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Le terrible héritage de la Bundeswehr

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Le terrible héritage de la Bundeswehr Empty Le terrible héritage de la Bundeswehr

Message  Invité 13/10/2007, 14:26

EN 1951, le général Eisenhower, commandant suprême des forces alliées en Europe et premier commandant suprême de l’OTAN déclarait que, contrairement à l’opinion qu’il s’était forgé en 1945, « le soldat allemand n’était ni l’image de Hitler, ni le représentant de sa dictature, et qu’il avait combattu pout son pays avec bravoure et dans l’honneur ».
Cet « hommage » rendu aux soldats allemands par Eisenhower était en fait une déclaration politique destinée à faire accepter par le peuple allemand l’idée d’une participation à l’OTAN en vue de défendre l’Europe contre le communisme. Pourtant, même si la Wehrmacht ne fut pas déclarée organisation criminelle par le tribunal de Nuremberg, bon nombre de ses officiers d’état-major avaient été condamnés pour avoir préparé et mené une guerre d’agression. Parmi ceux-ci on peut citer von Rundstedt, Guderian ou encore von Manstein. Il fallait faire un exemple pour le futur.
Mais les nombreux procès « pour l’exemple » intentés par les vainqueurs n’avaient que peu de prise sur une population allemande qui s’efforçait de reconstruire son pays et de créer un nouvel Etat démocratique sur les ruines du IIIe Reich. Les Allemands voulaient oublier le passé à tout prix, et oublier le passé signifiait tout d’abord rejeter l’armée et le militarisme. D’ailleurs, il n’y avait plus besoin d’armée en Allemagne puisque la défense du pays contre les Russes était assurée par les puissances victorieuses.
On ne voulait pas non plus d’un culte du passé. Dans l’immédiate après-guerre, les uniformes étaient détestés et aucun monument n’avait été érigé en mémoire des cinq millions de morts allemands. Pas non plus de récits glorieux dans les journaux. En fait, tout ce qui avait trait à la guerre était rejeté. « Oublier » était le mot d’ordre, le repli sur soi, l’attitude spontanée d’un peuple traumatisé.
Mais dès 1948, le blocus de Berlin faisait entrer la guerre froide au cœur de l’Allemagne, et en 1950, les puissances occidentales créèrent l’OTAN. Dès cette époque, des entretiens secrets eurent lieu entre les représentants anglo-américains et l’entourage du chancelier Adenauer. L’Allemagne, grand pays européen et voisine immédiate de l’ennemi russe, devait prendre part à la défense de l’Europe contre le communisme. La prudence était de mise : tout d’abord pour ne pas éveiller la méfiance des Russes, mais aussi parce que l’opinion publique, devenue farouchement pacifiste, se montrait extrêmement hostile à une remilitarisation.
Cinq années à peine après la chute du IIIe Reich on demandait aux Allemands de porter à nouveau les armes. Non ! Ohne mich ! (sans moi !) fut la réponse entendue partout dans le pays.
