La Résistance Normande en Action
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La Résistance Normande en Action
LA RÉSISTANCE NORMANDE EN ACTION
VEILLÉE D'ARMES EN ANGLETERRE
Fin mai 1944.
En fonction de sa situation géographique, c'est à la Résistance normande que l'on va demander d'entrer en action.
Malheureusement, une cascade d'arrestations dues à des trahisons, mais aussi à des imprudences, a décimé en avril et mai l'encadrement de la Résistance. Les chefs de région en M-1, M-4, Robin, Meslin, Desplats, ont été arrêtés ; ceux de l'O.R.A. : de la Croix-Vaubois, Foliot, et Mahieu le sont également. Le responsable du B.O.A. Edouard Paysant a dû se réfugier en Seine-Inférieure, son successeur, Gros, et celui de la Région A Delvallée, piégés, sont pris, ce sera ensuite le tour de Philipeau. Les services de la Gestapo qui pressentent l'offensive alliée se démènent pour démanteler la Résistance normande dont ils savent bien qu'elle sera l'arme intérieure des attaquants.
Dans un environnement déjà difficile en raison de la densité des troupes ennemies, et un climat psychique de plus en plus embrouillé, les rênes du combat vont être reprises vaille que vaille par les rescapés des coupes des polices allemandes.
Dans le Calvados, Parléani, Beaufils, Harivel, Berjot, Dumis, ressoudent les liens rompus par les opérations du S.D.
Dans l'Orne. Daniel Desmeulles, chef départemental, rassemble autour de lui André Mazeline et ses maquis de Gouffern et du Bois de l'Evêque, Robert Aubin responsable de 1'O.C.M., Romain Darchy du secteur de L'Aigle, Almire Viel et ses maquisards de Lignières-la-Doucelle.
Dans l'Eure, le commandant Breteuil (Marcel Baudot) dirige toute l'infrastructure régionale, avec le concours de Robert Catalan envoyé de Londres, Stouls, Gaétan Lesage, Hermier et Vochel. Mais il dispose surtout du plus important maquis normand : le Surcouf dont on reparlera plus longuement.
Dans la Manche, le responsable départemental Gresselin s'appuie sur des adjoints efficaces : Guidicelli, Berjon, Etienvre, Blouet.
La Seine-Inférieure au statut particulier puisqu'elle a été rat-tachée à là Région A, a subi une kyrielle d'arrestations. De plus, elle a souffert de la répétition des bombardements. Néanmoins, en cette fin de mois de mai, un état-major a été reformé avec le commandant Multrier, Phélippeau, Fanfani, Banse, qui a repris en main les équipes dispersées par la répression nazie. Ces remaniements vont permettre d'organiser des groupes de francs-tireurs qui se joindront aux douze Compagnies de F.T.P.F. qui harcèlent l'Occupant dans les régions havraise et rouennaise. Bien que difficile, une entente entre tous les patriotes va être déterminante dans les affrontements à venir.
Très paradoxalement, ce sont les maquis qui ont été le moins touchés par la vague d'arrestations déclenchée par la Gestapo. Certes, des incursions lui ont permis de se livrer à ses sinistres exactions, mais elle ne dispose pas, comme dans d'autres régions de France, de l'assistance de son armée, celle-ci étant en priorité mobilisée sur ses bases de défense en prévision de l'offensive alliée. Et si les escouades qui musclent ses interventions sont toujours aussi virulentes, elles peuvent être contenues par les maquisards. Ce sera le cas lors des tentatives effectuées à l'encontre des sections du Surcouf dans la région du Vièvre, de celles de l'Orne en forêt de Bellême, du Bois-de-l'Evêque, de Lignières; des groupes du maquis Guillaume le Conquérant dans le Calvados, des équipes de l'O.R.A. dans le massif de Lyons-la-Forêt. Ces maquis demeurés opérationnels, et on en dénombrera quatorze dans toute la province, seront mobilisés pour appliquer le plan Tortue mais, regrettablement, on ne leur a pas fourni en temps et en heure l'armement adapté aux actions demandées. Grave lacune que les chefs de la Résistance reprocheront toujours aux organismes qui leur demandaient depuis Londres des opérations vigoureuses sur le potentiel ennemi.
Il en sera de même avec les réseaux de renseignement du S.O.E., du B.C.R.A. et même du M.I.6, pourtant volet actif de l'Intelligence Service. Lorsqu'on sait que l'on disposait d'une quarantaine de terrains de parachutages homologués, dans les cinq départements, on s'interroge sur cette lacune? La seule explication avancée après la guerre par un dirigeant britannique impliqué dans le marasme, sera " Nous ne tenions pas à ce que des moyens trop importants en armement tombent entre les mains des groupes communistes. On croit rêver !
Car, d'une part, les combattants clandestins du parti en question tenaient une place fort active dans les rangs des partisans, et ceux qui relevaient des F.T.P.F. luttaient depuis longtemps déjà contre les forces occupantes. Ainsi des raisonneurs de salon bien au chaud à Londres préféraient, au nom de leurs options personnelles, laisser les patriotes affronter l'ennemi, tenter de mettre en œuvre les directives qu'on leur demandait, et ce, sans être dotés des moyens pour le faire !
Si les réseaux de renseignement purent poursuivre aussi activement leur mission, malgré les pertes subies, ils ne furent guère mieux lotis en matière d'armement. Et il leur en fallait un minimum pour assurer la couverture de leurs terrains de parachutages. Certains en pâtirent cruellement tels : Butler, Farmer, Bricklayer, Physician ou Headmaster, mais également ceux relevant directement du M.I.6 : Agir, Comète, Jade Ami-col, Parsifal et Sosies. Bien évidemment, les réseaux dépendant du B.C.R.A. souffrirent de la même façon, et bien que leur apport eût été important en matière d'informations et d'accueil d'agents parachutés, plusieurs comme : Ajax, Brutus, Centurie, Cohors-Asturies, Eleuthère, Fana, Goélette, Hunter, Turma, Praxitèle, ne furent pas équipés en armement. Il en résulta souvent que la sécurité des parachutages était nulle !
Cependant, en dépit de toutes ces équivoques, la contribution des combattants de l'ombre en Normandie se montra telle qu'elle suscita les commentaires élogieux après guerre de plusieurs généraux alliés à commencer par Eisenhower qui déclara :
L'apport des résistants de Normandie dans la préparation et les opérations de débarquement, leur contribution à la bataille pour l'établissement d'une solide tête de pont... ont pesé d'un poids décisif... On peut comparer cette contribution à l'équivalent opérationnel de plusieurs divisions.
1er juin - Londres - 10 Duke Street, siège du B. C.R.A.
Voici encore un rapport qui confirme l'arrivée de la 352e D.I. allemande dans le secteur de Carentan. L'information provient des courriers de l'O.C.M. Il confirme bien ceux qui sont parvenus au S.O.E.
Bien que les relations n'aient pas toujours été sans nuages entre les deux services de renseignement, le climat est devenu plus serein depuis la réunion du 24 mars 1944 qui avait ras-semblé les responsables français et ceux des bureaux alliés avec notamment le colonel Rexel-Biddle, le brigadier-général Mockle-Ferryman et le lieutenant-colonel américain Coat. Des études conjointes pour la formation de maquis de fixation sur les arrières du Mur de l'Atlantique avaient dégagé des zones favorables : massif de la Montagne noire en Bretagne, forêts de la Mayenne et de la Sarthe, Alpes Mancelles, bocage normand, futaies de la vallée de la Seine, mais les réserves sur ce projet émises par la plupart des responsables de la Résistance de zone nord peu favorables à ce genre d'implantations, firent repousser, puis annuler ce plan. Ce qui amena les services interalliés à définir le 25 avril les secteurs d'intervention des groupes-francs et des maquis qui furent communiqués le 28 aux D.M.R. (délégués militaires régionaux).
S'adressant à ses collègues, le lieutenant Drouot poursuivit :
Cette information importante a dû être transmise au S.H.A.E.F. par les services de Drexel car elle concerne également les unités U.S. Nous avons mentionné que c'est la seconde fois que nous sommes avisés par nos agents de l'O.C.M. sur place. Espérons qu'elle sera étudiée car l'arrivée d'une nouvelle division dans ce secteur sensible laisse penser que les Allemands sont en alerte dans cette région.
Le commandant Simoneau haussa les épaules :
De toute façon, nos amis britanniques n'en feront qu'à leur idée, comme d'habitude, et nous n'y pouvons rien car Coat les laisse gérer ce genre de renseignements.
La seule chose que nous pouvons faire est de renouveler les consignes communiquées aux états-majors clandestins le 5 mai concernant les secteurs supposés des débarquements et les actions à entreprendre dans le cadre d'une offensive.
En fait, ces consignes reprenaient l'essentiel des plans vert, violet, bleu et rouge, agrémentées de quelques points supplémentaires dans le domaine des interventions les plus impératives.
Le 15 mai, les D.M.R. et le C.O.M.A.C. répercutaient ces ordres qui définissaient l'ensemble des interventions dévolues à la Résistance :
– Exécution dès la diffusion par la B.B.C. des messages personnels des sabotages prescrits.
– Coupures immédiates des moyens de transmission (câbles, circuits, centraux).
– Exécution des déraillements aux endroits prévus sur les lignes désignées.
– Interruption de la distribution d'énergie par destruction des pylônes électriques, et des centrales.
– Coups de main sur les dépôts de munitions et de carburant.
– Brouillage des panneaux de signalisation routière.
Pour la Résistance normande, ces consignes seraient complétées par les messages d'alerte diffusés par la B.B.C. à J-2. Les deux principaux étant : Les dés sont sur le tapis et Il fait chaud à Suez.
Chaque groupe recevrait ensuite pour déclencher ses missions des transmissions personnelles. Afin d'éviter une énumération fastidieuse, nous n'en citerons que quelques-unes :
– L'appel du laboureur dans le matin brumeux.
– Le coq chantera trois fois.
– La sirène a les cheveux décolorés.
– La flèche perce l'acier.
– C'est évidemment un tort.
– Les carottes sont cuites.
– À la fin de l'envoi je touche, etc.
Ainsi, tous les soirs, les patriotes de toutes les formations sont sur le qui-vive. L'heure approche.
VEILLÉE D'ARMES EN ANGLETERRE
Fin mai 1944.
En fonction de sa situation géographique, c'est à la Résistance normande que l'on va demander d'entrer en action.
Malheureusement, une cascade d'arrestations dues à des trahisons, mais aussi à des imprudences, a décimé en avril et mai l'encadrement de la Résistance. Les chefs de région en M-1, M-4, Robin, Meslin, Desplats, ont été arrêtés ; ceux de l'O.R.A. : de la Croix-Vaubois, Foliot, et Mahieu le sont également. Le responsable du B.O.A. Edouard Paysant a dû se réfugier en Seine-Inférieure, son successeur, Gros, et celui de la Région A Delvallée, piégés, sont pris, ce sera ensuite le tour de Philipeau. Les services de la Gestapo qui pressentent l'offensive alliée se démènent pour démanteler la Résistance normande dont ils savent bien qu'elle sera l'arme intérieure des attaquants.
Dans un environnement déjà difficile en raison de la densité des troupes ennemies, et un climat psychique de plus en plus embrouillé, les rênes du combat vont être reprises vaille que vaille par les rescapés des coupes des polices allemandes.
Dans le Calvados, Parléani, Beaufils, Harivel, Berjot, Dumis, ressoudent les liens rompus par les opérations du S.D.
Dans l'Orne. Daniel Desmeulles, chef départemental, rassemble autour de lui André Mazeline et ses maquis de Gouffern et du Bois de l'Evêque, Robert Aubin responsable de 1'O.C.M., Romain Darchy du secteur de L'Aigle, Almire Viel et ses maquisards de Lignières-la-Doucelle.
Dans l'Eure, le commandant Breteuil (Marcel Baudot) dirige toute l'infrastructure régionale, avec le concours de Robert Catalan envoyé de Londres, Stouls, Gaétan Lesage, Hermier et Vochel. Mais il dispose surtout du plus important maquis normand : le Surcouf dont on reparlera plus longuement.
Dans la Manche, le responsable départemental Gresselin s'appuie sur des adjoints efficaces : Guidicelli, Berjon, Etienvre, Blouet.
La Seine-Inférieure au statut particulier puisqu'elle a été rat-tachée à là Région A, a subi une kyrielle d'arrestations. De plus, elle a souffert de la répétition des bombardements. Néanmoins, en cette fin de mois de mai, un état-major a été reformé avec le commandant Multrier, Phélippeau, Fanfani, Banse, qui a repris en main les équipes dispersées par la répression nazie. Ces remaniements vont permettre d'organiser des groupes de francs-tireurs qui se joindront aux douze Compagnies de F.T.P.F. qui harcèlent l'Occupant dans les régions havraise et rouennaise. Bien que difficile, une entente entre tous les patriotes va être déterminante dans les affrontements à venir.
Très paradoxalement, ce sont les maquis qui ont été le moins touchés par la vague d'arrestations déclenchée par la Gestapo. Certes, des incursions lui ont permis de se livrer à ses sinistres exactions, mais elle ne dispose pas, comme dans d'autres régions de France, de l'assistance de son armée, celle-ci étant en priorité mobilisée sur ses bases de défense en prévision de l'offensive alliée. Et si les escouades qui musclent ses interventions sont toujours aussi virulentes, elles peuvent être contenues par les maquisards. Ce sera le cas lors des tentatives effectuées à l'encontre des sections du Surcouf dans la région du Vièvre, de celles de l'Orne en forêt de Bellême, du Bois-de-l'Evêque, de Lignières; des groupes du maquis Guillaume le Conquérant dans le Calvados, des équipes de l'O.R.A. dans le massif de Lyons-la-Forêt. Ces maquis demeurés opérationnels, et on en dénombrera quatorze dans toute la province, seront mobilisés pour appliquer le plan Tortue mais, regrettablement, on ne leur a pas fourni en temps et en heure l'armement adapté aux actions demandées. Grave lacune que les chefs de la Résistance reprocheront toujours aux organismes qui leur demandaient depuis Londres des opérations vigoureuses sur le potentiel ennemi.
Il en sera de même avec les réseaux de renseignement du S.O.E., du B.C.R.A. et même du M.I.6, pourtant volet actif de l'Intelligence Service. Lorsqu'on sait que l'on disposait d'une quarantaine de terrains de parachutages homologués, dans les cinq départements, on s'interroge sur cette lacune? La seule explication avancée après la guerre par un dirigeant britannique impliqué dans le marasme, sera " Nous ne tenions pas à ce que des moyens trop importants en armement tombent entre les mains des groupes communistes. On croit rêver !
Car, d'une part, les combattants clandestins du parti en question tenaient une place fort active dans les rangs des partisans, et ceux qui relevaient des F.T.P.F. luttaient depuis longtemps déjà contre les forces occupantes. Ainsi des raisonneurs de salon bien au chaud à Londres préféraient, au nom de leurs options personnelles, laisser les patriotes affronter l'ennemi, tenter de mettre en œuvre les directives qu'on leur demandait, et ce, sans être dotés des moyens pour le faire !
Si les réseaux de renseignement purent poursuivre aussi activement leur mission, malgré les pertes subies, ils ne furent guère mieux lotis en matière d'armement. Et il leur en fallait un minimum pour assurer la couverture de leurs terrains de parachutages. Certains en pâtirent cruellement tels : Butler, Farmer, Bricklayer, Physician ou Headmaster, mais également ceux relevant directement du M.I.6 : Agir, Comète, Jade Ami-col, Parsifal et Sosies. Bien évidemment, les réseaux dépendant du B.C.R.A. souffrirent de la même façon, et bien que leur apport eût été important en matière d'informations et d'accueil d'agents parachutés, plusieurs comme : Ajax, Brutus, Centurie, Cohors-Asturies, Eleuthère, Fana, Goélette, Hunter, Turma, Praxitèle, ne furent pas équipés en armement. Il en résulta souvent que la sécurité des parachutages était nulle !
Cependant, en dépit de toutes ces équivoques, la contribution des combattants de l'ombre en Normandie se montra telle qu'elle suscita les commentaires élogieux après guerre de plusieurs généraux alliés à commencer par Eisenhower qui déclara :
L'apport des résistants de Normandie dans la préparation et les opérations de débarquement, leur contribution à la bataille pour l'établissement d'une solide tête de pont... ont pesé d'un poids décisif... On peut comparer cette contribution à l'équivalent opérationnel de plusieurs divisions.
1er juin - Londres - 10 Duke Street, siège du B. C.R.A.
Voici encore un rapport qui confirme l'arrivée de la 352e D.I. allemande dans le secteur de Carentan. L'information provient des courriers de l'O.C.M. Il confirme bien ceux qui sont parvenus au S.O.E.
Bien que les relations n'aient pas toujours été sans nuages entre les deux services de renseignement, le climat est devenu plus serein depuis la réunion du 24 mars 1944 qui avait ras-semblé les responsables français et ceux des bureaux alliés avec notamment le colonel Rexel-Biddle, le brigadier-général Mockle-Ferryman et le lieutenant-colonel américain Coat. Des études conjointes pour la formation de maquis de fixation sur les arrières du Mur de l'Atlantique avaient dégagé des zones favorables : massif de la Montagne noire en Bretagne, forêts de la Mayenne et de la Sarthe, Alpes Mancelles, bocage normand, futaies de la vallée de la Seine, mais les réserves sur ce projet émises par la plupart des responsables de la Résistance de zone nord peu favorables à ce genre d'implantations, firent repousser, puis annuler ce plan. Ce qui amena les services interalliés à définir le 25 avril les secteurs d'intervention des groupes-francs et des maquis qui furent communiqués le 28 aux D.M.R. (délégués militaires régionaux).
