L'Institut d'Hygiène de la Waffen-SS et les expériences...
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L'Institut d'Hygiène de la Waffen-SS et les expériences...
Bonjour à tous;
Quelques notes sur un organisme peu connu du grand public, mais d'une importance capitale dans le développement et le contrôle des expériences médicales criminelles conduites pendant la guerre : L'Institut d'Hygiène de la Waffen-SS.
L’empire SS est un organisme extrêmement complexe, construit pièce par pièce et sans cesse ramifié… Il y a environ une douzaine de services centraux, subdivisés à l’infini, dont les majeurs sont le RSHA (Contre-espionnage ; Gestapo), le WVHA (Économie ; Camps de concentration), le FHA (Office Central de Direction : Waffen-SS, Garde des camps, État-major personnel du Reichsführer SS).
L’Institut d’Hygiène de la Waffen-SS dépend du FHA mais aussi – d’une autre façon – du WVHA et, d’une autre façon encore, du Chef de Service de Santé de la SS (Reichsarzt SS und Polizei), le Gruppenführer Ernst Grawitz… Également Président de la Croix-Rouge allemande, Grawitz est inconditionnellement soumis à Himmler, qui le méprise pour sa médiocrité intellectuelle…
Ernst Grawitz (source : Suddeutsche Verlag)
Sous une apparence flegmatique, Grawitz dissimule une personnalité brutale et dénuée de scrupules. Le Dr. Karl Genzken, jugé à Nuremberg, décrit un personnage « intrigant, méfiant, instable et indélicat, qui contrôlait jalousement la recherche scientifique pour se rendre indispensable à Himmler » Arriviste, orgueilleux, littéralement obsédé par les recherches médicales sur cobayes humains, il intervient sur l’ensemble des expériences criminelles pratiquées par les nombreux médecins sous ses ordres, répartis dans les différents services de l’Institut d’Hygiène.
Les Hygiènistes jouissent d’un immense bâtiment (aujourd’hui détruit), au 43/44 de la Knesebeckstrasse, dans le quartier de Charlottenburg, à Berlin. Le travail y est mené de façon très soutenue, et les horaires sont chargés. En constante expansion, l’Institut emploie à plein temps 25 scientifiques et 200 laborantins et sous-ordres. Les départements de recherches comptent, entre autres :
- Chimie (Dr. Schaaf)
- Bactériologie (Dr. Ding-Schüler, Dr. Dötzer)
- Parasitologie (Prof. Lubinsky)
- Zoologie (Dr. Lipp)
- Climatologie (Prof. Scharlau)
- Hygiène de l’eau (Dr. Krantz – à noter que c’est dans ce service que fut affecté Kurt Gerstein. Voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/crimes-de-guerre-et-contre-l-humanite-f18/sur-gerstein-t5588.htm )
Dans son étude, The Nazi doctors ; a study in the psychology of evil, Robert Jay Lifton suggère que le projet des Nazis n’était ni Darwiniste, ni même socio-Darwiniste, mais plutôt la vision d’un contrôle absolu sur le processus d’évolution ; une tentative de contrôle sur le devenir biologique de l’homme. En adoptant des termes darwiniens, tels que sélection, ils se substituent à la nature ou à Dieu, orchestrant leur propre conception de l’évolution humaine. Concrètement, les expériences médicales nazies tombent dans deux catégories : celles qui sont commanditées par l’Etat, à des fins strictement idéologiques ou militaires, et celles poursuivies par tel ou tel médecin SS pour de soi-disant raisons scientifiques. Les expériences médicales sont coordonnées par deux organismes distincts, tous deux sous contrôle direct d’Himmler : le Service de Santé de la SS, et l’Ahnenerbe (voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/l-axe-f3/l-ahnenerbe-t5831.htm ). Une fois approuvées par ces deux agences, les expériences sont conduites sous la direction de l'Institut d'Hygiène, par des médecins nazis, avec la collaboration de la section de chimie pharmaceutique de l’IG Farben, des usines Behring, et d'autres firmes. Elles sont aussi conduites à la demande de la Wehrmarcht, de la Luftwaffe, de la Kriegsmarine. Les SS vendent également des cobayes humains à des entreprises privées.
