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Soixante jours qui ébranlèrent l\'Occident.

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Soixante jours qui ébranlèrent l\'Occident. - Page 3 Empty Re: Soixante jours qui ébranlèrent l\'Occident.

Message  le ronin 10/6/2009, 16:28

Bonjour Roger, je te remercie pour le récit de ces sombres journées qui étaient un prélude à la défaite annoncée.Il est triste de se replonger sur les heures de tragédie qu'a connu notre pays alors, défaite en grande partie de la responsabilité des dirigeants d'alors, et des mauvais choix vis à vis de la défense du pays.


Amicalement .

Le ronin.

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Soixante jours qui ébranlèrent l\'Occident. - Page 3 Empty Re: Soixante jours qui ébranlèrent l\'Occident.

Message  roger15 10/6/2009, 19:40

Bonjour Le Ronin, Smile

Merci pour ton encouragement. Je vais te faire une confidence : bien que j'ai lu plusieurs fois le tome 1 et le tome 2 du livre de Benoist-Méchin, c'est la première fois que je dois taper moi-même, mot par mot, ligne par ligne, et ceci jour par jour, d'une part les communiqués de l'État-Major de l'Armée française (grâce à cette saisie, j'ai pu pour la première fois m'immerger entièrement vraiment dans la situation de l'auditeur de la TSF française en mai et juin 1940) et d'autre part les extraits du livre. A ce propos, j'ai surtout retenu les aspects les moins connus des nombreux (trop nombreux, beaucoup trop nombreux pour pouvoir les citer tous...) épisodes illustrant cette triste période de l'histoire de France, en essayant d'établir un fragile équilibre entre les événements militaires et les événements politiques...

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Soixante jours qui ébranlèrent l\'Occident. - Page 3 Empty Re: Soixante jours qui ébranlèrent l\'Occident.

Message  roger15 10/6/2009, 23:09

Le dimanche 9 juin 1940. Le jour où l'offensive allemande s'étend jusqu'à l'Argonne.

En ce dimanche 9 juin 1940, 31ème jour de l'offensive allemande sur le front Ouest commencée le vendredi 10 mai 1940, voici ce qu'ont pu entendre les auditeurs des postes de TSF français grâce aux deux traditionnels communiqués quotidiens de l'État-Major de l'armée française :

* communiqué n° 559 (9 juin 1940 - matin) : «
La bataille continue toujours aussi violente sur les positions attaquées depuis plusieurs jours.
Elle vient de s'étendre à l'Est, jusqu'à l'Argonne.
L'ennemi a lancé à l'aube une nouvelle attaque, extrêmement puissante, et étendue de la région de Château-Porcien à celle de Chesne-Populeux.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué du dimanche 9 juin 1940 au matin, se dit que puisque la bataille vient de s'étendre à l'Est jusqu'à l'Argonne, la résistance de l'armée française va bientôt toucher à sa fin...

* communiqué n° 560 (9 juin 1940 - soir) : «
Ainsi qu'il a été annoncé ce matin, l'ennemi a étendu son front d'attaque jusqu'à l'Argonne, tout en poursuivant ses offensives antérieures.
Diminuant sa pression sur la Bresle, il a poussé ses unités blindées jusque dans la région de Forges-les-eaux et d'Argueil, vers celle de Rouen et de Gisors. Quelques détachements de reconnaissance sont arrivés aux faubourgs de Rouen et de Pont de l'Arche, où ils ont vainement tenté de franchir la Seine.
Plus à l'Est, entre Montdidier et Noyon, l'ennemi a été beaucoup moins mordant que la veille. Il est apparu en effet, d'après de nombreuses déclarations de prisonniers, que, dans cette région, il a subi dans l'après-midi d'hier un sérieux échec et des pertes considérables.
Il en a été de même dans la matinée entre l'Oise, à Noyon, et l'Aisne, à Soissons : là aussi, une des armées ennemies a été durement éprouvée. Ce n'est qu'au début de l'après-midi que l'ennemi a repris son offensive, après avoir jeté au Sud de l'Aisne, près de Soissons, de nouvelles divisions appuyées par de nouvelles unités blindées.
En fin d'après-midi une attaque était également en cours dans la région de Pontavert.
En Champagne, nous avons bloqué nettement la grande attaque que l'ennemi a lancé à l'aube sur tout le front compris entre Château-Porcien et l'Argonne. L'ennemi n'a pu franchir l'Aisne qu'en deux points, où il a été contre-attaqué. Au Nord de Vouziers, il a jeté en arrière de nos lignes un parti de parachutistes, qui est actuellement encerclé.
Malgré leur fatigue, malgré leur infériorité numérique, nos troupes continuent de se battre avec ardeur et héroïsme.
Poursuivant leur action dans la bataille, l'aviation de chasse et l'aviation de bombardement se sont opposées, malgré de très violentes réactions de la chasse et de la D.C.A. adverses, à la poussée des formations blindées.
Des reconnaissances effectuées dans la matinée, il résulte que plusieurs colonnes ont été durement éprouvées et ont laissé sur place un important matériel.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué du dimanche 9 juin 1940 au soir, ne sait plus trop quoi penser. La situation lui semble moins catastrophique qu'il ne le craignait.

Voici maintenant les points importants de cette journée du dimanche 9 juin 1940, la cinquième de "la bataille de France" :

Le Groupe d'Armées allemand de von Bock, s'avance à présent avec quatre armées de front : la IVe Armée (von Kluge), la XVIIIe Armée (von Kuchler), la VIe Armée (von Reichenau) et la IXe Armée (Strauss), appuyées par les 5e et 7e Panzerdivisionen du Corps blindé Hoth. Exploitant à fond ses succès de la veille, il amorce une double manœuvre de débordement de Paris :
* à l'Ouest en direction de la Basse-Seine ;
* à l'Est, en direction de la Marne, vers Château-Thierry.

Dès le début de la matinée, le Corps blindé Hoth arrive à Rouen ; plus en amont, le Corps d'Armée von Manstein est en vue des Andelys et de Vernon, vers lequel il fonce.

Le tronçon Ouest de la Xe Armée française (Altmayer) se replie aussi rapidement que possible vers Yvetot et la Basse-Seine. Rommel reçoit l'ordre de percer vers la côte, afin de lui couper la route du Havre et de l'encercler.

Le tronçon Est de la Xe armée française réussit à se rétablir sur le cours inférieur de l'Oise, où il s'amalgamera à l'Armée Héring.

Plus à l'Est, la journée est particulièrement dure pour la VIIe Armée (Frère), qui se replie sur l'Oise, entre Compiègne et Chantilly. En fin de soirée les 1er et 24e Corps doivent abandonner une grande partie de leur matériel sur la rive Ouest de l'Oise. Lorsqu'ils parviennent sur la rive Est, leurs effectifs sont décimés.

Mais, quelle que soit l'importance de ces événements, le fait capital de la journée est l'extension de l'offensive allemande à la Champagne. A 3h30 du matin, l'action commence par un violent bombardement d'artillerie et d'aviation. A 5h30 tout le Groupe d'Armée de von Rundstedt (à gauche, la IIe Armée du général von Weichs, de l'Est de Laon à Neufchâtel-sur-Aisne, avec les 3e, 4e, 9e et 10e Panzerdivisionnen ; au centre, la XIIe Armée du général List, de Neufchâtel-sur-Aisne au canal de l'Aisne à la Meuse, avec les 1ère, 2e, 6e et 8e Panzerdivisionene ; à droite, la XVIe Armée du général von Busch, du canal de l'Aisne à Montmédy) attaque, face à la Champagne, sur toute la longueur allant de l'Aisne à la rive gauche de la Meuse, soit sur un front de 150 kilomètres.

Dès le début de l'offensive, Guderian a donné Langres et Besançon comme objectifs à ses blindés.

C'est donc avec la masse considérable de 8 Panzerdivisionen, soit environ deux mille chars, que les troupes de von Rundstedt se ruent à l'assaut des positions françaises tenues par la VIe Armée (Touchon) et la VIe Armée (Réquin).

Au matin de cette nouvelle bataille, le général Weygand adresse à nos troupes la proclamation suivante :
«
L'offensive allemande est maintenant déclenchée sur tout le front, de la mer à Montmédy. Elle s'étendra demain jusqu'à la Suisse.
L'ordre demeure, pour chacun, de se battre sans esprit de recul, en regardant droit devant lui, là où le commandement l'a placé.
Le Commandant en chef n'ignore rien des efforts et de la vaillance dont les armées engagées et l'armée de l'Air donnent, sans désemparer, le magnifique exemple. Je les en remercie. La France leur demande plus encore.
Officiers, sous-officiers, et soldats, le salut de la Patrie réclame de vous non seulement votre courage, mais toute l'opiniâtreté, toute l'initiative, tout l'esprit combatif dont je vous sais capables. L'ennemi sera bientôt au bout de son effort. Nous sommes au dernier quart d'heure. Tenez bon !
»

Mais l'ennemi qui attaque avec des troupes fraîches ne tarde pas à franchir l'Aisne et à constituer des têtes de pont sur la rive Sud de cette rivière. Il fait porter son effort principal sur Château-Porcien, et arrive, dans l'après-midi, à proximité de Saint-Loup. Plus à l'Ouest, il réussit à constituer des têtes de pont à Guignicourt et à Pontavert.

C'est surtout dans le secteur de Soissons que sa progression est la plus grande. Partant, avec une grande masse de chars, des positions dont il s'est emparé dès l'aube, il élargit considérablement sa poche, pénètre dans nos lignes et atteint l'Ourcq en fin de journée, sur un front de 15 kilomètres, entre La Ferté-Millon et Fère-en-Tardennois.

Dans la soirée, le Grand Quartier Général français quitte La Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne), pour se replier sur Briare (Loiret).

Tôt dans la matinée, un avion emmène le général de Gaulle à Londres, où il va rencontrer Winston Churchill au 10 Downing Street. Malgré tous les arguments de de Gaulle, il refuse le concours du gros de l'aviation britannique pour la bataille de France, démontrant ainsi qu'il ne croit plus à la possibilité d'un rétablissement militaire en France métropolitaine. Ce voyage de de Gaulle à Londres a t-il été totalement inutile ? Nullement, l'important étant que les deux hommes, qui se rencontrent pour la première fois, ont appris à se jauger et à s'estimer...

A Rome, André François-Poncet, ambassadeur de France en Italie, va dans l'après-midi prendre congé du Comte Ciano, Ministre italien des Affaires Étrangères. François-Poncet ne peut retenir ses larmes quand il lui déclare que la France veut au moins sauver l'honneur militaire dans une lutte sans espoir : trois contre un, ou même cinq contre un. Ciano lui répond franchement que « Même si la France offrait à l'Italie l'Afrique du Nord toute entière pour qu'elle n'entrât pas en guerre, cette offre ne serait pas prise en considération. »

Dans le courant de l'après-midi, Monsieur José Félix de Lequerica, ambassadeur d'Espagne à Paris, fait savoir à Paul Reynaud de la part de son gouvernement que « la neutralité statutaire de Tanger sera impossible à maintenir si l'Italie entre en guerre et que, dans ces conditions, l'Espagne assurera elle-même la sécurité de Tanger ». Paul Reynaud remarque que c'est une menace de mainmise sur Tanger, à la faveur de nos désastres.

Entre 21 heures et 22 heures un Conseil des Ministres se tient à l'Élysée sous la présidence d'Albert Lebrun, Président de la République. Exceptionnellement on y a convié le général Weygand. Celui-ci commence par exposer la situation militaire. Il explique que les Allemands ont atteint la Seine en aval de Paris et qu'une nouvelle et puissante offensive vient de se déclencher en Champagne. La capitale est donc immédiatement menacée par l'Ouest, l'Est et le Nord. Paul Reynaud rend compte ensuite de la situation diplomatique et annonce aux ministres, qui l'apprennent avec consternation, que l'entrée en guerre de l'Italie n'est plus qu'une question d'heures. Pour finir, Paul Reynaud laisse entendre que le gouvernement doit se préparer à quitter Paris.

Dans la nuit, le général de Gaulle se rend chez le Président du Conseil pour lui faire part des résultats de sa mission à Londres. Ceux-ci sont, hélas, entièrement négatifs. Paul Reynaud, de son côté, communique au général les événements de la journée : le moins qu'on en puisse dire est qu'ils ne sont pas encourageants. L'avance allemande sur la Basse-Seine, l'offensive sur l'Aisne, la capitale menacée, l'Italie sur le point d'entrer en guerre, n'incitent guère à l'optimisme.

De Gaulle écrit alors : « Devant ces mauvaises nouvelles, je n'avais qu'une suggestion à faire : adopter le parti du plus grand effort et aller au plus tôt en Afrique en épousant, dans toutes ses conséquences, la guerre de coalition. »

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Message  Somua 12/6/2009, 22:24

Je tiens a signaler, que meme s'il en a l'air , JB Mechin n'est pas exact dans cette serie de trois ouvrages .
Alors bien sur , pour appréhender le sujet, il reste incontournable , mais attention a ne pas tout prendre au pied de la lettre .

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Message  roger15 12/6/2009, 23:08

Bonsoir Alain, Smile

Je l'ai déjà dit, un forum sert avant tout à dialoguer. Alors, n'hésite pas à nous faire savoir, sur un point précis, pourquoi tu n'es pas d'accord avec ce qu'affirme Jacques Benoist-Méchin.

Dans la relation que j'ai faite jusqu'ici des 31 journées entre le 10 mai et le 9 juin 1940, il y a trois éléments :
-1°) les communiqués de l'État-Major de l'Armée française, qui ne figurent pas dans l'ouvrage de Méchin ;
-2°) les faits militaires et les faits politiques, qui sont incontestables ;
-3°) les appréciations de Méchin sur les faits politiques, et là effectivement il est assez partial... Mais ce sera surtout dans la période du 17 juin au 10 juillet 1940 que cela apparaîtra plus nettement.

Merci de reconnaître, Alain, que « pour appréhender le sujet, il reste
incontournable
».


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Message  roger15 13/6/2009, 15:35

Le lundi 10 juin 1940. Le jour où l'Italie déclare la guerre à la France et à l'Angleterre, et où le gouvernement français quitte Paris...

En ce lundi 10 juin 1940, 32ème jour de l'offensive allemande sur le front Ouest commencée le vendredi 10 mai 1940, voici ce qu'ont pu entendre les auditeurs des postes de TSF français grâce aux deux traditionnels communiqués quotidiens de l'État-Major de l'armée française :

* communiqué n° 561 (10 juin 1940 - matin) : « De la mer à l'Argonne, la bataille continue de plus en plus violente. »

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué, très bref, du lundi 10 juin 1940 au matin, se dit que les soldats français doivent supporter une charge de plus en plus lourde face aux soldats allemands.

* communiqué n° 562 (10 juin 1940 - soir) : «
De la mer à l'Oise, l'ennemi a accentué sa pression sur la route d'Amiens à Rouen et sur celle d'Amiens à Vernon jusqu'à atteindre la Basse-Seine en certains points, où quelques éléments ont franchi le fleuve. Il est contenu partout par des contre-attaques vigoureuses.
Entre la route d'Amiens à Vernon et le cours de l'Oise inférieure, son infanterie a été moins mordante.
C'est surtout avec son aviation qu'il a cherché à troubler les mouvements de nos unités par des bombardements répétés sur leurs arrières.
A l'Est de l'Oise, les colonnes ennemies qui avaient débouchées dans l'après-midi d'hier dans la région de Soissons ont repris dans la matinée leur attaque vers l'Ourcq de la Ferté-Millon et de Fère-en-Tardennois. D'autres unités ont attaqué en même temps par la vallée de la Vesle en direction de Fismes.
En Champagne, l'ennemi a repris dès l'aube son offensive de part et d'autre de Rethel avec de nouvelles divisions appuyées par des détachements de chars et des escadrilles de bombardement. Malgré tous ses efforts, il n'a réussi qu'à étendre qu'il avait créer la veille en poussant jusqu'à la Retournes.
A l'Est de l'Aisne, à Attigny il à étendu ses lignes à tous les débouchés Nord de l'Argonne jusqu'à la Meuse, à Beaumont. Partout nos troupes ont fait front et opposé à l'ennemi la résistance la plus énergique en se défendant pied à pied et en contre-attaquant.
De nombreuses reconnaissances aériennes ont été effectuées sur le front et sur les arrières, en particulier Namur et Donaueschingen ont été survolés. Des convois ont été bombardés par notre aviation à Forges-les-Eaux, Soissons et Pontavert.
Notre aviation de chasse au cours de ses missions de couverture, a remporté d'importantes victoires. Le groupe de chasse sous les ordres du commandant Thibaudet s'est particulièrement distingué, abattant dans une seule sortie, douze appareils ennemis. Tous nos avions qui avaient participé à ces combats sont rentrés sans porter la trace d'une seule balle.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué du lundi 10 juin 1940 au soir, se félicite certes du succès du groupe de chasse sous les ordres du commandant Thibaudet, mais comprend également que l'armée allemande ne cesse de progresser sur le sol français...