S'adressant à ses collègues, le lieutenant Drouot poursuivit :
Cette information importante a dû être transmise au S.H.A.E.F. par les services de Drexel car elle concerne également les unités U.S. Nous avons mentionné que c'est la seconde fois que nous sommes avisés par nos agents de l'O.C.M. sur place. Espérons qu'elle sera étudiée car l'arrivée d'une nouvelle division dans ce secteur sensible laisse penser que les Allemands sont en alerte dans cette région.
Le commandant Simoneau haussa les épaules :
De toute façon, nos amis britanniques n'en feront qu'à leur idée, comme d'habitude, et nous n'y pouvons rien car Coat les laisse gérer ce genre de renseignements.
La seule chose que nous pouvons faire est de renouveler les consignes communiquées aux états-majors clandestins le 5 mai concernant les secteurs supposés des débarquements et les actions à entreprendre dans le cadre d'une offensive.
En fait, ces consignes reprenaient l'essentiel des plans vert, violet, bleu et rouge, agrémentées de quelques points supplémentaires dans le domaine des interventions les plus impératives.
Le 15 mai, les D.M.R. et le C.O.M.A.C. répercutaient ces ordres qui définissaient l'ensemble des interventions dévolues à la Résistance :
– Exécution dès la diffusion par la B.B.C. des messages personnels des sabotages prescrits.
– Coupures immédiates des moyens de transmission (câbles, circuits, centraux).
– Exécution des déraillements aux endroits prévus sur les lignes désignées.
– Interruption de la distribution d'énergie par destruction des pylônes électriques, et des centrales.
– Coups de main sur les dépôts de munitions et de carburant.
– Brouillage des panneaux de signalisation routière.
Pour la Résistance normande, ces consignes seraient complétées par les messages d'alerte diffusés par la B.B.C. à J-2. Les deux principaux étant : Les dés sont sur le tapis et Il fait chaud à Suez.
Chaque groupe recevrait ensuite pour déclencher ses missions des transmissions personnelles. Afin d'éviter une énumération fastidieuse, nous n'en citerons que quelques-unes :
– L'appel du laboureur dans le matin brumeux.
– Le coq chantera trois fois.
– La sirène a les cheveux décolorés.
– La flèche perce l'acier.
– C'est évidemment un tort.
– Les carottes sont cuites.
– À la fin de l'envoi je touche, etc.
Ainsi, tous les soirs, les patriotes de toutes les formations sont sur le qui-vive. L'heure approche.
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Date d'inscription : 31/07/2006
La Résistance Normande en Action
1er juin - Saint-Germain-en-Laye - O.B.W. Q. G. allemand.
Annulez ma tournée d'inspection d'après-demain, je dois recevoir la visite de Rommel qui s'apprête à prendre quelques jours de détente et va partir chez lui.
Le commandant en chef des armées de l'Ouest, le maréchal von Rundstedt, repose le combiné du téléphone sur son socle, tandis que son secrétaire s'empresse de noter ses instructions.
Appelez-moi Blumentritt.
Dès que son chef d'état-major eut pris place dans un fauteuil, le maréchal lui fit part de sa conversation avec Rommel :
Il parle de se rendre en Allemagne voir sa famille à Herrlingen, mais il veut surtout en profiter pour obtenir un rendez-vous avec Hitler.
Sans doute pour lui demander le rapprochement des Panzers plus près des côtes de la Manche, c'est son idée fixe.
Oui, pour la forme il a sollicité mon avis qui n'est pas favorable, je lui ai rappelé ma position sur ce sujet. Les blindés doivent rester en réserve pour être lancés le moment venu comme une lame déferlante sur les têtes de pont. En aucun cas nous ne devons les exposer au feu des pièces de marine. Gudérian et von Schweppenburg partagent cette opinion.
Cette convergence de vues sera-t-elle suffisante pour convaincre le Führer ? Rommel reste l'un de ses interlocuteurs favoris, on l'a encore constaté le mois dernier lorsqu'il a obtenu le renfort de la 352e D.I. dans les Veys, l'une de nos meilleures unités.
Je crois que ce déplacement s'imposait, il a eu raison sur ce point car je ne me fais guère d'illusions sur la valeur de nos éléments dans ce secteur. La 716e et la 709e sont formées avec des " bataillons de l'Est ". Et je ne vois pas tous ces Mongols, Cosaques, Ukrainiens, Kirghiz, Ouzbeks et autres Géorgiens se battre avec ardeur pour le Reich. Au premier assaut, ils brandiront le drapeau blanc. Non, croyez-moi Blumentritt, comme à l'Est la ligne de front potentiel est bien trop longue, c'est pourquoi je reste partisan de tenir à l'arrière les P.Z. (panzers) qui pourront intervenir sur tel ou tel point menacé. Le Führer n'aurait jamais dû accéder au désir de Rommel en lui confiant les 2e, 21e et 116e Panzer pour les cantonner près des côtes normandes. Si l'invasion se déclenche dans le Pas-de-Calais comme c'est probable, jamais ces unités ne pourront remonter à temps, aucun pont sur la Seine n'offrira de passage. Déjà presque tous sont détruits, la manœuvre des Alliés est évidente. Et je devrai mendier à l'O.K.W. l'autorisation de, lancer les quatre autres divisions blindées disponibles, car, aussi incroyable que cela puisse paraître, moi, commandant en chef à l'Ouest, je n'ai pas le pouvoir de les mettre en mouvement sans l'ordre du haut état-major de Berlin !
Von Rundstedt s'emportait et son visage s'empourprait de colère :
Comment cette cour servile de maréchaux et de généraux peut-elle supporter les ratiocinations de ce " caporal bohème " entouré de médiocres et de laquais comme Keitel ou Jodl ? Il dirige les meilleures armées d'Europe avec une incapacité et une incohérence qui défient le bon sens. En fonction de quoi, j'en suis réduit à commander des unités disparates sans soutien logistique. Je ne dispose d'aucune autorité sur la Kriegsmarine ni sur la Luftwaffe, et les divisions blindées ne peuvent bouger que lorsque mes ordres sont confirmés par l'O.K.W. En fait, je ne dirige qu'une armée de plantons et de boulangers. Et voilà maintenant que Rommel, qui est théoriquement sous mes ordres s'en va, comme il l'a déjà fait, en me passant au-dessus de la tête, exposer sa propre stratégie au Führer !
Blumentritt profita de ce que son supérieur reprenait son souffle pour intervenir :
Peut-être ne réussira-t-il pas à convaincre le Führer ?
Von Rundstedt consulta sa montre ; l'entretien était terminé, il allait maintenant partir pour ce restaurant de Bougival où il avait sa table réservée et où l'attendaient quelques officiers conviés à déjeuner avec lui.
Rommel, lui, en tournée d'inspection, partageait le repas des soldats à la roulante d'un bataillon.
1er juin - secteur de Newbury - Angleterre.
Depuis plusieurs semaines, les hommes de la 101e Aiborne, Les Aigles hurlants (Screaming Eagles) sont basés dans tous les villages entourant l'aérodrome de Newbury. À l'exception des gens nécessaires à la vie de la région, toute la population a été évacuée. Dans le sud de l'Angleterre, des mesures identiques ont été prises. Disciplinés, animés d'un désir de revanche, les habitants se sont repliés sans rechigner dans les secteurs qu'on leur a attribués. Du comté de Kent à celui du Dorset, la frange côtière sur une profondeur variable d'environ cent kilomètres, offre le spectacle d'un gigantesque camp militaire. Sur les bords des routes, sous les arbres, s'alignent les formes arrondies des milliers d'abris en tôle pleins d'obus et de torpilles. La moindre prairie regorge de chars, de jeeps, ou de camions. Les tentes militaires disposées en villages de toile occupent des hectares de campagne.
Les châteaux, les manoirs, les édifices publics et les cottages les plus spacieux hébergent les postes de commandement, les antennes de secours et les bureaux d'intendance, cependant que les salles des fêtes et les halles ont été transformées en cuisines et en entrepôts de ravitaillement. Chaque soir, un épais brouillard artificiel recouvre le sud du pays, interdisant toute visibilité aérienne. Plus haut, jusqu'en Écosse, les divisions américaines, britanniques et canadiennes sont regroupées dans de vastes complexes permettant aux unités de s'entraîner et de manœuvrer sans aucune crainte.
Toute la Grande-Bretagne vibre au rythme de l'activité militaire. Ses usines, ses chemins de fer, ses voies fluviales, ses ports, ses transports et même ses administrations travaillent pour le même but : équiper et préparer l'assaut de la forteresse Europe bâtie par le Führer nazi.
Venus de tous les Etats de leur lointaine terre américaine, des milliers de jeunes hommes vont s'élancer pour reconquérir une liberté qui ne peut se concevoir sous une dictature.
1er juin - Londres - le Bomber Command sous pression.
Dans le bureau du maréchal Tedder, l'adjoint britannique d'Eisenhower, commandant de l'aviation anglaise, le marshal Harris rumine les propos désagréables tenus par Winston Churchill la veille, lors de la réunion habituelle de Storey's Gate.
Le vieux lion a rugi :
Passe encore sur le bombardement de zones en Allemagne, bien que je ne partage pas votre opinion sur ses résultats, mais appliquer cette stratégie sur les pays occupés me paraît une grave erreur, aussi bien sur le plan opérationnel que sur le plan psychologique.
Cette diatribe reprise par le général Charles Portal, membre du comité des chefs d'état-major et ancien responsable du Bomber Command, a atterré les présents à la réunion. Le général Harris n'a pas bronché, le général Cari Spaatz qui commande la 8e Air Force Américaine a fait la moue, bref, Portal n'a pas convaincu ses interlocuteurs, et pourtant Portal c'est la voix de Churchill, et celui-ci a ajouté : Je redoute avec ces raids meurtriers répétés que nous ne suscitions une vague de haine à l'égard des libérateurs. Ce raisonnement a ébranlé le flegme de l'Air Marshal Tedder, bras droit du général Eisenhower pour les Britanniques, d'autant que l'I.S. a adressé un rapport signalant que l'opinion des populations en Hollande, en Norvège, en Belgique et en France, est en train de basculer en raison des milliers de morts causés par les bombardements. Cette mise en garde de l'I.S. relayant celle du Premier ministre provoque un indéniable malaise parmi le commandement des forces aériennes. Mais ses chefs savent bien que sur ce drame des bombardements la propagande des nazis s'en donne à cœur joie. En France, d'imposantes affiches couvrent les murs, stigmatisant les raids aériens. À Paris, sur un fond de flammes, elles dénombrent les victimes des six derniers mois : plus de huit mille personnes tuées ou gravement blessées. À Lille, elles mettent en relief les destructions civiles. À Rouen, sur une image de cathédrale en ruine, on aperçoit l'ombre de Jeanne d'Arc avec cette phrase en gros caractères : Les assassins reviennent toujours sur les lieux de leur crime. À Nantes et à Saint-Nazaire, des panneaux représentent d'énormes bombes s'abattant sur des groupes d'enfants et à Bordeaux la même affiche interroge : Ça, des libérateurs ?
Dans toutes les villes, les orateurs et les scribes de la collaboration ressassent les mêmes slogans qui, en dépit du mépris dans lequel ils sont tenus, trouvent là un écho favorable. Même la Résistance s'émeut et des centaines de rapports parviennent à Londres pour demander l'arrêt de ces bombardements et proposer que les sites stratégiques soient désignés à ses groupes de sabotage, pourvu qu'on leur parachute le plastic et les explosifs nécessaires.
Dubitatif, Tedder a recueilli l'opinion du général Kœnig, responsable des Forces Françaises de l'Intérieur. Ce dernier n'a pas barguigné : C'est la guerre, il faut s'attendre à ce que des gens trouvent la mort... Nous serions prêts à accepter des pertes deux fois plus lourdes pour la libération.
Vu de Londres, oui, a marmonné Churchill lorsque Tedder lui a rapporté ces propos.
Mais pour l'heure, à quelques jours du démarrage de l'opération Overlord, ce sont les militaires qui restent maîtres des décisions. Harris et Spaatz, dont les théories reposaient sur l'effondrement moral des Allemands écrasés sous les bombes, ont dû revoir leurs plans sous la pression d'Eisenhower. Celui-ci veut qu'au Jour J l'ennemi ne dispose plus de moyens de communication routiers et ferroviaires. Pour cela, il faut auparavant détruire les gares de triage, les dépôts, les machines, les ponts, les tunnels, les ports et toutes les infrastructures abritant des matériels ennemis.
Alors le Bomber Command et la 8e Air Force exécutent les ordres. En Belgique, Liège, Gand, Courtrai, Anvers, Louvain entendent sans cesse le mugissement des sirènes annonciatrices des raids diurnes et nocturnes.
En France, toutes les villes situées au nord de la Loire et dans la vallée de la Seine reçoivent des tonnes de bombes. Lille, Cambrai, Boulogne, Douai, Amiens, Mulhouse, Calais, Abbeville, Rennes, Nantes, Troyes sont sans arrêt pilonnées, de même que les triages de Paris La Chapelle, Noisy-le-Sec, Trappes, Vaires-sur-Marne, Achères, Poissy, Juvisy, Villeneuve-Saint-Georges, Saint-Denis, Bobigny.
Malgré les systèmes de viseur Norden dont ils disposent, les aviateurs, surtout les Américains qui larguent de très haut, continueront à ruiner les cités françaises qui subiront jusqu'au dernier jour de leur occupation les ravages des bombardements.
Annulez ma tournée d'inspection d'après-demain, je dois recevoir la visite de Rommel qui s'apprête à prendre quelques jours de détente et va partir chez lui.
Le commandant en chef des armées de l'Ouest, le maréchal von Rundstedt, repose le combiné du téléphone sur son socle, tandis que son secrétaire s'empresse de noter ses instructions.
Appelez-moi Blumentritt.
Dès que son chef d'état-major eut pris place dans un fauteuil, le maréchal lui fit part de sa conversation avec Rommel :
Il parle de se rendre en Allemagne voir sa famille à Herrlingen, mais il veut surtout en profiter pour obtenir un rendez-vous avec Hitler.
Sans doute pour lui demander le rapprochement des Panzers plus près des côtes de la Manche, c'est son idée fixe.
Oui, pour la forme il a sollicité mon avis qui n'est pas favorable, je lui ai rappelé ma position sur ce sujet. Les blindés doivent rester en réserve pour être lancés le moment venu comme une lame déferlante sur les têtes de pont. En aucun cas nous ne devons les exposer au feu des pièces de marine. Gudérian et von Schweppenburg partagent cette opinion.
Cette convergence de vues sera-t-elle suffisante pour convaincre le Führer ? Rommel reste l'un de ses interlocuteurs favoris, on l'a encore constaté le mois dernier lorsqu'il a obtenu le renfort de la 352e D.I. dans les Veys, l'une de nos meilleures unités.
Je crois que ce déplacement s'imposait, il a eu raison sur ce point car je ne me fais guère d'illusions sur la valeur de nos éléments dans ce secteur. La 716e et la 709e sont formées avec des " bataillons de l'Est ". Et je ne vois pas tous ces Mongols, Cosaques, Ukrainiens, Kirghiz, Ouzbeks et autres Géorgiens se battre avec ardeur pour le Reich. Au premier assaut, ils brandiront le drapeau blanc. Non, croyez-moi Blumentritt, comme à l'Est la ligne de front potentiel est bien trop longue, c'est pourquoi je reste partisan de tenir à l'arrière les P.Z. (panzers) qui pourront intervenir sur tel ou tel point menacé. Le Führer n'aurait jamais dû accéder au désir de Rommel en lui confiant les 2e, 21e et 116e Panzer pour les cantonner près des côtes normandes. Si l'invasion se déclenche dans le Pas-de-Calais comme c'est probable, jamais ces unités ne pourront remonter à temps, aucun pont sur la Seine n'offrira de passage. Déjà presque tous sont détruits, la manœuvre des Alliés est évidente. Et je devrai mendier à l'O.K.W. l'autorisation de, lancer les quatre autres divisions blindées disponibles, car, aussi incroyable que cela puisse paraître, moi, commandant en chef à l'Ouest, je n'ai pas le pouvoir de les mettre en mouvement sans l'ordre du haut état-major de Berlin !
Von Rundstedt s'emportait et son visage s'empourprait de colère :
Comment cette cour servile de maréchaux et de généraux peut-elle supporter les ratiocinations de ce " caporal bohème " entouré de médiocres et de laquais comme Keitel ou Jodl ? Il dirige les meilleures armées d'Europe avec une incapacité et une incohérence qui défient le bon sens. En fonction de quoi, j'en suis réduit à commander des unités disparates sans soutien logistique. Je ne dispose d'aucune autorité sur la Kriegsmarine ni sur la Luftwaffe, et les divisions blindées ne peuvent bouger que lorsque mes ordres sont confirmés par l'O.K.W. En fait, je ne dirige qu'une armée de plantons et de boulangers. Et voilà maintenant que Rommel, qui est théoriquement sous mes ordres s'en va, comme il l'a déjà fait, en me passant au-dessus de la tête, exposer sa propre stratégie au Führer !
Blumentritt profita de ce que son supérieur reprenait son souffle pour intervenir :
Peut-être ne réussira-t-il pas à convaincre le Führer ?
