Rosie ou la guerre économique
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Rosie ou la guerre économique
Dans son message au congrès le 06 janvier 1942, le président Roosevelt lance le Victory Program. Il faut construire 60 000 avions pour 1942 et 125 000 pour 1943. Les chantiers navals devront mettre à flot 6 millions de tonnes en 1942 et 10 millions en 1943. L'état va intervenir, planifier, financer. Le « docteur New Deal » des années 1930 va devenir le « docteur gagne-la-guerre ».
Devant un programme d'une telle ampleur, le problème de la main-d'oeuvre se posee aussitôt. En 1940, la population active comptait 46,5 millions de personnes. En 1945, tout en réussissant à mettre sous les drapeaux 12 millions de soldats, les USA compteront plus de 53 millions de traivailleurs. Les femmes ne sauraient exclues d'une telle mobilisation. Elles étaient déjà près de 18 millions en 1944, dont 4 millions dans les usines de guerre, et constitueront alors le tiers de la population active du pays.
Pour parvenir à un tel résultat, la propagande se met en marche, ou rien n'est trop beau, ou rien n'est de trop. L'affiche, joue alors un grand rôle. Des millions d'entre elles, édictées par le tout-puissant Office of War Information et signées des meilleurs artistes de l'époque, vont couvrir les murs des cités. « Plus il y aura de femmes au travail, plus vite nous gagnerons » proclame l'une d'elles au-dessus d'une jolie jeune femme, salopette-uniforme Boeing et turban sur la tête, en train d'assembler la tourelle de nez d'un B-17. Et l'affiche d'ajouter que « les femmes sont également demandées comme fermières, vendeuses, conductrices d'autobus... »
Une autre affiche, plus subtile (si l'on veut!) montre des soldats des 3 armes en train d'épingler au mur la traditionnelle pin-up, mais celle-ci est devenue une travailleuse d'usine.
Il y a aussi cette affiche, qui va devenir aussi célèbre, ou une jeune femme brune, portant l'inévitable salopette bleue et un turban, retrousse sa manche sur un bras musclé et nous regarde droit dans les yeux en proclamant : "we can do it". Ce poster devient si célèbre qu'il survivra après la guerre et se commercialisera sous toutes les formes jusqu'à nos jours pour orner les bureaux des américains.
La propagande en la matière atteint son point d'orgue lorsque le célèbre peintre et affichiste Norman Rockwell fait la couverture du Saturday Evening Post du début mai 1943. Ce jour-là, l'Amérique fait la connaissance avec Rosie the Riveter, assise avec ses lunettes de protection sur le front, son énorme pistolet à riveter sur les genoux, sur le fond de bannière étoilée. Costaude, presque arrogante, mais tout de même plantureuse et féminime, elle devient aussitôt le symbole de la femme américaine dans l'éffort de guerre. Rosie est le produit parfait de la conjugaison entre la politique, l'industrie et les médias. Comment envoyer les américaines de la middle class (classe moyenne) à l'usine? En frappant fort. Riveter et souder c'est ce qu'il y a de plus dur, de plus inhabituel, voire de plus choquant chez une femme, même sur le front du travail. Loin de le cacher, il faut en faire un produit de publicité, une figure emblématique. Si la femme sait souder et riveter, elle sait tout faire. L'américaine ciblée par cette publicité peut supposer que Rosie accomplit quelque dessein secret. La composante féminine, voire féministe, est forte, aux antipodes de al femme mère au foyer telle que la célèbre, en vain, l'Allemagne nazie.
D'ailleurs, la propagande américaine ne parle pas aux femmes de salaires, ni d'autres critères typiquement masculins lorsqu'il s'agit d'embauche. Elle choisit de suggerer la jeunesse, l'esprit d'aventure et l'émancipation. Elle réussit ce tour de force de faire de Rosie à la fois une figure de prolétaire à l'américaine, et une combattante de l'intérieur (home front fighter) glamour.
Puisque les américaines s'en vont au travail alors qu'elles sont mariées, il faut les aider. A la radio, le 30 septembre 42, Eleanor Roosevelt, lance au pays un appel non pas politique et patriotique mais pratique : favoriser pour les américaines dans l'effort de guerre les déménagements (parfois à l'autre bout du pays), les transporter, la préparation par les restaurants de repas à emporter, la formation professionnelle accélérée, les prises en charge des enfants pour les femmes mariées... En un temps record (impensable en Europe pour cette époque, et peut être encore actuellement), le Congrès va voter une loi accordant d'importants fonds fédéraux aux jardins d'enfants par exemple...
Biens d'autres facteurs jouent encore en faveur de cette formidable mobilisation féminine aux USA.
Constatant rapidement que les femmes ont un rendement souvent supérieur à celui des hommes, qu'elles endommagent moins le materiel, qu'elles sont plus adroites et qu'elles ont moins d'accidents et moins revendicatrices, les patrons n'hesitent pas à leur confier des responsabilités et augmentent du même coup leur motivation. Les femmes, comprennet que de telles possibilités auraient été impensables en temps de paix, s'engouffrent dans la brèche sociale ainsi ouverte.
Source / Femmes dans la guerre de Claude Quetel, édition Larousse-Le Mémorial de Caen.
GREG.