Voici maintenant les points importants de cette journée du lundi 10 juin 1940, la sixième de "la bataille de France" :

A 9h30 la Division blindée de Rommel s'ébranle en direction d'Yvetot. Elle avance vers la mer à une vitesse de 40 à 65 kilomètres par heure. En milieu d'après-midi la Division de Rommel atteint la côte. Voici ce qu'il écrivit à ce sujet : «
Peu après, la division rencontra l'arrière-garde de la 31e Division française qui devait s'embarquer à Fécamp dans l'après-midi. Quelques éléments britanniques s'y trouvaient dispersés. Cette colonne fut vite rompue et, tandis que nos blindés et nos canons antiaériens arrosaient la route au-devant d'eux, le tête de notre division repris à grande vitesse sa marche à la mer. Accompagné de mon équipe de signalisation, je partis devant le régiment par les Petites Dalles (à 16 kilomètres à l'Est de Fécamp et à 9 kilomètres à l'Ouest de Veulettes) en direction du littoral.
La vue de la mer, bordée de falaises de chaque côté, nous enthousiasma, et aussi l'idée d'avoir atteint le littoral français. Nous mîmes les pieds à terre et descendîmes la page de galets vers le bord de l'eau, jusqu'à ce que les vagues vinssent se briser sur nos bottes. Plusieurs estafettes en longs manteaux imperméables marchèrent ainsi jusqu'à ce qu'elles eussent de l'eau jusqu'aux genoux. Il me fallut les rappeler. Derrière nous, le colonel Rothenburg, survenant dans sa voiture de commandement, franchit le talus de la grève et roula jusqu'à l'eau. Nous avions accompli notre mission et fermé à l'ennemi la route vers Le Havre et vers Fécamp.
»

A 20 heures, Saint-Léonard tombe après un combat acharné. Toutefois la division de Rommel ne parviendra pas à prendre Fécamp grâce à l'héroïque résistance de la garnison française. La division atteint Tourville à 22 heures, puis enfin Veulettes à trois heures du matin. Rommel y établit le Q.G. de sa division. Depuis le matin, il a parcouru 100 kilomètres depuis son départ de Barentin.

A 6h30 du matin, en Champagne, une très puissante masse de Panzers, appartenant au groupement blindé Guderian, débouche du front Château-Porcien-Rethel progresse d'un bond au-delà de la Retourne, tandis qu'une autre colonne, partie de la région d'Attigny, ne tarde pas à atteindre Vouziers. En soirée les blindés allemands atteignent Château-Thierry et Jaulgonne.

A 10h30, le "Comité de guerre" se réunit au ministère de la guerre rue Saint-Dominique. Le général de Gaulle y participe pour la première fois

A 16 heures, André François-Poncet, ambassadeur de la France à Rome, téléphone à Paul Reynaud pour l'informer que l'Italie a déclaré la guerre à la France et à la Grande-Bretagne.

Très peu de temps après, Paul Reynaud apprend que les troupes espagnoles occupent Tanger, mettant fin au régime international établi dans cette zone. Cette mesure accroît les inquiétudes du gouvernement français. Après l'Italie, l'Espagne va t-elle aussi nous déclarer la guerre ?

A 17 heures, un dernier Conseil des Ministres se tient à l'Élysée sous la présidence d'Albert Lebrun, Président de la République (le prochain n'aura lieu que fin août 1944...). Tous les membres du gouvernements sont d'accord pour quitter Paris. On communique les itinéraires. L'heure du départ est fixée à minuit.

A 19h30 Paul Reynaud annonce à la TSF aux auditeurs français la déclaration de guerre de l'Italie, les hostilités devant commencer cette nuit à minuit. Il débute ainsi son allocution :
«
Nous sommes au sixième jours de la plus grande bataille de l'histoire. L'incendie a commencé sur la Somme. Il s'est propagé jusqu'à la Meuse... Rien ne pourra diminuer notre volonté de lutter pour notre terre et pour nos libertés.
Les épreuves qui nous attendent sont dures, nous y sommes prêts, nos têtes ne se courberont pas.
C'est l'heure que choisi Monsieur Mussolini pour nous déclarer la guerre. Comment juger cet acte ? La France elle, n'a rien à dire. Le monde qui nous regarde, jugera.
»

Paul Reynaud termine ainsi son allocution : « Au cours de sa longue et glorieuse Histoire, la France a traversé de plus rudes épreuves. C'est alors qu'elle a toujours étonné le monde. La France ne peut pas mourir ! »

Dans les ministères on cloue des caisses, on emballe des dossiers, il faut organiser à l'improviste, l'évacuation d'une foule de choses et de gens.

Enfin, les ministres s'en vont, et leur départ nocturne prend, quelques efforts qu'ils fassent pour sauver les apparences, l'allure d'un véritable sauve-qui-peut. Dans le trouble de la dernière heure, on néglise d'aviser de cette décision importante le général Héring, gouverneur militaire de Paris.

A 23 heures, brusquement la radio-diffusion française interrompt ses émissions pour diffuser le communiqué suivant : « Le gouvernement est obligé de quitter la capitale, pour des raisons militaires impérieuses. Le Président du Conseil se rend aux Armées. » L'auditeur français se félicite que Paul Reynaud se rende "aux Armées" !... La réalité est hélas toute autre : Paul Reynaud s'embarque en voiture, à minuit, sur la route nationale 20, plein Sud, en direction d'Orléans (il est accompagné du général de Gaulle). Quant au gouvernement, il part pour Tours.

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Message  Somua 13/6/2009, 20:35

roger15 a écrit:Bonsoir Alain, Smile

Je l'ai déjà dit, un forum sert avant tout à dialoguer. Alors, n'hésite pas à nous faire savoir, sur un point précis, pourquoi tu n'es pas d'accord avec ce qu'affirme Jacques Benoist-Méchin.

Dans la relation que j'ai faite jusqu'ici des 31 journées entre le 10 mai et le 9 juin 1940, il y a trois éléments :
-1°) les communiqués de l'État-Major de l'Armée française, qui ne figurent pas dans l'ouvrage de Méchin ;
-2°) les faits militaires et les faits politiques, qui sont incontestables ;
-3°) les appréciations de Méchin sur les faits politiques, et là effectivement il est assez partial... Mais ce sera surtout dans la période du 17 juin au 10 juillet 1940 que cela apparaîtra plus nettement.

Merci de reconnaître, Alain, que « pour appréhender le sujet, il reste
incontournable
».


Roger le Cantalien. Rolling Eyes

Bonsoir Roger ,
En ce qui me concerne , j'ai pu noter , et car je serais bien incompétent dans les autres domaines, des informations disons tronquées ou incomplètes sur l'aspect militaire . Bien entendu , sur la globalité et sur les grands évènements c'est tout a fait bon , je ne parle que de détails qui ne sont visibles qu'avec de longues heures de recherches sur certains sujets bien precis . Je ne pense pas que cela soit volontaire, simplement qu'il devait manquer ici ou la d'informations complètes et détaillées .
Je me suis par ailleurs mal exprimé , je ne voulais pas dire que je ne suis pas d'accord avec Benoist-Méchin , simplement qu'il faut être vigilant , comme avec toute source .
Pour en revenir a ces petits détails , je dirais que cela fait partie des énigmes et autres mystères , que nous cherchons a décrypter sur le forum ATF40 , mais egalement d'une information la meilleure possible que nous donnons via le site idoine .
Un exemple ?
Pris au hasard il y a quelques instants , page 49 du premier tome de l'édition albin michel de 1956 :
"résultat : la Ie et IIe DCR ne sortiront que le 15 janvier 1940 et n'auront respectivement que 120 et 169 chars ( au lieu des 500 preconisés par de Gaulle ) ; un seul bataillon d'infanterie se déplaçant en camions ( au lieu de 7 , transportés sur des véhicules tout terrains ) ; 2 groupes d'artillerie ( au lieu de 7 ) ; pas de groupe de reconnaissance ; pas d'aviation "
La vérité c'est que le nombre de chars est erroné , il faut compter 160 chars par DCR , que les bataillons de chasseurs portés ( au moins pour ces deux divisions ) furent dotés de transports blindés Lorraine et non de camions . Alors comment expliquer cette erreur quantitative pour 120 chars ? Je pense que le 4e bataillon sur chars B1bis n'était pas encore opérationnel et que les chars B1 n'ont pas été comptabilisés , mais aussi que les BCP étaient en cours de dotation de VBCP . En soit ce n'est pas grave , me direz vous , sauf que cela apparait dans le chapitre traitant de l'impréparation française , et le lecteur y verra une image faussée de la réalité .
Pour plus d'informations sur les DCR , vous pouvez consulter ce document .pdf que mon collegue Didier Houliez a réalisé : http://www.atf40.fr/ATF40/divers/DCuirs%201-0.pdf ainsi que la page organisationnelle ou nous detaillons un bon nombre d'unités http://www.atf40.fr/ATF40/divers/odb.htm

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Message  Somua 13/6/2009, 20:51

roger15 a écrit:
L axe a écrit:Joli résumé aplaudissement
Une petite question :Pourquoi selon toi il y aurait eu 254 morts au lieu de 197 ???
Bonjour L'Axe, Smile

Parce que ce sont les chiffres qu'on obtient en cliquant sur les sites suivants :
*
http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/2009/01/paris-bombard-2.html
* http://fr.wikipedia.org/wiki/1940_en_France

Roger le Cantalien. Rolling Eyes

Ce sont bien les bons chiffres . Cf batailles aeriennes numero 47 , un superbe document réalisé sur l'opération Paula ( et son pendant , Tapir ) qu'a réalisé M.Comas , un des intervenants réguliers du forum ATF40 . Je le cite : 254 morts dont 195 civils , 652 bléssés dont 545 civils , et plus d'une centaine d'immeubles détruits .
Cela démontre a nouveau que Benoist-Méchin n'est pas parfait dans ses écrits ( mais nous ne le blâmerons pas , son travail reste remarquable ) .

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Message  roger15 13/6/2009, 21:05

Bonjour Alain, Smile

Je vois que tu es un grand spécialiste de l'armée française en 1940 et je t'en félicite. Vois-tu, moi c'est plutôt de savoir ce que connaissaient vraiment les contemporains à l'époque qui me passionne. C'est pourquoi j'ai systématiquement commencé chaque journée par les deux fameux communiqués officiels de l'État-Major de l'Armée française, qui sont des sources totalement négligées par tous ceux qui dissertent sur cette période (si je me trompe et qu'un site Internet les ait déjà reproduits systématiquement, comme je le fais, au jour le jour, merci de me le faire savoir).

Certes les événements militaires sont importants, mais les décisions prises par les politiques le sont aussi. Nous le constaterons surtout lors de la journée du dimanche 16 juin 1940, qui fut sans doute la journée la plus dramatique de toute l'histoire de France...

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Message  Somua 13/6/2009, 23:38

Roger,
je ne puis que répondre en disant que seul l'aspect militaire m'intéresse . Chacun a ses passions ou son violon d'ingres , moi c'est ce qui touche au militaire ; pour cette période .
Je ne cherche pas a t'agresser ou quoi que ce soit de négatif , je dis juste ce que je pense de ces ouvrages , ainsi que les forums le permettent .
Disons que je laisse la politique a d'autres , et que cela ne m'intéresse vraiment pas , ce qui ne veut pas dire que le sujet ne soit pas important .
Alors ne m'en veux pas si je suis orienté "militaire" dans mes interventions , je ne connais que cela .

Et pour le 16 juin , bien sur que ce fut une date importante , a bien des titres .

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Message  roger15 14/6/2009, 09:35

Bonjour Alain, Smile

Je vais te donner un exemple qui te prouvera que moi aussi je peste parfois sur les incohérences de ce qu'affirme Jacques Benoist-Méchin.

Et pour être "rigoureux" je vais exactement citer, au mot près, ce qu'il dit dans le tome II "Deuxième phase - La bataille de France (4 juin - 25 juin 1940)", éditions Albin Michel, imprimé en octobre 1957 :

A la journée du 9 juin 1940, à la page 86 Méchin déclare : « Dans la soirée, le Grand Quartier Général quitte la Ferté-sous-Jouarre, pour se replier sur Briare ».

L'ennui, c'est qu'à la date du 10 juin 1940 le même Méchin déclare, à la page 105 : « Mais la soirée s'avance. Le moment fixé pour le départ du gouvernement approche. Le général Weygand et son État-Major ont déjà rejoint, à travers le bois de Vincennes, le train stationné à Neuilly-Plaisance, qui doit les amener à Briare. »

C'est peut-être un simple détail pour les Internautes de ce forum, mais moi il m'agace beaucoup !... Est-ce le 9 ou le 10 en soirée que le Grand Quartier Général français a rejoint Briare ?... Et cette incohérence apparente entre ces deux dates me contrarie beaucoup (encore qu'il reste la possibilité que le départ du GQG pour Briare ait été réalisé en deux étapes : le 9 juin 1940 au soir pour tous les services "logistique" et le 10 juin 1940 au soir pour les collaborateurs immédiats du général Weygand...), mais, en y réfléchissant un peu à tête reposée, je me dis que finalement c'est un détail sans trop d'importance...

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Message  roger15 16/6/2009, 00:04

Le mardi 11 juin 1940. Le jour où Paris est déclaré "ville ouverte".

En ce mardi 11 juin 1940, 33ème jour de l'offensive allemande sur le front Ouest commencée le vendredi 10 mai 1940, voici ce qu'ont pu entendre les auditeurs des postes de TSF français grâce aux deux traditionnels communiqués quotidiens de l'État-Major de l'armée française :

* communiqué n° 563 (11 juin 1940 - matin) : «
Entre la mer et l'Oise, il est confirmé que les tentatives de progression de l'ennemi au-delà de la Seine ont été contenues. Entre l'Oise et l'Ourcq, l'ennemi a cherché, au cours de la nuit, à prendre contact de nos nouvelles positions.
Rien d'important à signaler sur l'Aisne et sur la Meuse.
Sur le front des Alpes, nos troupes se sont installées et n'ont pas été attaquées.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué, du mardi 11 juin 1940 au matin, se dit que c'est très étonnant, vu que Mussolini semblait très pressé de nous déclarer la guerre, que les troupes italiennes n'aient pas encore attaqué les nôtres... N'est-ce pas un signe évident que l'armée italienne est très loin de pouvoir entamer la résistance des maigres troupes françaises qui gardent la frontière des Alpes ?...

* communiqué n° 564 (11 juin 1940 - soir) : «
Au cours de la journée, la bataille a atteint la plus grande violence sur l'ensemble du front de combat. Il est manifeste que l'ennemi cherche à forcer la décision.
A l'Ouest de l'Oise, il a redoublé d'efforts pour franchir la Seine, entre Rouen et Vernon. Se couvrant par l'émission de brouillard artificiel, il a tenté de jeter des ponts d'équipages sur le fleuve et de faire passer des chars sur la rive Sud au moyen de portières de bateaux.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué du mardi 11 juin 1940 au soir, se dit que l'État-Major de l'Armée française est très franc d'avouer que "il est manifeste que l'ennemi cherche à forcer la décision". L'audition de ce communiqué du soir est dans l'ensemble assez rassurante. L'auditeur français, vu que l'armée italienne tarde à attaquer la frontière française des Alpes, est désormais pleinement rassuré sur la future menace des troupes de Mussolini...