Von Rundstedt consulta sa montre ; l'entretien était terminé, il allait maintenant partir pour ce restaurant de Bougival où il avait sa table réservée et où l'attendaient quelques officiers conviés à déjeuner avec lui.
Rommel, lui, en tournée d'inspection, partageait le repas des soldats à la roulante d'un bataillon.
1er juin - secteur de Newbury - Angleterre.
Depuis plusieurs semaines, les hommes de la 101e Aiborne, Les Aigles hurlants (Screaming Eagles) sont basés dans tous les villages entourant l'aérodrome de Newbury. À l'exception des gens nécessaires à la vie de la région, toute la population a été évacuée. Dans le sud de l'Angleterre, des mesures identiques ont été prises. Disciplinés, animés d'un désir de revanche, les habitants se sont repliés sans rechigner dans les secteurs qu'on leur a attribués. Du comté de Kent à celui du Dorset, la frange côtière sur une profondeur variable d'environ cent kilomètres, offre le spectacle d'un gigantesque camp militaire. Sur les bords des routes, sous les arbres, s'alignent les formes arrondies des milliers d'abris en tôle pleins d'obus et de torpilles. La moindre prairie regorge de chars, de jeeps, ou de camions. Les tentes militaires disposées en villages de toile occupent des hectares de campagne.
Les châteaux, les manoirs, les édifices publics et les cottages les plus spacieux hébergent les postes de commandement, les antennes de secours et les bureaux d'intendance, cependant que les salles des fêtes et les halles ont été transformées en cuisines et en entrepôts de ravitaillement. Chaque soir, un épais brouillard artificiel recouvre le sud du pays, interdisant toute visibilité aérienne. Plus haut, jusqu'en Écosse, les divisions américaines, britanniques et canadiennes sont regroupées dans de vastes complexes permettant aux unités de s'entraîner et de manœuvrer sans aucune crainte.
Toute la Grande-Bretagne vibre au rythme de l'activité militaire. Ses usines, ses chemins de fer, ses voies fluviales, ses ports, ses transports et même ses administrations travaillent pour le même but : équiper et préparer l'assaut de la forteresse Europe bâtie par le Führer nazi.
Venus de tous les Etats de leur lointaine terre américaine, des milliers de jeunes hommes vont s'élancer pour reconquérir une liberté qui ne peut se concevoir sous une dictature.
1er juin - Londres - le Bomber Command sous pression.
Dans le bureau du maréchal Tedder, l'adjoint britannique d'Eisenhower, commandant de l'aviation anglaise, le marshal Harris rumine les propos désagréables tenus par Winston Churchill la veille, lors de la réunion habituelle de Storey's Gate.
Le vieux lion a rugi :
Passe encore sur le bombardement de zones en Allemagne, bien que je ne partage pas votre opinion sur ses résultats, mais appliquer cette stratégie sur les pays occupés me paraît une grave erreur, aussi bien sur le plan opérationnel que sur le plan psychologique.
Cette diatribe reprise par le général Charles Portal, membre du comité des chefs d'état-major et ancien responsable du Bomber Command, a atterré les présents à la réunion. Le général Harris n'a pas bronché, le général Cari Spaatz qui commande la 8e Air Force Américaine a fait la moue, bref, Portal n'a pas convaincu ses interlocuteurs, et pourtant Portal c'est la voix de Churchill, et celui-ci a ajouté : Je redoute avec ces raids meurtriers répétés que nous ne suscitions une vague de haine à l'égard des libérateurs. Ce raisonnement a ébranlé le flegme de l'Air Marshal Tedder, bras droit du général Eisenhower pour les Britanniques, d'autant que l'I.S. a adressé un rapport signalant que l'opinion des populations en Hollande, en Norvège, en Belgique et en France, est en train de basculer en raison des milliers de morts causés par les bombardements. Cette mise en garde de l'I.S. relayant celle du Premier ministre provoque un indéniable malaise parmi le commandement des forces aériennes. Mais ses chefs savent bien que sur ce drame des bombardements la propagande des nazis s'en donne à cœur joie. En France, d'imposantes affiches couvrent les murs, stigmatisant les raids aériens. À Paris, sur un fond de flammes, elles dénombrent les victimes des six derniers mois : plus de huit mille personnes tuées ou gravement blessées. À Lille, elles mettent en relief les destructions civiles. À Rouen, sur une image de cathédrale en ruine, on aperçoit l'ombre de Jeanne d'Arc avec cette phrase en gros caractères : Les assassins reviennent toujours sur les lieux de leur crime. À Nantes et à Saint-Nazaire, des panneaux représentent d'énormes bombes s'abattant sur des groupes d'enfants et à Bordeaux la même affiche interroge : Ça, des libérateurs ?
Dans toutes les villes, les orateurs et les scribes de la collaboration ressassent les mêmes slogans qui, en dépit du mépris dans lequel ils sont tenus, trouvent là un écho favorable. Même la Résistance s'émeut et des centaines de rapports parviennent à Londres pour demander l'arrêt de ces bombardements et proposer que les sites stratégiques soient désignés à ses groupes de sabotage, pourvu qu'on leur parachute le plastic et les explosifs nécessaires.
Dubitatif, Tedder a recueilli l'opinion du général Kœnig, responsable des Forces Françaises de l'Intérieur. Ce dernier n'a pas barguigné : C'est la guerre, il faut s'attendre à ce que des gens trouvent la mort... Nous serions prêts à accepter des pertes deux fois plus lourdes pour la libération.
Vu de Londres, oui, a marmonné Churchill lorsque Tedder lui a rapporté ces propos.
Mais pour l'heure, à quelques jours du démarrage de l'opération Overlord, ce sont les militaires qui restent maîtres des décisions. Harris et Spaatz, dont les théories reposaient sur l'effondrement moral des Allemands écrasés sous les bombes, ont dû revoir leurs plans sous la pression d'Eisenhower. Celui-ci veut qu'au Jour J l'ennemi ne dispose plus de moyens de communication routiers et ferroviaires. Pour cela, il faut auparavant détruire les gares de triage, les dépôts, les machines, les ponts, les tunnels, les ports et toutes les infrastructures abritant des matériels ennemis.
Alors le Bomber Command et la 8e Air Force exécutent les ordres. En Belgique, Liège, Gand, Courtrai, Anvers, Louvain entendent sans cesse le mugissement des sirènes annonciatrices des raids diurnes et nocturnes.
En France, toutes les villes situées au nord de la Loire et dans la vallée de la Seine reçoivent des tonnes de bombes. Lille, Cambrai, Boulogne, Douai, Amiens, Mulhouse, Calais, Abbeville, Rennes, Nantes, Troyes sont sans arrêt pilonnées, de même que les triages de Paris La Chapelle, Noisy-le-Sec, Trappes, Vaires-sur-Marne, Achères, Poissy, Juvisy, Villeneuve-Saint-Georges, Saint-Denis, Bobigny.
Malgré les systèmes de viseur Norden dont ils disposent, les aviateurs, surtout les Américains qui larguent de très haut, continueront à ruiner les cités françaises qui subiront jusqu'au dernier jour de leur occupation les ravages des bombardements.
Logico- Major
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Date d'inscription : 31/07/2006
La Résistance Normande en Action
1er juin - La Roche-Guyon - Q. G. du maréchal Rommel.
Rommel rend à son officier d'ordonnance Staubwasser le rapport qu'il a étudié tôt le matin, et que ce dernier a rédigé dans la nuit à la suite de l'examen que les deux hommes ont effectué la veille.
Vous avez raison, je pense moi aussi que l'O.K.W. (Oberkommando der Wehrmacht, haut commandement allemand) se trompe. Il n'y aura qu'un débarquement, soit en baie de Seine, soit en baie de Somme, le reste n'est que de la poudre aux yeux.
Le Feldmarschall se dirige vers les portes-fenêtres de son bureau lambrissé. Pensivement, il contemple la roseraie et les pelouses bien tondues, puis il revient vers son collaborateur qui se tient respectueusement debout près de la table de travail.
Oui je crains que ces fameuses opérations de diversion prédites par ces messieurs de Berlin ne soient qu'un leurre destiné à immobiliser nos panzers éparpillés bien trop loin des côtes. Les Alliés nous ont déjà montré leurs capacités en ce domaine à maintes reprises.
Mais ne devons-nous pas tenir compte de la présence d'un groupe d'armées à l'est de l'Angleterre, face au Pas-de-Calais ?
Cette concentration, Staubwasser, apparue brusquement à grands renforts de trompettes, me surprend et me laisse sceptique. Lorsqu'on prépare une opération d'une telle envergure, on fait preuve habituellement d'un peu plus de discrétion.
Certes, monsieur le Feldmarschall, mais elle a tout de même été placée sous les ordres de Patton, un général renommé pour ses capacités à diriger des unités de grande valeur, et puis nos reconnaissances aériennes en ont photographié des multitudes de traces, ce qui corrobore la réalité de cette armée.
C'est vrai, mais vous aurez remarqué aussi qu'aucun avion n'a pu survoler les côtes anglaises de l'Ouest, toujours plongées dans le brouillard, et la chasse britannique fait bonne garde à leur approche. Cette différence m'intrigue, je la trouve anormale, et l'O.K.W. semble s'y laisser prendre. Je ne comprends pas le revirement du Führer qui encore au début de ce mois informait Rundstedt que l'offensive ennemie ne pouvait avoir lieu qu'en Normandie. Peut-être le F.H.W. possède-t-il des informations tenues secrètes ? Quoi qu'il en soit, je maintiens mon opinion, l'invasion aura lieu sur un seul front et probablement en baie de Seine. Si j'étais à la place d'Eisenhower et de Montgomery, dont je connais la rouerie pour l'avoir affrontée en Afrique, c'est là que j'attaquerais. C'est là que le secteur du mur est le plus vulnérable et les deux ports à ses extrémités, Cherbourg et Le Havre, sont indispensables aux approvisionnements d'un Corps expéditionnaire. C'est là également que les fonds marins se prêtent le mieux à des opérations amphibies. C'est là enfin que l'abri des vents est le meilleur. Oui, malgré la plus longue distance, mon choix se porterait sur cette bande côtière. Une offensive dans le Pas-de-Calais ne pourrait être qu'une diversion. C'est pourquoi il est nécessaire que les divisions blindées soient ramenées près des côtes. J'en suis convaincu. S'il le faut, je passerai par-dessus la tête de l'O.K.W. et j'irai voir le Führer pour lui expliquer tout cela.
Rommel se redresse et paraît s'absorber une nouvelle fois sur le riant panorama s'étendant devant le château.
Un heurt discret à la porte interrompt sa méditation, et sur son invite le capitaine Lang, son aide de camp, pénètre dans la pièce.
Voici le dernier rapport sur les bombardements d'hier.
Merci, voyons un peu ça : pilonnage des triages et des axes routiers dans le Nord, et nous notons que les raids d'hier sur les ponts de Gaillon, de Vernon et de Mantes, dont nous avons constaté les dégâts, ont été suivis par ceux qui ont détruit les viaducs sur la Seine à Rouen, Oisel, Elbeuf, Pont-de-l'Arche, et Courcelles. Apparemment la manœuvre tend à isoler la Normandie de la Picardie et vice-versa. C'est pourquoi je persiste à penser que l'invasion se fera soit en baie de Seine, soit en baie de Somme.
Le général Speidel qui suit particulièrement l'action de la Résistance a démontré hier que celle-ci est beaucoup plus virulente dans le Nord et en Champagne qu'en Normandie actuellement.
Cela ne prouve pas grand-chose, rappelez-vous que c'était exactement l'inverse ces temps derniers. Les terroristes normands nous ont sérieusement compliqué la tâche par leurs sabotages depuis l'automne, et s'ils sont moins virulents depuis un mois, cela est sans doute dû aux réactions de la Gestapo rappelée à davantage de vigueur par l'E.M., mais les plus dangereux restent leurs réseaux qui informent continuellement les Anglais en dépit des coupes sombres opérées dans leurs rangs. Ils sont comme l'hydre de Lerne, plus on leur coupe de têtes, plus il en repousse. Chacun de nos revers les fortifie, ils ont dépassé les degrés de la crainte et de l'angoisse pour atteindre ceux de l'espoir. Dans la population d'aujourd'hui, malgré le contrecoup des bombardements, ils prolifèrent comme les poissons-chats dans l'étang de La Roche. De toute façon, quel que soit le lieu de débarquement, nous aurons à subir les morsures des terroristes sur nos arrières.
Nous sommes au mois de juin, et les Alliés n'ont pas profité de la clémence de mai. Or nous savons qu'ils sont prêts, cet attentisme paraît curieux, d'autant plus qu'ils n'ignorent pas que le Führer a déclaré que nos armes secrètes allaient devenir opérationnelles dans quelques semaines.
Ne nous plaignons pas de ce répit car nos défenses sont loin d'être terminées, surtout du Tréport à Brest. Les plages demeurent trop accessibles et les zones de l'arrière insuffisamment fortifiées. Quant aux armes secrètes, elles ne nous seront d'aucune utilité pour repousser l'assaillant. Voyez-vous Messieurs, comme nos services sont incapables de nous fournir la date de l'invasion, nous devons l'attendre tous les jours car effectivement ils sont prêts. Mais ne croyez pas qu'ils attaqueront par beau temps et à marée haute, non, ils viendront sous un ciel couvert et à marée montante car ils savent que l'effet de surprise n'en sera que plus grand. C'est en tout cas ainsi que j'agirais.
Rommel quitta à nouveau sa table pour aller se planter devant la carte murale au fond de son bureau. Sa main droite suivit le dessin de la côte de la Somme à Cherbourg :
C'est là, sur le rivage qu'il faudra les rejeter avec nos panzers avant que ne débarquent leurs chars, sinon... Croyez-moi ce jour J sera pour nous le jour le plus long, et si nous n'en sommes pas vainqueurs la guerre sera perdue.
1er juin - 20 h00 - Saint-Lô - Direction des P. T. T.
En cette fin de journée où nous avons vu le maréchal Rommel examiner et juger la situation avec lucidité et prémonition, dans les sous-sols de la direction des P.T.T. de Saint-Lô, le groupe des postiers résistants est réuni. Clément Seger, chef du centre d'amplification est venu tout spécialement pour fournir les indications sur les actions à entreprendre : Voici le plan de nos interventions sur les câbles et les centraux au jour J, il m'a été remis hier par Leveillé (responsable des groupes Action-P.T.T. pour le Calvados et la Manche).
René Crouzeau, chef du groupe de la ville, le détaille aussitôt : détruire les deux centraux surtout celui du sous-sol où aboutissent toutes les lignes du front de mer, détruire les stations d'harmoniques au 1er étage, couper tous les câbles prioritaires et les lignes aériennes, rendre inutilisables les L.S.G.D.
Autour de lui ses camarades examinent gravement les schémas.
Marcel Richer, Jean Sanson, Etienne Bobo, Raymond Robin, Auguste Lerable, Jacques Albertini, et Auguste Le Sénécal, tous vieux briscards des sabotages, jaugent immédiatement les difficultés des actions demandées. Marcel Richer qui fut à la base de la constitution du groupe fait la grimace :
Pour parvenir jusqu'aux centraux, il faut neutraliser la garde allemande.
Je ne pense pas que cela soit un problème, répond Crouzeau, nous venons de recevoir des armes et nous savons les utiliser, et il faut compter sur l'effet de surprise. Voilà ce que je propose comme plan d'action : l'équipe de Marcel avec Etienne et Auguste s'occupera du central de l'étage. Nous demanderons à Blin, rédacteur à la direction, de faire une diversion et à Charles Marchesseau du contrôle d'en créer une autre à l'I.E.M. (Installations électromagnétiques). Avec Jean, je couvrirai l'action. Pour le central du sous-sol, le groupe de Raymond interviendra simultanément avec le renfort de l'équipe de Deschamps. Clément aura repéré le point de coupure des L.S.G.D. et des câbles prioritaires, et nous y conduira ensuite. Les lignes aériennes seront l'affaire de Raymond Chivet et de son groupe d'Avranches. Sitôt que tout sera terminé, nous nous replierons, comme le précisaient les directives précédentes, au camp de Beaucoudray et nous y resterons à la dis-position de Fillâtre et de Pruvost. Ah ! encore une chose, n'oubliez pas d'appliquer les consignes de sauvegarde pour les familles qui devront immédiatement rejoindre leurs lieux de recueil prévus le mois dernier. C'est une mesure de sécurité car il faut redouter une possible réaction des Allemands à leur égard après les sabotages. Après une réflexion commune sur les actions à venir, le groupe se sépara. Cette petite formation résistante appartenant depuis fin 1941 au mouvement Action P.T.T. a déjà beaucoup donné pour la lutte clandestine, plusieurs de ses membres arrêtés le 13 mars ont été incarcérés à la prison de Saint-Lô et ils seront ensevelis sous les décombres de cette maison d'arrêt lors des bombardements qui anéantiront la ville un peu plus tard. Mais c'est un rescapé de ce groupe-franc, Maurice Loridant, qui réussira à se procurer une carte d'état-major allemand indiquant les routes stratégiques, les dépôts de munitions, de carburant, les bases de l'aviation et les P.C. ennemis dans le Cotentin. Cette carte expédiée à Londres par le canal du réseau de Renaud-Dandicolle, coordinateur parachuté pour diriger le maquis de Saint-Clair dans la région du bocage virois, arriva bien à Londres puisque les principaux points indiqués furent bombardés par la R.A.F.