Il fallait pourtant faire accepter l’inacceptable et l’on s’y efforça
Pour poser les bases d’une nouvelle armée, on fit appel à des gens de métier qui avaient servi sous le drapeau nazi. Mais comment les réconcilier ? En leur rendant leur honneur.
« Ce ne fut pas facile. Au début des années 50, l’opinion allemande avait commencé à basculer par rapport au passé nazi. La jeune génération née entre les deux guerres et trop jeune pour avoir participé à la deuxième rejetait violemment tous les « anciens », y compris ceux qui n’avaient pas été directement mêlés au crime. »
La presse, la littérature et le parti social-démocrate se dressaient tous contre un réarmement, qui ne pouvait se faire que sur les ruines de la Wehrmacht.
Le chancelier Conrad Adenauer avait toutes les peines du monde à trouver d’anciens officiers « au-dessus de tout soupçons ou résistants » pour poser les bases de la future Bundeswehr. On en trouva cependant une douzaine, parmi eux Axel von dem Bussche et Christoph von Gersdorff*. La cellule chargée de la préparation du réarmement fut affublée d’un drôle de nom : « Office du commissaire chargé par le chancelier des questions relatives à l’augmentation des troupes alliées en Allemagne » (Beauftragten des Bundeskanzlers für die mit der Vermehrung der alliierten Truppen zusammenhängenden Fragen).
Le 3 décembre 1952, Konrad Adenauer déclarait au Bundestag, en écho à la déclaration d’Eisenhower un an plus tôt :
« Nous voulons déclarer aujourd’hui solennellement devant cette haute maison, au nom du gouvernement, que nous assurons de notre estime tous les membres de notre peuple qui ont porté des armes, y compris les membres de l’ancienne Waffen-SS, et qui ont combattu selon les hautes traditions militaires et dans l’honneur, sur la terre, sur les mers et dans les airs. Nous sommes convaincus que la bonne réputation et les valeurs inhérentes au soldat allemand sont restées vivantes dans notre peuple et le resteront, en dépit de toutes les calomnies portées contre lui ces dernières années. Notre tâche commune à tous, et je suis sûr que nous y parviendrons, doit être de concilier les valeurs éthiques du soldat allemand avec la démocratie. Le futur soldat allemand ne sera capable de remplir son devoir d’Allemand et d’Européen que s’il reste fidèle aux principes fondamentaux sur lesquels repose la Constitution de notre Etat. Cette Constitution protégera aussi les valeurs éthiques du soldat contre tout nouvel abus. »
Ce blanchiment, cette « déclaration d’honneur » que tous les anciens combattants attendait, fut un véritable pavé dans la marre : elle était prononcée par le père fondateur de la nouvelle Allemagne démocratique, un homme au-dessus de tout soupçon de connivence avec les nazis et persécuté par la Gestapo. Seul un homme doté d’une autorité morale comme celle d’Adenauer pouvait inclure dans le pardon la Waffen-SS.