Créé en 1925, IG Farben, numéro un mondial de la chimie, travaille en étroite collaboration avec la SS. Le groupe contrôle des centaines de sociétés, et administrera bientôt directement le camp d’Auschwitz ; employant au moins 80.000 esclaves achetés à la SS, participant de fait à la politique d'extermination. Deux de ses cadres, Heinrich Bütefisch, chimiste et chef de production à Auschwitz, et Erich Von der Heyde, tous deux des Ehrenführer (grade SS honorifique), font partie de l’exclusif « Cercle des Amis du Reichsführer SS », sorte de club de mécénat pour les entreprises SS, parrainé par les barons de l’industrie allemande, les banques, les compagnies pétrolières, et les laboratoires pharmaceutiques. Il suffit alors que quelqu'un voie la possibilité d'utiliser des détenus comme cobayes pour tester un sérum, vérifier une hypothèse ou résoudre quelque autre problème pour que soit lancée une série d'expériences.
Les laboratoires de recherche Bayer d'IG-Farben souhaitaient expérimenter un médicament contre le typhus. Le produit existait sous deux formes, en comprimés et en granulés, et il semblait que certains patients vomissaient les comprimés. Les chercheurs d'IG-Farben contactèrent un « asile d'aliénés acquis à leurs idées » pour procéder à des expériences, mais ils se trouvèrent bientôt dans une impasse : les internés étaient incapables de dire sous quelle forme la préparation était mieux tolérée. Sur ce, IG-Farben se rappela qu'un de ses chercheurs avait été affecté à Auschwitz en qualité d'Obersturmführer et lui demanda son aide. La plupart des groupes intéressés ne suivaient pas la voie officieuse qu'avait choisie, en l'occurrence, IG-Farben mais soumettaient directement leurs demandes au Reichsarzt SS Grawitz, ou encore à Himmler.
À Buchenwald, le Block 46 était jumelé avec un autre Block, le N° 50, où se poursuivaient des recherches de sérothérapie et de vaccinothérapie. Des prisonniers étaient choisis pour établir l'efficacité du produit étudié et des médicaments divers proposés par l'IG Farben. Afin de bien préciser les responsabilités en ce qui concerne l'existence du Block 46 dans le camp de Buchenwald, notons qu'il avait été réservé pour l'expérimentation sur l'homme dès le 2 janvier 1942 sur l'ordre de l'Académie médico-militaire de la Wehrmacht de Berlin. Le Block 50, Hygien Institut des Waffen-SS, avait été fondé en septembre 1943 par le Sturmbannführer SS Dr. Erwin Ding-Schüler (de l’Institut d’Hygiène de Berlin). L'ensemble était placé sous la protection d’Himmler, et dirigé par des SS qui allaient fréquemment rendre compte de leur activité à Berlin. Il ne s'agissait donc pas d'organismes nés du sadisme d'un simple commandant de camp.
Suivant l'efficacité du produit étudié, les vaccinés résistaient plus ou moins bien. Les mortalités plafonnaient parfois entre 80 et 90 %, mais en règle générale se stabilisaient entre 5 et 10%, ce qui n'avait aucune importance pour les "cobayes" rescapés, puisque de toute façon, les expériences terminées, ils étaient supprimés par la méthode habituelle du Block, c'est-à-dire par injection d'acide phénique.
Mais, la tête pensante, le chef de l’Institut d’Hygiène des Waffen-SS, est sans conteste le Standartenführer SS Dr. Joachim Mrugowsky…
Né à Rathenow, près de Berlin, en 1905, dans une famille bourgeoise d’origine polonaise, Mrugowsky, dont le père fut tué au cours de la première guerre mondiale, eut des études difficiles, qu’il interrompit pour gagner sa vie. Extrêmement tenace et travailleur, il les termine néanmoins en 1931. Chargé de cours et conférencier en Hygiène et en Bactériologie à la Faculté de Berlin en 1939, il sera nommé professeur en 1944. Il entre très jeune au NSDAP puis à la SS en 1931. Il travaille de 1934 à 1936 au SD, et atteint rapidement le rang Standartenführer SS. Son fanatisme nazi lui assure une montée rapide vers les sommets. En 1940, il participe à la conquête de l’Ouest, en qualité de médecin au sein de la division SS « Das Reich ». Âgé de trente-cinq ans, il devient Médecin Chef pour la SS et la Police, et Directeur de l’Institut d’Hygiène.
