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Deux faibles phares dans la nuit...

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Deux faibles phares dans la nuit... Empty Deux faibles phares dans la nuit...

Message  roger15 8/5/2008, 11:34

Deux faibles phares dans la nuit...

Bonjour à toutes, et bonjour à tous, Smile

Je voudrais vous évoquer un événement qui s'est produit il y a un peu plus de soixante ans (en décembre 1947) et qui a durablement marqué ma jeunesse, bien qu'à l'époque je n'étais pas encore né…

C'était dans les années quatre-vingt, j'étais alors Inspecteur Principal des PTT et Formateur Principal au Centre Régional de Formation (CRF) de la Direction des Services Ambulants (DSA), responsable des cours nationaux de La Poste française pour les Contrôleurs Divisionnaires des PTT (CTDIV). Les CTDIV de La Poste étaient la colonne vertébrale des centres de tri postaux et des services ambulants sur les wagons-poste (ce dernier service a cessé en décembre 1995…). Ils n'étaient que des fonctionnaires de catégorie "B" (à l'époque les PTT étaient une administration, ce n'est que depuis le 1er janvier 1991 que La Poste et France Télécom se sont séparés en devenant chacun une entreprise publique), donc sous les ordres théoriques de jeunes Inspecteurs des PTT, en catégorie "A", recrutés par concours au niveau de la licence (bac + 3), mais concrètement ces jeunes Inspecteurs n'y connaissaient rien et c'étaient les CTDIV qui faisaient "tourner la boutique" !…

Ces CTDIV qui venaient suivre leur formation à mon CRF de la DSA, étaient tous plus âgés qui moi, de cinq à vingt ans de plus !… Ils m'avaient bien accepté car, certes j'avais été Inspecteur avant de réussir le concours d'Inspecteur Principal, mais je leur disais lors du début des cours que j'avais commencé comme eux comme Agent d'Exploitation (AEX), grade de catégorie "C", au tri manuel au centre de tri de la gare Montparnasse 36 rue du Commandant René Mouchotte 75014 Paris (pour information, c'est devenu le siège social national de la SNCF, mais la SNCF a retenu comme adresse le n° 34).

Et un jour un CTDIV, qui avait retenu que j'aimais bien l'histoire de France et spécialement celle de la Seconde guerre mondiale m'a raconté une anecdote qu'il avait vécue dans sa jeunesse et qui l'avait beaucoup marquée. Cette anecdote m'a également beaucoup touché, c'est pourquoi je vous la livre…

Ce CTDIV (depuis, j'ai oublié son nom, je l'appellerais donc Jeannot), était en décembre 1947 un jeune garçon âgé de sept ans (donc né en 1940). Il habitait une petite commune de l'Ardèche près d'Annonay. Le vendredi 5 décembre 1947 son papa lui a demandé, à la fin du dîner, de se vêtir chaudement, ainsi que sa maman et ses frères et sœurs (vu qu'il faisait alors très froid sur la partie Sud de la France) car il fallait prendre vers huit heures du soir le camion d'un agriculteur voisin pour aller au lieu-dit "Bancel" (commune d'Andancette, département voisin de la Drôme) situé à une quinzaine de kilomètres, juste à un carrefour de la Route Nationale 7. Au bout de vingt minutes le camion s'est garé près du carrefour, la nuit était noire (c'était le Dernier Quartier de la Lune). Et là, plusieurs habitants de ce village se sont regroupés dans le froid près de ce carrefour non éclairé. Seules les lampes électriques et les "lampes tempête" à l'huile perçaient la nuit noire. Curieusement les habitants de ce village se sont mis de chaque côté de la nationale 7 : les "Rouges" d'un côté, les "autres" de l'autre, car en cette fin 1947 (qu'on a appelé "l'année terrible") la France était à deux doigts de la guerre civile avec les Communistes d'un côté (c'était alors le premier parti de France, le "parti des fusillés") et tous les autres (Socialistes et Chrétiens de centre droit) de l'autre côté. Chacun était alors persuadé que le "Petit Père des Peuples" (Joseph Staline) allait incessamment lancer ses armées pour conquérir toute l'Europe (c'était ce qu'on a appelé ensuite la "Guerre Froide"). Et si la majorité des habitants de ce village étaient là c'est que (comme dans le film "Don Camillo") à la fois le maire communiste et le curé avaient fait (sans se concerter) le même discours « Il faut qu'au moment où le convoi militaire passera à la hauteur de "Bancel" vous soyez le maximum à être présents, n'hésitez pas à y amener vos jeunes enfants pour que plus tard ils puissent dire "j'y étais, je l'ai vu passer !…" ».