Dernière édition par LSR le 3/4/2008, 14:09, édité 10 fois

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Message  Invité 13/10/2007, 14:27

Comme l’allocution d’Eisenhower, ce discours avait également un aspect politique : il fallait créer une armée allemande pour aider à la défense de l’Europe occidentale. Même la France, première opposante d’un réarmement allemand y consentit. Et malgré la forte opposition des citoyens allemands, le processus de création de la nouvelle armée allemande, la Bundeswehr, était en marche.
Ce fut le syndicaliste Theodor Blank qui fut chargé de l’organisation d’une armée « imprégnée des valeurs de la démocratie ».
En 1955, Adenauer assista au baptême de la première unité constituée, un bataillon de transmission.
La sélection des futures officiers était laissée à un « comité d’approbation » dirigé par les anciens officiers de la Wehrmacht sélectionnés pour leur passé « d’antis-nazi ». Les candidats devaient démontrer « qu’ils avaient appartenu aux seules unités de la Wehrmacht, qu’ils ne s’étaient pas compromis avec le national-socialisme et même, qu’ils avaient, ne fût-ce que par des remarques désapprobatrices sur le régime, fait preuve d’un certain esprit de résistance ».
Outre les aspects militaro-techniques, on assista à de longs débats sur « l’esprit » de la nouvelle armée. Les nouveaux soldats allemands devaient se différencier de ceux qui s’étaient soumis à Hitler. Leur serment ne les liait donc plus à un chef, mais à la Constitution. Pour fonder leur nouvelle armée démocratique, les Allemands inventèrent un mot intraduisible : Innere Führung, littéralement « conduite de l’intérieur ». Cette nouvelle discipline est enseignée dans une école spéciale : Zentrum Innere Führung. Plus d’obéissance et de soumission aveugle à un ordre. Liberté laissée à chacun de distinguer un ordre conforme aux lois de la guerre ou contraire aux lois de la démocratie.
Cette armée ne pouvait plus devenir un Etat dans l’Etat ou un instrument d’agression aux mains d’un dictateur.
Le nouveau soldat doit être un « citoyen en uniforme ». Il ne laisse plus ses droits et ses devoirs de citoyen à la porte de la caserne mais les emporte avec lui tout au long de son service militaire. Et s’il estime être privé de ses droits, il peut se plaindre à un ombudsman, un homme de confiance du Parlement chargé de surveiller l’application des règles démocratiques au sein de l’armée.
Mais la constitution et les objectifs de la nouvelle armée donnèrent lieu à des luttes farouches entre les « résistants » et les « loyalistes ». Les uns voyait en Stauffenberg et ses complices les seuls modèles, les autres voulaient inclure dans la Bundeswehr la majorité des anciens officiers restés fidèle à Hitler jusqu’au bout, « pour la patrie et leurs familles ».
Les débats houleux portaient sur des questions telles que celle-ci : Pouvait-on fonder la discipline de la future armée sur des personnages comme Stauffenberg, qui avaient « trahi » leur serment et tenté d’assassiner leur chef, alors que l’Allemagne, dans le contexte de guerre froide, serait peut-être être appelée à défendre la Patrie ?
Ces disputes éclatèrent au grand jour en automne 1952 et Adenauer trancha en faveur des « réformateurs », obligeant les « loyalistes » à céder.
Mais cette rivalité n’avait pas encore cessé il y a peu.
Les questions étaient encore à la fin des années 90 : « La Wehrmacht pouvait-elle transmettre quelque chose à la Bundeswehr ? Si, oui, où devait s’arrêter cette tradition ? La discipline, l’obéissance, la fidélité, l’ordre, le sens du sacrifice, l’honneur même, n’avaient-ils pas été totalement pervertis par l’ancien régime ? Fallait-il chasser de la mémoire de l’armée les grands généraux qui s’étaient couvert de gloire ? Rommel, Hartmann, Galland, Mölders, Rudel, Manstein ou encore les commandants héroïques de sous-marins ? » Cette dernière question est aujourd’hui tranchée : seuls quelques noms dont l’attitude envers le dictateur fut sans équivoques ont le droit d’orner les frontons des casernes.

Le débat n’est pas clos pour autant, même si une directive du ministère de la Défense affirme : « La Wehrmacht faisant partie d’un régime injuste ne peut pas transmettre une tradition. »

Dans un article publié à l’occasion d’une exposition sur les crimes de la Wehrmacht, Klaus Naumann, ancien inspecteurgénéral de la Bundeswehr, écrivit encore: « La Bundeswehr est bâtie sur les valeurs démocratiques de notre loi fondamentale et les traditions européennes de la liberté, du droit et de la dignité humaine. Toute sa tradition est contenue dans ce cadre. Un tel cadre laisse la place au respect des valeurs exemplaires et des exploits de toutes les époques de l’histoire militaire allemande… En quarante ans, la Bundeswehr a développé sa propre tradition, fondée sur son intégration dans un Etat démocratiquement légitimé. Cette identification est le fil conducteur de notre service… Le 20 juillet [jour de l’attentat de Stauffenberg] nous est un legs précieux. Il nous rappelle notre devoir d’agir de manière responsable. La révolte contre le régime national-socialiste nous montre la limite à ne pas dépasser, entre la politique et la conscience… » (pp. 195-196).



• Axel Von dem Bussche et Christophe von Gersdorff avait projeté d’assassiner Hitler.
http://de.wikipedia.org/wiki/Axel_von_dem_Bussche
http://resistanceallemande.online.fr/attentats/attentats.htm

SOURCE : Cet article est un abrégé d’un chapitre (Du soldat au « citoyen en uniforme », pp. 121-134) de l’ouvrage d’Auguste von Kageneck intitulé « Examen de conscience », aux éditions Perrin, 1996.


