La foi du soldat soviétique
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laurentlemiltonien
marc_91
Maquis Surcouf
Hellfire62
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La foi du soldat soviétique
On a souvent parlé du fatalisme des russes, du "rouleau compresseur", de l'énorme potentiel humain et économique qui avait vaincu l'Allemagne nazie... Mais on possède assez peu de témoignages sur l'état d'esprit su soldat russe à cette époque.
Je viens de terminer un vieux bouquin écrit sur Stalingrad en mars 1945, par Vassili Grossmann. Il y traite, dans un passage, de la farouche détermination des russes à arrêter définitivement l'avance allemande sur la Volga. Bien sûr, malgré le style littéraire de l'auteur, transparaît fortement l'empreinte de l'idéologie révolutionnaire. Mais ce passage résume bien le contexte et la mentalité des hommes au début de la bataille de Stalingrad. je vous met en ligne, ce petit passage intéressant.
Je viens de terminer un vieux bouquin écrit sur Stalingrad en mars 1945, par Vassili Grossmann. Il y traite, dans un passage, de la farouche détermination des russes à arrêter définitivement l'avance allemande sur la Volga. Bien sûr, malgré le style littéraire de l'auteur, transparaît fortement l'empreinte de l'idéologie révolutionnaire. Mais ce passage résume bien le contexte et la mentalité des hommes au début de la bataille de Stalingrad. je vous met en ligne, ce petit passage intéressant.
Stalingrad vit et vivra. On ne saurait briser la volonté d'un peuple qui veut être libre (sic!). Les détachements ouvriers déblaient les rues, les cheminées des usines laissent échapper de la fumée, tandis que le ciel est couvert de petits nuages ronds, formés par les éclatement des projectiles antiaériens. Les hommes se sont d'emblée habitués à la guerre. Le bac qui transportent les soldats dans la ville est à tout moment pilonné par les avions de chasse et les bombardiers ennemis. On entend le crépitement des mitrailleuses qui tirent en rafale, la canonnade des pièces antiaériennes, et les marins, tout en contemplant le ciel, savourent des tranches de pastèque; Les gamins , assis sur la bord du bac, suivent attentivement l'hameçon de leur ligne; sur un banc, une vieille tricote des bas. Chaque jour, de nouveaux détachements ouvriers partent au front. Stalingrad est venue s'ajouter aux autres citadelles prolétariennes du pays : Toula, Léningrad, Moscou. Citadelles imprenables !
Nous passons la porte cochère d'une maison démolie. Les locataires mangent sur des tables faites avec des planches et des caisses, les enfants soufflent sur leur soupe au choux fumante. Un de nos camarades militaires ramasse un livre à demi carbonisé. "Humiliés et offensés", lit-il à haute voix, et jetant un coup d'oeil sur les femmes assises sur des ballots, il soupire. Une écolière qui a deviné ses pensées, s'approche de lui, et sévère : "Cà ne nous concerne pas, nous sommes offensés, mais non humiliés, et nous ne le serons jamais."
La nuit, nous errons à travers la ville. Dans le ciel, un grondement de moteurs. la lumière de nos projecteurs se heurte silencieusement à celle des projecteurs allemands. Les rues étroites et les larges places désertes apparaissent solennelles. Des patrouilles circulent, on entend le cliquetis de leurs armes. les chars avancent en grondant et les conducteurs fouillent attentivement les rues. Voici l'infanterie qui marche d'un pas lourd sur l'asphalte. Les visages des soldats sont recueillis et pensifs. Au petit jour, s'engagera le combat pour la Volga, pour Stalingrad ! J'évoque mon long voyage, je revois Iasnaïa Poliana, solennelle et calme, qui revient à la vie, les abeilles sur le tombeau de Tolstoï, le labeur noble et fécond des paysannes dans les vastes champs de régions proches du front, la Krassivaïa Metcha au clair de lune, le conte de bonne femme sur le prisonnier allemand qui disait : " Si nous ne prenons pas Stalingrad, nous ne pourront plus tenir la Russie.", le grondement de la canonnade sur la Volga, l'aviateur de bronze Kholzounov qui regarde le ciel, les marins au passage de la Volga.