Voici maintenant les points importants de cette journée du mardi 11 juin 1940, la septième de "la bataille de France" :

Sur la côte de la Manche, au Nord de l'embouchure de la Seine, les événements prennent une tournure des plus défavorables.

Le tronçon Ouest de la Xe Armée française (Altmayer), dont la retraite vers le Sud a été coupée durant la journée du 10 par la poussée rapide des blindés de Rommel, se trouve acculé à la mer. Il y a là, sous le commandement du général Ihler, commandant le IXe Corps d'armée, des éléments de la 51e division britannique (Fortune) , les 31e et 41e Divisions d'infanterie alpines, les restes des IIe et Ve Divisions légères de cavalerie, des chasseurs alpins du 13e BCA, revenus de Namso, en Norvège, pour être jetés sans transition dans la bataille de France. Sur les quelques 60 000 hommes encerclés, seuls une vingtaine de mille, - pour la plupart, des éléments avancés de la 51e Division britannique - réussiront à se dégager, soit par Le Havre, soit par les bacs de la Basse-Seine. Précisons que les éléments de la 51e Division britannique (général Fortune), deux brigades motorisées, réussiront à rejoindre Le Havre par marches forcées, d'où ils s'embarqueront pour l'Angleterre jusque dans la nuit du 12 au 13 juin.

Vers midi, la 7e Panzerdivision part de Veulette, avec le régiment de Panzers et une partie du 6e Fusiliers, et progresse le long de la côte, qu'elle remonte vers le Nord, en direction de Saint-Valery-en-Caux. Elle rencontre une assez forte résistance britannique près du Tôt.

Le port de Dieppe, devenu inutilisable, a été abandonné sans combat durant la nuit. L'amiral James, commandant à Portsmouth, et l'amiral Platon, commandant les secteurs de Normandie, s'efforcent d'organiser une évacuation maritime par Saint-Valery-en-Caux. Autour de cette localité, les troupes dont le général Ihler a pris le commandement forment le carré, le dos à la mer, les Anglais en ligne face à l'Ouest, les Français au Sud et à l'Est. Mais, l'évacuation par mer est contrariée par la brume, par les dispositions géographiques très défavorables et surtout par le fait que Rommel a pu installer très tôt sur les falaises, des canons lourds qui battent le port de Saint-Valery et les plages.

Le bombardement se poursuit, intense, tout l'après-midi. Vers le soir Rommel envoie des parlementaires qui proposent une reddition pour 21 heures. Le général Ihler refuse. Britanniques et Français espèrent reprendre les opérations d'embarquement durant la nuit. Leurs hommes s'emploient énergiquement à construire des barricades et à mettre des mitrailleuses en position tout autour de Saint-Valery et surtout dans la zone du port.

A 21 heures, le bombardement reprend. La ville et le port de Saint-Valery-en-Caux subissent le tir concentré de toutes les batteries de la division. Rommel fait retirer les chars, mais donne l'ordre de maintenir, la nuit durant un tir de harcèlement, pour empêcher l'embarquement des troupes encerclées.

Tandis que les unités disloquées de la Xe Armée française se défendent ainsi pied à pied, le dos à la mer, une conférence a lieu au château du Muguet, résidence du général Weygand, à dix kilomètres de Briare, où le Grand Quartier Général est en train de s'installer. Le Commandant en chef examine la situation avec le général Georges.

Les nouvelles parvenues dans la nuit et au début de la matinée sont très graves.

A l'Ouest, les Allemands ont franchi la Seine en plusieurs points, notamment à Elbeuf, à Saint-Pierre du Vauvray, aux Andelys et à Vernon. Le frêle barrage que notre Haut Commandement a tenté de constituer sur la Basse-Seine est partout enfoncé : il n'a pas tenu vingt-quatre heures devant la pression de l'ennemi. Les Panzers du Corps blindé Hoth foncent déjà sur Évreux.

A l'Est de Paris, la situation n'est pas moins alarmante. Les colonnes allemandes qui avaient atteint l'Ourcq le 9 juin, entre La Ferté-Millon et Fère-en-Tardenois, bordent à présent la Marne entre Château-Thierry et Jaulgonne. L'encerclement de Paris se dessine.

Mais c'est en Champagne que la situation est le plus critique. Tandis que les forces de von Runstedt continuent à exercer une pression intense sur tout le front de la IVe Armée (Réquin) et sur la gauche de la IIe Armée (Freyydenberg) une masse énorme de chars, appartenant au Groupement blindé von Kleist a débouché en direction de Reims. Simultanément, une autre colonne, passant par Braisne et Fismes, marche sur la ville, venant de l'Ouest. Pris dans cette tenaille, Reims succombe quelques heures plus tard.

Plus à l'Est encore, les 1re, 2e, 6e et 8e Panzerdivisionen, ainsi que les 29e et 20e Divisions d'infanterie motorisées qui constituent le Groupement blindé Guderian progressent sur un front allant de la Marne d'Épernay à l'Argonne. Là, c'est une manœuvre d'exploitation de grand style qui s'annonce et qui vise l'encerclement de nos unités du secteur fortifié.

Au total, il ne reste plus, pour tenir les nouvelles positions, de la mer à Longuyon, que la valeur d'une trentaine de divisions normales - la moitié des effectifs mis en ligne le 5 juin 1940 au début de la bataille. Et il n'y a plus de relève possible : toutes les réserves ont été engagées.

Devant cette situation, le général Weygand et le général Georges sont d'avis que seules deux solutions demeurent possibles :

-1°) Ou bien rester soudés dans la mesure de nos moyens, à notre position fortifiée (la ligne Maginot), et rabattre notre dispositif autour de la tête de pont de Montmédy, formant pivot de manœuvre,

-2°) Ou bien abandonner la position fortifiée et tenter de retraiter avec l'ensemble de nos forces en couvrant le cœur du pays.

La première solution offre l'intérêt de conserver jusqu'à la fin un dispositif solidement étayé par nos ouvrages de la ligne Maginot ; mais elle abandonne à l'ennemi la quasi totalité du territoire national et ne laisse à l'armée d'autre perspective que celle d'une capitulation dans l'Est, dans les Vosges, ou à la frontière suisse.

La seconde solution, d'exécution difficile, ne peut aboutir qu'au tronçonnement de notre dispositif. Mais elle laisse un espoir de soustraire le gros de nos forces à la capitulation.

C'est cette dernière solution qui est finalement adoptée. Le plan de la manœuvre, arrêté par l'Instruction personnelle et secrète n° 1444/F.T.3, vise à assurer le plus longtemps possible, au cours du repli qui s'impose, la couverture du cœur du pays, tout en maintenant la cohésion des armées.

Cette "Instruction personnelle et secrète" déclare que : « Le but général est de regrouper dans le meilleur état possible nos grandes unités sur la ligne générale Caen, Tours, la Loire moyenne, Clamecy, Dijon, Dôle, jalonnée par les môles des collines du Perche, de la Loire moyenne, du Morvan, des forêts du Doubs. »

Alors qu'il ne se passe rien, du côté de l'armée française, sur le front des Alpes, la Royal Air Force effectue une incursion sur l'Italie du Nord, et bombarde Turin.

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Message  roger15 16/6/2009, 00:08

Le mardi 11 juin 1940. Le jour où Paris est déclaré "ville ouverte" (suite).


Le gouvernement français s'installe temporairement à Tours et dans les environs, à Langeais, à Azay-le-Rideau, à Cangé, à Ligueuil, à Chissay, ailleurs encore. Le Président du Conseil, Pau l Reynaud est à Orléans, où il est arrivé à l'aube, avec le général de Gaulle. Celui-ci persiste à croire qu'il faut retirer son commandement au au général Weygand, et le remplacer par le général Hutziger (qui commande actuellement du Groupe d'armées n°4 (IIe, IVe et VIe Armées). Mais le Président du Conseil, sans repousser sa suggestion, n'a pas voulu y donner suite immédiatement.

Or voilà que dans la matinée le général Weygand téléphone à Paul Reynaud pour l'informer que le Premier Ministre britannique, Winston Churchill, va venir en France dans le courant de la journée, afin d'assister à un "Conseil Suprême". Le général de Gaulle en déduit -un peu hâtivement - que c'est le général Weygand qui a décidé de faire venir le Premier britannique, sans en informer le Président du Conseil. Grave incorrection de la part du Commandant en Chef, qui doit recouvrir quelque machination ténébreuse.

La vérité est autre. C'est Churchill qui est l'instigateur du "Conseil Suprême" de Briare. Le Premier Ministre britannique désire, depuis plusieurs jours déjà, s'entretenir avec le Chef du gouvernement français, qu'il n'a pas revu depuis le "Conseil Suprême" tenu à Paris le 31 mai 1940. En conséquence, le 10 juin au soir, il charge le général Ismay de se mettre en rapport avec Paul Reynaud et de lui demander un rendez-vous. Avec énormément de difficultés, Ismay réussit à obtenir la communication téléphonique avec le colonel Redman, officier de liaison anglais auprès du G.Q.G. de Vincennes. Redman se rend à Paris et se met à la recherche de Reynaud. Celui-ci a quitté la capitale depuis une heure. Nul ne sait où il se trouve. Il a en effet omis de prévenir qu'il allait à Orléans, peut-être pour ne pas démentir le communiqué officiel annonçant qu'il se rendait "aux Armées". Après des tas de coups de téléphone

s infructueux dans la nuit, Redman demande à son adjoint de la marine, le commandant Coleridge, d'aller à Briare où s'est replié le Grand Quartier Général français. Vers quatre heures du matin Redman réussit à entrer en communication téléphonique avec Coleridge. Il le charge de trouver Reynaud et de l'informer que Churchill veut le voir. C'est ainsi que Weygand sera le premier informé de la venue de Churchill dans la journée.

De Gaulle, furieux, apostrophe Paul Reynaud : « Eh quoi ? Admettez-vous que le généralissime convoque ainsi de son propre mouvement le Premier Ministre britannique ? Ne voyez-vous pas que le général Weygand poursuit, non point un plan d'opérations, mais une politique, et que celle-ci n'est pas la vôtre ? Le gouvernement va-t-il le laisser plus longtemps en fonction ? »
Reynaud lui répond : « Vous avez raison ! Cette situation doit cesser. Nous avons parlé du général Huntziger, comme successeur possible de Weygand. Allons tout de suite le voir ! »

Mais, les voitures étant avancées, le Président du Conseil se ravise : « A la réflexion, il vaut mieux que vous alliez seul chez Huntziger. Pour moi, je vais préparer les entretiens de tout à l'heure avec Churchill et les Anglais. Vous me retrouverez à Briare. »

Le général de Gaulle se rend donc seul à Arcy-sur-Aube, où se trouve le Quartier Général du Groupe d'Armées n°4. Parlant au nom du Président du Conseil, il offre au général Huntziger la succession du général Weygand, avec mission de continuer la guerre dans le Cotentin, « cette parcelle du sol français formant pont vers Southampton et Portsmouth. »

La proposition paraît si surprenante au général Huntziger qu'il refuse de la prendre en considération. Il fait remarquer à son interlocuteur que les armées allemandes ont déjà franchi la Meuse, l'Aisne, la Somme et la Seine, et qu'elle n'auraient plus qu'à franchir la Vire pour anéantir le misérable "réduit du Cotentin". Huntziger ajoute : « Même en y adjoignant la presqu'île armoricaine toute entière, la conception d'une pareille manœuvre militaire me paraît une folie. »

Non seulement le général Hunziger décline l'offre de succession au général Weygand, mais il se refuse, au moment où l'armée française est en voie de dislocation, de l'engager dans une impasse où ses derniers éléments seraient immanquablement faits prisonniers.

Déçu, le général de Gaulle rentre à Briare, où le Président Reynaud lui a donné rendez-vous.

Dans l'après-midi le général Weygand déclare officiellement Paris ville ouverte.

A 16 heures, commence au château du Muguet, à Briare, le "Conseil Suprême". En fait, ce n'est qu'à 19 heures que l'avion de Winston Churchill (un Flamingo spécial), escorté par douze Hurricane, atterrit à l'aérodrome de Briare. C'est au château du Muguet que le général Spears rencontre pour la première fois le général de Gaulle. Lors de ce Conseil Suprême, Churchill intervient d'abord, puis le général Weygand. Ce dernier, après avoir très longuement exposé la situation militaire, suggère au Conseil Suprême d'entendre légalement le général Georges. On va donc chercher ce dernier et il expose à son tour la situation, très délicate, de l'armée française.

Paul Reynaud, appuyé par Weygand demande de nouveau à ce que les escadrilles britanniques soient stationnées en France. Churchill refuse en rugissant. Spears note à ce sujet dans ses mémoires : « Il prit à ce moment une expression féroce, et il devint évident que rien au monde ne l'amènerait à se dessaisir de notre dernier espoir de salut : notre arme aérienne. »

Le "Conseil Suprême" se termine à 21h30. Churchill s'entretient quelques instants en tête à tête avec le général Georges et lui demande si la situation est vraiment aussi critique qu'on lui a dépeinte. Le général Georges le lui confirme.

A 22 heures un dîner réunit au château du Muguet les personnalités françaises et britanniques qui ont assisté au "Conseil Suprême". Durant le repas, Winston Churchill, voulant se montrer aimable, dit au Maréchal Pétain : « Souvenez-vous ! Nous avons connu des moments difficiles en 1918, mais nous les avons surmontés. Nous surmonterons ceux-ci de la même manière ». Le Maréchal Pétain lui répond froidement : « En 1918, je vous ai donné quarante divisions pour sauver l'armée britannique. Où sont les quarante divisions anglaises dont nous aurions besoin pour nous sauver aujourd'hui ? »

Churchill a un haut-le-corps, devant cette réplique inattendue. Il se tourne alors vers de Gaulle, qui se trouve assis à côté de lui, et n'adresse plus la parole qu'au général durant tout le reste du repas. De Gaulle écrira dans ses mémoires : « Notre conversation fortifia la confiance que j'avais dans sa volonté. Lui-même en retint, sans doute, que de Gaulle, bien que démuni, n'était pas moins résolu. »

Churchill, dans ses mémoires, décrit ainsi la fin de cette journée du mardi 11 juin 1940 : « Et ainsi, nous allâmes tous nous coucher tristement, les uns dans un château en désordre, les autres dans un train militaire, stationné à quelques kilomètres de là. »

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Message  roger15 16/6/2009, 22:06

Le mercredi 12 juin 1940. Le jour où Churchill envisage pour la première fois des voies séparées pour la France et pour l'Angleterre.

En ce mercredi 12 juin 1940, 34ème jour de l'offensive allemande sur le front Ouest commencée le vendredi 10 mai 1940, voici ce qu'ont pu entendre les auditeurs des postes de TSF français grâce aux deux traditionnels communiqués quotidiens de l'État-Major de l'armée française :

* communiqué n° 565 (12 juin 1940 - matin) : «
La bataille continue. Situation sans changement important sur l'ensemble du front. Il se confirme que la poussée de l'ennemi en direction de Reims est menée avec des moyens puissants, comportant deux divisions blindées. »

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué, du mercredi 12 juin 1940 au matin, se dit que Reims va hélas bientôt tomber à son tour...