Malheureusement la tragédie du maquis de Beaucoudray le 14 juin se termina par la mort de onze membres de l'équipe de Saint-Lô, dont son responsable René Crouzeau.
1er juin - La Perdrière (Orne) hameau de Francheville.
Au fond de ce hameau, dans un hangar appartenant au menuisier Guyot, chef de groupe de la résistance ornaise, une dizaine de responsables locaux des formations clandestines sont rassemblés. Convoqués par le chef départemental de l'A.S. de l'Orne, Desmeulles, certains n'ont pas hésité à effectuer un long déplacement pour répondre à la demande du responsable des forces clandestines. Toutes obédiences confondues, ils attendent avec impatience les consignes qui doivent leur être données pour l'application des plans vert, violet, bleu, et bibendum, qui seront exécutés dans ce département particulièrement cité dans les ordres des services londoniens.
Présents : Jean Soubabère et Paul Valet des F.T.P. d'Argentan, Maurice Vernimmen et André Mazeline pour les maquisards du Bois-de-l'Evêque et de Gouffern, Robert Bernier de Flers, Almire Viel chef des maquisards de Lignières-la-Doucelle, Alphonse Vaudron chef de ceux de Bellême, Étienne Panthou de l'Aigle, ainsi que les responsables des Corps-francs : Paul Saniez, Emile Peschard, Jean Lincker, Pierre Nez, André Vimal du Bouchet, Constant Dauvergne, Olivier Challemel du Rozier, Jérôme Levesque, ainsi que l'adjoint de Daniel Desmeulles, le représentant des F.T.P.F. Raymond Noël.
Rommel rend à son officier d'ordonnance Staubwasser le rapport qu'il a étudié tôt le matin, et que ce dernier a rédigé dans la nuit à la suite de l'examen que les deux hommes ont effectué la veille.
Vous avez raison, je pense moi aussi que l'O.K.W. (Oberkommando der Wehrmacht, haut commandement allemand) se trompe. Il n'y aura qu'un débarquement, soit en baie de Seine, soit en baie de Somme, le reste n'est que de la poudre aux yeux.
Le Feldmarschall se dirige vers les portes-fenêtres de son bureau lambrissé. Pensivement, il contemple la roseraie et les pelouses bien tondues, puis il revient vers son collaborateur qui se tient respectueusement debout près de la table de travail.
Oui je crains que ces fameuses opérations de diversion prédites par ces messieurs de Berlin ne soient qu'un leurre destiné à immobiliser nos panzers éparpillés bien trop loin des côtes. Les Alliés nous ont déjà montré leurs capacités en ce domaine à maintes reprises.
Mais ne devons-nous pas tenir compte de la présence d'un groupe d'armées à l'est de l'Angleterre, face au Pas-de-Calais ?
Cette concentration, Staubwasser, apparue brusquement à grands renforts de trompettes, me surprend et me laisse sceptique. Lorsqu'on prépare une opération d'une telle envergure, on fait preuve habituellement d'un peu plus de discrétion.
Certes, monsieur le Feldmarschall, mais elle a tout de même été placée sous les ordres de Patton, un général renommé pour ses capacités à diriger des unités de grande valeur, et puis nos reconnaissances aériennes en ont photographié des multitudes de traces, ce qui corrobore la réalité de cette armée.
C'est vrai, mais vous aurez remarqué aussi qu'aucun avion n'a pu survoler les côtes anglaises de l'Ouest, toujours plongées dans le brouillard, et la chasse britannique fait bonne garde à leur approche. Cette différence m'intrigue, je la trouve anormale, et l'O.K.W. semble s'y laisser prendre. Je ne comprends pas le revirement du Führer qui encore au début de ce mois informait Rundstedt que l'offensive ennemie ne pouvait avoir lieu qu'en Normandie. Peut-être le F.H.W. possède-t-il des informations tenues secrètes ? Quoi qu'il en soit, je maintiens mon opinion, l'invasion aura lieu sur un seul front et probablement en baie de Seine. Si j'étais à la place d'Eisenhower et de Montgomery, dont je connais la rouerie pour l'avoir affrontée en Afrique, c'est là que j'attaquerais. C'est là que le secteur du mur est le plus vulnérable et les deux ports à ses extrémités, Cherbourg et Le Havre, sont indispensables aux approvisionnements d'un Corps expéditionnaire. C'est là également que les fonds marins se prêtent le mieux à des opérations amphibies. C'est là enfin que l'abri des vents est le meilleur. Oui, malgré la plus longue distance, mon choix se porterait sur cette bande côtière. Une offensive dans le Pas-de-Calais ne pourrait être qu'une diversion. C'est pourquoi il est nécessaire que les divisions blindées soient ramenées près des côtes. J'en suis convaincu. S'il le faut, je passerai par-dessus la tête de l'O.K.W. et j'irai voir le Führer pour lui expliquer tout cela.
Rommel se redresse et paraît s'absorber une nouvelle fois sur le riant panorama s'étendant devant le château.
Un heurt discret à la porte interrompt sa méditation, et sur son invite le capitaine Lang, son aide de camp, pénètre dans la pièce.
Voici le dernier rapport sur les bombardements d'hier.
Merci, voyons un peu ça : pilonnage des triages et des axes routiers dans le Nord, et nous notons que les raids d'hier sur les ponts de Gaillon, de Vernon et de Mantes, dont nous avons constaté les dégâts, ont été suivis par ceux qui ont détruit les viaducs sur la Seine à Rouen, Oisel, Elbeuf, Pont-de-l'Arche, et Courcelles. Apparemment la manœuvre tend à isoler la Normandie de la Picardie et vice-versa. C'est pourquoi je persiste à penser que l'invasion se fera soit en baie de Seine, soit en baie de Somme.
Le général Speidel qui suit particulièrement l'action de la Résistance a démontré hier que celle-ci est beaucoup plus virulente dans le Nord et en Champagne qu'en Normandie actuellement.
Cela ne prouve pas grand-chose, rappelez-vous que c'était exactement l'inverse ces temps derniers. Les terroristes normands nous ont sérieusement compliqué la tâche par leurs sabotages depuis l'automne, et s'ils sont moins virulents depuis un mois, cela est sans doute dû aux réactions de la Gestapo rappelée à davantage de vigueur par l'E.M., mais les plus dangereux restent leurs réseaux qui informent continuellement les Anglais en dépit des coupes sombres opérées dans leurs rangs. Ils sont comme l'hydre de Lerne, plus on leur coupe de têtes, plus il en repousse. Chacun de nos revers les fortifie, ils ont dépassé les degrés de la crainte et de l'angoisse pour atteindre ceux de l'espoir. Dans la population d'aujourd'hui, malgré le contrecoup des bombardements, ils prolifèrent comme les poissons-chats dans l'étang de La Roche. De toute façon, quel que soit le lieu de débarquement, nous aurons à subir les morsures des terroristes sur nos arrières.
Nous sommes au mois de juin, et les Alliés n'ont pas profité de la clémence de mai. Or nous savons qu'ils sont prêts, cet attentisme paraît curieux, d'autant plus qu'ils n'ignorent pas que le Führer a déclaré que nos armes secrètes allaient devenir opérationnelles dans quelques semaines.
Ne nous plaignons pas de ce répit car nos défenses sont loin d'être terminées, surtout du Tréport à Brest. Les plages demeurent trop accessibles et les zones de l'arrière insuffisamment fortifiées. Quant aux armes secrètes, elles ne nous seront d'aucune utilité pour repousser l'assaillant. Voyez-vous Messieurs, comme nos services sont incapables de nous fournir la date de l'invasion, nous devons l'attendre tous les jours car effectivement ils sont prêts. Mais ne croyez pas qu'ils attaqueront par beau temps et à marée haute, non, ils viendront sous un ciel couvert et à marée montante car ils savent que l'effet de surprise n'en sera que plus grand. C'est en tout cas ainsi que j'agirais.
Rommel quitta à nouveau sa table pour aller se planter devant la carte murale au fond de son bureau. Sa main droite suivit le dessin de la côte de la Somme à Cherbourg :
C'est là, sur le rivage qu'il faudra les rejeter avec nos panzers avant que ne débarquent leurs chars, sinon... Croyez-moi ce jour J sera pour nous le jour le plus long, et si nous n'en sommes pas vainqueurs la guerre sera perdue.
1er juin - 20 h00 - Saint-Lô - Direction des P. T. T.
En cette fin de journée où nous avons vu le maréchal Rommel examiner et juger la situation avec lucidité et prémonition, dans les sous-sols de la direction des P.T.T. de Saint-Lô, le groupe des postiers résistants est réuni. Clément Seger, chef du centre d'amplification est venu tout spécialement pour fournir les indications sur les actions à entreprendre : Voici le plan de nos interventions sur les câbles et les centraux au jour J, il m'a été remis hier par Leveillé (responsable des groupes Action-P.T.T. pour le Calvados et la Manche).
René Crouzeau, chef du groupe de la ville, le détaille aussitôt : détruire les deux centraux surtout celui du sous-sol où aboutissent toutes les lignes du front de mer, détruire les stations d'harmoniques au 1er étage, couper tous les câbles prioritaires et les lignes aériennes, rendre inutilisables les L.S.G.D.
Autour de lui ses camarades examinent gravement les schémas.
Marcel Richer, Jean Sanson, Etienne Bobo, Raymond Robin, Auguste Lerable, Jacques Albertini, et Auguste Le Sénécal, tous vieux briscards des sabotages, jaugent immédiatement les difficultés des actions demandées. Marcel Richer qui fut à la base de la constitution du groupe fait la grimace :
Pour parvenir jusqu'aux centraux, il faut neutraliser la garde allemande.
Je ne pense pas que cela soit un problème, répond Crouzeau, nous venons de recevoir des armes et nous savons les utiliser, et il faut compter sur l'effet de surprise. Voilà ce que je propose comme plan d'action : l'équipe de Marcel avec Etienne et Auguste s'occupera du central de l'étage. Nous demanderons à Blin, rédacteur à la direction, de faire une diversion et à Charles Marchesseau du contrôle d'en créer une autre à l'I.E.M. (Installations électromagnétiques). Avec Jean, je couvrirai l'action. Pour le central du sous-sol, le groupe de Raymond interviendra simultanément avec le renfort de l'équipe de Deschamps. Clément aura repéré le point de coupure des L.S.G.D. et des câbles prioritaires, et nous y conduira ensuite. Les lignes aériennes seront l'affaire de Raymond Chivet et de son groupe d'Avranches. Sitôt que tout sera terminé, nous nous replierons, comme le précisaient les directives précédentes, au camp de Beaucoudray et nous y resterons à la dis-position de Fillâtre et de Pruvost. Ah ! encore une chose, n'oubliez pas d'appliquer les consignes de sauvegarde pour les familles qui devront immédiatement rejoindre leurs lieux de recueil prévus le mois dernier. C'est une mesure de sécurité car il faut redouter une possible réaction des Allemands à leur égard après les sabotages. Après une réflexion commune sur les actions à venir, le groupe se sépara. Cette petite formation résistante appartenant depuis fin 1941 au mouvement Action P.T.T. a déjà beaucoup donné pour la lutte clandestine, plusieurs de ses membres arrêtés le 13 mars ont été incarcérés à la prison de Saint-Lô et ils seront ensevelis sous les décombres de cette maison d'arrêt lors des bombardements qui anéantiront la ville un peu plus tard. Mais c'est un rescapé de ce groupe-franc, Maurice Loridant, qui réussira à se procurer une carte d'état-major allemand indiquant les routes stratégiques, les dépôts de munitions, de carburant, les bases de l'aviation et les P.C. ennemis dans le Cotentin. Cette carte expédiée à Londres par le canal du réseau de Renaud-Dandicolle, coordinateur parachuté pour diriger le maquis de Saint-Clair dans la région du bocage virois, arriva bien à Londres puisque les principaux points indiqués furent bombardés par la R.A.F.
Malheureusement la tragédie du maquis de Beaucoudray le 14 juin se termina par la mort de onze membres de l'équipe de Saint-Lô, dont son responsable René Crouzeau.
1er juin - La Perdrière (Orne) hameau de Francheville.
Au fond de ce hameau, dans un hangar appartenant au menuisier Guyot, chef de groupe de la résistance ornaise, une dizaine de responsables locaux des formations clandestines sont rassemblés. Convoqués par le chef départemental de l'A.S. de l'Orne, Desmeulles, certains n'ont pas hésité à effectuer un long déplacement pour répondre à la demande du responsable des forces clandestines. Toutes obédiences confondues, ils attendent avec impatience les consignes qui doivent leur être données pour l'application des plans vert, violet, bleu, et bibendum, qui seront exécutés dans ce département particulièrement cité dans les ordres des services londoniens.
Présents : Jean Soubabère et Paul Valet des F.T.P. d'Argentan, Maurice Vernimmen et André Mazeline pour les maquisards du Bois-de-l'Evêque et de Gouffern, Robert Bernier de Flers, Almire Viel chef des maquisards de Lignières-la-Doucelle, Alphonse Vaudron chef de ceux de Bellême, Étienne Panthou de l'Aigle, ainsi que les responsables des Corps-francs : Paul Saniez, Emile Peschard, Jean Lincker, Pierre Nez, André Vimal du Bouchet, Constant Dauvergne, Olivier Challemel du Rozier, Jérôme Levesque, ainsi que l'adjoint de Daniel Desmeulles, le représentant des F.T.P.F. Raymond Noël.
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La Résistance Normande en ActionVoici, informe le chef de l'
Voici, informe le chef de l'A.S., les dernières directives qui nous sont adressées pour les interventions prévues :
1) Coupure de la route Alençon-Domfront à Couptrain, à la sortie est du bourg le long du ravin qui se trouve à environ 800 mètres.
2) Coupure de la route Angers-Caen, sortie nord-ouest de la ville à Domfront au lieu-dit Le pont de Caen.
3) Toujours sur Domfront, route de La Ferté-Macé, dans le bois à trois kilomètres de la ville au carrefour de Champsecret.
4) Sur la route Alençon-Bernay, à Marmouillé quatre kilomètres avant Nonant-le-Pin, dans le bosquet à droite avant le carrefour.
5) Sur la route Argentan-L'Aigle, à la Grande Savetière à deux kilomètres à l'est de Sainte-Gauburge, sous les talus à l'intersection du hameau.
6) Sur la route Alençon-Verneuil, à Saint-Maurice-les-Charencey au lieu-dit la Blotière à deux kilomètres au nord-ouest du village.
Pas de changement pour les autres points prévus dans les instructions du 8 mai dernier.
Chacun des présents a noté ce qui concerne son secteur. Pour ces hommes qui affrontent le risque permanent depuis longtemps, ces actions à entreprendre dès la réception des messages ne présentent pas plus de difficultés que toutes celles qu'ils ont déjà exécutées. Ils ne veulent pas penser à tous leurs camarades victimes des rafles de la Gestapo, ni à ceux arrêtés à la suite de trahisons. Tendus vers un seul but, libérer leur sol, ils vivent au jour le jour dans ce climat perpétuel de défiance et d'exaltation à la fois sous-jacente et omniprésente.
Avons-nous au moins quelques indications sur le lieu et la date du débarquement ? s'informe Mazeline.
Sur la date aucune, si ce n'est qu'elle est très proche. Quant au lieu, tout ce que je suis autorisé à vous dire, c'est que notre département fait partie des quatre régions qui pourraient être concernées. En même temps que les directives que je vous ai données, j'ai reçu la liste des emplacements anti-chars. Rien de plus pour l'instant.
Justement, questionne Soubabère, pour ce dernier point, n'est-il pas anormal que les équipes d'encadrement S.A.S. prévues ne soient pas encore parachutées ? Et l'armement lourd ?
C'est vrai, renchérit Vaudron, chef du maquis de Saint-Cyr-la-Rosière (entre Bellême et Nogent-le-Rotrou), est-ce qu'à Londres on ne se fout pas un peu de notre gueule ? Nous n'avons même pas un F.M. ! Le dernier parachutage de la semaine dernière ne nous a même pas fourni un malheureux bazooka ! Est-ce qu'ils croient qu'on va bloquer les blindés de Nogent-le-Rotrou avec les méchantes Sten reçues ?
Mais je le sais mon vieux Alphonse ! à chaque vacation radio j'insiste pour que l'on nous envoie de l'armement lourd. Mais jusqu'à présent, il semble bien que seuls les groupes de Rânes en aient reçu. Vous n'ignorez pas, et vous en connaissez les raisons, que nous n'avons aucun contact avec les équipes de Foccart. Il faudra bien, intervient Panthou, que le moment venu il s'explique sur son comportement marginal.
En attendant, coupe Raymond Noël, les secteurs d'Argentan et de L'Aigle n'ont toujours pas le cinquième des armes dont ils auront besoin pour appliquer les plans prévus !
Desmeulles demeure silencieux. Sans doute ressent-il le poids écrasant de ses responsabilités. Ce jeune professeur que rien ne prédestinait à devenir le chef de la Résistance ornaise avait dû passer la main en janvier pour se soustraire aux recherches de la Gestapo qui le serrait de près. Mais son successeur, Romain Darchy, ayant été arrêté, il était courageusement revenu à son poste. En ce début de juin pressent-il qu'il tombera dans un guet-apens douze jours plus tard lors d'une inspection des maquisards de Lignières-la-Doucelle, et qu'il ne survivra pas au chemin de tortures aboutissant à un camp de la mort ?