Le Dr. François Bayle, Médecin Chef de la Marine Française, spécialiste en neuropsychiatrie, attaché au procès de Nuremberg en qualité d’expert graphologue, eut l’opportunité de s’entretenir à plusieurs reprises avec lui. Il dresse de Mrugowsky un portrait sans appel : « […] le naturel vigoureux et dur, sauvage et contrariant. La mentalité était dominée par une énergie à forme excessivement combative. […] Le caractère était très mauvais, lourd, brutal, venimeux, fortement indiscipliné, et donc peu sociable ». Intelligent, extrêmement combatif, zélé, il est sans cesse à la recherche d’idées, et lorsqu’il en trouve une, la pousse jusqu’à ses ultimes conséquences – les plus radicales. Capable des emballements les plus exagérés ; froidement méchant et dangereux, il fut une des figures clefs de la planification et de la pratique d’expériences médicales criminelles sur le typhus et la parasitologie. Mais Mrugowsky est aussi respecté et apprécié par toute son équipe. C’est un homme « juste », qui sait favoriser les laborieux, et comprendre les plus « délicats ». C’est une bête de travail ; dépassant toutes les normes, et travaillant tard dans la nuit…
Le secret qui entoure les expériences n’est, au sein de l’Institut, qu’un secret de polichinelle. Tous sont au courant, et maintiennent la confidentialité en évitant d’en parler. Les échanges, s’ils doivent avoir lieu, se font par correspondances entre les intéressés, ou par euphémismes à consonances techniques, comme ce sera bientôt le cas pour la Solution Finale. Plus tard, à Auschwitz, Mrugowsky encourage les médecins SS à « embaucher » des médecins déportés dans les laboratoires. Ces derniers participent aux travaux qui seront plus tard publiés sous son nom.
Joachim Mrugowsky (US Army Archives)
Mrugowsky considère le médecin comme le « prêtre de la flamme sacrée de la vie », et l’art de soigner une « mission divine ». Sous sa direction, l’Institut d’Hygiène de la Waffen-SS fut responsable du stockage et de la distribution du Zyklon B. La responsabilité du gaz fut transférée du fabricant (Degesch) à une élite de « désinfecteurs », tous membre du corps médical SS. À travers Mrugowsky, le Zyklon B – un produit de désinfection industriel courant – devint donc un remède mortel, manipulé uniquement par un personnel médical impliqué dans la guérison raciale.
Dès 1941, il s’entiche de Kurt Gerstein, qu’il considère son « petit génie », indispensable au prestige de l’Institut. À deux reprises, il le protègera des foudres d’Himmler malgré d’évidentes menées subversives, et lui sauvera la vie… Les termes de leur pacte, à nous, pour toujours inconnus. Condamné à mort à Nuremberg, lors du « procès des Médecins », Joachim Mrugowsky fut exécuté en 1948.
Eddy
Sources :
- Bayle, Dr. François. Psychologie et Ethique du National-Socialisme ; étude anthropologique des dirigeants SS – (Thèse) Presse Universitaire de France. 1953
- Hilberg, Raul. The destruction of the European Jews, 3rd Edition, (Yale Univ. Press, 2003).
- Joffroy, Pierre. L’Espion de Dieu ; la passion de Kurt Gerstein (ré-édition) – Seghers, Paris, 1992.
- Kogon, Eugen. L’Etat SS ; le système des camps de concentration allemands – Seuil, Paris, 1970.
- Lifton, Robert Jay. The Nazi Doctors ; a study in the psychology of evil – Papermac, 1987
- Padfield, Peter. Himmler ; Reichsführer SS – Papermac, 1995
Quelques notes sur un organisme peu connu du grand public, mais d'une importance capitale dans le développement et le contrôle des expériences médicales criminelles conduites pendant la guerre : L'Institut d'Hygiène de la Waffen-SS.
L’empire SS est un organisme extrêmement complexe, construit pièce par pièce et sans cesse ramifié… Il y a environ une douzaine de services centraux, subdivisés à l’infini, dont les majeurs sont le RSHA (Contre-espionnage ; Gestapo), le WVHA (Économie ; Camps de concentration), le FHA (Office Central de Direction : Waffen-SS, Garde des camps, État-major personnel du Reichsführer SS).