* communiqué n° 566 (12 juin 1940 - soir) : «
La bataille est toujours aussi violente sur l'ensemble du front, de la mer à l'Oise. L'ennemi a accentué son effort sur la Seine, de Rouen à Vernon, pour agrandir la tête de pont qu'il est parvenu à établir au Sud du fleuve. Il cherche à pousser en direction d'Évreux et de Passy-sur-Eure, mais il est vigoureusement contenu par nos unités. Il a lancé, d'autre part, des détachements de reconnaissance par la rive Nord de la Seine en direction de Caudebec.
Sur l'Oise inférieure, il a pris contact de nos troupes dans la région de Persan-Beaumont.
Entre l'Oise et l'Ourcq, ses avants-garde ont prononcé de violentes attaques dans la région de Crépy-en-Valois et de Betz.
Sur la Marne, aux environs de Château-Thierry, les masses ennemies, venues du Nord, ont réussi à porter des éléments sur la rive Sud.
Dans la région de Reims, l'ennemi a jeté dans la bataille de nouvelles unités de chats et des unités motorisées. Tout un corps mécanique comptant trois à quatre divisions blindées et deux à trois divisions motorisées est intervenu dans la lutte. Devant cet assaut, nos divisions se sont repliées pied à pied, après une lutte acharnée et par ordre, vers la montagne de Reims.
Dans le Nord-Est de Reims, les renseignements provenant de nombreux prisonniers indiquent que l'ennemi a subi de très lourdes pertes sous les contre-attaques de nos unités mécaniques et sous les bombardements répétés de notre aviation. Certaines de nos escadrilles sont retournées cinq fois à la bataille durant le courant de la journée.
Entre Aisne et Meuse, l'ennemi n'a pas renouvelé
ses attaques.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué du mercredi 12 juin 1940 au soir, se dit que, même si Reims est hélas tombé, les soldats français résistent héroïquement aux assauts de l'armée allemande.

Voici maintenant les points importants de cette journée du mercredi 12 juin 1940, la huitième de "la bataille de France" :

Adossés à la Manche, les troupes du général Ihler se sont battues toute la nuit, sous le feu des canons allemands postés sur les falaises qui entourent Saint-Valery-en-Caux. A 6h30, Rommel se rend aux secteurs du front dans lesquels nos Chasseurs alpins ont tenté, à plusieurs reprises, d'effectuer des percées. Roulant à travers champs, il voit partout ses propres formations solidement retranchées.

Vers midi, Saint-Valery est en flammes. Les blindés allemands pénètrent dans la ville. Les chars du régiment de Panzers progressent lentement, mètre par mètre, les canons braqués à l'Est, le long des files de véhicules rangés sur un côté du port. Les Britanniques commencent à se rendre, de plus en plus nombreux. Le général français Ihler est fait prisonnier. Il demande à parler à Rommel et lui déclare qu'il est prêt à accepter la capitulation de ses troupes, vu qu'elles ont épuisé toutes leurs munitions. Rommel donne l'ordre à l'artillerie allemande de cesser de bombarder la ville. Douze généraux, parmi lesquels quatre divisionnaires sont amenés à Rommel. 12 000 hommes, dont 8 000 Britanniques sont fait prisonniers par la seule 7e Panzerdivision. Le nombre total des prisonniers capturés à Saint-Valery-en-Caux est estimé à 46 000.

A l'Est, les Panzerdivisionen de von Kleist roulent en direction de Saint-Dizier et de Troyes. Les troupes du Groupe d'Armées von Rundstedt ont franchi la Marne à Château-Thierry et à Châlons, après avoir submergé notre défense des Monts de Champagne. Toutes nos troupes stationnées dans la région du secteur fortifié (la ligne Maginot) sont menacées d'encerclement.

Aussi, le général Weygand prescrit-il au général Georges de mettre en application l'ordre de repli général n° 1444, élaboré la veille. Les Armées françaises du Nord-Est (donc à l'exception des troupes de la ligne Maginot et celles stationnées dans les Alpes face à l'Italie) devront se replier sur la ligne générale Caen - Alençon - la Loire de Tours à Briare - le Morvan - la Côte d'Or - Dôle - Champagnole - Les Rousses. L'ordre est transmis par le général Georges à 14h30 au Groupe d'Armées n°2 (Prételat) et à 16h45 aux autres Groupes d'Armées.

Le général de Gaulle est parti à l'aube pour Rennes afin de prendre en main l'organisation du "réduit breton". Il revient à 18 heures au château de Beauvais, demeure de Monsieur Provost de Launay. Il est furieux d'apprendre qu'il n'est pas convoqué au Conseil des Ministres qui se réunit à 19h15 à Cangé. Il y voit une marque d'ostracisme à son égard. Cette omission provient du fait que le secrétariat de la Présidence du Conseil le croit toujours en Bretagne.

Ce matin, au château du Muguet, où il a passé la nuit, Churchill est de très mauvaise humeur. Il vient d'apprendre que lorsque cette nuit des bombardiers britanniques ont fait escale à Marseille pour faire le plein de carburant, avant de repartir pour bombarder Gêne, le général Vuillemin a fait occuper le terrain par des avions pour les empêcher de reprendre leur vol vers l'Italie. Les Français redoutant qu'en représailles l'aviation italienne bombarde la ville de Marseille, non encore protégée. Les équipages anglais ont demandé par radio à Londres l'autorisation d'ouvrir le feu sur les Français qui bloquaient l'aérodrome, mais cette autorisation leur fut fort heureusement refusée... Le général Spears demande à Churchill s'il compte évoquer cet incident lors de la deuxième journée du "Conseil Suprême" qui va s'ouvrir ce matin ? Le Premier Ministre britannique lui répond : « Non, nos avions ont été cloués au sol ; aucune discussion sur ce point ne les fera repartir. Elle ne servira qu'à échauffer les esprits. »

A 8 heures s'ouvre la deuxième journée du "Conseil Suprême". Les discussions portent sur les mêmes sujets que le veille, et aboutissent aux mêmes conclusions. A la fin Churchill déclare solennellement : « Nous demeurons en contact étroit avec le gouvernement des États-Unis, et continuerons à attirer son attention sur la gravité de la situation et l'urgence de nos besoins. Mais il y a un point dont l'importance est primordiale et sur lequel je dois attirer tout particulièrement votre attention : si une modification fondamentale survenait dans la situation, je vous demande d'en informer le gouvernement britannique avant de prendre une décision, quelle qu'elle soit, qui puisse déterminer l'attitude de la France durant la deuxième phase de la guerre. Nous viendrons en discuter aussitôt avec vous, au lieu et à l'heure que vous
aurez choisis.
»

En entendant ces paroles, le général Spears se rend compte, pour la première fois, que la France et l'Angleterre sont arrivées à un carrefour à partir duquel leurs destins pourraient diverger.

A 10h30, l'avion de Churchill, toujours escorté par ses douze Hurricane, décolle de l'aérodrome de Briare pour Londres.

A 19h45 un Conseil des Ministres se tient au château de Cangé, sous la présidence d'Albert Lebrun. Paul Reynaud s'y rend avec l'intention d'obtenir du gouvernement la décision de se replier sur Quimper. Le général Weygand y va, lui, avec l'intention bien arrêtée de demander au gouvernement de conclure un armistice.

Ces deux thèses vont s'affronter avec vigueur !... Le Conseil s'achève à 23 heures, avec pour seule résolution que Paul Reynaud téléphone à Churchill pour lui demander de revenir demain en France, à Tours.

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Message  roger15 17/6/2009, 23:59

Le jeudi 13 juin 1940. Le jour où Churchill semble autoriser la France à conclure un armistice avec l'Allemagne.

En ce jeudi 13 juin 1940, 35ème jour de l'offensive allemande sur le front Ouest commencée le vendredi 10 mai 1940, voici ce qu'ont pu entendre les auditeurs des postes de TSF français grâce aux deux traditionnels communiqués quotidiens de l'État-Major de l'armée française :

* communiqué n° 567 (13 juin 1940 - matin) : «
L'action se poursuit sur tout le front entre ma mer et l'Argonne avec la même intensité. Nos troupes, inlassablement, contiennent la poussée ennemie, qui s'accentue en particulier, de part et d'autre de la capitale, sur la Basse Seine et sur la Marne.
Dans l'ensemble, la situation du front a peu varié depuis le communiqué d'hier soir.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué, du jeudi 13 juin 1940 au matin, se dit qu'après Reims, Paris ne va plus tarder à tomber, ce qui ne s'était pas produit lors de la "Grande guerre" (celle de 1914 à 1918).

* communiqué n° 568 (13 juin 1940 - soir) : «
De part et d'autre de Paris, la bataille prend de plus en plus d'ampleur.
A l'Ouest de la capitale, des forces nouvelles ont attaqué. Au Sud de Rouen, des colonnes motorisées et blindées ont commencé à déboucher des têtes de pont de Louviers, des Andelys et de Vernon, en direction de Pacy-sur-Eure et d'Évreux.
Dreux et Évreux ont été bombardés. Un aviateur ennemi a mitraillé une colonne de réfugiés.
Au Nord de Paris, douze divisions au moins attaquent entre Senlis et Betz.
A l'Est de la capitale, la bataille a été encore plus violente que les jours précédents. Les divisions blindées ennemies ont franchi la Marne de Château-Thierry à Dormans, en direction de Montmirail, pendant que d'autres divisions, passant à l'Est de Reims, poussaient en direction de Châlons-sur-Marne.
On peut évaluer à plus de cent divisions les forces que l'ennemi a jeté dans la lutte entre la mer et la Meuse. Malgré leur infériorité numérique, nos armées continuent à se battre magnifiquement.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué du jeudi 13 juin 1940 au soir, se dit que la situation est vraiment désespérée pour nos pauvres soldats...

Voici maintenant les points importants de cette journée du jeudi 13 juin 1940, la neuvième de "la bataille de France" :

L'Armée de Paris reçoit l'ordre de se replier sur la Loire. Dans l'après-midi, les soldats Allemands arrivent à Pantin et à Aubervilliers, donc dans deux communes limitrophes de Paris.

A l'Ouest, dans le secteur tenu par les restes de la Xe Armée, une brèche inquiétante d'une quinzaine de kilomètres s'est ouverte dans nos lignes, entre Évreux et Pacy-sur-Eure. Cette scission risque de s'accentuer au cours des journées suivantes, car les deux armées de gauche ont reçu l'ordre de se replier suivant des axes différents : l'Armée de Paris est orientée sur Orléans, tandis que la Xe Armée qui a reçu directement mission du Président du Conseil d'aller barrer l'accès du "réduit breton" est axée sur Argentan, puis sur Rennes.

A l'Est, l'ennemi se renforce autour de Montmirail. Vers midi l'aviation signale une masse considérable d'engins blindés et motorisés dans cette région. L'attaque sur la VIe Armée se produit dans l'après-midi. Entre Sézanne et Montmirail, c'est un carrousel de chars. Le général Réquin n'a rien pour parer au coup. En fin de journée, les Allemands atteignent la Haute-Seine à Romilly.

Sur le front de la IVe Armée, la 2e Panzerdivision, exploitant son succès de la veille, pousse sur Vitry-le-François et Saint-Dizier. La route de Dijon est ouverte aux blindés de Guderian.

Cette poussée audacieuse qui prélude à un enroulement de l'aile gauche du IIe Groupe d'Armées, inquiète le général Georges. Il appelle l'attention du général Prételat sur la nécessité de hâter son décrochage de la ligne Maginot et d'exécuter son repli le plus rapidement possible.

Le lieutenant-général Sir Allan Brooke, arrive à Cherbourg pour prendre le commandement supérieur de la 52e Division anglaise, qui vient d'y débarquer dans la nuit, ainsi que des autres formations britanniques, plus ou moins dispersées, qui se trouvent encore en France.

De bonne heure, ce jeudi 13 juin 1940, le général de Gaulle se rend au château de Chissay, résidence du Président du Conseil. Après un long débat, et malgré les arguments du général en faveur d'un repli sur Quimper, Paul Reynaud prend la décision de transférer les pouvoirs publics à Bordeaux.

Albert Lebrun et les membres du gouvernement décident de se réunir à 15 heures au château de Cangé, résidence du Président de la République, afin d'y recevoir Winston Churchill dont la venue est annoncée.

Churchill atterrit à 13 heures sur l'aérodrome de Tours, situé à proximité de Cangé. Il est furieux car il n'y a personne pour l'accueillir !... Paul Reynaud, retenu à Chissay, a envoyé Paul Baudouin pour le recevoir, mais celui-ci est retardé par une panne de voiture... De très mauvaise humeur, Churchill et sa suite se rendent au Grand Hôtel de Tours, où ils déjeunent,
parait-il, fort mal !... Paul Baudouin les rejoint au milieu du repas. Il les met au courant de ce qui s'est passé dans les milieux gouvernementaux français depuis son départ de Briare, la veille à 10h30.

Après le repas, Paul Baudouin accompagne Churchill et sa suite, non à Cangé, mais à la préfecture de Tours. On les introduit dans le bureau du préfet où Georges Mandel, Ministre français de l'Intérieur, un téléphone dans chaque main, ne cessait de donner des ordres et de prendre des décisions.

Paul Reynaud, puis le général Spears, puis enfin le général de Gaulle arrivent à la préfecture d'Indre-et-Loire. Il est maintenant 15h30, la conférence franco-britannique commence. Après lui avoir exposé le caractère dramatique de la situation de l'armée française, Paul Reynaud s'adresse directement à Churchill : « La Grande-Bretagne n'estime-t-elle pas que la France peut dire : mon sacrifice est si grand que je vous demande de m'autoriser à signer un armistice, tout en maintenant la solidarité qui existe d'après nos accords ? »
Après un temps de silence, Winston Churchill, très ému - des larmes brillent dans ses yeux - répond lentement en pesant chaque mot : « Nous comprenons la situation où vous vous trouvez. Nous ne ferons pas de récrimination dans une pareille hypothèse. Dans tous les cas, la Grande-Bretagne restaurera la France, dans toute sa puissance et sa grandeur quelle qu'ait été son attitude après sa défaite. »
Après un moment de réflexion, Churchill ajoute : « Cependant, il conviendrait de lancer un suprême appel au Président Roosevelt, avant de prendre une décision aussi grave. Notre conduite sera alors déterminée par la teneur de sa réponse. »

Paul Reynaud lui répond : « La déclaration que vient de faire Monsieur Winston Churchill est profondément émouvante, et j'y suis très sensible. Le gouvernement français va donc télégraphier à Monsieur Roosevelt en lui indiquant les changements intervenus dans la situation et en lui disant la vérité : l'armée française, avant-garde de la démocratie, s'est fait tuer en première ligne. Le gros des forces démocratiques suivra-t-il ? Il ne s'agit pas seulement de la Grande-Bretagne, mais aussi des États-Unis. Si l'Amérique n'intervient pas, ou intervient trop tard, le combat de Hitler contre les démocraties sera celui des Horaces contre les Curiaces... Je souhaite vivement que monsieur Winston Churchill puisse s'identifier à mon message et faire savoir au Président que c'est aussi le sien, celui de la Grande-Bretagne comme celui de la France ; et je tiens à le remercier de ses paroles en mon
nom personnel.
»

La réunion prend fin vers 17h20. Churchill s'envole très peu de temps après pour l'Angleterre. Personne ne l'a prévenu que le Président de la République français et les membres du gouvernement français l'attendaient au château de Cangé.

Paul Reynaud arrive à Cangé à 18 heures et indique au Président Lebrun, aux membres de son gouvernement, et au général Weygand, qu'il vient de voir Churchill à Tours et que celui-ci est déjà reparti pour Londres. Les ministres lui font alors savoir leur profond mécontentement !...

Vers la fin de la réunion, le Maréchal Pétain se lève et lit un papier demandant au gouvernement de solliciter immédiatement l'armistice. Il termine, en menaçant Paul Reynaud : «
Je déclare, en ce qui me concerne que, hors du gouvernement s'il le faut, je me refuserai à quitter le sol métropolitain. Je resterai parmi le peuple français pour partager ses peines et ses misères.
L'armistice est, à mes yeux, la condition nécessaire à la pérennité de la France.
»

Après avoir prononcé en fin d'après-midi une allocution à la radio, Paul Reynaud s'entretient longuement en soirée avec Georges Mandel à la préfecture de Tours. Reynaud décide d'envoyer de Gaulle à Londres pour que Churchill soutienne davantage le Président du Conseil français.