Et parmi ceux qui sont là aujourd'hui à ses côtés pour préparer leurs groupes à la réalisation de l'opération Overlord, trois autres tomberont sans avoir connu les joies de la libération : Etienne Panthou, fusillé le 28 juin, Fernand Chasseguet exécuté le 9 août, André Vimal du Bouchet tué au combat le 17 août.
Avec eux, deux cent cinquante-deux résistants ornais se seront sacrifiés.
Mais pour l'heure, dans ce hangar dissimulé qui sert de relais aux chefs clandestins, seule compte la perspective de l'action immédiate, et André Mazeline futur colonel dans la 1re Armée, conclura la réunion par cette boutade :
Si les armes antichars ne sont pas arrivées à temps, nous abattrons des arbres pour barrer les routes ! Ça, on sait le faire !
Dans huit jours, cette boutade deviendra une réalité.
1er juin - Londres - Q. G. Churchill - Storey's Gate.
Les autorités politiques refusent de prendre en considération les tentatives de dialogue de la Schwarze Kapelle. Pour elles, seule la solution militaire peut mettre fin à la guerre.
Le lieutenant-colonel Ronald Wingate, l'un des chefs du L.C.S. (London Controlling Section), manifeste son amertume. Assis en face de lui, le colonel John Bevan, son homologue, hausse les épaules :
C'est surtout l'avis du président Roosevelt. Et pourtant de tels contacts favoriseraient nos opérations de leurre stratégique.
Oui, cela nous ouvrirait de sacrées perspectives sur le sort de la bataille. Si nous prêtions une oreille attentive à leurs appels du pied, sans doute les généraux allemands membres de la Schwarze Kapelle s'en trouveraient-ils confortés dans leurs convictions et, partant, plus résolus que jamais à éliminer Hitler pour négocier la paix rapidement.
C'est précisément pour cela que le Département d'Etat se refuse à tous pourparlers. Les accords de la conférence de Téhéran stipulent qu'il n'y aura pas de paix séparée. Roosevelt ne contrariera pas Staline sur ce point édicté par le Kremlin.
Wingate prit un dossier sur la table dont il sortit plusieurs feuillets :
Et pourtant ce n'était pas mal engagé, il suffit de relire le rapport d'Ollivier. Canaris n'était pas particulièrement exigeant et il nous a prouvé sa sincérité. Je regrette qu'on lui ait opposé une fin de non-recevoir. Puissions-nous ne pas avoir à le regretter un jour !
Oui, surtout si par malheur le F.H.W. a percé notre opération Fortitude.
Bevan rassembla les papiers épars sur lesquels ils venaient de se pencher et alla les déposer dans un coffre mural.
L'éventualité de la dernière phrase de leur dialogue hantait leurs nuits, car les deux hommes portaient l'écrasante responsabilité de ce plan, clef de voûte de la réussite ou de l'échec d'Overlord. Dans ce dernier cas, des milliers d'hommes auraient été sacrifiés pour rien.
Sans échanger d'autres paroles, ils quittèrent la pièce. Quoi qu'il advienne, Bevan et Wingate traîneraient toujours derrière eux cette casserole qu'était Fortitude.
1er juin – Evreux – La Résistance normande se compte.
La B.B.C. vient de diffuser le message L'heure des combats viendra et les principaux responsables de la résistance normande l'entendent avec à la fois joie et crainte. Joie, parce que cette phrase code est le premier signal de la mobilisation des clandestins, elle signifie donc que le débarquement est tout proche. Crainte, parce que les chefs rescapés des rafles allemandes, savent bien qu'ils vont devoir déclencher les interventions prévues aux plans vert, violet, bleu, jaune et rouge, sans posséder tous les moyens pour les accomplir.
Ceux qui vont avoir cette charge, Parléani dans le Calvados, Baudot-Breteuil dans l'Eure, Desmeulles dans l'Orne, Gresselin dans la Manche, Multrier en Seine-Inférieure, s'efforcent surtout de reconstituer leurs effectifs dispersés par les attaques de la Gestapo. Tant bien que mal, ils sont parvenus à recomposer leurs groupes et leurs Corps-francs, cela ne s'est pas mal passé pour Gresselin dans le Cotentin et pour Multrier en Pays de Caux et dans les massifs de Lyons, mais leurs émules du Calvados, de l'Eure et de l'Orne, en sont à reformer des équipes en beaucoup de secteurs.
Et il reste toujours cette question lancinante du manque de moyens, surtout d'armement lourd. Depuis le début du mois de mai, les messages destinés aux différents secteurs sélection-nés pour les parachutages ont été transmis, ce sont : Voici venir la Saint-Jean pour le maquis Surcouf, Demain il sera trop tard pour les Corps-francs de l'Orne, Le cinéma ferme à minuit pour le réseau Malter, Avez-vous retrouvé vos amis pour le maquis La Marseillaise, Les poussins sont éclos pour le réseau Donkeyman, Les enfants s'ennuient le dimanche pour le maquis d'Écouves, Mon cheval préfère la verdure pour le maquis de l'O.R.A. à Lyons.
Mais il reste à savoir, et c'est l'interrogation qui est posée à chaque chef de région : quand? Et de quoi seront remplis les containers ? Des questions auxquelles ils ne peuvent absolument pas répondre, ce qui parfois amène bien des discussions.
Depuis la veille, les six instructions définitives concernant les actions prioritaires ont été fournies par les D.M.R. Elles indiquent :
– Les points de coupures des voies ferrées à j – 1.
– Les zones d'interventions sur les transmissions à j – 1.
– Les lieux de barrages routiers à j et à j + 1.
– Les postes pour les armes anti-chars au jour J et J + 1.
– Les messages personnels pour chaque secteur.
— Les plans de sabotages de l'énergie à j — 1 et J.
1. Le chiffre entre parenthèses en fin de ligne indique le nombre de points d'interventions. La lettre J désigne le jour du débarquement. Le signe + ou — indique la veille ou le lendemain.
Rappelons à une semaine du Jour J le découpage des régions sur ce qui va devenir le théâtre des opérations :
Incorporées dans la région M, les zones concernées sont : Zone M1 : Orne, Sarthe, Mayenne.
Zone M4 : Calvados, Manche, Eure.
Zone A : Seine-Inférieure, Somme, Pas-de-Calais, Aisne.
1) Coupure de la route Alençon-Domfront à Couptrain, à la sortie est du bourg le long du ravin qui se trouve à environ 800 mètres.
2) Coupure de la route Angers-Caen, sortie nord-ouest de la ville à Domfront au lieu-dit Le pont de Caen.
3) Toujours sur Domfront, route de La Ferté-Macé, dans le bois à trois kilomètres de la ville au carrefour de Champsecret.
4) Sur la route Alençon-Bernay, à Marmouillé quatre kilomètres avant Nonant-le-Pin, dans le bosquet à droite avant le carrefour.
5) Sur la route Argentan-L'Aigle, à la Grande Savetière à deux kilomètres à l'est de Sainte-Gauburge, sous les talus à l'intersection du hameau.
6) Sur la route Alençon-Verneuil, à Saint-Maurice-les-Charencey au lieu-dit la Blotière à deux kilomètres au nord-ouest du village.
Pas de changement pour les autres points prévus dans les instructions du 8 mai dernier.
Chacun des présents a noté ce qui concerne son secteur. Pour ces hommes qui affrontent le risque permanent depuis longtemps, ces actions à entreprendre dès la réception des messages ne présentent pas plus de difficultés que toutes celles qu'ils ont déjà exécutées. Ils ne veulent pas penser à tous leurs camarades victimes des rafles de la Gestapo, ni à ceux arrêtés à la suite de trahisons. Tendus vers un seul but, libérer leur sol, ils vivent au jour le jour dans ce climat perpétuel de défiance et d'exaltation à la fois sous-jacente et omniprésente.
Avons-nous au moins quelques indications sur le lieu et la date du débarquement ? s'informe Mazeline.
Sur la date aucune, si ce n'est qu'elle est très proche. Quant au lieu, tout ce que je suis autorisé à vous dire, c'est que notre département fait partie des quatre régions qui pourraient être concernées. En même temps que les directives que je vous ai données, j'ai reçu la liste des emplacements anti-chars. Rien de plus pour l'instant.
Justement, questionne Soubabère, pour ce dernier point, n'est-il pas anormal que les équipes d'encadrement S.A.S. prévues ne soient pas encore parachutées ? Et l'armement lourd ?
C'est vrai, renchérit Vaudron, chef du maquis de Saint-Cyr-la-Rosière (entre Bellême et Nogent-le-Rotrou), est-ce qu'à Londres on ne se fout pas un peu de notre gueule ? Nous n'avons même pas un F.M. ! Le dernier parachutage de la semaine dernière ne nous a même pas fourni un malheureux bazooka ! Est-ce qu'ils croient qu'on va bloquer les blindés de Nogent-le-Rotrou avec les méchantes Sten reçues ?
Mais je le sais mon vieux Alphonse ! à chaque vacation radio j'insiste pour que l'on nous envoie de l'armement lourd. Mais jusqu'à présent, il semble bien que seuls les groupes de Rânes en aient reçu. Vous n'ignorez pas, et vous en connaissez les raisons, que nous n'avons aucun contact avec les équipes de Foccart. Il faudra bien, intervient Panthou, que le moment venu il s'explique sur son comportement marginal.
En attendant, coupe Raymond Noël, les secteurs d'Argentan et de L'Aigle n'ont toujours pas le cinquième des armes dont ils auront besoin pour appliquer les plans prévus !
Desmeulles demeure silencieux. Sans doute ressent-il le poids écrasant de ses responsabilités. Ce jeune professeur que rien ne prédestinait à devenir le chef de la Résistance ornaise avait dû passer la main en janvier pour se soustraire aux recherches de la Gestapo qui le serrait de près. Mais son successeur, Romain Darchy, ayant été arrêté, il était courageusement revenu à son poste. En ce début de juin pressent-il qu'il tombera dans un guet-apens douze jours plus tard lors d'une inspection des maquisards de Lignières-la-Doucelle, et qu'il ne survivra pas au chemin de tortures aboutissant à un camp de la mort ?
Et parmi ceux qui sont là aujourd'hui à ses côtés pour préparer leurs groupes à la réalisation de l'opération Overlord, trois autres tomberont sans avoir connu les joies de la libération : Etienne Panthou, fusillé le 28 juin, Fernand Chasseguet exécuté le 9 août, André Vimal du Bouchet tué au combat le 17 août.
Avec eux, deux cent cinquante-deux résistants ornais se seront sacrifiés.
Mais pour l'heure, dans ce hangar dissimulé qui sert de relais aux chefs clandestins, seule compte la perspective de l'action immédiate, et André Mazeline futur colonel dans la 1re Armée, conclura la réunion par cette boutade :
Si les armes antichars ne sont pas arrivées à temps, nous abattrons des arbres pour barrer les routes ! Ça, on sait le faire !
Dans huit jours, cette boutade deviendra une réalité.
1er juin - Londres - Q. G. Churchill - Storey's Gate.
Les autorités politiques refusent de prendre en considération les tentatives de dialogue de la Schwarze Kapelle. Pour elles, seule la solution militaire peut mettre fin à la guerre.
Le lieutenant-colonel Ronald Wingate, l'un des chefs du L.C.S. (London Controlling Section), manifeste son amertume. Assis en face de lui, le colonel John Bevan, son homologue, hausse les épaules :
C'est surtout l'avis du président Roosevelt. Et pourtant de tels contacts favoriseraient nos opérations de leurre stratégique.
Oui, cela nous ouvrirait de sacrées perspectives sur le sort de la bataille. Si nous prêtions une oreille attentive à leurs appels du pied, sans doute les généraux allemands membres de la Schwarze Kapelle s'en trouveraient-ils confortés dans leurs convictions et, partant, plus résolus que jamais à éliminer Hitler pour négocier la paix rapidement.
C'est précisément pour cela que le Département d'Etat se refuse à tous pourparlers. Les accords de la conférence de Téhéran stipulent qu'il n'y aura pas de paix séparée. Roosevelt ne contrariera pas Staline sur ce point édicté par le Kremlin.
Wingate prit un dossier sur la table dont il sortit plusieurs feuillets :
Et pourtant ce n'était pas mal engagé, il suffit de relire le rapport d'Ollivier. Canaris n'était pas particulièrement exigeant et il nous a prouvé sa sincérité. Je regrette qu'on lui ait opposé une fin de non-recevoir. Puissions-nous ne pas avoir à le regretter un jour !
Oui, surtout si par malheur le F.H.W. a percé notre opération Fortitude.
Bevan rassembla les papiers épars sur lesquels ils venaient de se pencher et alla les déposer dans un coffre mural.
L'éventualité de la dernière phrase de leur dialogue hantait leurs nuits, car les deux hommes portaient l'écrasante responsabilité de ce plan, clef de voûte de la réussite ou de l'échec d'Overlord. Dans ce dernier cas, des milliers d'hommes auraient été sacrifiés pour rien.
Sans échanger d'autres paroles, ils quittèrent la pièce. Quoi qu'il advienne, Bevan et Wingate traîneraient toujours derrière eux cette casserole qu'était Fortitude.
1er juin – Evreux – La Résistance normande se compte.
La B.B.C. vient de diffuser le message L'heure des combats viendra et les principaux responsables de la résistance normande l'entendent avec à la fois joie et crainte. Joie, parce que cette phrase code est le premier signal de la mobilisation des clandestins, elle signifie donc que le débarquement est tout proche. Crainte, parce que les chefs rescapés des rafles allemandes, savent bien qu'ils vont devoir déclencher les interventions prévues aux plans vert, violet, bleu, jaune et rouge, sans posséder tous les moyens pour les accomplir.
Ceux qui vont avoir cette charge, Parléani dans le Calvados, Baudot-Breteuil dans l'Eure, Desmeulles dans l'Orne, Gresselin dans la Manche, Multrier en Seine-Inférieure, s'efforcent surtout de reconstituer leurs effectifs dispersés par les attaques de la Gestapo. Tant bien que mal, ils sont parvenus à recomposer leurs groupes et leurs Corps-francs, cela ne s'est pas mal passé pour Gresselin dans le Cotentin et pour Multrier en Pays de Caux et dans les massifs de Lyons, mais leurs émules du Calvados, de l'Eure et de l'Orne, en sont à reformer des équipes en beaucoup de secteurs.
Et il reste toujours cette question lancinante du manque de moyens, surtout d'armement lourd. Depuis le début du mois de mai, les messages destinés aux différents secteurs sélection-nés pour les parachutages ont été transmis, ce sont : Voici venir la Saint-Jean pour le maquis Surcouf, Demain il sera trop tard pour les Corps-francs de l'Orne, Le cinéma ferme à minuit pour le réseau Malter, Avez-vous retrouvé vos amis pour le maquis La Marseillaise, Les poussins sont éclos pour le réseau Donkeyman, Les enfants s'ennuient le dimanche pour le maquis d'Écouves, Mon cheval préfère la verdure pour le maquis de l'O.R.A. à Lyons.
Mais il reste à savoir, et c'est l'interrogation qui est posée à chaque chef de région : quand? Et de quoi seront remplis les containers ? Des questions auxquelles ils ne peuvent absolument pas répondre, ce qui parfois amène bien des discussions.
Depuis la veille, les six instructions définitives concernant les actions prioritaires ont été fournies par les D.M.R. Elles indiquent :
– Les points de coupures des voies ferrées à j – 1.
– Les zones d'interventions sur les transmissions à j – 1.
– Les lieux de barrages routiers à j et à j + 1.
– Les postes pour les armes anti-chars au jour J et J + 1.
– Les messages personnels pour chaque secteur.
— Les plans de sabotages de l'énergie à j — 1 et J.
1. Le chiffre entre parenthèses en fin de ligne indique le nombre de points d'interventions. La lettre J désigne le jour du débarquement. Le signe + ou — indique la veille ou le lendemain.
Rappelons à une semaine du Jour J le découpage des régions sur ce qui va devenir le théâtre des opérations :
Incorporées dans la région M, les zones concernées sont : Zone M1 : Orne, Sarthe, Mayenne.
Zone M4 : Calvados, Manche, Eure.
Zone A : Seine-Inférieure, Somme, Pas-de-Calais, Aisne.
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La Résistance Normande en Action
l'organisation résistante avec les multiples arrestations survenues, se sont encore aggravés avec celle de Valentin Abeille (Fantassin), le D.M.R. régional. Trahi par sa propre secrétaire, il est appréhendé par la Gestapo le 20 mai, et exécuté dans des conditions mal définies le 31. Son successeur désigné, Kammerer (Parallèle) livré aux Allemands par la même personne, est tué en compagnie de son adjoint Eric, lors de leur interpellation. Coupés du commandement et de leurs points de relais, les responsables départementaux se réfèrent aux directives reçues du C.O.M.A.C. Toutefois, le radio de Kammerer étant demeuré aux côtés de Robert Leblanc, le chef du maquis Surcouf, des liaisons restent possibles avec les services de la France Libre. Elément essentiel puisqu'elles maintiennent les contacts avec le B.O.A. qui devient le trait d'union entre les dirigeants nationaux et les formations locales. Son représentant régional, Edouard Paysant (Tinchebray) échappe de peu à la Gestapo aux environs de Sées, mais il se voit contraint de s'exiler en Seine-Inférieure d'où il va reprendre ses fonctions de coordinateur des opérations aériennes. Son remplaçant en M1-M4, Gros, a à peine le temps de se mettre en place qu'il est aussitôt arrêté, ce qui en dit long sur les infiltrations d'agents de la Gestapo dans le B.OA. régional. Celui qui lui succède, Croisé, commence par démasquer, avec le concours du brigadier de gendarmerie Dauvergne, qui anime les groupes-francs du secteur de Barenton-Domfront, les deux stipendiés infiltrés. Il s'agit des nommés Cardin et Bucaille travaillant pour le chef de bande Jardin du S.D. d'Argentan. Ceux-ci éliminés, les opérations de parachutage reprennent sur les terrains de l'Orne : Griffon, Éclair, Orage et Aurore respectivement situés aux environs de Mortagne, Tanville, Macé, et Saint-Léonard-des-Parcs.
