait vouloir attendre la fin de la guerre, pour commencer les déportations, mais, le mois suivant, en septembre, il change d'avis. Les raisons en sont peu claires, mais on peut retenir la déportation des allemands de la Volga, l'imminence de l'entrée en guerre des USA, pays très influencé par les juifs, selon Hitler, sans compter le regain de résistance dans toute l'Europe occupée, avec l'entrée en résistance des communistes, générant une dynamique répressive plus intense.
Mais Longerich montre très bien que ces déportations vers les territoires occupés à l'Est n'étaient pas prévus, et que les ghettos n'ont pas assez de place pour accueillir tout le monde. Le gouverneur du district de Lodz, Friederich Uebelhoer s'élève contre le transfert prévu de 60 000 juifs, dans son ghetto, qui n'est pas un ghetto de décimation, d'après lui, mais un ghetto de travail, provoquant l'ire d'Himmler. Rosenberg traîna des pieds et fit comprendre à Hans Frank, qu'il était hors de question que les juifs du Gouvernement général soient déportés dans les Territoires à l'est.
Or, comme la Galicie avait été rattachée au Gouvernement général, et que les massacres avaient commencé dans cette zone, l'idée de "traiter" les juifs dans le gouvernement général fit son chemin.
b°) Le rôle d'Odilo Globocnik: camp d'extermination plutôt que ghettoïsation.
Le 13 octobre 41, avec l'entrevue entre Himmler et Globocnik, le second proposa au premier un camp d'extermination pour régler le problème juif. Peu après, la construction de Belzec commença. Le fait que la capacité de ce camp soit limité et qu'aucun autre camp ne fut construit dans le gouvernement général avant le printemps 1942, démontre que Globocnik n'avait pas reçu, au début de Barbarossa, l'ordre d'exterminer tous les juifs.
En résumé, Himmler semble avoir élargi les catégories à exterminer, avec l'assentiment du Führer, car les tâtonnements sur le terrain et la confusion des directives données démontraient bien que l'extinction massive n'avait pas été prévue dès le début. D'ailleurs, dans un premier temps, c'est l'option des ghettos qui est plutôt choisis, pour traiter le problème juif et pas des camps d'extermination. Certains, d'ailleurs, était pour la première option, comme Hinrich Lohse, le Reichskommissar de l'Ostland ou Alfred Rosenberg. Mais la violence paroxystique sur le terrain, avec tous ces massacres, semble avoir radicalisée la bureaucratie SS, qui se trouve devant une équation impossible à résoudre, si on est reste uniquement à la ghettoïsation.
Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Dans la biographie de Himmler par Peter Longerich, le chapitre 5 est consacré aux massacres à l'est et à la Solution finale.
Je n'ai pas encore lu ce chapitre tout à fait capital. A vrai dire, je n'ai pas encore ouvert le bouquin. Je me suis contenté du quatrième de couverture.
Mais je fais entièrement confiance à Tietie. Je suppose que son post restitue fidèlement la pensée de l'auteur.
Les théories intentionnalistes prennent du plomb dans l'aile. Le génocide, loin d'être la mise en oeuvre d'un programme élaboré longtemps à l'avance, commença par une série d'improvisations des hiérarques nazis. Des initiatives furent menées localement par des officiers qui anticipèrent le "feu vert" de Hitler.
Je n'ai pas encore lu ce chapitre tout à fait capital. A vrai dire, je n'ai pas encore ouvert le bouquin. Je me suis contenté du quatrième de couverture.
Mais je fais entièrement confiance à Tietie. Je suppose que son post restitue fidèlement la pensée de l'auteur.
Les théories intentionnalistes prennent du plomb dans l'aile. Le génocide, loin d'être la mise en oeuvre d'un programme élaboré longtemps à l'avance, commença par une série d'improvisations des hiérarques nazis. Des initiatives furent menées localement par des officiers qui anticipèrent le "feu vert" de Hitler.
Wigan- Major
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Re: Hitler : la question de la ‘responsabilité’
Wigan a écrit:Dans la biographie de Himmler par Peter Longerich, le chapitre 5 est consacré aux massacres à l'est et à la Solution finale.
Je n'ai pas encore lu ce chapitre tout à fait capital. A vrai dire, je n'ai pas encore ouvert le bouquin. Je me suis contenté du quatrième de couverture.
Mais je fais entièrement confiance à Tietie. Je suppose que son post restitue fidèlement la pensée de l'auteur.
Les théories intentionnalistes prennent du plomb dans l'aile. Le génocide, loin d'être la mise en oeuvre d'un programme élaboré longtemps à l'avance, commença par une série d'improvisations des hiérarques nazis. Des initiatives furent menées localement par des officiers qui anticipèrent le "feu vert" de Hitler.
Il est clair que chez Longerich, les grandes lignes de l'extermination n'avaient pas été tracées dès le début. Himmler et son administration ont tâtonné, laissant beaucoup d'autonomie aux acteurs sur le terrain. L'extension progressive des catégories à exterminer illustre que rien n'était fixé dès le début, et elle procède d'abord d'une radicalisation, à la base, qui pousse les organes centraux à s'adapter, notamment avec l'exécution des femmes et des enfants. D'ailleurs, la prose de Longerich est un peu confuse, à l'image de la politique exterminatrice nazie, qui relève beaucoup de l'improvisation.
Hitler n'avait pas d'idées très claires concernant le problème juif, en juin 1941, et sa directive du 19 mai concerne uniquement les juifs soviétiques hommes. De même, en août, il parle qu'il règlera les déportations de juifs à l'est après la fin de la guerre, pour changer d'avis en septembre, preuve, il me semble, de l'improvisation de ses décisions.
Hitler n'avait pas d'idées très claires concernant le problème juif, en juin 1941, et sa directive du 19 mai concerne uniquement les juifs soviétiques hommes. De même, en août, il parle qu'il règlera les déportations de juifs à l'est après la fin de la guerre, pour changer d'avis en septembre, preuve, il me semble, de l'improvisation de ses décisions.
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