Deux gendarmes sont alors arrivés pour vérifier que tout se passerait bien. C'est grâce à leur radio que les gens présents sur place ont appris l'information : "le convoi est reparti de Tain-l'Hermitage à 21h30, il passera donc ici vers 22h00."

Et à dix heures du soir exactement deux faibles phares sont apparus dans le lointain, en perçant la nuit noire, en provenance de Saint-vallier (la RN 7 est toute droite pendant des kilomètres par là). Au fur et à mesure que les phares se rapprochaient tous les spectateurs ont allumé leurs lampes pour signaler leur présence au convoi militaire en provenance de Marseille qui remontait d'abord vers Lyon, puis vers Paris. En voyant ces nombreuses petites lumières percer la nuit noire le conducteur de la jeep de tête a ralenti l'allure pour que chacun puisse saluer dignement le héros qui passait… Après la jeep de tête un premier camion militaire est passé, et tout le monde a su que c'était là que reposait le Grand Homme car quatre fanions à cinq étoiles (apanage du grade de Général d'Armée) flottaient au vent, un à chaque coin du véhicule. Trois autres camions transportaient les dépouilles de douze autres soldats disparus tragiquement dans le crash de l'avion qui s'était écrasé à Colomb-Béchar (Algérie) le 29 novembre 1947, deux autres camions transportaient les soldats du contingent assurant l'escorte mortuaire, et en fin une jeep terminait le cortège funèbre.

La réaction des deux groupes fut différente : "ceux qui croyaient au ciel" ont fait un signe de croix, "ceux qui n'y croyaient pas" ont tendu leur poing en signe de respect. Quant aux deux gendarmes ils se sont mis au garde-à-vous et ont salué. Et puis, juste après le passage de la jeep de queue, quelqu'un dans le groupe des "Rouges" a entonné "La Marseillaise" que les deux groupes et les deux gendarmes ont reprise. Jeannot m'a dit que jamais plus depuis, il n'avait entendu de "Marseillaise" aussi chaleureuse…

Le convoi a ensuite continué jusqu'à Lyon puis vers la région parisienne. Et puis, le lendemain (samedi 6 décembre 1947), ce convoi s'est arrêté à 16h30 précise juste à la limite entre Longjumeau et Antony (ma ville natale), donc juste à la limite entre la Seine-et-Oise et le département de la Seine. Là, toutes les autorités civiles et militaires de Paris et du département de la Seine ont tenu à escorter le "Libérateur de Paris" en empruntant le même chemin que la fameuse "Deuxième DB" avait emprunté le jeudi 24 août 1944. Toute la population d'Antony s'était massée le long de la "Route d'Orléans" (qu'on appelle depuis "Avenue de la Division Leclerc") pour rendre un dernier hommage à son Libérateur. Mon papa et ma maman avaient tenu à y être et y emmener mes deux frères plus âgés (je n'étais pas encore né).

A la nuit tombante le cortège est arrivé à la Porte d'Orléans et la dépouille de Philippe François Marie comte de Hauteclocque, Général Leclerc, tragiquement décédé à l'âge de 45 ans seulement a été transférée à l'Arc de Triomphe de la place de l'Étoile où pendant quarante-huit heures sans interruption les Parisiens ont pu se recueillir devant son catafalque. Il sera ensuite inhumé aux Invalides.

Le Général Leclerc était un héros que j'ai toujours admiré dans ma jeunesse, sans ce stupide accident d'avion (certains ont émis l'hypothèse que cet "accident" aurait pu être un sabotage car la popularité de Leclerc était telle en France qu'elle éclipsait celle d'un autre "général", je vous laisse deviner lequel…) il aurait sans doute pu accéder aux plus hautes fonctions de la République Française car il était aimé par tous les Français !…

Le dimanche 15 octobre 1950 (je n'en ai bien sûr aucun souvenir, car je n'avais qu'un an et un mois) mes parents m'ont emmené assister avec mes deux frères à l'inauguration, en présence de Madame la Générale Leclerc (Marie-Thérèse de Gargan) et de ses six enfants (quatre garçons et deux filles), du monument à la gloire du général Leclerc (il ne sera élevé à la dignité de Maréchal de France que par le décret du 23 août 1952) sur le côté droit de l'avenue qui porte le nom de sa division à Antony (il a inauguré lui-même cette nouvelle appellation le 8 avril 1945).

Pour terminer, je voudrais dire que dans ma jeunesse mes instituteurs d'Antony tenaient à ce que nous sachions par cœur le texte du fameux serment de Koufra. Vous trouverez le texte de ce serment (prononcé le dimanche 2 mars 1941) sur le site Internet suivant : http://fr.wikipedia.org/wiki/Koufra

Roger, un grand admirateur de Philippe de Hauteclocque. Rolling Eyes
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