Si environ une centaine de tonnes d'armes et de matériel sont parachutées au cours des deux lunes suivantes, leur répartition ne sera malheureusement pas effectuée correctement.
Pour des raisons qui n'ont jamais été clairement établies, le plus gros de cette manne sera stocké par des gens qui ne l'utiliseront jamais (c'est le cas pour la formation de Rânes dirigée par Foccart), ou attribué à des groupes excentrés des secteurs des têtes de pont.
Mais la constatation demeure que les maquis de l'Eure et du Calvados : Surcouf, Guillaume-le-Conquérant, Champ-du-Boult, Ecouves, Bois-de-l'Evêque, Saint-Cyr-la-Rosière, La Ferté-Macé, ne recevront pratiquement rien et devront se débrouiller pour s'armer en prenant de gros risques pour s'approvisionner dans les secteurs servis, grâce aux contacts des responsables régionaux. Ce sera le cas du Surcouf, obligé d'aller se ravitailler à Flers-de-l'Orne et à Chartres, du maquis d'Ecouves contraint d'organiser de dangereux transferts depuis le Loir-et-Cher, ou des Corps-francs de Suisse normande astreints à des déplacements imprudents dans la Mayenne. Il faudra attendre la mi-juin pour que ces maquis soient un peu fournis en armes légères, car l'armement lourd promis se réduira à vingt-huit pièces pour les maquis de l'Orne ainsi que cinquante-huit anti-chars livrés trop tardivement. Ce qui est dérisoire par rapport aux objectifs désignés, et notamment de retarder l'approche de la division Panzer Lehr descendant de Nogent-le-Rotrou pour renforcer les unités allemandes en difficulté dans les têtes de pont.
Réactions dans les autres régions.
Tandis que les patriotes normands se débattent avec leurs problèmes locaux, les Résistants des autres régions appliquent également les directives reçues des D.M.R.
En Lozère, le maquis Bir Hakeim soutient des affrontements héroïques lors de ses actions de harcèlement au mont Aigoual et à La Parade du 25 au 28 mai.
Dans le Lot, les 11 et 12 mai, le maquis Gabriel Péri attaque un convoi. Deux chenillettes, un car, et trois camions sont détruits.
Le 1er juin, Capdenac, gros centre ferroviaire, est occupé toute la journée par les F.T.P.F. du secteur qui mettent hors d'usage les triages et les plaques tournantes, coupent les fils et interrompent toute communication pour plusieurs jours. Ils partent après avoir détruit le dépôt et les hangars des machines. Cet important nœud ferroviaire sera indisponible pendant les journées cruciales de la bataille dans les têtes de pont.
Le 3 juin, le Corps-franc Imbert attaque au F.M. et à la grenade un convoi allemand près de Camburat sur la nationale 140. Trois camions de troupes sont détruits.
Le même jour, sur la route Figeac-Bagnac, le maquis Bessières réalise un beau coup en neutralisant deux véhicules de l'état-major régional, faisant cinq gradés prisonniers et en tuant trois autres.
Le 4 juin, la voie ferrée Paris-Toulouse est coupée en cinq endroits par une action organisée par les F.T.P. et l'O.R.A. Ces sabotages vont sérieusement nuire à l'acheminement des troupes allemandes les jours suivants.
À Commentry, dans l'Allier, cet important centre industriel verra plusieurs transformateurs et générateurs détruits par des équipes de Résistance-Fer et le Corps-franc de la ville les 2, 4, et 5 mai.
À Moulins, toujours dans l'Allier, deux trains sont bloqués par une explosion le 4 juin. Le trafic est stoppé durant plus d'une semaine au grand dam des Occupants qui ne peuvent faire circuler leurs rames de matériel et de chenillettes.
Le 22 mai entre Saint-Flour et Aurillac, les véhicules d'accompagnement et la voiture du général von Brodowski tombent dans une embuscade. Plusieurs Feldgendarmes du groupe 932 de Clermont-Ferrand sont tués, le véhicule du général fait demi-tour en catastrophe et prend la fuite. Von Brodowski sanctionne deux de ses officiers de sécurité en les expédiant sur le front de l'Est. Cette embuscade a été montée par le Corps-franc des Truands de Jean Mazuel.
Le même Corps-franc récidive le 29 mai près de Langeac en attaquant une Compagnie de G.M.R. dont elle confisque les véhicules et les armes.
Le 2 juin, le viaduc de Saint-Léonard entre Lignerolles et Teillet est coupé, cependant que les deux autres ponts en aval sautent.
Entre le 30 mai et le 3 juin, une dizaine d'actions sont effectuées par les maquisards du Mont-Mouchet.
Dans le Jura, sabotages, embuscades, coups de main qui se sont multipliés depuis début mars, ont amené les Allemands à renforcer la protection de leurs installations et de leurs convois.
Cela avait commencé le 2 mars avec des déraillements à Mouchard. Successivement les trains SF 834, SF 9386, et SF 832 ont quitté les voies, l'un d'eux, projeté dans un ravin, ne sera pas redressé avant le 19 mai; et un Allemand d'accompagnement y trouvera la mort.
Puis les 3 et 8 mars, 2 et 10 mai, le trafic est interrompu entre Neublans et Pierre en raison des coupures de voies. La ligne Lons-le-Saunier-Dijon saute le 20 mai à Pleure, celle de La Cluse à Andelot subit le même sort deux jours plus tard. Le 1 er mai à Morez, cinq machines sont détruites, le 5, sept wagons sont incendiés, mais l'action la plus déterminante aura lieu à Montbarrey avec l'immobilisation d'un train de matériel allemand durant plusieurs jours.
Le 28 mai, la ligne Lons-le-Saunier-Saint-Claude est coupée et un pont-tournant, une machine et une quinzaine d'aiguilles sont sabotés.
Dans le Centre, le 15 mai, vingt-huit wagons déraillent entre Salbris et Theillay sur la ligne Paris-Toulouse. Le lendemain, deux autres wagons sont mis hors d'usage entre Menars et Suèvres sur l'axe Paris-Bordeaux. Un train est bloqué à Noyons-sur-Cher, sur la ligne Vierzon-Tours le 17 mai.
Les lignes électriques vont être cisaillées dans le Loir-et-Cher à Orchaise le 1er mai, à Dhuizon le 10, puis à nouveau dans le même secteur le 31. Dans le Loiret, celles de Changy, le 24, et celle de Saran le 5 juin.
Ce même jour, les pylônes haute tension de Montlouis sautent, et un train déraille à Saint-Pierre-des-Corps.
Le 7 juin, la ligne Paris-Nevers est sabotée près de Nogent-sur-Vernisson ; celle d'Avallon à Montargis saute à Triguières, cependant qu'à Nouan-le-Fuselier et à Vouzon la liaison Paris-Toulouse est interrompue durant trois jours.
Le 9 juin, alors que la bataille fait rage en Normandie, la ligne Paris-Nevers est à nouveau coupée entre Dordives et Souppes-sur-Loing, il en est de même au pont canal de Briare.
Et puisque nous venons d'évoquer des actions dans le secteur du Centre, il convient de rappeler que la virulence de la Résistance dans cette région amènera les Allemands à renforcer considérablement leurs troupes, et particulièrement dans la Nièvre. Ce département qui abritera une dizaine de maquis et une vingtaine de Corps-francs sera d'ailleurs le théâtre de durs combats dans deux mois, alors que les Occupants tentent de se dégager de l'emprise des Alliés.
Le harcèlement des escouades allemandes commença en 1943 avec les coups de main des F.T.P.F. de Roland Champenier aux limites du Cher et les sabotages des groupes de l'O.C.M., de Libé-Nord et de Turma. De leur côté, les affiliés du mouvement Vengeance, qui se nomma au départ L'Armée volontaire du Dr Chanel, de Raymond Chanel, et de François Wetterwald, formés en Corps-franc, et bénéficiant de l'appui des membres d'Action-Fer de Guérigny, avec Lucien Delance (Serge), de ceux de Debailleux et Boileau à Cosne-sur-Loire, de Gaudry à Urzy, de Jean Lavenant qui étendit les ramifications de la formation clandestine jusqu'aux localités de Saincaize, de Pougues-les-Eaux et de La Charité-sur-Loire, effectuent un certain nombre d'interventions sur les installations allemandes. Lavenant devenu responsable de toute l'action SNCF désigne Maurice Martel pour le remplacer avant d'être obligé de se tenir en retrait poursuivi par la Gestapo. Dès lors, les coups de main vont se succéder :
Début janvier 1944, les lignes haute tension de Saint-Aubindes-Forges sont sabotées par le groupe Melnick de Guérigny. Celles de Forgebas suivent en février, puis à Urzy, Parigny-les-Vaux et Guérigny. Nouvelle série en mai à Parigny, Vauzelles et Fourchambault.
Les 2 et 3 avril, l'usine Lambiotte de Prémery est touchée par l'incendie de ses bois de stokage. Et encore les 28 et 29 avril où huit charges explosives détruisent le turbo-alternateur ; l'activité sera stoppée durant deux mois.
Les déraillements se succèdent sur la ligne Paris-Nevers, le 17 février avant La Charité, le 22 mars à La Marche où la voie sera obstruée plus de 72 heures; il y aura dix morts parmi les volontaires qui partaient travailler en Allemagne, le 7 avril à Fourchambault, le 22 mai à La Celle-sur-Loire où les deux voies seront bloquées durant trois jours. Le 2 juin à Vauzelles, aux ateliers C.G.C.E.M. un groupe F.T.P.F. sabote des machines.
En liaison avec les équipes si actives du B.O.A. de Pichard, les parachutages ont lieu assez régulièrement, citons ceux de :
– Mars sur le terrain Oulon au bénéfice du maquis Mariaux et sur le terrain Traîne pour le maquis Camille.
— Avril sur le terrain Traire 173 pour le maquis Mariaux.
– Mai sur le terrain Fretoy pour le maquis Socrate, sur Trainer 259 pour le maquis de Fours.
– Juin sur le terrain Faculté pour le maquis Le Loup, sur le terrain Peinture pour le maquis Camille, sur le terrain Les Cabets pour les F.T.P.F. de Donzy, sur le terrain Cognac pour le maquis Camille.
Ces quelques exemples montrent l'intensité de la lutte clandestine dans le département de la Nièvre qui, suivant l'expression du colonel Roche, fut un vivier pour la Résistance.
Sur la résistance, l'opinion des ennemis concorde.
Avant de clore ce chapitre, il est assez intéressant de constater que l'opinion des Alliés et celle des Allemands se rejoignirent sur un point : le rôle primordial de la Résistance. On trouvera dans le Journal de marche de l'OK.W. cette remarque :
Les dirigeants allemands savaient depuis longtemps que les organisations françaises de résistance entretenaient les rapports les plus étroits avec le Q.G. allié. C'était de là que partaient les instructions et les armes, mais ce à quoi nous ne nous attendions pas, ce fut l'impitoyable combat que ceux que nous nommions des terroristes parviendraient à mener pour disloquer (sic) nos troupes.
Et aussi cette observation portée sur le Journal de marche de la 9e Panzer Division :
La Hohenstaufen ne réussit à se rassembler au sud d'une ligne Falaise - Condé-sur-Noireau que le 27 juin. La marche de tout le IIe S.S. Panzer Korps est retardée par l'action de la Résistance qui a déposé des corps explosifs détruisant les pneus des véhicules, ou obstrué les routes avec des arbres abattus. Les véhicules bloqués sont alors victimes de l'aviation ennemie.
Et puis : La Résistance, par la valeur des renseignements qu'elle nous procura et par son activité dans les sabotages, fut l'un des rouages de notre réussite le 6 juin 1944. Général Omar Bradley, commandant de la 11e Armée des U.S.A. (10 juin 1945).
Si environ une centaine de tonnes d'armes et de matériel sont parachutées au cours des deux lunes suivantes, leur répartition ne sera malheureusement pas effectuée correctement.
Pour des raisons qui n'ont jamais été clairement établies, le plus gros de cette manne sera stocké par des gens qui ne l'utiliseront jamais (c'est le cas pour la formation de Rânes dirigée par Foccart), ou attribué à des groupes excentrés des secteurs des têtes de pont.
Mais la constatation demeure que les maquis de l'Eure et du Calvados : Surcouf, Guillaume-le-Conquérant, Champ-du-Boult, Ecouves, Bois-de-l'Evêque, Saint-Cyr-la-Rosière, La Ferté-Macé, ne recevront pratiquement rien et devront se débrouiller pour s'armer en prenant de gros risques pour s'approvisionner dans les secteurs servis, grâce aux contacts des responsables régionaux. Ce sera le cas du Surcouf, obligé d'aller se ravitailler à Flers-de-l'Orne et à Chartres, du maquis d'Ecouves contraint d'organiser de dangereux transferts depuis le Loir-et-Cher, ou des Corps-francs de Suisse normande astreints à des déplacements imprudents dans la Mayenne. Il faudra attendre la mi-juin pour que ces maquis soient un peu fournis en armes légères, car l'armement lourd promis se réduira à vingt-huit pièces pour les maquis de l'Orne ainsi que cinquante-huit anti-chars livrés trop tardivement. Ce qui est dérisoire par rapport aux objectifs désignés, et notamment de retarder l'approche de la division Panzer Lehr descendant de Nogent-le-Rotrou pour renforcer les unités allemandes en difficulté dans les têtes de pont.
Réactions dans les autres régions.
Tandis que les patriotes normands se débattent avec leurs problèmes locaux, les Résistants des autres régions appliquent également les directives reçues des D.M.R.
En Lozère, le maquis Bir Hakeim soutient des affrontements héroïques lors de ses actions de harcèlement au mont Aigoual et à La Parade du 25 au 28 mai.
Dans le Lot, les 11 et 12 mai, le maquis Gabriel Péri attaque un convoi. Deux chenillettes, un car, et trois camions sont détruits.
Le 1er juin, Capdenac, gros centre ferroviaire, est occupé toute la journée par les F.T.P.F. du secteur qui mettent hors d'usage les triages et les plaques tournantes, coupent les fils et interrompent toute communication pour plusieurs jours. Ils partent après avoir détruit le dépôt et les hangars des machines. Cet important nœud ferroviaire sera indisponible pendant les journées cruciales de la bataille dans les têtes de pont.
Le 3 juin, le Corps-franc Imbert attaque au F.M. et à la grenade un convoi allemand près de Camburat sur la nationale 140. Trois camions de troupes sont détruits.
Le même jour, sur la route Figeac-Bagnac, le maquis Bessières réalise un beau coup en neutralisant deux véhicules de l'état-major régional, faisant cinq gradés prisonniers et en tuant trois autres.
Le 4 juin, la voie ferrée Paris-Toulouse est coupée en cinq endroits par une action organisée par les F.T.P. et l'O.R.A. Ces sabotages vont sérieusement nuire à l'acheminement des troupes allemandes les jours suivants.
À Commentry, dans l'Allier, cet important centre industriel verra plusieurs transformateurs et générateurs détruits par des équipes de Résistance-Fer et le Corps-franc de la ville les 2, 4, et 5 mai.
À Moulins, toujours dans l'Allier, deux trains sont bloqués par une explosion le 4 juin. Le trafic est stoppé durant plus d'une semaine au grand dam des Occupants qui ne peuvent faire circuler leurs rames de matériel et de chenillettes.
Le 22 mai entre Saint-Flour et Aurillac, les véhicules d'accompagnement et la voiture du général von Brodowski tombent dans une embuscade. Plusieurs Feldgendarmes du groupe 932 de Clermont-Ferrand sont tués, le véhicule du général fait demi-tour en catastrophe et prend la fuite. Von Brodowski sanctionne deux de ses officiers de sécurité en les expédiant sur le front de l'Est. Cette embuscade a été montée par le Corps-franc des Truands de Jean Mazuel.
Le même Corps-franc récidive le 29 mai près de Langeac en attaquant une Compagnie de G.M.R. dont elle confisque les véhicules et les armes.
Le 2 juin, le viaduc de Saint-Léonard entre Lignerolles et Teillet est coupé, cependant que les deux autres ponts en aval sautent.
Entre le 30 mai et le 3 juin, une dizaine d'actions sont effectuées par les maquisards du Mont-Mouchet.
Dans le Jura, sabotages, embuscades, coups de main qui se sont multipliés depuis début mars, ont amené les Allemands à renforcer la protection de leurs installations et de leurs convois.
Cela avait commencé le 2 mars avec des déraillements à Mouchard. Successivement les trains SF 834, SF 9386, et SF 832 ont quitté les voies, l'un d'eux, projeté dans un ravin, ne sera pas redressé avant le 19 mai; et un Allemand d'accompagnement y trouvera la mort.
