L'exposition des "arts dégénérés".
2 participants
Page 1 sur 1
L'exposition des "arts dégénérés".
Lorsqu’un parti totalitaire prend le pouvoir, il s’attache à éliminer toutes formes de représentation du monde contraire ou concurrente à ses principes. Les autodafés du IIIe Reich et l’exposition «des arts dégénérés» furent les meilleurs exemples des tentatives de mise au pas de la pensée par le stricte encadrement de la culture.
La lecture est une occupation intellectuelle solitaire qui, par l’absence de l’auteur du texte, laisse une totale liberté d’interprétation et de recul au lecteur. Au contraire, l’éloquence verbale possède un grand pouvoir de fascination lorsqu’elle proclame sa conception du monde du haut d’une tribune. On comprend donc pourquoi les livres pouvant porter le trouble dans l’esprit du peuple sont mis à l’index par les dirigeants nazis qui préfèrent, à l’exemple d’un Hitler ou d’un Goebbels, organiser de grandes messes. Là, la simplicité de l’expression et la pauvreté du discours ne provoquent pas le désintérêt mais sont facteurs d’adhésion en masse. La communion dans la fascination remplace ainsi l’effort critique de l’individu.
Ainsi le 10 mai 1933, au cours d'un grand rassemblement de toutes les jeunesses hitlériennes, étudiants et professeurs-complices anéantirent par le feu, dans un gigantesque autodafé, les ouvrages potentiellement vecteur d’une idée de résistance intellectuelle.
Cependant, il restait à enrayer les modes de subversion graphique et plastique. Ce fut l'objet de l'exposition des " arts dégénérés " de Munich en 1937.
L’idée originale de cette exposition revient à Adolf Ziegler qui occupe alors le poste de « Präsident der Reichskammer der Bildenden Künste », c’est-à-dire président de la chambre des arts du Reich. Il est également l’artiste préféré du Führer. Ziegler et ses complices de la chambre se donnent pour mission d’exclure des grands musées allemands et de dénigrer les grands courants artistiques qui ont pourtant révolutionné le XXe siècle : impressionnisme, dadaïsme, cubisme, surréalisme, futurisme...Les nazis savent parfaitement que la création artistique est dangereuse pour l’ordre établi, car elle est par essence hors de toutes normes donc subversive.
L’exposition est donc conçu comme un musée des horreurs où le conformisme du visiteur est flatté, on lui donne les arguments et le champ libre pour dénigrer les styles avant-gardistes.
A côté de chaque œuvre est mentionné le prix d’acquisition afin d’offusquer le visiteur contre l’escroquerie qu’elle a engendré. Des textes conspuent également le climat de snobisme intellectuel qui régnait sous Weimar qui avait élevé au rang de chefs d’œuvre «les productions bâtardes de véritables malades mentaux " - d'où l'appellation «arts dégénérés»!
Toute la scénographie fut spécialement prévu pour que le visiteur ne puisse se concentrer sincèrement sur les œuvres et ainsi pénétrer l’univers délirant de l’auteur.
En 1939, ces œuvres furent pour la plupart vendues aux enchères au profit du régime, pour le plus grand bonheur des collectionneurs du monde entier. Van Gogh obtint la palme des «artistes dégénérés» le mieux coté. Malheureusement un certain nombre d’entre elles furent purement et simplement détruites.
La conception artistique du nazisme repose sur la saturation des esprits d’images tantôt lénifiantes, tantôt grandiloquentes. Ainsi on entretient l’illusion d’un monde agricole et folklorique atemporel, on rejette le modernisme lié à l’ère industielle.
Le régime cherche également à flatter le peuple en récupérant des styles « nobles » créant ainsi un sentiment d’appartenance à une culture héroïque ancestrale.
-le néo-grec et le néo-romain en sculpture : l’homme est un athlète et la femme possède les attributs de la fécondité
-le néo-baroque en architecture : débauche de moulures et de dorures
-le néo-médiéval : rappel des croisades, des valeurs chevaleresques
Au final l’esthétique nazie ne rencontra pas d’opposition au sein du peuple car elle rejoignait le conformisme et l’anti-intellectuallisme des classes moyennes.
En 1945, les Alliés mirent fin au projet du " Nouvel Ordre européen " qui prévoyait, dans son volet culturel, de faire de la ville de Linz la capitale mondiale des arts en y rassemblant les œuvres pillées dans les musées d'Europe et les collections privées (et sélectionnées selon les critères de l'idéologie nazie). Le projet Linz révèle à lui seul combien, pour les fascistes, l'art se réduit à un decorum aseptisé. La culture mondiale, momifiée par l'épuration fasciste, ne servirait plus que d'arrière-fond prestigieux pour les poses du nouvel " Empereur du monde ".