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Message  david885 18/6/2009, 01:39

idé gri Et voici le discours que prononce le Président du Conseil Paul Reynaud à la radio en cette fin d'après-midi du 13 juin 1940:



(Merci à Roger15 de prendre le temps de décrire chaque journée de cette triste époque, c'est très interessant pour ceux qui ne sont pas spécialiste de tous les aspects de cette défaite.)
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Message  roger15 18/6/2009, 09:28

Bonjour David, Smile

Merci pour ce très intéressant document "Youtube" reproduisant le discours radiophonique solennel de Paul Reynaud en cette fin d'après-midi du jeudi 13 juin 1940.

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Message  roger15 18/6/2009, 13:37

Le vendredi 14 juin 1940. Le jour où l'armée allemande entre à Paris et où le gouvernement français s'installe à Bordeaux.


En ce vendredi 14 juin 1940, 36ème jour de l'offensive allemande sur le front Ouest commencée le vendredi 10 mai 1940, voici ce qu'ont pu entendre les auditeurs des postes de TSF français grâce aux deux traditionnels communiqués quotidiens de l'État-Major de l'armée française :

* communiqué n° 569 (14 juin 1940 - matin) : «
Des deux côtés de Paris, la poussée de l'ennemi s'est encore accentuée.
En raison de cette avance, les troupes couvrant Paris se sont repliées de part et d'autre de la ville, conformément aux ordres qu'elles ont reçus.
Le commandement français, en renonçant à défendre directement la capitale, maintenant ville ouverte, a voulu lui épargner la dévastation qu'aurait entraînée cette défense, estimant qu'aucun résultat stratégique valable ne justifiait le sacrifice de Paris.
Sur le vaste front de Champagne, les armées ennemies progressent en combattant vers le Sud ; leurs éléments les plus avancés paraissent orientés sur Romilly, d'une part, et sur Saint-Dizier, d'autre part.
Nos combats et nos mouvements se poursuivent dans le plus grand ordre.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué, du vendredi 14 juin 1940 au matin, se dit que maintenant que Paris va tomber dans les toutes prochaines heures aux mains des Allemands, l'armée française n'en a plus pour longtemps avant de capituler...

* communiqué n° 570 (14 juin 1940 - soir) : «
De la mer à l'Argonne, la bataille a continué sur l'ensemble du front, mais en certains points avec moins de violence ; les replis prescrits, notamment celui de l'armée de Paris, annoncé au communiqué de ce matin, ont été effectués conformément à nos plans.
Nos troupes ont contre-attaqué à plusieurs reprises. L'ennemi a prononcé ce matin une très violente attaque avec accompagnement de chars et d'aviation contre nos positions, à l'Ouest de la Sarre.
Il a été repoussé avec de lourdes pertes.
Au cours de la nuit du 13 au 14, une formation spéciale de l'aéronautique navale, commandée par le capitaine de corvette Daillière, a bombardé et incendié des réservoirs de combustible liquide dans la région de Venise.
Une autre formation a lancé des tracts sur Rome.
Nos bâtiments de guerre ont bombardé des installations industrielles et la voie ferrée sur le littoral italien.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué du vendredi 14 juin 1940 au soir, se dit qu'il félicite la formation aéronautique commandée par le capitaine de corvette Daillière qui a bombardé la région de Venise. Mais, n'est-ce pas déjà uniquement "pour l'honneur du drapeau" ?...

Voici maintenant les points importants de cette journée du vendredi 14 juin 1940, la dixième de "la bataille de France" :

Durant la nuit, les troupes du Groupe d'Armées von Bock ont achevé l'investissement de Paris. Elles ont atteint, à l'Ouest, l'Avre, le forêt de Rambouillet, et la vallée de Chevreuse ; à l'Est, Provins et Corbeil. Aux premières heures du jour, les régiments de la XVIIIe Armée (von Kuchler) font leur entrée dans la capitale française et défilent sur les Champs-Élysées.

Le Havre est tombé également...

A 8 heures du matin, le lieutenant général Sir Allan Brooke, désigné pour prendre le commandement des formations anglaises qui se trouvent encore en France, se présente au Grand Quartier Général du général Weygand à Briare pour s'informer de leur emploi éventuel. Les généraux Weygand et Georges lui demandent de positionner les troupes anglaises à Rennes pour défendre le fameux "réduit breton". Brook accepte, croyant alors que le gouvernement anglais a donné son accord pour cela.

Mais, en rentrant à son QG au Mans, Allan Brook, pris de doute, téléphone à Sir John Dill, chef d'État-Major impérial, pour lui demander si le projet de "réduit breton" a bien été approuvé par le gouvernement de Sa Majesté. Sir John Dill lui répond qu'il ignore tout de ce projet de "réduit breton", mais qu'il va soumettre l'affaire au Premier Ministre. Allan Brooke lui déclare alors que, vu l'état général de désintégration qui commence à se répandre dans l'armée française, il estime que tout nouveau mouvement de troupes et de matériel à destination de la France doit être stoppé et qu'il faut dès maintenant préparer des mesures pour l'évacuation des troupes du Corps expéditionnaire britannique par les ports encore disponibles.

Une heure plus tard, Sir John Dill rappelle Sir Allan Brook et l'informe que Winston Churchill ignore tout du projet de "réduit breton", et lui ordonne de tout de suite mettre en œuvre les mesures appropriées pour évacuer les dernières troupes britanniques encore sur le sol français. Allan Brook fait prévenir le général Weygand qu'il ne pourra plus lui apporter le concours de ses troupes.

A 20h15 Sir John Dill rappelle de nouveau Sir Allan Brook pour lui dire qu'il est très important de maintenir de bonnes relations entre les Anglais et les Français, et d'éviter de leur donner l'impression que nous les lâchons. Allan Brook répond qu'il y veillera et qu'il ne déplacera pas les troupes britanniques qui sont engagées avec la Xe Armée française, mais qu'il prend ses dispositions pour retirer vers les ports encore disponibles toutes les troupes anglaises qui ne sont pas dans ce cas.

Un peu plus tard dans la soirée, Allan Brook réussit à avoir directement Winston Churchill au téléphone. Après l'avoir entendu, le Premier Ministre anglais se rallie à ses propositions et lui déclare qu'il n'est plus désormais sous les ordres du général Weygand. Allan Brook écrira : « Le Premier britannique se rallia à ma proposition. Les mouvements d'embarquement furent donc continués. Grâce à cette mesure, prise à temps,
136 000 soldats britanniques et 310 canons purent être sauvés.
»

Simultanément, le Maréchal de l'Air Baratt limite à quatre-vingts appareils le nombre d'avions britanniques de chasse autorisés à participer aux opérations en France.

Pendant ce temps, les Panzedivisionen continuent à s'enfoncer vers le cœur de la France. A l'Ouest, une violente attaque de l'Armée von Kluge repousse les débris de la Xe Armée française sur la Risle. Les Panzers du Corps blindé Horth roulent en direction de Caen, d'Argentan et d'Alençon.
Au centre, le repli de l'Armée de Paris et de la VIIe Armée est rendu très difficile par la foule croissante de réfugiés qui encombre les routes.


Entre Paris et la Meuse, la progression allemande s'accélère. Les 3e, 4e, 9e et 10e Panzerdivisionen de von Kleist, ayant franchi la Seine en deux endroits, sont à Troyes et à Sens. La colonne de gauche roule vers Clamecy par Joigny et Auxerre ; celle de droite fonce sur Montbard, par Châtillon-sur-Seine. Les 1ère, 2e, 6e et 8e Panzedivisionen de Guderian sont à Chaumont, en route pour Langres et Gray-sur-Saône. Dans tous ces secteurs, l'armée française n'a plus rien à leur opposer.

C'est le moment où le troisième Groupe d'Armées allemand (von Leeb) resté jusqu'ici dans l'expectative, entre en action à son tour. Comme l'avait prévu le général Weygand, la bataille s'étend maintenant jusqu'à la frontière Suisse.

Au cours de la journée, le Groupe d'Armée n° II (Prételat) est attaqué dans le secteur fortifié de la Sarre par trois divisions d'infanterie fraîches, appuyées par des bombardements d'artillerie et d'aviation.

Si nos armées de l'Est veulent échapper à l'étau qui commence à se resserrer sur elles, il faudra qu'elles engagent avec les blindés allemands une course de vitesse dont l'objectif est Belfort et Besançon. Malheureusement, les ordres de repli, donnés dans l'après-midi du 12 juin, parviennent trop tard à leurs destinataires. Nos unités ne peuvent se déplacer à temps pour devancer les mouvements de la Wehrmacht. Néanmoins, un effort désespéré est accompli pour échapper à l'encerclement. La IIIe Armée (Condé) reporte, d'un bond, son front jusqu'aux abords Nord de Metz, en liaison avec la IIe Armée (Freydenberg) qui tente de résister à Verdun. La Ve Armée (Bourret) décroche également. Quant à la VIIIe Armée (Laure), constituant un pivot appuyé sur les Vosges et la place de Belfort, sa mission est de couvrir le décrochage des Ve et IIIe Armées, qui doivent faire, pour se dégager, un parcours beaucoup plus considérable vers le Sud.

Aussi, le général Laure ne hâte-t-il pas son départ. Mais, en apprenant l'arrivée des Allemands à Chaumont, il s'inquiète du danger qui risque de menacer son mouvement de retraite et ordonne, en conséquence, la constitution d'un barrage antichars entre la Saône et le canal de l'Est, entre Auxonne et Épinal.

Incapable de réagir sur terre face aux armées allemandes, l'armée française peut encore prendre l'offensive sur mer. Elle le fait pour agir sur le moral de l'adversaire. Une opération aéro-navale est menée avec un plein succès contre Gênes par la IIIe escadre française composée de quatre croiseurs de 10 000 tonnes, le Foch, l'Algérie, le Dupleix, le Colbert, et de quatre divisions de contre-torpilleurs.

Pendant que l'escadre bombarde les objectifs militaires du golfe de Gênes - notamment l'arsenal de la Spezia - quatre sous-marins et des formations aériennes protègent l'opération en surveillant les ports d'où pourrait partir la riposte adverse qui, en fait, ne vient pas.

Après avoir exécuté son tir, l'escadre rallie Toulon. Un seul contre-torpilleur, l'Albatros, est atteint à courte distance par un obus de 152 d'une batterie côtière italienne. Il peut toutefois regagner le port de Toulon.

Aux premières heures de la matinée, Paul Reynaud rédige un suprême appel au Président Roosevelt. Quelques heures plus tard, Monsieur Drexel Biddle, nouvel ambassadeur des États-Unis auprès du gouvernement français (il remplace Monsieur William Bulitt, resté à Paris pour assurer la protection de l'ambassade américaine et de la colonie américaine en France) se rend à la préfecture de Tours pour y rencontrer Paul Reynaud avant que celui-ci ne prenne la route de Bordeaux. Il le trouve extrêmement déprimé et attendant avec anxiété la réponse du Président Roosevelt à son message. Drexel Biddle écrira :
« C'est dans cette atmosphère de désespoir absolu que le Président du Conseil et le gouvernement français prennent la direction de Bordeaux. »

Les voitures officielles partent en fin d'après-midi pour Parthenay, Saint-Maixent, Saint-Jean-d'Angely, et Saintes. Elles arrivent à Bordeaux alors que la nuit n'est pas encore tombée. Le Président de la République Albert Lebrun et Georges Mandel, Ministre de l'Intérieur s'installent à la préfecture de Gironde où se tiendront les réunions ministérielles.

Ce soir-là, le général de Gaulle dîne à la hâte à l'hôtel Splendide avec son officier d'ordonnance, le lieutenant Geoffroy de Courcel. Le Maréchal Pétain est assis dans la même salle, quelques tables plus loin. Le général va en silence, lui adresser son salut. Le Maréchal lui serre la main, sans prononcer un mot. Les deux hommes ne se reverront jamais plus.

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Message  roger15 18/6/2009, 20:28

Le samedi 15 juin 1940. Le jour où Paul Reynaud sent qu'il est désormais en minorité au Conseil des Ministres.

En ce samedi 15 juin 1940, 37ème jour de l'offensive allemande sur le front Ouest commencée le vendredi 10 mai 1940, voici ce qu'ont pu entendre les auditeurs des postes de TSF français grâce aux deux traditionnels communiqués quotidiens de l'État-Major de l'armée française :

* communiqué n° 571 (15 juin 1940 - matin) : «
En Normandie, la lutte se poursuit dans la région à l'Ouest de Louviers et dans celle d'Évreux.
Sous Paris, nos armées ont achevé dans le plus grand ordre les mouvements prescrits par le commandement.
En Champagne, l'ennemi a accentué encore sa pression en direction de Troyes et de Saint-Dizier. Des combats violents sont en cours.
En Lorraine et en Alsace, violents bombardements sur le front et sur nos lignes de communications.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué, du samedi 15 juin 1940 au matin, se dit que ça ne devrait plus durer encore longtemps...

* communiqué n° 572 (15 juin 1940 - soir) : « En Normandie, ainsi qu'au Sud de Paris, la situation est sans changement. Plus à l'Est, des éléments ennemis ont franchi la Seine dans la région de Romilly. L'ennemi a accentué sa pression dans la région de Troyes, à Saint-Dizier et poussé ses avant-gardes en direction de chaumont. En Alsace, il a attaqué dans la région de Neuf-Brisach. Quelques détachements ont réussi à franchir le Rhin sans entamer notre position de résistance. »

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué du samedi 15 juin 1940 au soir, se dit que décidément il plaint les pauvres soldats français.

Voici maintenant les points importants de cette journée du samedi 15 juin 1940, la onzième de "la bataille de France" :

A 8h45, le général Ceorges reçoit le message suivant du général Sir John Dill, chef d'État-Major impérial britannique, avec prière de transmettre au général Weygand : «
Étant donné la situation actuelle, et la difficulté des communications, le général Brooke ne peut plus s'attendre à recevoir des ordres du Haut Commandement français.
Je lui ai fait savoir qu'il ne devait plus se considérer comme étant sous les ordres du Haut Commandement français, mais qu'il devait continuer à coopérer avec les troupes françaises qui opéraient dans ses environs immédiats.
Je suis certain que vous serez d'accord.
»

Ce télégramme met un terme définitif à la coopération franco-britannique.

Durant la matinée le général Georges réunit en conférence, à Briare, le général Besson (commandant le Groupe d'Armées n°3), le général Huntziger (commandant le Groupe d'Armées n°4), et tous les commandants des armées du centre, c'est-à-dire les généraux Héring (Armée de Paris), Frère (VIIe Armée), Touchon (VIe Armée) et Réquin (IVe Armée). Ces chefs militaires examinent la situation. Elle leur apparaît comme désespérée. La Wehrmacht progresse selon trois grands axes : à l'Ouest, elle descend vers l'embouchure de la Loire ; à l'Est elle marche sur Lyon et sur la vallée du Rhône. Au Nord-Est, l'encerclement du Groupe d'Armées n°2 se poursuit.

De l'avis unanime des généraux, il faudrait arrêter au plus tôt les hostilités. Le général Besson demande : « Quand va-t-on se décider à mettre un terme à cette boucherie ? »

Pendant toute la journée le Haut Commandement français demande des renseignements sur la situation des armées. L'une après l'autre, les villes, appelées au téléphone, ne répondent plus : c'est d'abord Troyes, puis Bar-sur-Aube, puis Auxerre, puis Chaumont. Ce silence marque d'une façon tragique la progression des forces allemandes vers le Sud.

Vers 17 heures, l'État-Major du général Georges quitte Briare pour Vichy qu'il atteint, péniblement à cause des réfugiés qui encombrent les routes, à 22 heures.

Ce même jour l'Espagne (dont les troupes ont pris hier à Tanger possession de la zone internationale, faisant peser une menace supplémentaire sur le protectorat français au Maroc) informe la France qu'elle transforme sa neutralité en non belligérance. En plus des fronts allemand et italien, la France va-t-elle avoir un troisième front à défendre, aux Pyrénées et au Maroc ?

A Bordeaux, Paul Reynaud reçoit de Monsieur de Saint-Quentin, ambassadeur de France à Washington, un rapport qui ne laisse guère de place à l'espoir d'une intervention armée des États-Unis.