Oui, c'est dur de se battre sur la Volga. Mais il ne suffit pas de penser seulement à sa défense. C'est ici, sur la Volga, que doit se décider le sort de la grande guerre pour la liberté. Que le glaive de la victoire, forgé dans de dures épreuves, vienne s'abattre ici sur l'ennemi!
Et les troupes ne cessent d'avancer dans les rues sombres. Les visages des hommes sont graves. ces hommes seront dignes du grand passé, de la révolution, de ceux qui sont tombés en défendant Tsaritsyne la Rouge contre les gardes blancs. Ces hommes sont dignes de l'amour de la femme russe qui travaille avec ardeur. Jamais ils ne perdront son estime.
Stalingrad, le 05 septembre 1942.
Nous passons la porte cochère d'une maison démolie. Les locataires mangent sur des tables faites avec des planches et des caisses, les enfants soufflent sur leur soupe au choux fumante. Un de nos camarades militaires ramasse un livre à demi carbonisé. "Humiliés et offensés", lit-il à haute voix, et jetant un coup d'oeil sur les femmes assises sur des ballots, il soupire. Une écolière qui a deviné ses pensées, s'approche de lui, et sévère : "Cà ne nous concerne pas, nous sommes offensés, mais non humiliés, et nous ne le serons jamais."
La nuit, nous errons à travers la ville. Dans le ciel, un grondement de moteurs. la lumière de nos projecteurs se heurte silencieusement à celle des projecteurs allemands. Les rues étroites et les larges places désertes apparaissent solennelles. Des patrouilles circulent, on entend le cliquetis de leurs armes. les chars avancent en grondant et les conducteurs fouillent attentivement les rues. Voici l'infanterie qui marche d'un pas lourd sur l'asphalte. Les visages des soldats sont recueillis et pensifs. Au petit jour, s'engagera le combat pour la Volga, pour Stalingrad ! J'évoque mon long voyage, je revois Iasnaïa Poliana, solennelle et calme, qui revient à la vie, les abeilles sur le tombeau de Tolstoï, le labeur noble et fécond des paysannes dans les vastes champs de régions proches du front, la Krassivaïa Metcha au clair de lune, le conte de bonne femme sur le prisonnier allemand qui disait : " Si nous ne prenons pas Stalingrad, nous ne pourront plus tenir la Russie.", le grondement de la canonnade sur la Volga, l'aviateur de bronze Kholzounov qui regarde le ciel, les marins au passage de la Volga.
Oui, c'est dur de se battre sur la Volga. Mais il ne suffit pas de penser seulement à sa défense. C'est ici, sur la Volga, que doit se décider le sort de la grande guerre pour la liberté. Que le glaive de la victoire, forgé dans de dures épreuves, vienne s'abattre ici sur l'ennemi!
Et les troupes ne cessent d'avancer dans les rues sombres. Les visages des hommes sont graves. ces hommes seront dignes du grand passé, de la révolution, de ceux qui sont tombés en défendant Tsaritsyne la Rouge contre les gardes blancs. Ces hommes sont dignes de l'amour de la femme russe qui travaille avec ardeur. Jamais ils ne perdront son estime.
Stalingrad, le 05 septembre 1942.
Dernière édition par Hellfire62 le 28/9/2008, 22:00, édité 3 fois
Hellfire62- Général de Brigade
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Re: La foi du soldat soviétique
Témoignage très interessant.
On se rend compte à quel point ils ne laisseront rien et qu'ils mourront en héros pour leur patrie.
Quel est le titre du livre?
Surcouf
On se rend compte à quel point ils ne laisseront rien et qu'ils mourront en héros pour leur patrie.
Quel est le titre du livre?
Surcouf
Maquis Surcouf- Lieutenant-colonel
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Re: La foi du soldat soviétique
Le titre est Stalingrad, choses vues (septembre 1942-janvier 1943).Traduit du russe aux editions France d'abord, à Paris, au premier trimestre 1945. Un document à chaud !