Devant un programme d'une telle ampleur, le problème de la main-d'oeuvre se posee aussitôt. En 1940, la population active comptait 46,5 millions de personnes. En 1945, tout en réussissant à mettre sous les drapeaux 12 millions de soldats, les USA compteront plus de 53 millions de traivailleurs. Les femmes ne sauraient exclues d'une telle mobilisation. Elles étaient déjà près de 18 millions en 1944, dont 4 millions dans les usines de guerre, et constitueront alors le tiers de la population active du pays.
Pour parvenir à un tel résultat, la propagande se met en marche, ou rien n'est trop beau, ou rien n'est de trop. L'affiche, joue alors un grand rôle. Des millions d'entre elles, édictées par le tout-puissant Office of War Information et signées des meilleurs artistes de l'époque, vont couvrir les murs des cités. « Plus il y aura de femmes au travail, plus vite nous gagnerons » proclame l'une d'elles au-dessus d'une jolie jeune femme, salopette-uniforme Boeing et turban sur la tête, en train d'assembler la tourelle de nez d'un B-17. Et l'affiche d'ajouter que « les femmes sont également demandées comme fermières, vendeuses, conductrices d'autobus... »
Une autre affiche, plus subtile (si l'on veut!) montre des soldats des 3 armes en train d'épingler au mur la traditionnelle pin-up, mais celle-ci est devenue une travailleuse d'usine.
Il y a aussi cette affiche, qui va devenir aussi célèbre, ou une jeune femme brune, portant l'inévitable salopette bleue et un turban, retrousse sa manche sur un bras musclé et nous regarde droit dans les yeux en proclamant : "we can do it". Ce poster devient si célèbre qu'il survivra après la guerre et se commercialisera sous toutes les formes jusqu'à nos jours pour orner les bureaux des américains.
La propagande en la matière atteint son point d'orgue lorsque le célèbre peintre et affichiste Norman Rockwell fait la couverture du Saturday Evening Post du début mai 1943. Ce jour-là, l'Amérique fait la connaissance avec Rosie the Riveter, assise avec ses lunettes de protection sur le front, son énorme pistolet à riveter sur les genoux, sur le fond de bannière étoilée. Costaude, presque arrogante, mais tout de même plantureuse et féminime, elle devient aussitôt le symbole de la femme américaine dans l'éffort de guerre. Rosie est le produit parfait de la conjugaison entre la politique, l'industrie et les médias. Comment envoyer les américaines de la middle class (classe moyenne) à l'usine? En frappant fort. Riveter et souder c'est ce qu'il y a de plus dur, de plus inhabituel, voire de plus choquant chez une femme, même sur le front du travail. Loin de le cacher, il faut en faire un produit de publicité, une figure emblématique. Si la femme sait souder et riveter, elle sait tout faire. L'américaine ciblée par cette publicité peut supposer que Rosie accomplit quelque dessein secret. La composante féminine, voire féministe, est forte, aux antipodes de al femme mère au foyer telle que la célèbre, en vain, l'Allemagne nazie.
D'ailleurs, la propagande américaine ne parle pas aux femmes de salaires, ni d'autres critères typiquement masculins lorsqu'il s'agit d'embauche. Elle choisit de suggerer la jeunesse, l'esprit d'aventure et l'émancipation. Elle réussit ce tour de force de faire de Rosie à la fois une figure de prolétaire à l'américaine, et une combattante de l'intérieur (home front fighter) glamour.
Puisque les américaines s'en vont au travail alors qu'elles sont mariées, il faut les aider. A la radio, le 30 septembre 42, Eleanor Roosevelt, lance au pays un appel non pas politique et patriotique mais pratique : favoriser pour les américaines dans l'effort de guerre les déménagements (parfois à l'autre bout du pays), les transporter, la préparation par les restaurants de repas à emporter, la formation professionnelle accélérée, les prises en charge des enfants pour les femmes mariées... En un temps record (impensable en Europe pour cette époque, et peut être encore actuellement), le Congrès va voter une loi accordant d'importants fonds fédéraux aux jardins d'enfants par exemple...
Biens d'autres facteurs jouent encore en faveur de cette formidable mobilisation féminine aux USA.
Constatant rapidement que les femmes ont un rendement souvent supérieur à celui des hommes, qu'elles endommagent moins le materiel, qu'elles sont plus adroites et qu'elles ont moins d'accidents et moins revendicatrices, les patrons n'hesitent pas à leur confier des responsabilités et augmentent du même coup leur motivation. Les femmes, comprennet que de telles possibilités auraient été impensables en temps de paix, s'engouffrent dans la brèche sociale ainsi ouverte.
Source / Femmes dans la guerre de Claude Quetel, édition Larousse-Le Mémorial de Caen.
GREG.
GREG ACE- Commandant
- Nombre de messages : 291
Age : 52
Localisation : nord
Date d'inscription : 27/06/2006
Re: Rosie ou la guerre économique
Salut, Greg.
Superbe topic ! Je dois souvent (dans mes engagements sociaux) plancher sur la thématique "Gender", et je crois que je ne vais pas me priver d'exploiter tes infos !
Superbe topic ! Je dois souvent (dans mes engagements sociaux) plancher sur la thématique "Gender", et je crois que je ne vais pas me priver d'exploiter tes infos !
Re: Rosie ou la guerre économique
Je suis content que ça te plaire.
GREG.
GREG.
GREG ACE- Commandant
- Nombre de messages : 291
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Date d'inscription : 27/06/2006
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