L’Institut d’Hygiène de la Waffen-SS dépend du FHA mais aussi – d’une autre façon – du WVHA et, d’une autre façon encore, du Chef de Service de Santé de la SS (Reichsarzt SS und Polizei), le Gruppenführer Ernst Grawitz… Également Président de la Croix-Rouge allemande, Grawitz est inconditionnellement soumis à Himmler, qui le méprise pour sa médiocrité intellectuelle…
Ernst Grawitz (source : Suddeutsche Verlag)
Sous une apparence flegmatique, Grawitz dissimule une personnalité brutale et dénuée de scrupules. Le Dr. Karl Genzken, jugé à Nuremberg, décrit un personnage « intrigant, méfiant, instable et indélicat, qui contrôlait jalousement la recherche scientifique pour se rendre indispensable à Himmler » Arriviste, orgueilleux, littéralement obsédé par les recherches médicales sur cobayes humains, il intervient sur l’ensemble des expériences criminelles pratiquées par les nombreux médecins sous ses ordres, répartis dans les différents services de l’Institut d’Hygiène.
Les Hygiènistes jouissent d’un immense bâtiment (aujourd’hui détruit), au 43/44 de la Knesebeckstrasse, dans le quartier de Charlottenburg, à Berlin. Le travail y est mené de façon très soutenue, et les horaires sont chargés. En constante expansion, l’Institut emploie à plein temps 25 scientifiques et 200 laborantins et sous-ordres. Les départements de recherches comptent, entre autres :
- Chimie (Dr. Schaaf)
- Bactériologie (Dr. Ding-Schüler, Dr. Dötzer)
- Parasitologie (Prof. Lubinsky)
- Zoologie (Dr. Lipp)
- Climatologie (Prof. Scharlau)
- Hygiène de l’eau (Dr. Krantz – à noter que c’est dans ce service que fut affecté Kurt Gerstein. Voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/crimes-de-guerre-et-contre-l-humanite-f18/sur-gerstein-t5588.htm )
Dans son étude, The Nazi doctors ; a study in the psychology of evil, Robert Jay Lifton suggère que le projet des Nazis n’était ni Darwiniste, ni même socio-Darwiniste, mais plutôt la vision d’un contrôle absolu sur le processus d’évolution ; une tentative de contrôle sur le devenir biologique de l’homme. En adoptant des termes darwiniens, tels que sélection, ils se substituent à la nature ou à Dieu, orchestrant leur propre conception de l’évolution humaine. Concrètement, les expériences médicales nazies tombent dans deux catégories : celles qui sont commanditées par l’Etat, à des fins strictement idéologiques ou militaires, et celles poursuivies par tel ou tel médecin SS pour de soi-disant raisons scientifiques. Les expériences médicales sont coordonnées par deux organismes distincts, tous deux sous contrôle direct d’Himmler : le Service de Santé de la SS, et l’Ahnenerbe (voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/l-axe-f3/l-ahnenerbe-t5831.htm ). Une fois approuvées par ces deux agences, les expériences sont conduites sous la direction de l'Institut d'Hygiène, par des médecins nazis, avec la collaboration de la section de chimie pharmaceutique de l’IG Farben, des usines Behring, et d'autres firmes. Elles sont aussi conduites à la demande de la Wehrmarcht, de la Luftwaffe, de la Kriegsmarine. Les SS vendent également des cobayes humains à des entreprises privées.
Créé en 1925, IG Farben, numéro un mondial de la chimie, travaille en étroite collaboration avec la SS. Le groupe contrôle des centaines de sociétés, et administrera bientôt directement le camp d’Auschwitz ; employant au moins 80.000 esclaves achetés à la SS, participant de fait à la politique d'extermination. Deux de ses cadres, Heinrich Bütefisch, chimiste et chef de production à Auschwitz, et Erich Von der Heyde, tous deux des Ehrenführer (grade SS honorifique), font partie de l’exclusif « Cercle des Amis du Reichsführer SS », sorte de club de mécénat pour les entreprises SS, parrainé par les barons de l’industrie allemande, les banques, les compagnies pétrolières, et les laboratoires pharmaceutiques. Il suffit alors que quelqu'un voie la possibilité d'utiliser des détenus comme cobayes pour tester un sérum, vérifier une hypothèse ou résoudre quelque autre problème pour que soit lancée une série d'expériences.