A 15h15, le général Weygand se rend chez Paul Reynaud qui lui déclare : « Puisqu'il faut cesser le combat, la meilleure solution est une capitulation militaire qui n'engage que l'armée, mais laisse le gouvernement libre de ses mouvements. »
Maxime Weygand lui répond avec indignation : « Je refuse ! Et je me refuserai toujours, quoiqu'il puisse arriver, à couvrir nos drapeaux de cette honte ! »

Paul Reynaud, suite à cet entretien, décide de relever le général Weygand de ses fonctions, le jour-même, après le Conseil des Ministres.

Le Conseil des Ministres se réunit à 16 heures à la préfecture de Gironde, sous la présidence d'Albert Lebrun. Paul Reynaud demande au Maréchal Pétain, d'aller trouver le général Weygand qui attend dans la pièce à côté pour lui dire qu'un ordre de cesser le feu, comme l'a fait le commandant de l'armée hollandaise, n'est pas contraire à l'honneur de l'armée. Le Maréchal Pétain accède à son désir et va trouver le général Weygand, il s'entretient avec lui un quart d'heure. Il revient en disant que le général Weygand campe sur ses positions et a déclaré : « une capitulation du genre de celle qu'envisage Monsieur Reynaud serait un déshonneur pour l'armée ; c'est au gouvernement qu'il incombe de conclure un armistice, ce n'est pas à l'armée de déposer les armes. »

Camille Chautemps propose alors qu'on demande aux allemands leurs conditions d'armistice et si elles sont trop sévères pour la France, le gouvernement français en tirera toutes les conséquences, ainsi de quitter la France métropolitaine. Paul Reynaud est désarçonné par cette proposition qui remporte la faveur de la majorité des ministres. Il prend une feuille de papier et la divise en deux dans la hauteur. A droite il inscrit les noms de ceux qui semblaient favorables à la proposition Chautemps et à gauche ceux qui étaient favorables à la sienne. Le verdict fut : treize noms à droite pour la proposition Chautemps et seulement six à gauche.

Alors, en se tournant vers le Président de la République, Paul Reynaud déclare : « Il ne me reste plus qu'à vous donner la démission de mon gouvernement. » Albert Lebrun refuse avec vivacité.

Finalement, Paul Reynaud comprend qu'il ne doit surtout pas démissionner car le Président Albert Lebrun demandera alors à Camille Chautemps de former un nouveau gouvernement, qui sera favorable à l'armistice. En acceptant la solution Chautemps, Paul Reynaud espère gagner du temps... Le Conseil des Ministres prend fin à 19h55.

Quittant la salle du Conseil, Paul Reynaud traverse le salon attenant où se trouvent le général Weygand ainsi que plusieurs autres personnalités que le gouvernement a convoqué au cas où il aurait besoin de les consulter. Le Président du Conseil va droit vers le Commandant en chef et lui dit, à brûle-pourpoint :
« Général, ainsi que nous en avons convenu tout à l'heure, vous allez demander la capitulation de l'armée. »

Le général Weygand se demande s'il rêve puisque ce qu'il a dit à Paul Reynaud avant l'ouverture du Conseil des Ministres est exactement le contraire. Il recule de trois pas, de façon à ce que tous les assistants entendent sa réponse :
«
Jamais je n'ai tenu le langage que vous me prêtez ! Jamais on ne me contraindra à faire un acte que je réprouve !
- Même si je vous couvre par un ordre écrit ?
- Même ainsi ! Il n'y a pas de force humaine capable de me faire signer la capitulation d'une armée qui vient de se battre comme elle l'a fait ! Prétendre que j'en ai convenu est un mensonge !
- Calmez-vous, calmez-vous ! Sans doute vous aurais-je mal compris.
- Certainement non ! Je ne me calmerai pas, et je ne me tairai pas davantage ! Que l'on me destitue, au besoin, mais je n'accepterai jamais une pareille infamie ! Jamais je n'infligerai pareille honte à nos drapeaux ! Vous vous êtes trompé, Monsieur le Président, si, en me faisant venir de si loin pour prendre le commandement, vous avez pensé trouver en moi un homme prêt à accepter toutes les besognes ! La cessation des hostilités, comme l'entrée en guerre, sont l'affaire du gouvernement. Que celui-ci sache donc prendre toutes ses responsabilités.
- Rassurez-vous, il les prendra !
»

Le général Weygand estime que les choses ne peuvent pas en rester là, aussi il entre dans la salle où venait de se tenir le Conseil des Ministres pour informer, le Président de la République, de sa conversation avec Paul Reynaud. Albert Lebrun lui dit finalement : « Je vous prie de vous taire ! La vivacité de vos propos dépasse la mesure... »

Ecœuré par les atermoiements du gouvernement et par les discussions qui s'éternisent sans aboutir à aucune décision, le général Weygand retourne à son Quartier général : il s'abstiendra de paraître aux deux Conseils des Ministres qui se tiendront dans la matinée et dans l'après-midi du lendemain.

Paul Reynaud, puisqu'il ne peut obtenir du général Weygand qu'il accepte une capitulation de l'armée, va-t-il le relever de son commandement comme il se proposait de le faire avant le Conseil des Ministres ? Non, il y renonce... Pourquoi ? Il déclarera plus tard : « Me séparer à ce moment de Pétain et de Weygand eût été porter un coup fatal au moral du pays. »

Et le général de Gaulle dans tout ça ? Eh bien, il a quitté Bordeaux par la route la nuit précédente pour se rendre à Rennes afin de voir l'avancement des travaux du fameux "réduit breton". Ensuite, il se rend à Brest, où à 16h30 il se rend sur le contre-torpilleur Milan que l'Amirauté française met à sa disposition pour le conduire, à 40 nœuds à l'heure, à Plymouth, où il accoste à 22 heures. Une voiture l'attend pour le conduire à Londres, où il arrivera demain matin, le dimanche 16 juin 1940 au lever du jour.

A Rome, Mussolini convoque le Maréchal Badoglio pour lui ordonner de déclencher les hostilités terrestres contre la France le 18 juin. Badoglio essaie d'obtenir une date plus lointaine. Mussolini refuse. Il lui déclare : « Si nous nous limitons à assister à l'écroulement français, nous n'aurons aucune raison de demander notre part du butin. Si je ne réclame pas la Savoie, qui est française, il me faut Nice, la Corse et la Tunisie. Quant à la disposition des troupes et au temps nécessaire pour prendre l'offensive, je vous déclare qu'étant donné les conditions dans lesquelles se trouve l'armée française, il n'est pas nécessaire de perdre tant de journées pour faire avancer l'artillerie. Du reste, je donnerai moi-même des ordres aux chefs de l'État-Major de l'armée. »

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Message  L axe 18/6/2009, 20:39

Je te l'ai déjà dit ,je crois ,mais c'est un plaisir de lire ce que tu écrit . Like a Star @ heaven Soixante jours qui ébranlèrent l\'Occident. - Page 3 532396 Bravo
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Message  roger15 18/6/2009, 23:30

Le dimanche 16 juin 1940. Le jour où Paul Reynaud jette l'éponge, remplacé comme Président du Conseil par le Maréchal Pétain.

En ce dimanche 16 juin 1940, 38ème jour de l'offensive allemande sur le front Ouest commencée le vendredi 10 mai 1940, voici ce qu'ont pu entendre les auditeurs des postes de TSF français grâce aux deux traditionnels communiqués quotidiens de l'État-Major de l'armée française :

* communiqué n° 573 (16 juin 1940 - matin) : «
Depuis vingt-quatre heures, la bataille est parvenue à son plus haut point d'intensité.
Jetant toujours dans la lutte de nouvelles réserves appuyées par un matériel considérable et puissant, l'ennemi continue avec violence ses attaques vers le plateau de Langres, et il a réussi à pousser des reconnaissances d'éléments blindés au-delà de Chaumont, dans la région de Gray.
Nos troupes se battent toujours avec la même vaillance, opposant une résistance farouche à l'envahisseur, malgré la supériorité de ce dernier en matériel et en effectifs.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué, du dimanche 16 juin 1940 au matin, se dit qu'il est vraiment grand temps que les opérations militaires cessent avant que toute la France ne soit envahie par les troupes allemandes.

* communiqué n° 574 (16 juin 1940 - soir) : «
Les attaques ennemies se sont répétées aujourd'hui sur tout le front de la bataille.
A l'Ouest de Paris, dans la région de Laigle et de la Ferté-Vidame, ses efforts ont été contenus par nos troupes qui ont exécuté des contre-attaques locales.
Au Sud-Est de Paris, l'ennemi a continué sa progression. Il a franchi la Seine aux environs de Melun et de Fontainebleau. Il a, d'autre part, poussé au-delà d'Auxerre des éléments d'avant-garde dans la direction de Clamecy et d'Avallon.
Au Sud du plateau de Langres, ses colonnes blindées et motorisées ont atteint la région au Nord de Dijon et la Saône en amont de Gray. Des éléments légers ont franchi la rivière.
En Lorraine et en Alsace, les mouvements prescrits par le commandement français s'exécutent conformément aux ordres donnés.
Pendant les deux derniers jours, de nombreux combats aériens ont été livrés ; en particulier durant la journée du 15, le sergent-chef Le Gloan a abattu à lui seul, au cours d'une même sortie, cinq avions italiens, dont trois chasseurs et deux bombardiers.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué du dimanche 16 juin 1940 au soir, se dit que, hormis l'exploit du sergent-chef Le Gloan, qu'il salue, la situation militaire empire de jour en jour...

Voici maintenant les points importants de cette journée du dimanche 16 juin 1940, la douzième de "la bataille de France". Vu l'importance capitale de cette journée, je ne vais vous relater que la situation politique, car sinon mon message serait beaucoup trop long...

Ce dimanche 16 juin 1940 fut sans doute, comme je lai déjà dit, la journée la plus dramatique de toute l'histoire de la France. Cette journée a vu Paul Reynaud, le Président du Conseil français depuis le vendredi 22 mars 1940 (où il avait remplacé Édouard Daladier) qui portait seul sur ses épaules la responsabilité de la guerre, s'effondrer en fin d'après-midi et laisser la place au Maréchal Pétain, qui n'attendait que cela pour entamer auprès des Allemands des négociations d'armistice.

Cette journée ne peut absolument pas être racontée exhaustivement, il faudrait plusieurs pages de ce forum !… Aussi, je vais seulement décrire quels ont été, selon moi, les principaux moments politiques de ce dramatique dimanche 16 juin 1940.

A dix heures du matin Paul Reynaud reçoit à la Préfecture de la Gironde les deux présidents des Chambres françaises, Jules Jeanneney, le Président du Sénat, et Édouard Herriot, le Président de la Chambre des Députés. Conformément à la Constitution de la Troisième République il leur demande "un avis favorable au transfert du gouvernement en Afrique du Nord". Les deux Présidents ayant donné un avis favorable à ce transfert, Paul Reynaud leur demande de venir le confirmer tout à l'heure devant les ministres. A onze heures du matin s'ouvre, sous la présidence du Président du Conseil, un "Conseil de Cabinet". Les deux Présidents des Chambres y sont introduits. Seul Jules Jeanneney prend la parole au nom des deux : il renouvelle leur avis favorable au départ du gouvernement pour l'Afrique du Nord. Il précise : « Dans notre esprit, il s'agit d'un départ en vue de continuer la guerre. »

Paul Reynaud remercie les deux Présidents au nom du gouvernement. Ceux-ci se retirent, le Président de la République Albert Lebrun entre alors, et un Conseil des Ministres peut valablement délibérer. Paul Reynaud commence par leur lire la réponse du Président Roosevelt à son appel à l'aide lancé le 14 juin : le Président américain l'assure de son soutien, mais refuse d'engager les hostilités contre l'Allemagne et l'Italie… Cette lecture décevante décourage tous les ministres…

Camille Chautemps, Vice-Président du Conseil, demande à Paul Reynaud s'il a reçu une réponse de Winston Churchill à sa demande d'envisager une paix séparée avec l'Allemagne. Paul Reynaud répond qu'il n'a rien encore reçu…

C'est alors que brusquement le Maréchal Pétain, autre Vice-Président du Conseil, se lève et déclare : « Je ne peux demeurer plus longtemps au gouvernement. Plus le temps passe et plus nos armées se désagrègent. L'inévitable solution n'a été que trop retardée. Je ne veux pas m'associer à ce retard dont la France toute entière paye les conséquences. »

Le Président Lebrun et la plupart des ministres le supplient et lui demandent de rester au gouvernement. Le Maréchal accepte, mais, pour marquer sa désapprobation, il refusera de s'asseoir et restera debout jusqu'à la fin du Conseil… Le Maréchal fait savoir à Paul Reynaud qu'il ne reste au gouvernement que jusqu'à la communication de la réponse de Winston Churchill concernant l'autorisation pour la France de s'affranchir de l'accord franco-anglais du 28 mars 1940 qui interdisait toute négociation séparée avec l'Allemagne. Le président Lebrun lève alors ce premier Conseil des ministres de la journée. Un deuxième est prévu pour quinze heures.

Dans la matinée à Londres le général de Gaulle s'entretient avec Messieurs Charles Corbin (Ambassadeur de France à Londres) et Jean Monnet (Chef de la mission économique française à Londres) de leur projet, qui doit être soumis au gouvernement britannique, visant à l'union totale de la France et de la Grande-Bretagne. Selon eux, seul un "coup de théâtre" comme ce projet peut inciter Paul Reynaud et la majorité des ministres à quitter la métropole pour Alger afin de poursuivre la guerre aux côtés de l'Angleterre. Le général de Gaulle les approuve.

Lors du repas, de Gaulle plaide pour cette fusion franco-britannique auprès de Churchill. Celui-ci n'est d'abord pas du tout favorable à cette fusion, mais se laisse finalement convaincre, pour sauver Paul Reynaud.

Après le repas Winston Churchill convoque un Conseil des ministres anglais au 10 Downing Street pour examiner ce projet de fusion franco-britannique.

A 15h30 de Gaulle téléphone depuis Downing Street à Paul Reynaud le suppliant de ne pas démissionner jusqu'à ce que le Cabinet britannique termine de délibérer. Paul Reynaud répond qu'il peut retarder le Conseil des Ministres français jusqu'à 17 heures, mais guère au-delà…

A 16h30 à Downing Street Churchill sort enfin de la sale du Conseil et va immédiatement, très souriant vers de Gaulle :
« Nous sommes d'accord !!!… » et il lui remet un exemplaire, en français, du texte de cet accord de fusion franco-britannique. De Gaulle le lit avec un enthousiasme extraordinaire. Il demande immédiatement à pouvoir joindre par téléphone Paul Reynaud à la préfecture de Bordeaux. Il lui dicte, mot à mot, le texte de cet accord ; Paul Reynaud le recopie en répétant chaque mot au fur et à mesure qu'il le transcrit. Edward Spears (officier de liaison entre les gouvernements français et britannique) déclare à Reynaud qu'il faut immédiatement faire taper ces feuillets à la machine à écrire pour les présenter aux ministres et il se précipite vers une des dactylographes du bureau d'à côté. Il y rencontre la comtesse Hélène de Portes, la maîtresse de Paul Reynaud, qui va tout faire pour ralentir le travail de dactylographie de la secrétaire. La comtesse, en lisant ce texte, ne cache pas, par son regard mauvais, qu'elle y est farouchement opposée !…

A 17h15 s'ouvre, sous la Présidence d'Albert Lebrun, le deuxième Conseil des Ministres de la journée à la préfecture de Bordeaux.

Paul Reynaud commence par dire que le gouvernement britannique refuse que la France puisse ouvrir seule des négociations séparées en vue d'un armistice avec l'Allemagne. Plusieurs ministres protestent et veulent intervenir mais Paul Reynaud leur dit qu'il a une communication de la plus haute importance à leur faire. Il leur lit alors le texte du projet de fusion franco-britannique et déclare que demain matin il doit rencontrer Winston Churchill à Concarneau pour en discuter des modalités d'application.