Hellfire62- Général de Brigade
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Re: La foi du soldat soviétique
D'accord merci pour le renseignement.
Je vais tâcher de le trouver
Je vais tâcher de le trouver
Maquis Surcouf- Lieutenant-colonel
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Date d'inscription : 23/09/2008
Re: La foi du soldat soviétique
Dans un combat moderne, il y a 3 alternatives :
- se battre,
- se rendre,
- lutter jusqu'au bout et se faire tuer pour son pays ...
Sur le front soviétique, l'une d'entre elles n'existait plus.
- se battre,
- se rendre,
- lutter jusqu'au bout et se faire tuer pour son pays ...
Sur le front soviétique, l'une d'entre elles n'existait plus.
marc_91- Général de Brigade
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Date d'inscription : 08/05/2007
Re: La foi du soldat soviétique
Vu l'idéologie soviétique, il est clair que c'est la troisième doctrine qui fut choisie pour mener le combat, (de gré ou de force...). Quant à se rendre... on connaissait trop bien ce que l'ennemi comme les amis feraient...
Hellfire62- Général de Brigade
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Re: La foi du soldat soviétique
Oui, ...
Mais ce n'est pas si simple !!!
Dans leur majorité, le combattant soviétiques ne recherchaient ni les honneurs, ni la gloire, ni l'argent (et oui, il ya avait des "primes" en nature, en avantages, et même en argent) ;
Simplement, la plupart des vétérans l'ont fait pour libérer leur famille, ou pour éviter qu'elle ne soit envahie ;
Quand à la reddition, mis à part dans les premiers mois de la guerre à l'Est, la propagande avait fait son effet ... Dans bien des cas, elle n'était hélas qu'à peine exagéré ...
Ca peut paraître primitif et réducteur, mais l'engagement individuel venait de cet attachement individuel et viscéral des individus à la famille et à la terre du village ;
Pour info, j'ai une belle-famille en ex-URSS ...
Mais ce n'est pas si simple !!!
Dans leur majorité, le combattant soviétiques ne recherchaient ni les honneurs, ni la gloire, ni l'argent (et oui, il ya avait des "primes" en nature, en avantages, et même en argent) ;
Simplement, la plupart des vétérans l'ont fait pour libérer leur famille, ou pour éviter qu'elle ne soit envahie ;
Quand à la reddition, mis à part dans les premiers mois de la guerre à l'Est, la propagande avait fait son effet ... Dans bien des cas, elle n'était hélas qu'à peine exagéré ...
Ca peut paraître primitif et réducteur, mais l'engagement individuel venait de cet attachement individuel et viscéral des individus à la famille et à la terre du village ;
Pour info, j'ai une belle-famille en ex-URSS ...
marc_91- Général de Brigade
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Date d'inscription : 08/05/2007
Re: La foi du soldat soviétique
Je suis tout à fait d'accord avec ce que tu viens d'évoquer. L'esprit de la mère patrie, de la terre, de la famille était bien ce qui animait ces soldats russes au combat. Mais ils n'avaient également pas d'autre alternative. C'était vaincre ou mourir. En effet, la propagande fera son oeuvre pour lutter contre la reddition intempestive. Mais les échecs au combat seront si durement réprimés que cela leur ôtera sans doute la moindre envie de se rendre.
Hellfire62- Général de Brigade
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Date d'inscription : 18/11/2006
Re: La foi du soldat soviétique
Sujet délicat est scabreux !!!
- Je pense (ou préfère penser) qu'ils se sont battus d'abord pour leur pays,
- Ce que tu écris me laisse penser que tu crois qu'il ont agi ainsi plutôt par peur de leurs gouvernants ;
Disons que sur l'échelle des valeurs, une attitude est positive, et pas l'autre, et c'est ça qui me fait tiquer ;
Il est très possible que je sois influencé, par transmission directe, par la propagande soviétique.