Les laboratoires de recherche Bayer d'IG-Farben souhaitaient expérimenter un médicament contre le typhus. Le produit existait sous deux formes, en comprimés et en granulés, et il semblait que certains patients vomissaient les comprimés. Les chercheurs d'IG-Farben contactèrent un « asile d'aliénés acquis à leurs idées » pour procéder à des expériences, mais ils se trouvèrent bientôt dans une impasse : les internés étaient incapables de dire sous quelle forme la préparation était mieux tolérée. Sur ce, IG-Farben se rappela qu'un de ses chercheurs avait été affecté à Auschwitz en qualité d'Obersturmführer et lui demanda son aide. La plupart des groupes intéressés ne suivaient pas la voie officieuse qu'avait choisie, en l'occurrence, IG-Farben mais soumettaient directement leurs demandes au Reichsarzt SS Grawitz, ou encore à Himmler.
À Buchenwald, le Block 46 était jumelé avec un autre Block, le N° 50, où se poursuivaient des recherches de sérothérapie et de vaccinothérapie. Des prisonniers étaient choisis pour établir l'efficacité du produit étudié et des médicaments divers proposés par l'IG Farben. Afin de bien préciser les responsabilités en ce qui concerne l'existence du Block 46 dans le camp de Buchenwald, notons qu'il avait été réservé pour l'expérimentation sur l'homme dès le 2 janvier 1942 sur l'ordre de l'Académie médico-militaire de la Wehrmacht de Berlin. Le Block 50, Hygien Institut des Waffen-SS, avait été fondé en septembre 1943 par le Sturmbannführer SS Dr. Erwin Ding-Schüler (de l’Institut d’Hygiène de Berlin). L'ensemble était placé sous la protection d’Himmler, et dirigé par des SS qui allaient fréquemment rendre compte de leur activité à Berlin. Il ne s'agissait donc pas d'organismes nés du sadisme d'un simple commandant de camp.
Suivant l'efficacité du produit étudié, les vaccinés résistaient plus ou moins bien. Les mortalités plafonnaient parfois entre 80 et 90 %, mais en règle générale se stabilisaient entre 5 et 10%, ce qui n'avait aucune importance pour les "cobayes" rescapés, puisque de toute façon, les expériences terminées, ils étaient supprimés par la méthode habituelle du Block, c'est-à-dire par injection d'acide phénique.
Mais, la tête pensante, le chef de l’Institut d’Hygiène des Waffen-SS, est sans conteste le Standartenführer SS Dr. Joachim Mrugowsky…
Né à Rathenow, près de Berlin, en 1905, dans une famille bourgeoise d’origine polonaise, Mrugowsky, dont le père fut tué au cours de la première guerre mondiale, eut des études difficiles, qu’il interrompit pour gagner sa vie. Extrêmement tenace et travailleur, il les termine néanmoins en 1931. Chargé de cours et conférencier en Hygiène et en Bactériologie à la Faculté de Berlin en 1939, il sera nommé professeur en 1944. Il entre très jeune au NSDAP puis à la SS en 1931. Il travaille de 1934 à 1936 au SD, et atteint rapidement le rang Standartenführer SS. Son fanatisme nazi lui assure une montée rapide vers les sommets. En 1940, il participe à la conquête de l’Ouest, en qualité de médecin au sein de la division SS « Das Reich ». Âgé de trente-cinq ans, il devient Médecin Chef pour la SS et la Police, et Directeur de l’Institut d’Hygiène.