Puis les 3 et 8 mars, 2 et 10 mai, le trafic est interrompu entre Neublans et Pierre en raison des coupures de voies. La ligne Lons-le-Saunier-Dijon saute le 20 mai à Pleure, celle de La Cluse à Andelot subit le même sort deux jours plus tard. Le 1 er mai à Morez, cinq machines sont détruites, le 5, sept wagons sont incendiés, mais l'action la plus déterminante aura lieu à Montbarrey avec l'immobilisation d'un train de matériel allemand durant plusieurs jours.
Le 28 mai, la ligne Lons-le-Saunier-Saint-Claude est coupée et un pont-tournant, une machine et une quinzaine d'aiguilles sont sabotés.
Dans le Centre, le 15 mai, vingt-huit wagons déraillent entre Salbris et Theillay sur la ligne Paris-Toulouse. Le lendemain, deux autres wagons sont mis hors d'usage entre Menars et Suèvres sur l'axe Paris-Bordeaux. Un train est bloqué à Noyons-sur-Cher, sur la ligne Vierzon-Tours le 17 mai.
Les lignes électriques vont être cisaillées dans le Loir-et-Cher à Orchaise le 1er mai, à Dhuizon le 10, puis à nouveau dans le même secteur le 31. Dans le Loiret, celles de Changy, le 24, et celle de Saran le 5 juin.
Ce même jour, les pylônes haute tension de Montlouis sautent, et un train déraille à Saint-Pierre-des-Corps.
Le 7 juin, la ligne Paris-Nevers est sabotée près de Nogent-sur-Vernisson ; celle d'Avallon à Montargis saute à Triguières, cependant qu'à Nouan-le-Fuselier et à Vouzon la liaison Paris-Toulouse est interrompue durant trois jours.
Le 9 juin, alors que la bataille fait rage en Normandie, la ligne Paris-Nevers est à nouveau coupée entre Dordives et Souppes-sur-Loing, il en est de même au pont canal de Briare.
Et puisque nous venons d'évoquer des actions dans le secteur du Centre, il convient de rappeler que la virulence de la Résistance dans cette région amènera les Allemands à renforcer considérablement leurs troupes, et particulièrement dans la Nièvre. Ce département qui abritera une dizaine de maquis et une vingtaine de Corps-francs sera d'ailleurs le théâtre de durs combats dans deux mois, alors que les Occupants tentent de se dégager de l'emprise des Alliés.
Le harcèlement des escouades allemandes commença en 1943 avec les coups de main des F.T.P.F. de Roland Champenier aux limites du Cher et les sabotages des groupes de l'O.C.M., de Libé-Nord et de Turma. De leur côté, les affiliés du mouvement Vengeance, qui se nomma au départ L'Armée volontaire du Dr Chanel, de Raymond Chanel, et de François Wetterwald, formés en Corps-franc, et bénéficiant de l'appui des membres d'Action-Fer de Guérigny, avec Lucien Delance (Serge), de ceux de Debailleux et Boileau à Cosne-sur-Loire, de Gaudry à Urzy, de Jean Lavenant qui étendit les ramifications de la formation clandestine jusqu'aux localités de Saincaize, de Pougues-les-Eaux et de La Charité-sur-Loire, effectuent un certain nombre d'interventions sur les installations allemandes. Lavenant devenu responsable de toute l'action SNCF désigne Maurice Martel pour le remplacer avant d'être obligé de se tenir en retrait poursuivi par la Gestapo. Dès lors, les coups de main vont se succéder :
Début janvier 1944, les lignes haute tension de Saint-Aubindes-Forges sont sabotées par le groupe Melnick de Guérigny. Celles de Forgebas suivent en février, puis à Urzy, Parigny-les-Vaux et Guérigny. Nouvelle série en mai à Parigny, Vauzelles et Fourchambault.
Les 2 et 3 avril, l'usine Lambiotte de Prémery est touchée par l'incendie de ses bois de stokage. Et encore les 28 et 29 avril où huit charges explosives détruisent le turbo-alternateur ; l'activité sera stoppée durant deux mois.
Les déraillements se succèdent sur la ligne Paris-Nevers, le 17 février avant La Charité, le 22 mars à La Marche où la voie sera obstruée plus de 72 heures; il y aura dix morts parmi les volontaires qui partaient travailler en Allemagne, le 7 avril à Fourchambault, le 22 mai à La Celle-sur-Loire où les deux voies seront bloquées durant trois jours. Le 2 juin à Vauzelles, aux ateliers C.G.C.E.M. un groupe F.T.P.F. sabote des machines.
En liaison avec les équipes si actives du B.O.A. de Pichard, les parachutages ont lieu assez régulièrement, citons ceux de :
– Mars sur le terrain Oulon au bénéfice du maquis Mariaux et sur le terrain Traîne pour le maquis Camille.
— Avril sur le terrain Traire 173 pour le maquis Mariaux.
– Mai sur le terrain Fretoy pour le maquis Socrate, sur Trainer 259 pour le maquis de Fours.
– Juin sur le terrain Faculté pour le maquis Le Loup, sur le terrain Peinture pour le maquis Camille, sur le terrain Les Cabets pour les F.T.P.F. de Donzy, sur le terrain Cognac pour le maquis Camille.
Ces quelques exemples montrent l'intensité de la lutte clandestine dans le département de la Nièvre qui, suivant l'expression du colonel Roche, fut un vivier pour la Résistance.
Sur la résistance, l'opinion des ennemis concorde.
Avant de clore ce chapitre, il est assez intéressant de constater que l'opinion des Alliés et celle des Allemands se rejoignirent sur un point : le rôle primordial de la Résistance. On trouvera dans le Journal de marche de l'OK.W. cette remarque :
Les dirigeants allemands savaient depuis longtemps que les organisations françaises de résistance entretenaient les rapports les plus étroits avec le Q.G. allié. C'était de là que partaient les instructions et les armes, mais ce à quoi nous ne nous attendions pas, ce fut l'impitoyable combat que ceux que nous nommions des terroristes parviendraient à mener pour disloquer (sic) nos troupes.
Et aussi cette observation portée sur le Journal de marche de la 9e Panzer Division :
La Hohenstaufen ne réussit à se rassembler au sud d'une ligne Falaise - Condé-sur-Noireau que le 27 juin. La marche de tout le IIe S.S. Panzer Korps est retardée par l'action de la Résistance qui a déposé des corps explosifs détruisant les pneus des véhicules, ou obstrué les routes avec des arbres abattus. Les véhicules bloqués sont alors victimes de l'aviation ennemie.
Et puis : La Résistance, par la valeur des renseignements qu'elle nous procura et par son activité dans les sabotages, fut l'un des rouages de notre réussite le 6 juin 1944. Général Omar Bradley, commandant de la 11e Armée des U.S.A. (10 juin 1945).
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La Résistance Normande en Action
Résistance P.T.T. (1941) :
Henri LEVEILLE (Microlo), agent des installations à Caen, vient, le 11 septembre. rendre visite à son ami Marcel RICHER, agent des lignes à Saint-Lô, rentré de captivité à la demande de son administration. Il obtient facilement son accord pour tenter de fonder un groupe d'opposants aux Allemands. En fin d'année, Marcel RICHER est désigné par son ami comme responsable des transmissions du réseau de résistance PTT, avec comme adjoint Etienne BOBO, conseiller technique. C'est le point de départ d'une organisation solide et puissante, appelée à remplir un rôle de premier ordre dans la Résistance.
Résistance P.T.T. (1942) :
Dès le début de1942, Marcel RICHER est en mesure de communiquer à Henri LEVEILLE (Microlo) à Caen, le plan complet des réseaux souterrain et aérien des lignes téléphoniques de la Manche. Celui-ci lui donne la mission de former un groupe d'opposants à l'ennemi et lui indique la façon d'exécuter de menus sabotages, entre autres, mettre des bobines thermiques à la place de celles convenables afin d'occasionner la rupture des fils téléphoniques allemands.
En février 1942, le premier groupe de Résistance P.T.T. se forme : Marcel RICHER engage son ami d'enfance Jean SANSON, commis, qui lui conseille d'entrer en contact avec son collègue Maurice DESCHAMPS, puis dans les jours suivants, Charles MARCHESSEAU, contrôleur, et Etienne BOBO.
Le groupe est dans le Calvados, en liaison avec le réseau C.N.D. de " Rémy ", puis, en fin septembre, Marcel RICHER est présenté à Caen, par H. LEVEILLE, aux militants du réseau " Centurie " de l'O.C.M.: René DUCHEZ et KASKOREFF. Ce ne sera qu'en fin 1942 que Marcel RICHER fera la connaissance de Maurice HORVAIS, rédacteur à l'Administration Centrale des P.T.T. à Paris, dont Henri LEVEILLE lui avait signalé l'appartenance au réseau, puis de GAUTHIER, inspecteur principal, chargé du bureau du tri en gare de Saint-Lô, nommé au cours de l'année (193).
ACTION P.T.T. (1943) :
Dès le premier trimestre 1943, le groupe Résistance P.T.T. formé par Marcel RICHER, se transforme en groupe d'Action. Jean SANSON, commis des postes, transmet à RICHER copie de tous les télégrammes officiels parvenant pendant ses heures de service, et des lettres qu'il a subtilisées, adressées aux services allemands, le renseignant ainsi sur les lieux de stationnement des troupes ennemies. Il agit en concordance avec son collègue Maurice DESCHAMPS, employé dans une brigade du service télégraphique. Lorsque des télégrammes chiffrés arrivent sur les bandes des appareils, l'un ou l'autre les remettent soit à Etienne BOBO, soit à Charles MARCHESSEAU, soit à Marcel RICHER. Pour les besoins du réseau national, ceux-ci construisent quatre postes émetteurs dont l'un est destiné à servir dans le département.
L'entrée dans le réseau de l'inspecteur des P.T.T. René CROUZEAU que, sur les conseils de MARCHESSEAU et de RICHER, Maurice HORVAIS vient d'engager, insuffle au groupe un esprit de résistance à outrance.
C'est alors que viennent s'adjoindre au mouvement : Raymond ROBIN, mécanicien dépanneur, Auguste RAOULT, Auguste LESENECAL, Joseph BLIN, Pierre FOURNIALS, agents de lignes.
D'autre part, l'inspecteur principal GAUTHIER, au cours d'une tournée dans la région, s'arrête chez les époux FILLATRE, restaurateurs à Villebaudon, membres de l'O.C.M. Il y apprend l'attitude courageuse d'une serveuse, leur cousine. Germaine de SAINT-JORES qui, dans un restaurant de Percy, refuse, avec rudesse, de servir un militaire allemand, allant jusqu'à lui arracher une épaulette. Il est décidé de l'engager dans le réseau.
Au début d'avril, au cours d'une de ses tournées bi-mensuelles, Maurice HORVAIS demande à FILLATRE de lui trouver une ferme où il serait possible d'installer un poste émetteur. C'est à Beaucoudray qu'une petite maison isolée fut trouvée. Maurice HORVAIS, désirant étendre le réseau dans le sud du département, se rend à Avranches où il n'a nulle peine à obtenir l'engagement de Raymond CHIVET, directeur du centre d'amplification du câble téléphonique Caen Rennes. Il est chargé de repérer les emplacements favorables pour des coupures éventuelles de câbles et ces renseignements seront transmis à Londres.
A la même époque, Marcel RICHER est convoqué à Caen où Henri LEVEILLE (Microlo) lui présente KASKOREFF. un des responsables du réseau " Centurie " du Calvados. Il lui annonce la visite prochaine, à son domicile, à Saint-Lô, d'une personne venant de la part de " Microlo " pour l'entretenir de la loi de KIRCHKOFF sur les courants dérivés. C'est le chef de " Centurie " du secteur de Saint-Lô, Adolphe FRANCK qui se présentera. Bien que restant autonome, le groupe " Action P.T.T. " agira désormais en liaison avec " Centurie ", par l'intermédiaire de BOUVET, appartenant à ce réseau.
L'organisation n'ayant pas encore d'agent dans le Nord-Cotentin, Adolphe FRANCK, sur demande de Lucien LEVIANDIER, s'adresse à Marcel RICHER qui désigne son frère François, agent des lignes ; il sera puissamment secondé par Augustin LEMARESQUIER, membre du réseau " Delbo-Phénix ".
Les liaisons entre le chef national et les membres du groupe sont assurées par Mme LEBLOND ou par le vétérinaire TEXIER-HUGOU.
Sur le conseil de Maurice HORVAIS (Hamon) qui avait été très bien reçu chez FILLATRE à Villebaudon, le chef national de I' " état-major " d'" Action P.T.T. ", Ernest PRUVOST (Potard), accompagné de son adjointe directe Simone MICHEL-LEVY (Emma) et du " colonel " Marc O'NEILL (Tyrone), chef du réseau " Centurie " de la région parisienne, décide d'y passer quelques jours en été.
Bien que le poste émetteur ne put être installé à Beaucoudray, dans la petite maison envisagée par HORVAIS, le champ d'antenne étant trop restreint, elle fut louée par PRUVOST comme lieu de refuge possible.
Pendant leur séjour, ils sont reçus par Mme Berthe LEBLOND née LHARDY, institutrice, réfugiée de la région cherbourgeoise, dont le mari Marcel LEBLOND est chef du groupe d' " Action " du réseau " Centurie " à Tourlaville. Mme LEBLOND est alors engagée dans le réseau " Action P.T.T. " où elle fait entrer, en juillet, Jacques ALBERTINI, réfractaire au S.T.O., Albert GODEMER, cultivateur et André LEBREC, rejoints plus tard par Pierre ALLIET et l'instituteur ABDON.
A la suite de l'arrestation de Simone MICHEL-LÉVY et de trois autres employés des Postes, et celle du plus grand nombre d'agents du réseau C.N.D. de Paris, Ernest PRUVOST (Potard), recherché par la Gestapo, trouve chez FILLATRE le 9 novembre un refuge à Villebaudon, où il restera jusqu'à la Libération. PRUVOST engage alors dans le réseau Marcel TABUR, fils d'un quincaillier d'Avranches, qui, possédant un permis de circuler en camion automobile, sera un agent de liaison efficace. Le même rôle est confié à Émile LEFEVRE, entrepreneur à Montabot, qui jouit des mêmes facilités.
A Avranches, en décembre, Raymond CHEVET, par l'intermédiaire de DUJCLOS. entre en relations avec le nouveau chef des F.T.P. de la région sud du département, Jean TURMEAU (Alfred).
Tout en gardant son autonomie, le réseau " Action P.T.T. " est devenu une organisation très importante. Il est en liaison étroite avec d'autres réseaux très actifs :
A Saint-Lô, " Centurie ", par RICHER et FRANCK, et le " F.N. " par LEPUISSANT.
A Avranches, les " F.T.P. " par Raymond CHIVET et Jean TURMEAU, pour l'organisation des sabotages prévus.
En fin d'année 1943, "Action P.T.T. " est prête à jouer un rôle de premier plan lorsque le jour J sera arrivé.
ACTION P.T.T. (1944) :
Ce réseau, bien qu'autonome dans sa composition, a depuis longtemps des relations étroites avec d'autres formations, notamment avec le réseau Centurie " de l'O.C.M et. dans la région Manche-Sud, dès le 2 janvier, avec les organisations du Front National. les F.T.P. et leurs chefs : Raymond CHIVET, chef du centre de télécommunications d'Avranches et Jean TURMEAU (Alfred), ensemble, ils vont reconnaître les points prévus pour opérer, le moment venu. le sabotage des câbles souterrains reliant Cherbourg à la Bretagne : à Pontautault, route de Villedieu et route de Granville, et des câbles aériens aboutissant au standard à 50 m du centre des lignes souterraines à longue distance (L.S.G.D.).
Dans ce même mois, Clément SÉGER est nommé chef du centre d'amplification de Saint-Lô.
C'était un des membres qui, à Paris, avait fait partie du groupe de Robert KELLER, lequel, en 1942, captait les communications du Grand Quartier Général allemand. Le responsable national adjoint du réseau, Maurice HORVAIS conseille à Marcel RICIIER de prendre contact avec le nouveau venu, ce qui fut fait par l'intermédiaire d'Etienne BOBO. Dès avril, Clément SEGER est en mesure de remettre à CROUZEAU les plans officiels des points de départ. de l'itinéraire et des points d'aboutissement des câbles des lignes souterraines à grande distance installés par l'ennemi dans le département de la Manche.
En février, un officier de l'armée anglaise en mission, Renaud DANDICOLLE (capitaine DUNBY) a pris contact à Paris avec Maurice HORVAIS. Il cherche des lieux propices à un parachutage d'armes en Normandie. Celui-ci lui indique la présence à Villebaudon, où ils sont réfugiés, d'Edmond DEBEAUMARCHE et d'Ernest PRUVOST, responsables nationaux d'Action P.T.T., Henri LEVEILLÉ les rejoint. Des recherches sont entreprises dans la région qui aboutissent trois mois après au parachutage d'armes de Sainte-Marie-Outre-l'Eau, près de la limite départementale avec le Calvados. PRUVOST a confié à Mme LEBLOND née HARDY, institutrice à Villebaudon, le message " Aimer et vivre " convenu avec Renaud DANDICOLLE, annonçant ce parachutage.
Le 9 mai, Mme LEBLOND, qui a refusé, malgré les ordres du Gouvernement de Vichy, de rendre son poste écouteur de radio, capte ce message. Elle alerte FILLATRE qui part aussitôt dans l'automobile du docteur J. André LEBRUN de Tessy-sur-Vire pour Saint-Lô, afin de prévenir l'équipe de René CROUZEAU. A 21 heures, le même message est à nouveau capté par Mme LEBI,OND.