Mais peut-être aussi est-tu toi aussi influencé par le point de vue des auteurs que tu lis ...
Bref, et quel que soit le pays, tenter d'analyser l'état d'esprit des soldats au front ...
C'est pas si simple !!!
- Je pense (ou préfère penser) qu'ils se sont battus d'abord pour leur pays,
- Ce que tu écris me laisse penser que tu crois qu'il ont agi ainsi plutôt par peur de leurs gouvernants ;
Disons que sur l'échelle des valeurs, une attitude est positive, et pas l'autre, et c'est ça qui me fait tiquer ;
Il est très possible que je sois influencé, par transmission directe, par la propagande soviétique.
Mais peut-être aussi est-tu toi aussi influencé par le point de vue des auteurs que tu lis ...
Bref, et quel que soit le pays, tenter d'analyser l'état d'esprit des soldats au front ...
C'est pas si simple !!!
marc_91- Général de Brigade
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Localisation : un village près d'Etrechy (91)
Date d'inscription : 08/05/2007
Re: La foi du soldat soviétique
Non, non, je pense en effet qu'ils se sont effectivement battus valeureusement pour leur pays et c'est tout à leur honneur. Mais, je pense que le fait que des officiers aient été fusillé pour ne pas avoir atteint les objectifs qui leurs étaient fixés, que la présence de commissaires politiques dans les unités, tout comme le souvenir des purges de 34 dans les rangs de l'armée rouge ne devaient pas non plus donner envie de se laisser aller à l'échec ou à l'envie de reddition. Et çà me semble logique.
Hellfire62- Général de Brigade
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Localisation : à Arras, avec l'ami Bidasse
Date d'inscription : 18/11/2006
Re: La foi du soldat soviétique
La répression du NKVD était si terrible que les cas de défaitisme était sévèrement réprimés (je ne parle même pas de la désertion), n'oublions pas que les vagues d'assaut soviétique ne pouvant qu'aller de l'avant ou se être annihilées. Les soldats russes étaient pris entre deux feux, leur marge de manoeuvre était très réduite.
Re: La foi du soldat soviétique
à l'époque de la révolution,il en fut de même en France,certains généraux furent décapités bien que vainqueurs,mais n'ayant pas su écraser l'ennemi......
Major cowburn- Général de Division
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Date d'inscription : 17/02/2008
Re: La foi du soldat soviétique
Bonsoir,
dès l'automne 1941,Staline a fait du conflit une affaire nationale ,et le terme employé est très équivoque .Pour eux le conflit est devenu la guerre patriotique,et bien après dans les commémorations la grande guerre patriotique.Les Soviétiques se sont avant tout battu pour la sauvegarde de leur territoire national et ils ont payé le prix fort 25 000 000 millions de morts.
dès l'automne 1941,Staline a fait du conflit une affaire nationale ,et le terme employé est très équivoque .Pour eux le conflit est devenu la guerre patriotique,et bien après dans les commémorations la grande guerre patriotique.Les Soviétiques se sont avant tout battu pour la sauvegarde de leur territoire national et ils ont payé le prix fort 25 000 000 millions de morts.
Dernière édition par Dom le 8/11/2008, 00:04, édité 1 fois
Dom- Major
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Date d'inscription : 06/11/2008
Re: La foi du soldat soviétique
Celle là je suppose
_________________
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ghjattuvolpa*- Police militaire (Modérateur)
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Date d'inscription : 18/06/2008
Re: La foi du soldat soviétique
En fait bien qu'ils en étaient officielement les ennemis, c'est quand même au nationalisme plus qu'au communisme que l'état-major Russe as fait appel pour motiver les troupes a se battre. Il y a la une légère contradiction, non?
sukhoi- Général de Brigade
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Localisation : Lyon
Date d'inscription : 18/08/2008
Re: La foi du soldat soviétique
De même que le NSDAP est un parti national socialiste ,autre contradiction !
Dom- Major
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Localisation : France
Date d'inscription : 06/11/2008
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