Réservez votre blockhaus de la ligne Maginot pour le 21/12/2

Le 22 décembre, le soleil se lèvera de nouveau.
La prétendue fin du monde des Mayas aura juste permis de faire couler un peu plus d’encre… et d’offrir un sacré coup de pub au fort de Schœnenbourg.

« Vous êtes ma trentième interview ! » Marc Halter annonce ce score avec un grand sourire. Il n’a pas l’air du tout lassé… « On n’a jamais eu autant de médias ! Et moi, dès qu’il s’agit de parler de la ligne Maginot, je suis d’accord… » Se sont succédé des journalistes français, luxembourgeois, suisses et (souvent) allemands. Tous soudainement intéressés par ce président de l’Association des amis de la ligne Maginot d’Alsace (AALMA) et l’impressionnant fort de Schœnenbourg, perdu dans un coin de forêt entre Hunspach et Wissembourg. Tous subitement attirés par un fait en apparence anodin, mais qui s’est révélé être une formidable idée marketing : une ouverture exceptionnelle du fort dans la nuit du 20 au 21 décembre 2012. La dernière du monde selon des interprètes un peu expéditifs de l’ancestral calendrier maya (voir ci-dessous).
« À partir du mois d’avril, à peu près, on a régulièrement entendu des remarques lors des visites, raconte Marc Halter. On nous demandait si l’on serait ouvert le 21 décembre. Au début, je ne comprenais pas pourquoi… » Les questions se faisaient encore plus insistantes quand le guide détaillait les performances de ce bâtiment hors normes : trois kilomètres de galeries et une série d’appartements permettant de vivre à plus de 500 à trente mètres sous terre, dans un air filtré (anti-gaz, anti-chimique, anti-particules…) en permanence. Les trouillards de l’Apocalypse (appelés « survivalistes ») étaient totalement séduits quand ils apprenaient que, vu ses qualités, le fort avait été transformé en abri antiatomique durant la Guerre froide, au début des années 50.

« Certains de ces visiteurs ne rigolaient pas du tout. Ils avaient l’air équilibrés, et ils venaient en repérages, faisaient des photos… » Accessible aux groupes toute l’année, le fort devait rouvrir pour les individuels pour les vacances de Noël, le 23. Mais pas le 21. Vu les circonstances, l’ouverture exceptionnelle a donc été décidée, « mais c’est aussi parce que ça correspond au solstice d’hiver. On ouvrira à partir de 20 h le jeudi, jusqu’à 3 h le vendredi. Après, je ne peux plus : je suis instit, et j’ai classe à 8 h… » Évidemment, si les flammes ravagent la surface du globe, les horaires seront susceptibles d’être modifiés.
Un sapin devrait être descendu sous terre (comme en 39, quand des soldats avaient fêté Noël dans le fort) et du vin chaud et du pain d’épices seront offerts aux visiteurs. 75 litres sont prévus pour un maximum envisagé (sécurité oblige) de 6 ou 800 personnes pour toute la nuit : de quoi marquer le coup, mais pas de s’offrir une ivresse apocalyptique…
L’entrée sera au tarif habituel et les visites (sapin, boisson et gâteau exceptés) tout à fait classiques. « On reste sérieux ! Les gendarmes seront là, et on filtrera : les ivrognes, les illuminés ou ceux qui viennent avec un sac de couchage resteront dehors ! »

Ce n’est pas la première fois que Schœnenbourg attire les hurluberlus eschatologues.
« En 98, une association voulait louer le fort parce qu’ils pensaient que des lémuriens de l’espace viendraient ici, en soucoupe volante, sauver les humains méritants », se souvient Marc Halter, à qui on avait gentiment proposé de sélectionner 500 élus. Il n’avait pas donné suite.
En revanche, il avait permis à des chasseurs de fantômes, il y a quelques années, de passer une nuit sous terre avec un matériel sophistiqué… qui n’a pas permis de repérer le moindre revenant.
Autre demande, dans un autre genre : louer le site pour un film porno… Ce fut niet. « J’accepte quand le projet est en rapport avec la Seconde Guerre mondiale », insiste le président, qui profite du passage actuel de la presse européenne pour marteler son message de réhabilitation : contrairement au lieu commun, répète-t-il à l’envi, ligne Maginot ne rime pas avec fiasco. « On en a fait le bouc émissaire de la défaite de 40. Or, elle a joué exactement le rôle qui avait été planifié ! »
Au-delà du débat historique et du canular apocalyptique, l’opération a un grand mérite : accorder enfin à ce site extraordinaire, remarquablement restauré, toute l’attention qu’il mérite.

BD Marc Halter a écrit les textes de la bande dessinée « Histoire de la ligne Maginot », publiée chez Moselle River, 50 pages, 13,50 €. L’ouvrage a aussi été traduit en anglais et en allemand.

Jules a écrit:Et que dire de ces fameux apparts construits sous terre, déjà vendus pour des dizaines de millions de dollars. Avec des réserves de provisions pour quelques années. Ça se passe aux states.

Jules a écrit:Et que dire de ces fameux apparts construits sous terre, déjà vendus pour des dizaines de millions de dollars. Avec des réserves de provisions pour quelques années. Ça se passe aux states.