Les ministres français ont écouté avec une très grande stupéfaction cette lecture du projet de fusion franco-britannique. Le premier à réagir est le Vice-Président du Conseil Camille Chautemps qui déclare aussitôt : « Je ne veux pas que la France devienne un Dominion !!! ». Plusieurs autres ministres s'associent à sa protestation.

A ce moment, entre dans la salle du Conseil un huissier qui apporte à Paul Reynaud un billet griffonné à la hâte par la comtesse Hélène de Portes : « J'espère que vous n'allez pas jouer les Isabeau de Bavière ! ». Isabeau de Bavière, femme du roi de France Charles VI, dit "Le Fol", était à l'origine du honteux traité de Troyes le 21 mai 1420 qui livrait la France aux Anglais…

Paul Reynaud a-t-il lu avec assez de conviction le projet d'union totale franco-britannique ? Toujours est-il que le Conseil est devenu après sa lecture encore plus anti-britannique qu'il l'était avant. De plus, le billet de Madame Hélène de Portes a fini d'achever la résistance de Paul Reynaud.

Camille Chautemps demande la parole et redit son couplet favori : « Il est vraiment impossible de quitter la France sans avoir demandé à l'ennemi ses conditions. ». La plupart des ministres l'approuvent.

C'est alors que Georges Mandel (ministre de l'Intérieur) déclare « Il y a ici des gens qui veulent se battre, et d'autres qui ne le veulent pas ! » Cette accusation publique de lâcheté va être très mal prise par tous les autres ministres, y compris Paul Reynaud, qui s'estiment visés très gravement par cette sentence blessante.

Mais celui qui va moucher publiquement Georges Mandel va être Camille Chautemps. Lequel, venait d'apprendre juste avant l'ouverture du Conseil que la ville de Blois (Loir-et-Cher), dont il était un ancien député, venait d'être bombardée par l'aviation allemande, bombardement qui avait fait 200 victimes !... Camille Chautemps a répondu immédiatement à Georges Mandel :
« Non ! il y a des Français désespérés de la situation dans laquelle se trouve leur pays et qui cherchent le moyen de s'en sortir… D'AILLEURS JE N'AI PAS DE LEÇON A RECEVOIR DE VOUS !!!… ». De nouveau la plupart des ministres apportent leur soutien public à Camille Chautemps. Georges Mandel se sent de plus en plus marginalisé…

Paul Reynaud met fin à la polémique en déclarant que dans ces conditions le Conseil des ministres est terminé. Un nouveau Conseil des ministres (le troisième de cette journée du dimanche 16 juin 1940) va se réunir à dix heures du soir pour démissionner, afin que d'ici-là le Président de la République puisse consulter au préalable les deux Présidents de chambre. A 19h30 la séance est levée… Lorsqu'il sort de la salle du conseil Paul Reynaud rencontre l'ambassadeur des États-Unis en
France, Monsieur Drexel Biddle, avec qui il échange quelques mots. L'ambassadeur est péniblement frappé par le changement de l'aspect physique du Président du Conseil français « Il était devenu littéralement gris de panique, et quelqu'un qui l'aurait vu deux semaines auparavant ne l'aurait pas reconnu. » C'est sans doute là l'explication la plus vraisemblable : Paul Reynaud a jeté l'éponge car il a craqué nerveusement. Les charges qui pesaient sur ses seules épaules étaient soudainement devenues trop lourdes à porter…

A 22 heures, lors du troisième Conseil des ministres de la journée, Paul Reynaud confirme la démission de son gouvernement. Albert Lebrun tente de le faire revenir sur sa décision, mais il refuse en disant : « Cela m'est impossible. Pour faire cette politique adressez-vous au Maréchal Pétain. »

A 23 heures, alors que Paul Reynaud s'en est allé de la préfecture de Bordeaux (accompagné de Messieurs Georges Mandel, Louis Marin, Alphonse Rio et César Campinchi ; les derniers "jusqu'au-boutistes"), Albert Lebrun prend le Maréchal Pétain à part et lui demande : « Voulez-vous constituer le gouvernement ? ». Le Maréchal Pétain sort alors une liste de son portefeuille, la tend au Président de la République en lui disant : « Le voici ! ».

A une heure du matin (donc le lundi 17 juin 1940) le maréchal Pétain fait convoquer à la préfecture de Bordeaux Monsieur de Lequerica, l'ambassadeur d'Espagne, pour lui demander de contacter par la voie diplomatique le gouvernement allemand pour lui faire demander "à quelles conditions le Chancelier Hitler serait disposé à arrêter les opérations et à conclure un armistice ?".

Une nouvelle page de l'histoire de France (assez sinistre !…) commence alors…

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Message  Narduccio 19/6/2009, 01:40

roger15 a écrit:. Tous les membres du gouvernements sont d'accord pour quitter Paris. On communique les itinéraires. L'heure du départ est fixée à minuit.

....


Dans les ministères on cloue des caisses, on emballe des dossiers, il faut organiser à l'improviste, l'évacuation d'une foule de choses et de gens.

Enfin, les ministres s'en vont, et leur départ nocturne prend, quelques efforts qu'ils fassent pour sauver les apparences, l'allure d'un véritable sauve-qui-peut. Dans le trouble de la dernière heure, on néglise d'aviser de cette décision importante le général Héring, gouverneur militaire de Paris.

A 23 heures, brusquement la radio-diffusion française interrompt ses émissions pour diffuser le communiqué suivant : « Le gouvernement est obligé de quitter la capitale, pour des raisons militaires impérieuses. Le Président du Conseil se rend aux Armées. » L'auditeur français se félicite que Paul Reynaud se rende "aux Armées" !... La réalité est hélas toute autre : Paul Reynaud s'embarque en voiture, à minuit, sur la route nationale 20, plein Sud, en direction d'Orléans (il est accompagné du général de Gaulle). Quant au gouvernement, il part pour Tours.

Il manque un élément dans cette excellente narration des faits, quelque chose qui va marquer les Français pendant des années et qui pourtant ne transparait pas tellement dans de nombreux ouvrages sur cette période.

Ce fait capital est qu'il y a de moins en moins de Français chez eux à écouter ces communiqués. La France est sur les routes, encombrant celles-ci et rendant plus difficile les opérations militaires. Mais, les armées montant au front, les ministres et les administrations retraitant vers l'arrière et la masse des Français vont à peine s'apercevoir, ce qui va rendre bien tenace des légendes urbaines qui continuent à se propager, même de nos jours.

Les autorités avaient bien préparé des plans de circulations. Les grands axes et les voies principales sont interdites à la masse des réfugiés. Elles sont réservées aux armées et aux administrations. A chaque carrefour, il y a des gendarmes qui ont pour but d'endiguer le flot des réfugiés. Les soldats qui refluent ne faisant pas partie d'unités constituées vont aussi être dirigés vers ce réseau secondaire.

Que voient les différentes personnes en fonction du réseau sur lequel elles circulent ?
Les personnes des administrations voient quelques unités militaires monter au front, mais le reflux d'unités constituées, et des blessés militaire que l'on va regrouper à l'arrière. Les unités pour les reconstituer autant que faire ce peut, les blessés pour les soigner.
Les militaires des unités constitués voient les convois des personnels administratifs courant se mettre à l'abri à l'arrière. C'est du moins ainsi que de nombreux soldats vont l'interpréter pensant que ces "planqués" auraient mieux fait d'aller ce battre au front.
Les uns et les autres ne vont pas voir l'immense masse des réfugiés qui eux cheminent sur le réseau secondaire.

Sur le réseau secondaire, justement, chemine une foule de plus en plus hétéroclite constituée de personnes qui ont fuit devant l'avance allemande, certains cheminent depuis les Pays-Bas et la Belgique. Souvent, c'est l'arrivée des premiers réfugiés qui incite les gens à se mettre sur les routes pour fuir. Ainsi, il va y avoir des réfugiés provenant de zones dans lesquelles les Allemands n'arriveront que plus tard.
Dans cette masse, il y a bon nombre de soldats qui cherchent soit à retrouver des membres de leur famille, soit leur unités, soit simplement de fuir les Allemands comme tout le monde. Du souvenir de ces soldats débandés va naitre l'impression de débâcle qui va entacher cette période. Ces civils sont sûrs d'avoir vu l'armée française fuir à leurs cotés .... Ils n'ont pas vu ces mêmes soldats mourir lors des grandes batailles du nord de la France !
De plus, des soldats débandés, il y en a de plus en plus, pour une raison toute simple, tout soldat distancé par son unité se retrouve dans le réseau non-prioritaire. On a le témoignage de pas mal de soldats qui pour une raison ou une autre se retrouvent séparé de leur unité. Souvent devant rester en retrait pour remplir une quelconque mission. Ils sont évacués parmi les derniers. Or, suite à la confusion, dès que leur moyen de transport tombe en panne, ils sont refoulés dans le réseau des réfugiés au premier carrefour. Et par voie de conséquence, ils arrivent en retard aux lieux de rassemblements de leurs unités et doivent se rendre à un autre lieu de rassemblement ... et ainsi de suite.
Ce qui rajoute à l'impression de pagaille que ressentent les réfugiés sur les routes.

On perçoit mal cette période si on n'a pas conscience que la France est sur les routes et que certaines villes sont vides à 80-90%.

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Message  roger15 19/6/2009, 07:46

Bonjour Narduccio, Smile

Merci pour tes commentaires, très pertinents.

Je vais te répondre sur deux points de ton analyse :

Tu écris : « Il manque un élément dans cette excellente narration des faits, quelque chose qui va marquer les Français pendant des années et qui pourtant ne transparaît pas tellement dans de nombreux ouvrages sur cette période.

Ce fait capital est qu'il y a de moins en moins de Français chez eux à écouter ces communiqués. La France est sur les routes, encombrant celles-ci et rendant plus difficile les opérations militaires. Mais, les armées montant au front, les ministres et les administrations retraitant vers l'arrière et la masse des Français vont à peine s'apercevoir, ce qui va rendre bien tenace des légendes urbaines qui continuent à se propager, même de nos jours.
»

C'est certes vrai pour les habitants des grandes villes et des villes moyennes, surtout celles situées sur les grands axes routiers, très favorables à l'extension du mouvement de panique. En revanche, les Paysans (ne pas oublier quand même qu'à cette époque 80% de la population française est rurale) dans leur très grande majorité resteront dans leurs fermes. Ils ne peuvent en effet pas abandonner leurs animaux qui sont leur seul maigre gagne-pain quotidien...

En revanche, il est vrai que l'énorme masse des civils fuyards qui encombrent les routes va être un allié non négligeable pour l'armée allemande, et une très énorme gène pour l'armée française. La question est de savoir si les responsables militaires allemands l'avaient prévue ou non ? Je crois, mais j'avoue que c'est une opinion toute personnelle, qu'eux aussi ont été très surpris par l'ampleur du nombre de civils français sur les routes.

Tu as raison de souligner (c'est un point qu'on néglige souvent d'aborder) que le très grand nombre de soldats français désappointés car étant séparés de leur unité d'affectation, ne sachant plus très bien où aller, et qui errent tristement sur les routes parmi les civils en fuite, va marquer durablement les esprits des témoins de cette époque : pour eux, très injustement, le soldat français ne se sera pas battu et aura surtout cherché à s'enfuir à la première occasion...

Tu as tout à fait raison, Naduccio, de dire : « Dans cette masse, il y a bon nombre de soldats qui cherchent soit à retrouver des membres de leur famille, soit leurs unités, soit simplement de fuir les Allemands comme tout le monde. Du souvenir de ces soldats débandés va naître l'impression de débâcle qui va entacher cette période. Ces civils sont sûrs d'avoir vu l'armée française fuir à leurs côtés .... Ils n'ont pas vu ces mêmes soldats mourir lors des grandes batailles du nord de la France ! »


C'est hélas à cause de cela que va naître dans le pays la légende, très injuste mais hélas très tenace jusqu'à aujourd'hui, que le soldat français de mai et juin 1940 ne s'est pas battu mais à cherché avant tout à fuir.

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Message  roger15 19/6/2009, 16:48

Le lundi 17 juin 1940. Le jour où le Maréchal Pétain fait don de sa personne à la France pour atténuer son malheur.

En ce lundi 17 juin 1940, 39ème jour de l'offensive allemande sur le front Ouest commencée le vendredi 10 mai 1940, voici ce qu'ont pu entendre les auditeurs des postes de TSF français grâce aux deux traditionnels communiqués quotidiens de l'État-Major de l'armée française :

* communiqué n° 575 (17 juin 1940 - matin) : «
Les combats continuent dans la région de Laigle et Châteaudun, ainsi que sur la ligne de la Loire et au Sud d'Avallon. L'ennemi a franchi la Saône en certains points et progresse dans la direction du Doubs.
La situation est sans changement en Haute-Alsace où l'ennemi n'a pas réussi à franchir le canal du Rhône au Rhin.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué, du lundi 17 juin 1940 au matin, se dit que son audition n'apporte que des mauvaises nouvelles...

* communiqué n° 576 (17 juin 1940 - soir) : «
La bataille s'est poursuivie aujourd'hui sur l'ensemble du front, et particulièrement sur le cours moyen de la Loire.
De violents combats ont eu lieu à Orléans et dans la région de La Charité-sur-Loire.
Des détachements ennemis, qui avaient réussi à franchir le fleuve, ont été contenus sur le canal latéral. A l'Est de la Loire, l'ennemi a progressé encore au-delà d'Autun.
En bourgogne, il est entré dans Dijon. En Franche-Comté, il a atteint le Doubs et a lancé des éléments motorisés vers le Jura.
Sur tous les points de contact, nos troupes se battent toujours avec la même bravoure pour l'honneur du drapeau.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué du lundi 17 juin 1940 au soir, se dit qu'il est surpris que les combats continuent entre les Français et les Allemands alors qu'il a entendu le Maréchal Pétain, le nouveau Président du Conseil, déclarer à la TSF à 12h30 : « C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat. »

Voici maintenant les points importants de cette journée du lundi 17 juin 1940, la treizième de "la bataille de France" :

Une fois n'est pas coutume je vais commencer par une bonne nouvelle pour les Parisiens et les banlieusards : les quotidiens sont de retour dans les kiosques !... Du moins, deux d'entre eux : "La Victoire" de Gustave André (une feuille au tirage très confidentiel) mais surtout le célèbre "Le Matin" de Maurice Bunau-Varilla. E
n première page "Le Matin" est désormais obligé de publier le communiqué militaire allemand.

En première page également, une information pratique : « Les horloges sont avancées d'une heure. Rappelons que depuis le 14 juin à 23 heures, les horloges, pendules et montres ont dû être avancées d'une heure. » C'est un aspect peu connu des conséquences de l'Occupation allemande : l'heure légale dans les territoires occupés par l'armée allemande est désormais "l'heure de Berlin" (Temps Universel, l'heure du méridien de Greenwich, plus deux heures), les territoires non occupés conservant "l'heure française" d'été (Temps Universel plus une heure).

Quant à la deuxième page du "Matin" du lundi 17 juin 1940, elle n'est curieusement composée que de "réclames" (comme on appelait alors la publicité).

Curieusement aucune mention n'est faite du changement de Président du Conseil... Ce n'est que "Le Matin" du mardi 18 juin 1940
qui annoncera le changement de ministère. Quant à la déclaration du Maréchal Pétain de la veille, elle ne sera pas reproduite, mais seulement évoquée dans le gros titre de la "une" : « LA FRANCE DOIT METTRE BAS LES ARMES déclare le Maréchal Pétain ».

L'événement le plus important de cette journée du lundi 17 juin 1940 est bien sûr la déclaration, à 12h30, du Maréchal Pétain :

«
Français ! A l'appel de Monsieur le Président de la République, j'assume à partir d'aujourd'hui la direction du gouvernement de la France.

Sûr de l'affection de notre admirable armée qui lutte, avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires, contre un ennemi supérieur en nombre et en armes. Sûr que par sa magnifique résistance, elle a rempli nos devoirs vis-à-vis de nos alliés. Sûr de l'appui des Anciens Combattants que j'ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur.