Liens :
http://www.janmaat.de/m_geschichte1.htm
http://www.ena.lu/europe/1950-1956-formation-europe-communautaire/premieres-armes-bundeswehr-monde.htm
http://www.cairn.info/resume.php?ID_REVUE=HER&ID_NUMPUBLIE=HER_116&ID_ARTICLE=HER_116_0101
http://crdp.ac-reims.fr/cinquieme/page30a.htm
http://www.bundeswehr.de/portal/a/bwde
http://de.wikipedia.org/wiki/Geschichte_der_Bundeswehr
http://www.dhm.de/lemo/html/DasGeteilteDeutschland/JahreDesAufbausInOstUndWest/Wiederbewaffnung/
http://www.ena.lu/europe/1950-1956-formation-europe-communautaire/eisenhower-creation-union-europe-occidentale-1955.htm
http://www.uni-kassel.de/fb5/frieden/themen/Bundeswehr/rose.html
Zentrum Innere Führung :
http://www.innerefuehrung.bundeswehr.de/portal/a/zinfue


Dernière édition par le 14/10/2007, 21:01, édité 4 fois

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Message  Baugnez44 14/10/2007, 20:42

Très intéressant.

Et en Allemagne la question reste très ouverte. En témoigne le débat qui y a trouvé lieu quand il s'est s'agit d'envoyer des troupes àl'étranger (en Afghanistan si je ne m'abuse).

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Message  eddy marz 3/4/2008, 14:23

Très intéressant; thank you LSR...

"Les uns voyait en Stauffenberg et ses complices les seuls modèles, les autres voulaient inclure dans la Bundeswehr la majorité des anciens officiers restés fidèle à Hitler jusqu’au bout, « pour la patrie et leurs familles ». Les débats houleux portaient sur des questions telles que celle-ci : Pouvait-on fonder la discipline de la future armée sur des personnages comme Stauffenberg, qui avaient « trahi » leur serment et tenté d’assassiner leur chef, alors que l’Allemagne, dans le contexte de guerre froide, serait peut-être être appelée à défendre la Patrie ?

Quel dilemme.

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Message  Invité 4/4/2008, 13:07

Evitons d'amalgamer la Reischwher de la République de Weimar et la Bundewher de la RFA !
Les conditions étaient totalement différentes en 1918 ! L'élection de Hindenburg comme président en est une preuve ! Le militarisme et l'idéologie Völkish étaient encore bien présente dans l"Allemagne de 1918 et le Traité de Versaille n'à pas arrangé les choses..........
En 1945, tout était différent ! l'Allemagne avait été vaincue, envahie et même rayée de la liste des Etats souverains, chaques vainqueurs étant souverain dans sa zone d'occupation. Et la les allemands avaient subit la dictature nazie pendant 12 ans et vu leurs pays détruit et démantelé. Il n'est pas étonnant que les citoyens lambdas en aient rejeté la responsabilité sur l'armée, la SS et les nazis tout court, même si nombres d'entre eux avaient votés en leurs faveurs avant la SGM. Mais il en va en politique comme dans le reste de la vie: on apprend que dans la douleur !

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Message  Invité 4/4/2008, 13:30

MkII-A1 a écrit:Evitons d'amalgamer la Reischwher de la République de Weimar et la Bundewher de la RFA !
Certes. Qui l'a fait?

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Message  Invité 4/4/2008, 14:33

LSR a écrit:
MkII-A1 a écrit:Evitons d'amalgamer la Reischwher de la République de Weimar et la Bundewher de la RFA !
Certes. Qui l'a fait?

Personnes encore ! Mon post était plutôt "une petite précaution" beret
On dérape vite sur ce sujet sensible.

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Message  Invité 4/4/2008, 19:44

Ouf! Tu m'as fait peur... Je croyais que j'avais encore écrit une c*** mort de rir gri

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