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Le Mémorial de Perm-36 ou l'amnésie du pouvoir russe !

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Le Mémorial de Perm-36 ou l'amnésie du pouvoir russe ! Empty Le Mémorial de Perm-36 ou l'amnésie du pouvoir russe !

Message  tietie007 17/2/2008, 19:35

Un article intéressant dans l'Express de la semaine dernière, sur l'amnésie sélective qui frappe les autorités russes par rapport au passé soviétique ! Voici une synthèse de l'article en question.

Source : Goulag : l’archipel oublié, article de Sylvaine Pasquier, p 66-70, in L’Express n°2953, 7 au 13 février 2008.

De la période soviétique, la Russie de Poutine ne veut retenir qu’un passé radieux : les déportations et les exécutions font l’objet d’une amnésie organisée. Visite au camp de Perm-36, ultime témoin de ce qui fut l’une des plus terribles machines de répression du XXeme siècle.

Le camp de Perm-36, est situé dans le Grand Nord, au-dessus d’Arkhangelsk, à 120 kilomètres de Perm, près du hameau de Koutchino.

Le Mémorial de Perm-36 ou l'amnésie du pouvoir russe ! Letriangledepermlh0

Construit en 1946 pour un millier de prisonnier, le camp de travail forcé ITK-6, rebaptisé par la suite VS-389/36 a fonctionné sans discontinuer jusqu’à sa fermeture officielle, à la fin des années 80.
Après l’exécution en 1953 de Beria, quelque 800 colonels et généraux de la police secrète stalinienne y seront incarcérés. En 1972, vint le tour des dissidents, militants des droits de l’homme, nationalistes des républiques sœurs.
Aujourd’hui la plupart des camps sont tombés en ruine, certains ont été démantelés pour effacer les preuves de la machine répressive soviétique. Un sort qu’a failli connaître Perm-36. D’autres, enfin, recyclés en prisons de droit commun, sont interdits d’accès, comme Perm-37 et Perm-35, où Natan Sharansky, chef de file des refuzniks, a été incarcéré 9 ans. L’ensemble forme une zone appelée dans la région le « triangle de Perm » par analogie avec celui des Bermudes.
Loin de l’élan de vérité qui avait surgi dans les dernières années de l’URSS, la Russie que dirige Vladimir Poutine oscille entre amnésie collective et révisionnisme. L’Etat n’a pas érigé le moindre monument en hommage aux victimes du totalitarisme. Il en existe quelques-uns, à Magadan, Vorkouta, à Oukhta, à Tomsk, à Perm … édifiés par des individus ou des associations de défense des droits de l’homme, en particulier Mémorial, organisation indépendante fondée en 1988 par une poignée d’historiens et de dissidents, dont Andreï Sakharov. En 1990, à Moscou, celle-ci a scellé une pierre blanche des îles Solovki, site des premiers camps soviétiques de travail forcé, sur un coin de pelouse face au siège de l’ex-KGB et de son successeur, le FSB. Vladimir Poutine n’y a jamais déposé de gerbe et n’a pas d’avantage éprouvé le besoin de visiter Perm-36. L’histoire soviétique, estime-t-il, doit inspirer un « sentiment de fierté ». Le chef de l’Etat, observe Arseny Roginsky, l’un des dirigeants de Mémorial à Moscou, « veut construire une identité heureuse de la Russie, où il n’y aurait que des victoires ! ». Vision d’un passé radieux où les heures sombres sont escamotées ou révisées ; Staline est désormais présenté comme « le plus efficace des dirigeants soviétiques ».
Le 30 octobre 2007, jour dédié par la société civile aux victimes des répressions politiques, Vladimir Poutine a créé la surprise en se rendant à Boutovo, ancien champ de tir à la périphérie de Moscou confié à l’Eglise orthodoxe, où plus de 20 000 victimes de la Grande Terreur et des purges staliniennes ont été exécutées entre 1937 et 1938. Là, il a reconnu l’étendue de la tragédie, mais le geste est resté sans suite. L’ex-dissident Roy Medvedev applaudit pourtant des deux mains :
« C’est un très grand pas, qui de facto donne à Boutovo le statut de Mémorial national. »
Le voilà conforté dans le soutien qu’il accorde à Poutine, en qui il voit un « homme d’Etat supérieur ».
D’autres ne l’entendent pas ainsi. « Une opération de relations publiques », estime l’économiste Lev Timofeev. Aujourd’hui directeur, à Moscou, du Centre de recherche sur les systèmes d’économie illégale, il a été condamné en 1985 à onze ans de camp pour des études sur le marché noir et la corruption dont les copies circulaient dans le réseau clandestin du samizdat. Il évoque avec réticence sa détention à Perm-36 :
« Tout y était immonde, mais le pire, c’était l’humiliation d’avoir été sanctionné pour avoir dit la vérité, le fait de n’avoir plus aucun pouvoir sur soi-même. »

Dans ses 15 dernières années de fonctionnement, Perm-36 a été divisé en deux secteurs :
- Le régime strict situé dans les locaux d’origine.
- Le bloc du régime spécial établi sur le site d’un ancien entrepôt de bois, où étaient incarcérés les plus « dangereux criminels d’Etat », tels le poète ukrainien Vasyl Stus, jugé « pathologiquement honnête », ou l’écrivain russe Leonid Borodine, condamnés à répétition pour « propagande antisoviétique ». Enfermés en permanence, ils ne pouvaient respirer à l’air libre qu’une petite heure par jour …dans un réduit de 2 mètres carrés aux parois de tôle électrifiée, couvert en guise de toit d’un quadrillage serré de barbelés. C’est dans l’un de ses soupentes qu’est mort Vasyl Stus, en 1985, officiellement d’une crise cardiaque.
Restauré grâce à l’énergie des militants et historiens de la région affiliés à Mémorial, Perm-36 abrite depuis plusieurs années un véritable musée du Goulag, ouvert au sein même des baraquements. Sans équivalent en Russie, il décrit le phénomène, ses méthodes, ses effectifs et l’ordinaire cruel des zeks. Son financement est en partie assuré par des fondations étrangères et, fait exceptionnel, par les autorités régionales.
Spécialiste de la Russie du XXeme siècle, Leonid Oboukhov est responsable des recherches sur la répression politique au sein de l’équipe Perm-36 :
« Nous avons accès aux archives politiques du Parti, auquel les représentants de la direction des camps rendaient compte. Mais pas à celles du KGB-FSB, déplore-t-il. Ni du ministère de l’Intérieur, alors qu’on pouvait y travailler au début des années 1990. Peu à peu, elles se sont refermées. ».
A Moscou, Mémorial se heurte à de semblables difficultés, auxquelles s’ajoute le harcèlement incessant des pouvoirs publics à son encontre. En dépit de cette situation, l’ONG vient de réaliser un disque compact où figurent les noms de 2 614 978 victimes de la Grande Terreur. Une première base de données, certes partielle, issue pour l’essentiel des « Livres de mémoire » préparés par des centaines de citoyens à travers le pays. L’Etat n’a pas donné un seul rouble pour soutenir cette entreprise !
L’amnésie sélective russe plombe durablement le développement de l’Etat de droit. « Il y a trente ans, rappelle Arseny Roginsky, j’ai été arrêté et embarqué au siège du KGB. Là, un officier m’a pris à partie : « Pourquoi interrogez-vous des gens qui veulent oublier ? ».
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