Le Dr. François Bayle, Médecin Chef de la Marine Française, spécialiste en neuropsychiatrie, attaché au procès de Nuremberg en qualité d’expert graphologue, eut l’opportunité de s’entretenir à plusieurs reprises avec lui. Il dresse de Mrugowsky un portrait sans appel : « […] le naturel vigoureux et dur, sauvage et contrariant. La mentalité était dominée par une énergie à forme excessivement combative. […] Le caractère était très mauvais, lourd, brutal, venimeux, fortement indiscipliné, et donc peu sociable ». Intelligent, extrêmement combatif, zélé, il est sans cesse à la recherche d’idées, et lorsqu’il en trouve une, la pousse jusqu’à ses ultimes conséquences – les plus radicales. Capable des emballements les plus exagérés ; froidement méchant et dangereux, il fut une des figures clefs de la planification et de la pratique d’expériences médicales criminelles sur le typhus et la parasitologie. Mais Mrugowsky est aussi respecté et apprécié par toute son équipe. C’est un homme « juste », qui sait favoriser les laborieux, et comprendre les plus « délicats ». C’est une bête de travail ; dépassant toutes les normes, et travaillant tard dans la nuit…
Le secret qui entoure les expériences n’est, au sein de l’Institut, qu’un secret de polichinelle. Tous sont au courant, et maintiennent la confidentialité en évitant d’en parler. Les échanges, s’ils doivent avoir lieu, se font par correspondances entre les intéressés, ou par euphémismes à consonances techniques, comme ce sera bientôt le cas pour la Solution Finale. Plus tard, à Auschwitz, Mrugowsky encourage les médecins SS à « embaucher » des médecins déportés dans les laboratoires. Ces derniers participent aux travaux qui seront plus tard publiés sous son nom.
Joachim Mrugowsky (US Army Archives)
Mrugowsky considère le médecin comme le « prêtre de la flamme sacrée de la vie », et l’art de soigner une « mission divine ». Sous sa direction, l’Institut d’Hygiène de la Waffen-SS fut responsable du stockage et de la distribution du Zyklon B. La responsabilité du gaz fut transférée du fabricant (Degesch) à une élite de « désinfecteurs », tous membre du corps médical SS. À travers Mrugowsky, le Zyklon B – un produit de désinfection industriel courant – devint donc un remède mortel, manipulé uniquement par un personnel médical impliqué dans la guérison raciale.
Dès 1941, il s’entiche de Kurt Gerstein, qu’il considère son « petit génie », indispensable au prestige de l’Institut. À deux reprises, il le protègera des foudres d’Himmler malgré d’évidentes menées subversives, et lui sauvera la vie… Les termes de leur pacte, à nous, pour toujours inconnus. Condamné à mort à Nuremberg, lors du « procès des Médecins », Joachim Mrugowsky fut exécuté en 1948.
Eddy
Sources :
- Bayle, Dr. François. Psychologie et Ethique du National-Socialisme ; étude anthropologique des dirigeants SS – (Thèse) Presse Universitaire de France. 1953
- Hilberg, Raul. The destruction of the European Jews, 3rd Edition, (Yale Univ. Press, 2003).
- Joffroy, Pierre. L’Espion de Dieu ; la passion de Kurt Gerstein (ré-édition) – Seghers, Paris, 1992.
- Kogon, Eugen. L’Etat SS ; le système des camps de concentration allemands – Seuil, Paris, 1970.
- Lifton, Robert Jay. The Nazi Doctors ; a study in the psychology of evil – Papermac, 1987
- Padfield, Peter. Himmler ; Reichsführer SS – Papermac, 1995
Dernière édition par eddy marz le 9/6/2008, 16:39, édité 2 fois
eddy marz- Membre légendaire
- Nombre de messages : 3953
Age : 69
Localisation : England/France/Italia
Date d'inscription : 24/03/2008
Re: L'Institut d'Hygiène de la Waffen-SS et les expériences...
Bon, comme touts tes autres articles, ils sont sauvés sur clé USB en format Word 97 ! Un accident d'hébergeur est si vite arrivés.....
Le "Sanatorium" de Hohenlychen, tu aurais quelques choses la dessus, ça m'interresse, surtout pour les morts étranges (Bichelone) et les gros problèmes de santés qu'y ont connus des rivaux de Himmler ( Speer) !
Merci !
Le "Sanatorium" de Hohenlychen, tu aurais quelques choses la dessus, ça m'interresse, surtout pour les morts étranges (Bichelone) et les gros problèmes de santés qu'y ont connus des rivaux de Himmler ( Speer) !
Merci !
Dernière édition par Jean-Louis le 3/6/2008, 15:12, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: L'Institut d'Hygiène de la Waffen-SS et les expériences...
Merci Eddy Marz de poster ces articles. C'est intéressant et terrifant à la fois. Pour que cela ne recommence jamais...
Soontir Fel- Sous-lieutenant
- Nombre de messages : 196
Age : 38
Date d'inscription : 18/05/2008
Re: L'Institut d'Hygiène de la Waffen-SS et les expériences...
You're welcome, Soontir Fel
Eddy
Eddy
eddy marz- Membre légendaire
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