Procès du Néerlandais Heinrich Boere, ancien SS

Triple meurtre en 1944: un SS de 88 ans devant un tribunal allemand

Un ancien SS de 88 ans d'origine néerlandaise a commencé à comparaître mercredi devant un tribunal allemand pour le meurtre de trois résistants néerlandais en 1944, un procès qui devrait être l'un des derniers organisés en Allemagne contre un ex-nazi.

Heinrich Boere, qui vit en liberté depuis plus de 60 ans en Allemagne où il réside aujourd'hui en maison de retraite, s'est présenté sur un fauteuil roulant à son procès à Aix-la-Chapelle (ouest).

A peine ouverte, l'audience a été suspendue jusqu'à lundi, car la défense a demandé le désaississement du procureur. Elle lui reproche sa partialité pour s'être s'être exprimé sur cette affaire dans les médias.

En dépit de cette péripétie, le fils de l'une des trois victimes, présent au tribunal en tant que partie civile, s'est déclaré satisfait que le procès s'ouvre "enfin". "J'ai obtenu aujourd'hui ce que j'ai espéré pendant des années", a déclaré Teun de Groot, 76 ans, dont le père a été tué en 1943 par un commando SS parce que considéré comme "anti-allemand".

Depuis Jérusalem, le centre Simon Wiesenthal, qui recherche les anciens criminels nazis, s'est également félicité de ce procès. "Le temps qui passe ne diminue en rien la culpabilité des criminels, et que l'âge élevé de saurait protéger les meurtriers de civils innocents", a commenté le directeur du centre, Efraim Zuroff.

L'accusé n'a jamais contesté avoir commis les meurtres à Breda, Voorschoten et Wassenaar - des faits pour lesquels il a été condamné en 1949 à mort par contumace par un tribunal d'Amsterdam, peine commuée en prison à vie - mais il a dit avoir suivi les ordres.

La tâche "ne m'avait pas été difficile. Il suffisait d'appuyer sur la détente", avait-il dit en 2008 au magazine allemand Focus.

Il y a deux ans il avait expliqué au magazine Der Spiegel qu'il pensait tuer des "terroristes". "Nous pensions faire ce qui était juste", avait-il ajouté.

L'organisation de ce procès a longtemps été suspendue à une querelle sur l'état de santé et de l'âge de l'accusé. D'instance en instance, l'affaire est montée jusqu'à la Cour constitutionnelle, qui a donné son feu vert.

L'avocat de l'accusé, Gordon Christiansen, a toutefois prévenu, dans un entretien au journal local Aachener Nachrichten: "il est tout à fait possible que mon client ait une crise cardiaque au tribunal".

Le procès devrait s'étendre sur 13 journées d'audience, jusqu'au 18 décembre, date à laquelle un verdict pourrait être rendu.

Né aux Pays-Bas, Heinrich Boere avait rejoint les SS en 1940, à l'âge de 18 ans. En 1947, il avait fui en Allemagne. Il a été déchu de sa nationalité néerlandaise lors de sa condamnation à mort en 1949.

En 1980, l'Allemagne avait refusé de l'extrader vers les Pays-Bas, estimant ne pas pouvoir déterminer s'il était apatride ou allemand: il faisait partie des "étrangers méritants" qu'Hitler avait fait citoyens du IIIe Reich.

En 2003, le ministre néerlandais de la Justice avait réclamé qu'il purge sa peine en Allemagne mais un tribunal de Cologne avait rejeté cette possibilité, estimant que la peine prononcée en 1949 l'avait été "en violation des normes minimales requises pour un procès équitable".

La Cour avait toutefois concédé qu'il était "non satisfaisant" que les crimes de cet ancien SS restent impunis, ce qui avait ouvert la voie à une nouvelle procédure.

Ce procès survient alors que doit débuter le 30 novembre à Munich (sud) le procès très attendu de John Demjanjuk, 89 ans, accusé de participation à près de 28.000 assassinats dans le camp d'extermination nazi de Sobibor où il aurait été gardien en 1943.