En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude

C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l'adversaire pour lui demander s'il est prêt à rechercher avec moi, entre soldats, après la lutte et dans l'Honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités.

Que tous les Français se groupent autour du Gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n'obéir qu'à leur foi dans le destin de la Patrie.
»

Pour entendre ce discours : https://www.youtube.com/watch?v=LjsJ716sEkc
.


La phrase importante, que tous les auditeurs ont retenu est bien évidemment celle-ci : « C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat ». Tout le monde en a déduit que la guerre était terminée...

L'ennui, c'est que Pétain n'a absolument pas averti le Haut Commandement de l'Armée française du texte de son discours, qui est interprété par les soldats comme un ordre de "cessez le feu" immédiat... Dans l'après-midi, le général Georges informe le général Weygand que c'est par régiments entiers que nos troupes cessent de combattre, ce dont, évidemment, les Allemands prennent aussitôt avantage. En fin d'après-midi à la fois le général Weygand (nouveau ministre de la Défense nationale), le général Pujo (nouveau Ministre de l'air) et l'Amiral Darlan (nouveau Ministre de la marine marchande et militaire) font chacun publier un communiqué enjoignant à tous les commandants d'armées, à tous les chefs de l'armée de l'air et à tous les amiraux de continuer la lutte contre les Allemands. Mais, n'est-ce pas déjà trop tard ? Le discours de Pétain a complètement démobilisé les dernières troupes combattantes...

Et le pire, c'est que beaucoup de soldats français qui ont laissé passer les troupes allemandes, conformément à l'ordre du Maréchal Pétain, vont de ce fait être considérés, lorsque l'armistice entrera effectivement en fonction, comme "prisonniers" et devoir passer cinq longues années dans des camps en Allemagne....

Pour que les choses soient bien nettes, Paul Baudouin (nouveau ministre des Affaires Étrangères) prononce à son tour une allocution à la radio à 21h30 : « (...) Voilà pourquoi le gouvernement présidé par le Maréchal Pétain a dû demander à l'ennemi quelles seraient ses conditions de paix ? Mais il n'a pas pour autant abandonné la lutte, ni déposé les armes. Comme l'a dit ce matin le Maréchal Pétain, le pays est prêt à rechercher dans l'honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. Il n'est pas prêt, et ne sera jamais prêt à accepter des conditions déshonorantes, à abandonner la liberté spirituelle de notre peuple, à trahir l'âme de la France. »

En clair : la guerre continue !... Les Français sont très décontenancés après ce deuxième discours radiophonique de la journée...

Paul Baudouin fait rectifier dans les journaux la phrase malheureuse de Pétain en y ajoutant deux mots : "tenter de". Ainsi, la phrase rectifiée de Pétain (qui sera publiée dans les journaux du lundi 17 juin l'après-midi et du mardi 18 juin 1940) sera celle-ci : « C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut tenter de cesser le combat ».

Paul Baudouin, nouveau Ministre des Affaires Etrangères, s'aperçoit d'une bourde énorme : dans la confusion de la soirée et de la nuit dernière il a omis d'adresser une demande d'armistice aux Italiens, comme il l'a fait aux Allemands. Aussi fait-il venir à la préfecture de Bordeaux Monseigneur Valerio Valeri, le nonce apostolique (donc l'ambassadeur du Vatican), et lui remet à 9h45 une note lui demandant « de faire part au gouvernement italien de son désir de rechercher avec lui les bases d'une paix durable entre les deux pays. »

De 10 heures du matin à midi moins le quart se réunit, sous la présidence d'Albert Lebrun, le premier Conseil des Ministres du gouvernement Pétain.

Le principal événement militaire de cette journée du lundi 17 juin 1940 est le bombardement effroyablement meurtrier de Rennes... Les Allemand poursuivaient en effet depuis Sillé-le-Guillaume (Sarthe) un train de douze wagons de mélinite et de munitions. Ils l'avaient manqué à plusieurs reprises. Au matin du 17 juin, ce convoi se trouve garé - par on ne sait quelle aberration - sur les voies de triage de Rennes, encadré par cinq trains contenant une foule de réfugiés, de blessés, et des troupes françaises rapatriées d'Angleterre (ayant notamment combattu les Allemands à Narvik en Norvège). Touchés par un chapelet de bombes placés au but, les wagons explosent, provoquant un véritable carnage : deux mille morts et neuf cents blessés. Ce fut le bombardement le plus meurtrier de toute la campagne de France.


L'autre événement militaire important est la course de vitesse que vont se livrer toute la journée entre la 7e Panzerdivision de Rommel et les derniers soldats britanniques encore sur le sol français qui tentent, à toute vitesse d'atteindre le port de Cherbourg pour rembarquer vers l'Angleterre. Les Allemands sont favorisés à partir de 12h30 suite au discours du Maréchal Pétain : la 7e Panzerdivision fonce sur Cherbourg, à une vitesse de 40 à 50 kilomètres par heure, sans rencontrer la moindre résistance de la part des troupes françaises. Un peu après minuit, à La Haye-du-Puits les troupes allemandes sont enfin stoppées par un feu nourri d'artillerie et de mitrailleuses. La 7e Panzerdivision avait alors parcouru 240 kilomètres depuis le matin et n'était plus qu'à 45 kilomètres de Cherbourg... A la même heure, les troupes anglaises, qui ont parcouru 320 kilomètres au cours des vingt-quatre dernières heures, arrivent à Cherbourg où elles peuvent in extremis s'embarquer pour l'Angleterre.

Pour ajouter encore un peu plus à la confusion de la situation militaire, le Président de la Chambre des Députés, Édouard Herriot (qui se vante pourtant d'être avec Jules Jeanneney, le Président du Sénat, un des partisans de "la lutte à outrance"...), qui a appris vers minuit par un coup de téléphone émanant de la mairie de Lyon (ville dont il est le maire) que les Allemands approchent de la ville, et que celle ci risque d'être bombardée, fait réveiller en pleine nuit le Maréchal Pétain et le supplie, toute affaires cessantes, d'obtenir du général Weygand qu'il déclare, tout comme il a fait pour Paris, Lyon "ville ouverte" pour éviter "des destructions et des morts inutiles".

Le Maréchal accepte, et demande à Weygand de déclarer Lyon "ville ouverte". Weygand décide alors de déclarer plus largement "villes ouvertes" tous les centres de plus de vingt mille habitants. Leur défense ne doit plus être assurée qu'à leur périphérie. Le général Georges proteste faisant valoir que cette décision est de nature à compromettre gravement la défense des rivières dont les principaux points de passage se trouvent précisément dans les villes de plus de 20 000 habitants.

Apprenant cette décision, les maires des agglomérations au Sud de la Loire demandent alors que l'on tienne compte non de la population de leurs villes en temps normal, mais en recensant tous les très nombreux réfugiés qui y sont regroupés.

La défense du territoire français devient donc quasiment impossible...

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Message  roger15 19/6/2009, 21:40

Le mardi 18 juin 1940. Le jour où le général de Gaulle lance son célèbre appel sur les ondes de la BBC.

En ce mardi 18 juin 1940, 40ème jour de l'offensive allemande sur le front Ouest commencée le vendredi 10 mai 1940, voici ce qu'ont pu entendre les auditeurs des postes de TSF français grâce au seul communiqué officiel de l'État-Major de l'armée française :

* communiqué n° 577 (18 juin 1940) : «
L'ennemi est parvenu aujourd'hui, par une action violente contre nos éléments de résistance, à progresser profondément en Normandie et en Bretagne. Ses détachements avancés ont atteint Cherbourg et Rennes.
De violents combats ont lieu également au Sud de Châteaudun.
Sur la Loire moyenne, l'ennemi a pu établir, au cours de la journée, quelques têtes de pont entre Orléans et Nevers.
Entre la Loire et les Vosges, les masses ennemies ont continué à s'avancer vers le Jura.
Des combats se poursuivent en Lorraine et en Alsace où nos troupes contiennent l'ennemi.
»

L'auditeur français, après avoir entendu ce communiqué du mardi 18 juin 1940, se dit que jamais depuis la guerre de 1870-1871 l'ennemi allemand n'avait pénétré aussi profondément le territoire français.

Voici maintenant les points importants de cette journée du mardi 18 juin 1940, la quatorzième de "la bataille de France" :

Précisons tout d'abord que les deux ordres donnés aux soldats français durant la journée du 17 juin :

-1°) ne pas se battre à l'intérieur des agglomérations de plus de 20 000 habitants ;
-2°) ne pas cesser de combattre partout ailleurs, aussi longtemps que l'armistice ne sera pas conclu ;
bien que très difficilement conciliables, ont été partout respectés.

A l'Ouest, la bataille de Cherbourg commence. Le dernier navire britannique quitte le port à 16 heures. Le lendemain matin les troupes de Rommel prendront le port.

Dans l'après-midi, les blindés de la 5e Panzerdivision foncent simultanément sur Morlaix, Brest et Lorient. Sur la Loire, l'ennemi a conquis une nouvelle tête de pont à Briare, et borde le fleuve de Gien à Digoin. Plus à l'Est, des éléments avancés du Groupement blindé von Kleist ont encerclé Moulins et marchent sur Vichy et Roanne après avoir occupé le centre industriel du Creusot.

Voyant cela, le général Besson, qui commande le IIIe Groupe d'Armées, inquiet de la menace qui se développe sur ses arrières, prescrit d'entamer dans la nuit le replis sur le Cher.

Dans la vallée du Rhône, les divisions motorisées allemandes ayant dépassé Macon s'avancent rapidement dans la direction de Lyon. Encore plus à l'Est, la 1ère Panzerdivision s'empare de Belfort. Guderian dirige personnellement l'attaque contre les forts qui ont refusé de se rendre, et les emporte l'un après l'autre, tandis qu'à sa gauche, les 2e, 6e et 8e Panzerdivisionen franchisse la Meuse du Sud au Nord, entre Remiremont et Charmes.

Le IIe Groupe d'Armées (IIe, IIIe, Ve et VIIe armées françaises) est entièrement encerclé dans les Vosges. La situation est sans issue...

L'Amiral de la Flotte, François Darlan, lance un ordre à toutes les unités navales françaises leur disant : « Le Président du Conseil rappelle à tous les combattants qu'aucun armistice n'est encore intervenu et que leur devoir est de poursuivre la résistance au maximum. Aucun bâtiment de combat ne doit tomber intact aux mains de l'ennemi. En cas de besoin, la ligne de repli de tout bâtiment de combat ou aéronef est l'Afrique du Nord. Tout bâtiment de combat ou aéronef ne pouvant facilement l'atteindre et risquant de tomber aux mains de l'ennemi doit se détruire ou se saborder, suivant ordre de l'autorité supérieure. »

Grâce à cette consigne, quasiment aucun bâtiment de guerre ne tombera intact aux mains des Allemands :

- à Brest : le cuirassé Richelieu (35 000 tonnes), qui vient de terminer ses essais, prend la mer sous le commandement du capitaine de vaisseau Marzin. Il est précédé et suivi par pas moins de quatre-vingts bâtiments, conduits par l'amiral Moreau : contre-torpilleurs, torpilleurs, avisos, sous-marins avec leur ravitailleur Jules Verne, croiseurs auxiliaires, paquebots, chalutiers armés, remorqueurs, transports. Tout ce qui peut voguer par ses propres moyens, fût-ce à six nœuds seulement, file en direction de Casablanca et de Dakar.
- à Saint-Nazaire : le cuirassé Jean-Bart (49 000 tonnes) n'est hélas pas tout à fait terminé. Il risque donc de tomber aux mains des Allemands qui descendent à marches forcées vers l'embouchure de la Loire. Le capitaine de vaisseau Pierre-Jean Ronac'h (c'est le neveu de l'amiral Pierre Alexis Ronac'h qui commandait la célèbre brigade de fusiliers marins à Dixmude, sur l'Yser, en octobre 1914) stimule les équipes qui ne dépensent sans compter jusqu'à l'épuisement de leurs forces pour lui permettre d'échapper aux Allemands.
- à Cherbourg : cinq sous-marins sur cale dans l'arsenal sont sabordés ainsi que des dragueurs de mines et des remorqueurs.
- à Brest : quatre grands sous-marins de 1 500 tonnes sont sabordés ainsi que le torpilleur Cyclone. Le lendemain, le torpilleur Mistral et le sous-marin Surcouf, appareillent pour Plymouth, emmenant l'amiral Cayrol, chef du secteur de Brest et les derniers échelons des services et des équipages de démolition.

Les avisos et patrouilleurs incapables de prendre la mer seront sabordés :
* le 19 juin à Lorient (dont l'héroïque défense sera assurée par l'amiral de Penfentenyo) ;
* le 22 juin à La Pallice ;
* le 24 juin au Verdon ; c'est-à-dire au fur et à mesure que les forces allemandes arrivent à la lisière des ports de l'Atlantique.

L'escadre de la Méditerranée, basée à Toulon, est moins menacée. Aussi reste-telle seulement en alerte.

Ajoutons qu'une fois les navires de la flotte de l'Atlantique évacués ou sabordés, les marins français font sauter à Cherbourg, à Brest, à Lorient, et à La Rochelle, l'arsenal, les réservoirs à mazout, les poudrières, les stocks à munition, les installations portuaires. Tout saute et tout est en flammes !... Les incendies brûleront pendant plusieurs jours.

Mussolini rencontre Hitler à Munich. Il espère obtenir de grosses compensations territoriales au détriment de la France : l'occupation par l'Italie de tous les territoires à l'Est du Rhône, plus la Corse, la Tunisie et la Somalie française. De plus il souhaiterait obtenir les bases navales d'Alger, Oran et Casablanca. Hélas pour le Duce, Hitler a balayé ces plans d'un revers de manche : il espère une paix prochaine avec la Grande-Bretagne et ne désire pas accroître l'hostilité des Français. Mussolini en est tout dépité...

A Bordeaux : nouveau Conseil des Ministres à 11 heures. A son issue, le Maréchal Pétain propose à Paul Reynaud le poste d'ambassadeur de France à Washington. Reynaud refuse d'abord, puis devant l'insistance de Pétain donne son accord de principe, mais demande à ce que cette nomination ne devienne effective que lorsque les conditions d'armistice seront connues.

Les Présidents Jeanneney et Herriot, tentent de convaincre le Maréchal Pétain de transférer le gouvernement français en Afrique du Nord. Devant son refus, ils imaginent un stratagème : scinder le gouvernement en deux, une partie irait à Perpignan, et l'autre directement à Alger. Albert Lebrun y est favorable. Le Maréchal consent à accepter cette solution. Et c'est là qu'entre en scène Pierre Laval. Ayant appris ce projet de scission du gouvernement, il se précipite chez le Maréchal et lui démontre qu'ainsi seul le gouvernement d'Alger sera reconnu par l'étranger et non le sien, resté en France métropolitaine. L'intervention de Pierre Laval laisse le Maréchal Pétain profondément perplexe. La politique, décidément, est un jeu difficile...

La BBC diffuse à 15 heures un grand discours que Winston Churchill prononce devant la Chambre des Communes. A 18 heures elle diffuse le célèbre appel du général de Gaulle (malheureusement il n'a pas été enregistré car tous les magnétophones de la BBC ont été réquisitionnés pour enregistrer le discours de Winston Churchill) :

« Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat.
Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi.
Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.
Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !
Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.
Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des États-Unis.
Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un
jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.
Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.
Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.
Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la Radio de Londres.
»


Cet appel a été en réalité très peu entendu, mais ce qui est très important c'est que beaucoup y ont répondu durant les jours, les semaines, les mois et les années qui ont suivi.

Peu de gens le savent, mais le texte de cet appel a été envoyé à l'agence française d'informations Havas (l'ancêtre de l'actuelle Agence France Presse - AFP), qui l'a reproduit sur ses télescripteurs (en faisant une faute au nom du général, l'appelant "de Gaule") et ainsi certains journaux de la zone non encore occupée ont pu le faire paraître dans leurs éditions du mercredi 19 juin1940. Il a même été reproduit en première page du "Petit Provençal"
, et en pages intérieures du "Petit Marseillais" et du "Progrès" à Lyon.

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