Les plus belles œuvres d'arts des temps passés, instrumentalisées par la propagande, seraient réduites à une " fonction de cautionnement " du nouveau régime.
La lecture est une occupation intellectuelle solitaire qui, par l’absence de l’auteur du texte, laisse une totale liberté d’interprétation et de recul au lecteur. Au contraire, l’éloquence verbale possède un grand pouvoir de fascination lorsqu’elle proclame sa conception du monde du haut d’une tribune. On comprend donc pourquoi les livres pouvant porter le trouble dans l’esprit du peuple sont mis à l’index par les dirigeants nazis qui préfèrent, à l’exemple d’un Hitler ou d’un Goebbels, organiser de grandes messes. Là, la simplicité de l’expression et la pauvreté du discours ne provoquent pas le désintérêt mais sont facteurs d’adhésion en masse. La communion dans la fascination remplace ainsi l’effort critique de l’individu.
Ainsi le 10 mai 1933, au cours d'un grand rassemblement de toutes les jeunesses hitlériennes, étudiants et professeurs-complices anéantirent par le feu, dans un gigantesque autodafé, les ouvrages potentiellement vecteur d’une idée de résistance intellectuelle.
Cependant, il restait à enrayer les modes de subversion graphique et plastique. Ce fut l'objet de l'exposition des " arts dégénérés " de Munich en 1937.
L’idée originale de cette exposition revient à Adolf Ziegler qui occupe alors le poste de « Präsident der Reichskammer der Bildenden Künste », c’est-à-dire président de la chambre des arts du Reich. Il est également l’artiste préféré du Führer. Ziegler et ses complices de la chambre se donnent pour mission d’exclure des grands musées allemands et de dénigrer les grands courants artistiques qui ont pourtant révolutionné le XXe siècle : impressionnisme, dadaïsme, cubisme, surréalisme, futurisme...Les nazis savent parfaitement que la création artistique est dangereuse pour l’ordre établi, car elle est par essence hors de toutes normes donc subversive.
L’exposition est donc conçu comme un musée des horreurs où le conformisme du visiteur est flatté, on lui donne les arguments et le champ libre pour dénigrer les styles avant-gardistes.
A côté de chaque œuvre est mentionné le prix d’acquisition afin d’offusquer le visiteur contre l’escroquerie qu’elle a engendré. Des textes conspuent également le climat de snobisme intellectuel qui régnait sous Weimar qui avait élevé au rang de chefs d’œuvre «les productions bâtardes de véritables malades mentaux " - d'où l'appellation «arts dégénérés»!
Toute la scénographie fut spécialement prévu pour que le visiteur ne puisse se concentrer sincèrement sur les œuvres et ainsi pénétrer l’univers délirant de l’auteur.
En 1939, ces œuvres furent pour la plupart vendues aux enchères au profit du régime, pour le plus grand bonheur des collectionneurs du monde entier. Van Gogh obtint la palme des «artistes dégénérés» le mieux coté. Malheureusement un certain nombre d’entre elles furent purement et simplement détruites.
La conception artistique du nazisme repose sur la saturation des esprits d’images tantôt lénifiantes, tantôt grandiloquentes. Ainsi on entretient l’illusion d’un monde agricole et folklorique atemporel, on rejette le modernisme lié à l’ère industielle.
Le régime cherche également à flatter le peuple en récupérant des styles « nobles » créant ainsi un sentiment d’appartenance à une culture héroïque ancestrale.
-le néo-grec et le néo-romain en sculpture : l’homme est un athlète et la femme possède les attributs de la fécondité
-le néo-baroque en architecture : débauche de moulures et de dorures
-le néo-médiéval : rappel des croisades, des valeurs chevaleresques
Au final l’esthétique nazie ne rencontra pas d’opposition au sein du peuple car elle rejoignait le conformisme et l’anti-intellectuallisme des classes moyennes.
En 1945, les Alliés mirent fin au projet du " Nouvel Ordre européen " qui prévoyait, dans son volet culturel, de faire de la ville de Linz la capitale mondiale des arts en y rassemblant les œuvres pillées dans les musées d'Europe et les collections privées (et sélectionnées selon les critères de l'idéologie nazie). Le projet Linz révèle à lui seul combien, pour les fascistes, l'art se réduit à un decorum aseptisé. La culture mondiale, momifiée par l'épuration fasciste, ne servirait plus que d'arrière-fond prestigieux pour les poses du nouvel " Empereur du monde ".