Avec PRUVOST, Alphonse FILLATRE, Germaine de SAINT-JORES et Raymond ABDON, elle participe à la réception des armes sur le terrain de Sainte-Marie-Outre-l'Eau où ils sont rejoints par la camionnette des P.T.T. conduite par Raymond ROBIN dans laquelle ont pris place René CROUZEAU, Etienne BOBO et Clément SEGER. Tandis que quatre hommes, munis de torches, dont FILLATRE et PRUVOST (Potard) balisent le terrain en forme de R, les autres prennent livraison de 3 tonnes d'armes réparties en 15 containers : fusils-mitrailleurs, colts, mines, plastic, munitions. Une partie du stock est dissimulée dans une ferme inhabitée de Beaucoudray, la maison du village du bois : une autre est cachée au magasin de l'atelier de menuiserie de la Direction des P.T.T. à Saint-Lô, dans lequel, malgré le voisinage des Allemands, les résistants du groupe apprennent le maniement d'armes.
Dès le surlendemain, André LEBOUVIER, accompagné du vétérinaire TEXIER-HUGOU, se rend à Beaucoudray d'où il rapporte des armes qu'il cache, sous des tubes de caoutchouc, dans son jardin à Percy.
Quelques jours plus tard, c'est Maurice ROSSELIN, employé dans la quincaillerie de Marcel TABUR à Avranches qui assure, en camionnette, le transport des armes pour CHIVET et ses camarades, du groupe F.T.P. d'Avranches.
Mais le terrain de parachutage de Sainte-Marie-Outre-l'Eau étant maintenant connu des Allemands. André LEBOUVIER, LORIDANT et le docteur LEBRUN ont trouvé un terrain pouvant convenir pour une nouvelle opération situé à la cote 226, au lieu-dit " Les Haies-Tiggard ", à Saint-Pierre-de-Fresne, dans le Calvados. Le message convenu avec Londres est : " Poudre et couleur peuvent tout changer. ". Le débarquement des Alliés le 6 juin a lieu avant l'expédition projetée, mais au cours de la bataille de Normandie le terrain sera utilisé pour les opérations militaires.
Dans la deuxième quinzaine de mai, chacun pressent de grands événements proches.
Rappelons que le 20 mai, le postier Etienne BOBO s'est rendu à Périers à bicyclette pour en rapporter une mitraillette qu'il camoufle à son retour, sous son imperméable, et qu'il remet à BOUVIER (voir plus haut, Réseau " Centurie ").
A Saint-Lô, le groupe reçoit en fin mai le plan des opérations à effectuer dès le débarquement : le bureau de la Direction des P.T.T. gardé par les Allemands doit être attaqué et les installations sabotées ; central et stations harmoniques au 1er étage et au sous-sol, le central auquel aboutissent toutes les lignes du front de mer. Le plan prévoit également le sabotage des câbles et des lignes aériennes au point de coupure. Trois messages donneront l'ordre des opérations : " Les dés sont sur le tapis. ", sabotage des câbles ; " Il fait chaud à Suez. ", message de débarquement et déclanchement de la guérilla ;
" L'appel du laboureur dans le matin brumeux. " concernait le rassemblement du groupe de Saint-Lô et la constitution d'un maquis à Villebaudon.
Ainsi, tout est prêt en vue d'aider les Alliés dès l'ouverture du front par un débarquement des troupes alliées.
Henri LEVEILLE (Microlo), agent des installations à Caen, vient, le 11 septembre. rendre visite à son ami Marcel RICHER, agent des lignes à Saint-Lô, rentré de captivité à la demande de son administration. Il obtient facilement son accord pour tenter de fonder un groupe d'opposants aux Allemands. En fin d'année, Marcel RICHER est désigné par son ami comme responsable des transmissions du réseau de résistance PTT, avec comme adjoint Etienne BOBO, conseiller technique. C'est le point de départ d'une organisation solide et puissante, appelée à remplir un rôle de premier ordre dans la Résistance.
Résistance P.T.T. (1942) :
Dès le début de1942, Marcel RICHER est en mesure de communiquer à Henri LEVEILLE (Microlo) à Caen, le plan complet des réseaux souterrain et aérien des lignes téléphoniques de la Manche. Celui-ci lui donne la mission de former un groupe d'opposants à l'ennemi et lui indique la façon d'exécuter de menus sabotages, entre autres, mettre des bobines thermiques à la place de celles convenables afin d'occasionner la rupture des fils téléphoniques allemands.
En février 1942, le premier groupe de Résistance P.T.T. se forme : Marcel RICHER engage son ami d'enfance Jean SANSON, commis, qui lui conseille d'entrer en contact avec son collègue Maurice DESCHAMPS, puis dans les jours suivants, Charles MARCHESSEAU, contrôleur, et Etienne BOBO.
Le groupe est dans le Calvados, en liaison avec le réseau C.N.D. de " Rémy ", puis, en fin septembre, Marcel RICHER est présenté à Caen, par H. LEVEILLE, aux militants du réseau " Centurie " de l'O.C.M.: René DUCHEZ et KASKOREFF. Ce ne sera qu'en fin 1942 que Marcel RICHER fera la connaissance de Maurice HORVAIS, rédacteur à l'Administration Centrale des P.T.T. à Paris, dont Henri LEVEILLE lui avait signalé l'appartenance au réseau, puis de GAUTHIER, inspecteur principal, chargé du bureau du tri en gare de Saint-Lô, nommé au cours de l'année (193).
ACTION P.T.T. (1943) :
Dès le premier trimestre 1943, le groupe Résistance P.T.T. formé par Marcel RICHER, se transforme en groupe d'Action. Jean SANSON, commis des postes, transmet à RICHER copie de tous les télégrammes officiels parvenant pendant ses heures de service, et des lettres qu'il a subtilisées, adressées aux services allemands, le renseignant ainsi sur les lieux de stationnement des troupes ennemies. Il agit en concordance avec son collègue Maurice DESCHAMPS, employé dans une brigade du service télégraphique. Lorsque des télégrammes chiffrés arrivent sur les bandes des appareils, l'un ou l'autre les remettent soit à Etienne BOBO, soit à Charles MARCHESSEAU, soit à Marcel RICHER. Pour les besoins du réseau national, ceux-ci construisent quatre postes émetteurs dont l'un est destiné à servir dans le département.
L'entrée dans le réseau de l'inspecteur des P.T.T. René CROUZEAU que, sur les conseils de MARCHESSEAU et de RICHER, Maurice HORVAIS vient d'engager, insuffle au groupe un esprit de résistance à outrance.
C'est alors que viennent s'adjoindre au mouvement : Raymond ROBIN, mécanicien dépanneur, Auguste RAOULT, Auguste LESENECAL, Joseph BLIN, Pierre FOURNIALS, agents de lignes.
D'autre part, l'inspecteur principal GAUTHIER, au cours d'une tournée dans la région, s'arrête chez les époux FILLATRE, restaurateurs à Villebaudon, membres de l'O.C.M. Il y apprend l'attitude courageuse d'une serveuse, leur cousine. Germaine de SAINT-JORES qui, dans un restaurant de Percy, refuse, avec rudesse, de servir un militaire allemand, allant jusqu'à lui arracher une épaulette. Il est décidé de l'engager dans le réseau.
Au début d'avril, au cours d'une de ses tournées bi-mensuelles, Maurice HORVAIS demande à FILLATRE de lui trouver une ferme où il serait possible d'installer un poste émetteur. C'est à Beaucoudray qu'une petite maison isolée fut trouvée. Maurice HORVAIS, désirant étendre le réseau dans le sud du département, se rend à Avranches où il n'a nulle peine à obtenir l'engagement de Raymond CHIVET, directeur du centre d'amplification du câble téléphonique Caen Rennes. Il est chargé de repérer les emplacements favorables pour des coupures éventuelles de câbles et ces renseignements seront transmis à Londres.
A la même époque, Marcel RICHER est convoqué à Caen où Henri LEVEILLE (Microlo) lui présente KASKOREFF. un des responsables du réseau " Centurie " du Calvados. Il lui annonce la visite prochaine, à son domicile, à Saint-Lô, d'une personne venant de la part de " Microlo " pour l'entretenir de la loi de KIRCHKOFF sur les courants dérivés. C'est le chef de " Centurie " du secteur de Saint-Lô, Adolphe FRANCK qui se présentera. Bien que restant autonome, le groupe " Action P.T.T. " agira désormais en liaison avec " Centurie ", par l'intermédiaire de BOUVET, appartenant à ce réseau.
L'organisation n'ayant pas encore d'agent dans le Nord-Cotentin, Adolphe FRANCK, sur demande de Lucien LEVIANDIER, s'adresse à Marcel RICHER qui désigne son frère François, agent des lignes ; il sera puissamment secondé par Augustin LEMARESQUIER, membre du réseau " Delbo-Phénix ".
Les liaisons entre le chef national et les membres du groupe sont assurées par Mme LEBLOND ou par le vétérinaire TEXIER-HUGOU.
Sur le conseil de Maurice HORVAIS (Hamon) qui avait été très bien reçu chez FILLATRE à Villebaudon, le chef national de I' " état-major " d'" Action P.T.T. ", Ernest PRUVOST (Potard), accompagné de son adjointe directe Simone MICHEL-LEVY (Emma) et du " colonel " Marc O'NEILL (Tyrone), chef du réseau " Centurie " de la région parisienne, décide d'y passer quelques jours en été.
Bien que le poste émetteur ne put être installé à Beaucoudray, dans la petite maison envisagée par HORVAIS, le champ d'antenne étant trop restreint, elle fut louée par PRUVOST comme lieu de refuge possible.
Pendant leur séjour, ils sont reçus par Mme Berthe LEBLOND née LHARDY, institutrice, réfugiée de la région cherbourgeoise, dont le mari Marcel LEBLOND est chef du groupe d' " Action " du réseau " Centurie " à Tourlaville. Mme LEBLOND est alors engagée dans le réseau " Action P.T.T. " où elle fait entrer, en juillet, Jacques ALBERTINI, réfractaire au S.T.O., Albert GODEMER, cultivateur et André LEBREC, rejoints plus tard par Pierre ALLIET et l'instituteur ABDON.
A la suite de l'arrestation de Simone MICHEL-LÉVY et de trois autres employés des Postes, et celle du plus grand nombre d'agents du réseau C.N.D. de Paris, Ernest PRUVOST (Potard), recherché par la Gestapo, trouve chez FILLATRE le 9 novembre un refuge à Villebaudon, où il restera jusqu'à la Libération. PRUVOST engage alors dans le réseau Marcel TABUR, fils d'un quincaillier d'Avranches, qui, possédant un permis de circuler en camion automobile, sera un agent de liaison efficace. Le même rôle est confié à Émile LEFEVRE, entrepreneur à Montabot, qui jouit des mêmes facilités.
A Avranches, en décembre, Raymond CHEVET, par l'intermédiaire de DUJCLOS. entre en relations avec le nouveau chef des F.T.P. de la région sud du département, Jean TURMEAU (Alfred).
Tout en gardant son autonomie, le réseau " Action P.T.T. " est devenu une organisation très importante. Il est en liaison étroite avec d'autres réseaux très actifs :
A Saint-Lô, " Centurie ", par RICHER et FRANCK, et le " F.N. " par LEPUISSANT.
A Avranches, les " F.T.P. " par Raymond CHIVET et Jean TURMEAU, pour l'organisation des sabotages prévus.
En fin d'année 1943, "Action P.T.T. " est prête à jouer un rôle de premier plan lorsque le jour J sera arrivé.
ACTION P.T.T. (1944) :
Ce réseau, bien qu'autonome dans sa composition, a depuis longtemps des relations étroites avec d'autres formations, notamment avec le réseau Centurie " de l'O.C.M et. dans la région Manche-Sud, dès le 2 janvier, avec les organisations du Front National. les F.T.P. et leurs chefs : Raymond CHIVET, chef du centre de télécommunications d'Avranches et Jean TURMEAU (Alfred), ensemble, ils vont reconnaître les points prévus pour opérer, le moment venu. le sabotage des câbles souterrains reliant Cherbourg à la Bretagne : à Pontautault, route de Villedieu et route de Granville, et des câbles aériens aboutissant au standard à 50 m du centre des lignes souterraines à longue distance (L.S.G.D.).
Dans ce même mois, Clément SÉGER est nommé chef du centre d'amplification de Saint-Lô.
C'était un des membres qui, à Paris, avait fait partie du groupe de Robert KELLER, lequel, en 1942, captait les communications du Grand Quartier Général allemand. Le responsable national adjoint du réseau, Maurice HORVAIS conseille à Marcel RICIIER de prendre contact avec le nouveau venu, ce qui fut fait par l'intermédiaire d'Etienne BOBO. Dès avril, Clément SEGER est en mesure de remettre à CROUZEAU les plans officiels des points de départ. de l'itinéraire et des points d'aboutissement des câbles des lignes souterraines à grande distance installés par l'ennemi dans le département de la Manche.
En février, un officier de l'armée anglaise en mission, Renaud DANDICOLLE (capitaine DUNBY) a pris contact à Paris avec Maurice HORVAIS. Il cherche des lieux propices à un parachutage d'armes en Normandie. Celui-ci lui indique la présence à Villebaudon, où ils sont réfugiés, d'Edmond DEBEAUMARCHE et d'Ernest PRUVOST, responsables nationaux d'Action P.T.T., Henri LEVEILLÉ les rejoint. Des recherches sont entreprises dans la région qui aboutissent trois mois après au parachutage d'armes de Sainte-Marie-Outre-l'Eau, près de la limite départementale avec le Calvados. PRUVOST a confié à Mme LEBLOND née HARDY, institutrice à Villebaudon, le message " Aimer et vivre " convenu avec Renaud DANDICOLLE, annonçant ce parachutage.
Le 9 mai, Mme LEBLOND, qui a refusé, malgré les ordres du Gouvernement de Vichy, de rendre son poste écouteur de radio, capte ce message. Elle alerte FILLATRE qui part aussitôt dans l'automobile du docteur J. André LEBRUN de Tessy-sur-Vire pour Saint-Lô, afin de prévenir l'équipe de René CROUZEAU. A 21 heures, le même message est à nouveau capté par Mme LEBI,OND.
Avec PRUVOST, Alphonse FILLATRE, Germaine de SAINT-JORES et Raymond ABDON, elle participe à la réception des armes sur le terrain de Sainte-Marie-Outre-l'Eau où ils sont rejoints par la camionnette des P.T.T. conduite par Raymond ROBIN dans laquelle ont pris place René CROUZEAU, Etienne BOBO et Clément SEGER. Tandis que quatre hommes, munis de torches, dont FILLATRE et PRUVOST (Potard) balisent le terrain en forme de R, les autres prennent livraison de 3 tonnes d'armes réparties en 15 containers : fusils-mitrailleurs, colts, mines, plastic, munitions. Une partie du stock est dissimulée dans une ferme inhabitée de Beaucoudray, la maison du village du bois : une autre est cachée au magasin de l'atelier de menuiserie de la Direction des P.T.T. à Saint-Lô, dans lequel, malgré le voisinage des Allemands, les résistants du groupe apprennent le maniement d'armes.
Dès le surlendemain, André LEBOUVIER, accompagné du vétérinaire TEXIER-HUGOU, se rend à Beaucoudray d'où il rapporte des armes qu'il cache, sous des tubes de caoutchouc, dans son jardin à Percy.
Quelques jours plus tard, c'est Maurice ROSSELIN, employé dans la quincaillerie de Marcel TABUR à Avranches qui assure, en camionnette, le transport des armes pour CHIVET et ses camarades, du groupe F.T.P. d'Avranches.
Mais le terrain de parachutage de Sainte-Marie-Outre-l'Eau étant maintenant connu des Allemands. André LEBOUVIER, LORIDANT et le docteur LEBRUN ont trouvé un terrain pouvant convenir pour une nouvelle opération situé à la cote 226, au lieu-dit " Les Haies-Tiggard ", à Saint-Pierre-de-Fresne, dans le Calvados. Le message convenu avec Londres est : " Poudre et couleur peuvent tout changer. ". Le débarquement des Alliés le 6 juin a lieu avant l'expédition projetée, mais au cours de la bataille de Normandie le terrain sera utilisé pour les opérations militaires.
Dans la deuxième quinzaine de mai, chacun pressent de grands événements proches.
Rappelons que le 20 mai, le postier Etienne BOBO s'est rendu à Périers à bicyclette pour en rapporter une mitraillette qu'il camoufle à son retour, sous son imperméable, et qu'il remet à BOUVIER (voir plus haut, Réseau " Centurie ").
A Saint-Lô, le groupe reçoit en fin mai le plan des opérations à effectuer dès le débarquement : le bureau de la Direction des P.T.T. gardé par les Allemands doit être attaqué et les installations sabotées ; central et stations harmoniques au 1er étage et au sous-sol, le central auquel aboutissent toutes les lignes du front de mer. Le plan prévoit également le sabotage des câbles et des lignes aériennes au point de coupure. Trois messages donneront l'ordre des opérations : " Les dés sont sur le tapis. ", sabotage des câbles ; " Il fait chaud à Suez. ", message de débarquement et déclanchement de la guérilla ;
" L'appel du laboureur dans le matin brumeux. " concernait le rassemblement du groupe de Saint-Lô et la constitution d'un maquis à Villebaudon.
Ainsi, tout est prêt en vue d'aider les Alliés dès l'ouverture du front par un débarquement des troupes alliées.
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