Les plus belles œuvres d'arts des temps passés, instrumentalisées par la propagande, seraient réduites à une " fonction de cautionnement " du nouveau régime.
Panzer5- Général de Division
- Nombre de messages : 1843
Age : 43
Localisation : Charente maritime
Date d'inscription : 29/08/2005
Re: L'exposition des "arts dégénérés".
Bonjour,
Interessant sujet, merci.
La politique "culturelle" nazie a ete fixee par Hitler des 1925-26 dans "Mein Kampf". Un petit extrait au sujet de la peinture :
Elle fut ouverte en paralelle a l'inauguration de la toute nouvelle "Maison de l'art allemand" dans l'ete 37 a Munich. La furent exposees environ 900 toiles choisies par Hitler a partir de 15 000 "oeuvres" soumises par un juri preside par Adolf Ziegler, president de la "Chambre des Beaux Arts du Reich". Schirer a visite cette exposition. Je le cite :
"Le pire ramassis de tableaux sans interet que l'auteur eut jamais vu expose dans un pays".
L'exposition "Arts degeneres" s'est ouverte a peu pres en meme temps dans une autre partie de la ville, dans un musee delabre ou l'on accedait par un escalier etroit. Schirer a visite egalement cette expo et a du faire la queue assez longtemps, la foule compacte dans la file d'attente demarrait dans la rue... La, il a pu voir "une splendide selection de tableaux modernes", tiree des 6 500 oeuvres enlevees des musees allemands, ou se cotoyaient des signatures "degenerees" comme Van Gogh, Cezanne, Gauguin, Matisse, Picasso, Chagall et autres.
La foule devint telle au fil des jours que Goebells, furieux et embarasse, fit assez rapidement fermer le musee...
Interessant sujet, merci.
La politique "culturelle" nazie a ete fixee par Hitler des 1925-26 dans "Mein Kampf". Un petit extrait au sujet de la peinture :
Dans son livre "Le Troisieme Reich", William Schirer nous aporte quelques precisions sur cette exposition "arts degeneres" :Un effondrement culturel, comme il commençait à s'en manifester depuis 1911 dans les élucubrations futuristes et cubistes, aurait été, il y a encore soixante ans, aussi peu prévisible que l'effondrement politique dont nous constatons la gravité.
Il y a soixante ans, une exposition des témoignages que l'on a appelés « dadaïstes » aurait paru tout simplement impossible et ses organisateurs auraient été internés dans une maison de fous, tandis qu'aujourd'hui ils président des sociétés artistiques. [...]
Dès que, de ce point de vue, on fait défiler devant soi l'évolution de notre culture depuis les vingt dernières années, on verra avec effroi combien nous sommes déjà engagés dans le mouvement rétrograde. Partout, nous nous heurtons à des germes qui donnent naissance à des protubérances dont notre culture périra tôt ou tard.
Elle fut ouverte en paralelle a l'inauguration de la toute nouvelle "Maison de l'art allemand" dans l'ete 37 a Munich. La furent exposees environ 900 toiles choisies par Hitler a partir de 15 000 "oeuvres" soumises par un juri preside par Adolf Ziegler, president de la "Chambre des Beaux Arts du Reich". Schirer a visite cette exposition. Je le cite :
"Le pire ramassis de tableaux sans interet que l'auteur eut jamais vu expose dans un pays".
L'exposition "Arts degeneres" s'est ouverte a peu pres en meme temps dans une autre partie de la ville, dans un musee delabre ou l'on accedait par un escalier etroit. Schirer a visite egalement cette expo et a du faire la queue assez longtemps, la foule compacte dans la file d'attente demarrait dans la rue... La, il a pu voir "une splendide selection de tableaux modernes", tiree des 6 500 oeuvres enlevees des musees allemands, ou se cotoyaient des signatures "degenerees" comme Van Gogh, Cezanne, Gauguin, Matisse, Picasso, Chagall et autres.
La foule devint telle au fil des jours que Goebells, furieux et embarasse, fit assez rapidement fermer le musee...
Invité- Général de Division
- Nombre de messages : 7342
Date d'inscription : 16/07/2006
Sujets similaires
» un "petit" "nouveau"
» UNITE--Waffen SS-1.SS-Panzer-Division "LSSAH"-1944
» arte ce soir
» Dim 11/2/07 "Faites entrer l'accusé", Paul Touvier
» le musée aout 1944 "l'enfer sur la seine"
» UNITE--Waffen SS-1.SS-Panzer-Division "LSSAH"-1944
» arte ce soir
» Dim 11/2/07 "Faites entrer l'accusé", Paul Touvier
» le musée aout 1944 "l'enfer sur la seine"
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum