La Religion dans les camps d'extermination
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Phil642
Narduccio
eddy marz
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La Religion dans les camps d'extermination
Bonsoir à tous. Un article un peu inhabituel, mais bon...
Au fil des différents threads, nous avons abordé les camps d’extermination en Pologne (Auschwitz, les camps AR, et les « petites » installations comme Chelmno et Maly-Trostinec) ; nous avons survolé leur organisation, la mentalité qui les rendirent possible, et appris à connaître quelques-uns des hommes qui les dirigèrent… Mais qu’en est-il des innombrables victimes ? Que pouvaient bien ressentir tous ces anonymes (moins maintenant car d’intenses recherches sont engagées pour retrouver le plus d’identités possible) débarquant pour quelques minutes, quelques heures, quelques jours, ou parfois quelques mois, dans ces usines de mort ? Comment réagissaient-ils ? Comment s’adaptaient-ils ? J’ai choisi d’aborder le thème de la religion car s’il nous renseigne certes sur la dimension de désespoir concentré dans ces lieux où toutes les règles qui régissent nos sociétés modernes ont été abolies, il nous dévoile aussi les réactions des hommes et femmes qui y séjournèrent et, ainsi, nous rapproche d’eux…
D’après une abondance de témoignages, dans l’univers cauchemardesque des camps d’extermination, beaucoup croient encore en Dieu. Car où aller lorsqu’il n’y a plus d’issue, physique ou mentale ? Comment « gérer » le face-à-face avec la mort, le traumatisme de l’assassinat des êtres chers, le sentiment d’impuissance ? Ceux qui ont la chance de se trouver encore dans les sections concentrationnaires ou dans les Arbeitskommando des camps entendent fréquemment des prières s’élever des secteurs d’extermination… Puis les prières (mêlées de cris) s’amenuisent pour finalement se taire complètement. Durant leurs derniers instants sur terre, ceux qui sont menés directement des quais d’arrivée jusqu’aux chambres à gaz s’abîment dans la foi et dans l’ultime espoir de susciter le Père qui est au Ciel…
À Treblinka, un déporté travaillant proche du baraquement de déshabillage des femmes raconte :
« Il y avait là des femmes qui, aux derniers instants de leurs existences, tentaient de trouver un réconfort en Dieu et allèrent à la mort avec le nom Adonai sur leurs lèvres. D’autres priaient pour un miracle du ciel, pour une grâce de dernière minute. J’ai vu une femme de grande taille portant une perruque levant ses bras vers le ciel comme un Cantor devant l’Arche ; derrière elle un groupe de femmes, également avec les bras levés, récitaient après elle, mot à mot : ‘Entend, Ô Israël, l’Eternel notre Dieu est Un. Nous sacrifions nos vies pour Kiddush HaShem. Venge-nous de nos ennemis pour leurs crimes, venge notre sang et le sang de nos enfants, et dites : Amen’. »
À Sobibor, un vieil homme s’achemine vers les chambres… Soudain, il s’écrie : « Entend, Ô Israël… ». Terminant la strophe, il s’approche de l’Oberscharführer-SS Karl Frenzel, et lui assène une gifle retentissante. Témoin de la scène, le Hauptsturmführer-SS Franz Reichleitner, Kommandant du camp, s’approche du vieillard, le tire de côté, et l’élimine d’une balle. Dans le camp de Belzec aussi on prie ; et c’est Kurt Gerstein, un SS des plus particuliers, lui aussi ébranlé par ce à quoi il assiste, qui en témoigne : « Beaucoup prient. Mais je ne peux pas les aider, je prie avec eux, je me serre dans un coin et adresse mon Dieu et le leur à haute voix. Il y a assez de bruit autour de moi, je peux me permettre de parler à mon Dieu à haute voix »… Des deux côtés on semble penser que Dieu est là, quelque part...
Mais il n’y a pas que l’angoisse du face-à-face avec la mort ; il y a aussi la terrible sensation d’incertitude ; la stupeur absolue face à la tragédie qui se déroule sous leurs yeux… en temps réel. Quelques-uns vont jusqu’à trouver une forme de justification dans leur sort :
« Était-ce notre dernière nuit, ou notre dernière heure ? Personne ne le savait, mais il était clair que la fin était proche. Chacun réagissait différemment. Des jeunes, qui n’avaient jamais été religieux auparavant, se joignirent aux jeunes Hasidim, et récitèrent le Kaddish avec eux. Nombre de personnes très morales entretenaient l’opinion que la tragédie était notre punition pour les péchés du Peuple Juif. Le résultat de tels discours fut que certaines personnes ressentirent une culpabilité, comme celle des pécheurs. Ils se confessaient, priaient, s’inclinaient, et exprimaient leur peur en pleurant et en chantant des psaumes… »
Mais ce type de comportement provoque également des réactions de colère ; non seulement contre les « pécheurs », mais aussi contre le Père : « Où est Dieu ? » Yechiel Reichman, seul témoin survivant des opérations d’incinération à Treblinka, se souvient : « J’entends, sur la gauche du baraquement, les malheureux qui se tiennent là, priant lors des services de l’après-midi et du soir. Après les prières, les yeux remplis de larmes, ils récitent le Kaddish. […] Je suis presque devenu fou, et je leur ai hurlé : « À qui adressez-vous le Kaddish ?! Avez-vous encore la foi ?! En quoi avez-vous foi, et qui remerciez-vous ?! Vous remerciez le Maître de l’Univers pour sa justice, Lui qui a pris nos frères, nos sœurs, nos pères et mères, vous le remerciez Lui ?! Non ! Non ! Ce n’est pas vrai qu’il y ait un Dieu au Ciel ! S’il y avait un Dieu, Il ne pourrait assister à cette tragédie, à cette immense injustice ! […] ».
Pourtant, ces deux réactions diamétralement opposées – la soumission au « châtiment », et le rejet de Dieu – ne sont finalement que les réactions extrêmes d’un nombre restreint de déportés. La vaste majorité des croyants semble accepter ce qui se trame autour d’eux – leur propre assassinat et leur participation forcée à cet effet – comme un événement dépassant leur possibilité d’agir ; n’exprimant ni soumission, ni rébellion. Les prières reflètent avant tout une supplication de grâce adressée à Dieu ; le Kaddish, quant à lui, est récité à la mémoire des êtres chers.
Il n’y a pas de pénurie de livres religieux dans les camps d’extermination, ni de châles de prière, ni de teffilin… Il en arrive tous les jours. Aussi, sous la direction de quelques déportés, des activités religieuses sont organisées. Meir Grinberg, Kapo du « Groupe Bleu » de Treblinka (groupe chargé de nettoyer les wagons après chaque arrivage), tient l’office du soir à l’intérieur des baraquements, terminant le service par El Male Rachamim, en mémoire des disparus de la journée. Les SS se tiennent non loin, ou même tout près du baraquement, pour écouter eux aussi la voix de Grinberg…
Le secteur d’extermination de Treblinka emploie un nombre assez important de Juifs religieux ; ainsi, des prières sont tenues en public, en plein cœur du cauchemar, à l’intérieur des baraquements de repos, et avec l’autorisation du personnel SS. Jacob Wiernik, qui participera plus tard à la révolte de Treblinka et réussira à s’échapper, raconte qu’un SS du nom de « Carol » leur apportait des châles de prière et des teffilin et, par humour, les autorisait à tenir des cérémonies funéraires. Mêmes des mariages sont célébrés – entre les chambres à gaz et les fosses. Eli Rozenberg, autre déporté, explique que : « Dans le secteur d’extermination, les prisonniers qui le souhaitaient pouvaient respecter la tradition. Un jour, un Untersturmführer-SS surnommé « Rosha » regardait les croyants, et leur dit : « Pourquoi priez-vous ? Votre Dieu ne vous aidera pas – ne voyez-vous pas ce qui se passe ici ? ». Les mariages dans le secteur d’extermination se déroulaient selon la Loi Juive. […] Autorisation fut donnée [par la SS] de cuire quelques matzot pour Pessa’h dans la cuisine du secteur d’extermination ».
Les SS tolérèrent les manifestations religieuses dans les camps de la mort (particulièrement durant la 2e phase de fonctionnement des aktions), alors qu’elles étaient rigoureusement interdites dans les ghettos. Sans doute les SS des camps n’y voyaient-ils aucun inconvénient du moment qu’elles n’interféraient pas avec la bonne conduite du « travail ». Sans doute y voyaient-ils aussi une soupape pour le stress des déportés, ou une activité nocturne relaxante. Mais ces cérémonies étaient également pour eux une source de curiosité, d’amusement, d’étonnement… et de ridicule. Cette attitude sardonique paraît pour le moins évidente lorsqu’on constate que les SS accrochèrent un rideau de Torah sur l’entrée du bâtiment aux chambres à gaz de Treblinka avec, sur un panneau au-dessus, l’inscription : « Ceci est la porte par laquelle les Justes passent ».
Il existe des centaines d’autres témoignages analogues. Quel constat pouvons-nous en tirer ? D’abord, et à part certaines exceptions, la foi en Dieu ne s’est pas soudain déclarée dans les cœurs des martyrs pénétrant dans les camps d’extermination ; mais elle ne s’est pas arrêtée à l’entrée des camps non plus. Les croyants continuèrent de l’être, même au regard de la situation inextricable dans laquelle ils se trouvaient piégés. Il n’y eu pas non plus – toujours mis à part quelques cas – de conversion radicale chez les non-croyants. En fait, et malgré les témoignages mentionnés plus haut, la foi et la religion ne tiennent que peu de place dans les récits des déportés survivants. Cette place est réservée à leur sphère intime ; celle du drame personnel.
Et nous, que devons-nous penser de tout cela ? La frénésie homicide nazie a changé la face du monde plus durablement que toutes les horreurs qui l’ont précédé ; un cap a été franchi. Certains intellectuels clament haut et fort que « Dieu est mort » ; d’autres qu’il n’a jamais existé… D’autres encore, face à leur propre incompréhension de l’épisode historique, blâment ou menacent de « non-existence » une entité Divine à laquelle ils ne croient même pas… La question est fondamentale et épineuse, et les réactions diverses :
- « Alors je me suis dit « Je crois en Dieu ». Mais j’ai le droit de protester contre Ses façons. J’ai le droit d’être en colère. Et donc, je le fais beaucoup, très souvent, et jamais ne changerais-je une parole de mon discours à Dieu, mes appels à Dieu, ou contre Dieu. Car j’ai atteint une formulation où un Juif ou un homme peut être religieux, ou peut venir d’un milieu religieux pour Dieu, ou contre Dieu ; mais jamais sans Dieu ». (Elie Wiesel).
- « Dites-le, si vous écrivez là-dessus : ce n’est pas le Judaïsme qui est mort à Auschwitz, c’est le Christianisme. Vous comprenez ? » (Essayiste Parisien).
- « Celui qui vous a fait cette remarque sur le Christianisme est un imbécile partial. Ce qui coule par la brèche d’Auschwitz, c’est la foi ; toute la foi du monde ! » (Anonyme 1988).
Lors de son jugement, dans les années 60, Franz Stangl, commandant de Treblinka, est interviewé par la journaliste Hongroise, Gitta Sereny. À la fin de l’interview, la journaliste sonde le vieux criminel :
SERENY : « Dieu était-il à Treblinka ? »
STANGL : « Oui. Autrement comment cela aurait-il pu arriver ? »
Même Stangl y croit. Mais donc, si Dieu existe, justement, comment a-t-Il pu permettre cela ? Ou encore, pour quelle raison Dieu n’est-il pas intervenu ? Ou encore, pourquoi n’intervient-Il pas de nos jours ? La réponse doit se trouver quelque part dans notre conception faussée de la nature de Dieu. Qu’ils soient érudits ou « simples », les hommes (y compris votre serviteur) ont du mal à se défaire de l’image d’un Dieu semblable à nous-mêmes, tirant les ficelles de la réalité, penché sur la Terre, et nous observant comme un Père – dans le sens humain du terme – à la fois juste, bienveillant, et sévère, et veillant sur ses « enfants » comme une mère (humaine elle aussi). Un concept rassurant, voire nécessaire, mais parfaitement illusoire, et presque païen. Car si même les scientifiques admettent que l’univers est infini ; comment pouvons-nous donc le définir, le « borner » , ou le réfuter, avec une imagerie et un fonctionnement spécifiquement humain ?
Nous pourrions alors imaginer que Dieu – si l’on y croit – souhaite que nous puissions, sur une longueur de temps significative, décider de quelle catégorie d’Hommes nous voulons faire partie ainsi que de définir le type de monde auquel nous aspirons.
Nous jouissons donc d’un libre-arbitre, mais cette liberté est aussi encadrée de beaucoup de responsabilités (car notre libre-arbitre crée de grandes différences pour les autres, et pour le monde en général). Dieu nous a peut-être donné ces responsabilités en créant un monde gouverné (presque totalement) par des « Lois Naturelles », de façon à ce que nos actions aient des effets prévisibles. Pourquoi Dieu n’a-t-Il pas foudroyé les nazis et protégé les innocents ? Pourquoi n’intervient-il pas dans nos vies ? Sans doute parce que trop d’exemples de « comment nous devrions vivre » réduiraient la distance épistémique entre nous et Dieu, indispensable à ce libre-arbitre et à la prise de conscience de nos responsabilités. C'était à nous d'éviter le nazisme que l'Homme a créé, c'est à nous d'en tirer les conclusions qui s'imposent et, à notre tour, créer un monde ou rien de tel ne pourrait plus jamais avoir lieu.
Bon, ça avait commencé sur un thème historique pour finir en eau de boudin métaphysique (), mais j’ai souvent pensé à ce genre de choses en étudiant ce sujet. Pardonnez mes errances mystiques () (même si je pense que c’est important quelque part…)
Cheers
Eddy
- Témoignage de A. Kszepicki ; dans Donat. A. The Death Camp Treblinka – New York, 1979
- Rashke, Richard. Escape from Sobibor – Barnes & Noble, 1986 (réédition)
- Yad Vashem Archives (YVA)
- Arad, Yitzhak. Belzec, Sobibor, Treblinka ; The Operation Reinhard Death Camps – Indiana University Press, 1987.
- Friedländer, Saul. Kurt Gerstein ou l’ambiguïté du bien – Casterman, Tournai, 1967
- Joffroy, Pierre. L’Espion de Dieu ; la passion de Kurt Gerstein – Seghers, Paris (réédition) 1992
- Sereny, Gitta. Into that Darkness : from Mercy Killing to Mass Murder – Random House, London, 1974
- Reder, Rudolf. Belzec – CZKH, Cracovie, 1946
Au fil des différents threads, nous avons abordé les camps d’extermination en Pologne (Auschwitz, les camps AR, et les « petites » installations comme Chelmno et Maly-Trostinec) ; nous avons survolé leur organisation, la mentalité qui les rendirent possible, et appris à connaître quelques-uns des hommes qui les dirigèrent… Mais qu’en est-il des innombrables victimes ? Que pouvaient bien ressentir tous ces anonymes (moins maintenant car d’intenses recherches sont engagées pour retrouver le plus d’identités possible) débarquant pour quelques minutes, quelques heures, quelques jours, ou parfois quelques mois, dans ces usines de mort ? Comment réagissaient-ils ? Comment s’adaptaient-ils ? J’ai choisi d’aborder le thème de la religion car s’il nous renseigne certes sur la dimension de désespoir concentré dans ces lieux où toutes les règles qui régissent nos sociétés modernes ont été abolies, il nous dévoile aussi les réactions des hommes et femmes qui y séjournèrent et, ainsi, nous rapproche d’eux…
D’après une abondance de témoignages, dans l’univers cauchemardesque des camps d’extermination, beaucoup croient encore en Dieu. Car où aller lorsqu’il n’y a plus d’issue, physique ou mentale ? Comment « gérer » le face-à-face avec la mort, le traumatisme de l’assassinat des êtres chers, le sentiment d’impuissance ? Ceux qui ont la chance de se trouver encore dans les sections concentrationnaires ou dans les Arbeitskommando des camps entendent fréquemment des prières s’élever des secteurs d’extermination… Puis les prières (mêlées de cris) s’amenuisent pour finalement se taire complètement. Durant leurs derniers instants sur terre, ceux qui sont menés directement des quais d’arrivée jusqu’aux chambres à gaz s’abîment dans la foi et dans l’ultime espoir de susciter le Père qui est au Ciel…
À Treblinka, un déporté travaillant proche du baraquement de déshabillage des femmes raconte :
« Il y avait là des femmes qui, aux derniers instants de leurs existences, tentaient de trouver un réconfort en Dieu et allèrent à la mort avec le nom Adonai sur leurs lèvres. D’autres priaient pour un miracle du ciel, pour une grâce de dernière minute. J’ai vu une femme de grande taille portant une perruque levant ses bras vers le ciel comme un Cantor devant l’Arche ; derrière elle un groupe de femmes, également avec les bras levés, récitaient après elle, mot à mot : ‘Entend, Ô Israël, l’Eternel notre Dieu est Un. Nous sacrifions nos vies pour Kiddush HaShem. Venge-nous de nos ennemis pour leurs crimes, venge notre sang et le sang de nos enfants, et dites : Amen’. »
À Sobibor, un vieil homme s’achemine vers les chambres… Soudain, il s’écrie : « Entend, Ô Israël… ». Terminant la strophe, il s’approche de l’Oberscharführer-SS Karl Frenzel, et lui assène une gifle retentissante. Témoin de la scène, le Hauptsturmführer-SS Franz Reichleitner, Kommandant du camp, s’approche du vieillard, le tire de côté, et l’élimine d’une balle. Dans le camp de Belzec aussi on prie ; et c’est Kurt Gerstein, un SS des plus particuliers, lui aussi ébranlé par ce à quoi il assiste, qui en témoigne : « Beaucoup prient. Mais je ne peux pas les aider, je prie avec eux, je me serre dans un coin et adresse mon Dieu et le leur à haute voix. Il y a assez de bruit autour de moi, je peux me permettre de parler à mon Dieu à haute voix »… Des deux côtés on semble penser que Dieu est là, quelque part...
Mais il n’y a pas que l’angoisse du face-à-face avec la mort ; il y a aussi la terrible sensation d’incertitude ; la stupeur absolue face à la tragédie qui se déroule sous leurs yeux… en temps réel. Quelques-uns vont jusqu’à trouver une forme de justification dans leur sort :
« Était-ce notre dernière nuit, ou notre dernière heure ? Personne ne le savait, mais il était clair que la fin était proche. Chacun réagissait différemment. Des jeunes, qui n’avaient jamais été religieux auparavant, se joignirent aux jeunes Hasidim, et récitèrent le Kaddish avec eux. Nombre de personnes très morales entretenaient l’opinion que la tragédie était notre punition pour les péchés du Peuple Juif. Le résultat de tels discours fut que certaines personnes ressentirent une culpabilité, comme celle des pécheurs. Ils se confessaient, priaient, s’inclinaient, et exprimaient leur peur en pleurant et en chantant des psaumes… »
Mais ce type de comportement provoque également des réactions de colère ; non seulement contre les « pécheurs », mais aussi contre le Père : « Où est Dieu ? » Yechiel Reichman, seul témoin survivant des opérations d’incinération à Treblinka, se souvient : « J’entends, sur la gauche du baraquement, les malheureux qui se tiennent là, priant lors des services de l’après-midi et du soir. Après les prières, les yeux remplis de larmes, ils récitent le Kaddish. […] Je suis presque devenu fou, et je leur ai hurlé : « À qui adressez-vous le Kaddish ?! Avez-vous encore la foi ?! En quoi avez-vous foi, et qui remerciez-vous ?! Vous remerciez le Maître de l’Univers pour sa justice, Lui qui a pris nos frères, nos sœurs, nos pères et mères, vous le remerciez Lui ?! Non ! Non ! Ce n’est pas vrai qu’il y ait un Dieu au Ciel ! S’il y avait un Dieu, Il ne pourrait assister à cette tragédie, à cette immense injustice ! […] ».
Pourtant, ces deux réactions diamétralement opposées – la soumission au « châtiment », et le rejet de Dieu – ne sont finalement que les réactions extrêmes d’un nombre restreint de déportés. La vaste majorité des croyants semble accepter ce qui se trame autour d’eux – leur propre assassinat et leur participation forcée à cet effet – comme un événement dépassant leur possibilité d’agir ; n’exprimant ni soumission, ni rébellion. Les prières reflètent avant tout une supplication de grâce adressée à Dieu ; le Kaddish, quant à lui, est récité à la mémoire des êtres chers.
Il n’y a pas de pénurie de livres religieux dans les camps d’extermination, ni de châles de prière, ni de teffilin… Il en arrive tous les jours. Aussi, sous la direction de quelques déportés, des activités religieuses sont organisées. Meir Grinberg, Kapo du « Groupe Bleu » de Treblinka (groupe chargé de nettoyer les wagons après chaque arrivage), tient l’office du soir à l’intérieur des baraquements, terminant le service par El Male Rachamim, en mémoire des disparus de la journée. Les SS se tiennent non loin, ou même tout près du baraquement, pour écouter eux aussi la voix de Grinberg…
Le secteur d’extermination de Treblinka emploie un nombre assez important de Juifs religieux ; ainsi, des prières sont tenues en public, en plein cœur du cauchemar, à l’intérieur des baraquements de repos, et avec l’autorisation du personnel SS. Jacob Wiernik, qui participera plus tard à la révolte de Treblinka et réussira à s’échapper, raconte qu’un SS du nom de « Carol » leur apportait des châles de prière et des teffilin et, par humour, les autorisait à tenir des cérémonies funéraires. Mêmes des mariages sont célébrés – entre les chambres à gaz et les fosses. Eli Rozenberg, autre déporté, explique que : « Dans le secteur d’extermination, les prisonniers qui le souhaitaient pouvaient respecter la tradition. Un jour, un Untersturmführer-SS surnommé « Rosha » regardait les croyants, et leur dit : « Pourquoi priez-vous ? Votre Dieu ne vous aidera pas – ne voyez-vous pas ce qui se passe ici ? ». Les mariages dans le secteur d’extermination se déroulaient selon la Loi Juive. […] Autorisation fut donnée [par la SS] de cuire quelques matzot pour Pessa’h dans la cuisine du secteur d’extermination ».
Les SS tolérèrent les manifestations religieuses dans les camps de la mort (particulièrement durant la 2e phase de fonctionnement des aktions), alors qu’elles étaient rigoureusement interdites dans les ghettos. Sans doute les SS des camps n’y voyaient-ils aucun inconvénient du moment qu’elles n’interféraient pas avec la bonne conduite du « travail ». Sans doute y voyaient-ils aussi une soupape pour le stress des déportés, ou une activité nocturne relaxante. Mais ces cérémonies étaient également pour eux une source de curiosité, d’amusement, d’étonnement… et de ridicule. Cette attitude sardonique paraît pour le moins évidente lorsqu’on constate que les SS accrochèrent un rideau de Torah sur l’entrée du bâtiment aux chambres à gaz de Treblinka avec, sur un panneau au-dessus, l’inscription : « Ceci est la porte par laquelle les Justes passent ».
Il existe des centaines d’autres témoignages analogues. Quel constat pouvons-nous en tirer ? D’abord, et à part certaines exceptions, la foi en Dieu ne s’est pas soudain déclarée dans les cœurs des martyrs pénétrant dans les camps d’extermination ; mais elle ne s’est pas arrêtée à l’entrée des camps non plus. Les croyants continuèrent de l’être, même au regard de la situation inextricable dans laquelle ils se trouvaient piégés. Il n’y eu pas non plus – toujours mis à part quelques cas – de conversion radicale chez les non-croyants. En fait, et malgré les témoignages mentionnés plus haut, la foi et la religion ne tiennent que peu de place dans les récits des déportés survivants. Cette place est réservée à leur sphère intime ; celle du drame personnel.
Et nous, que devons-nous penser de tout cela ? La frénésie homicide nazie a changé la face du monde plus durablement que toutes les horreurs qui l’ont précédé ; un cap a été franchi. Certains intellectuels clament haut et fort que « Dieu est mort » ; d’autres qu’il n’a jamais existé… D’autres encore, face à leur propre incompréhension de l’épisode historique, blâment ou menacent de « non-existence » une entité Divine à laquelle ils ne croient même pas… La question est fondamentale et épineuse, et les réactions diverses :
- « Alors je me suis dit « Je crois en Dieu ». Mais j’ai le droit de protester contre Ses façons. J’ai le droit d’être en colère. Et donc, je le fais beaucoup, très souvent, et jamais ne changerais-je une parole de mon discours à Dieu, mes appels à Dieu, ou contre Dieu. Car j’ai atteint une formulation où un Juif ou un homme peut être religieux, ou peut venir d’un milieu religieux pour Dieu, ou contre Dieu ; mais jamais sans Dieu ». (Elie Wiesel).
- « Dites-le, si vous écrivez là-dessus : ce n’est pas le Judaïsme qui est mort à Auschwitz, c’est le Christianisme. Vous comprenez ? » (Essayiste Parisien).
- « Celui qui vous a fait cette remarque sur le Christianisme est un imbécile partial. Ce qui coule par la brèche d’Auschwitz, c’est la foi ; toute la foi du monde ! » (Anonyme 1988).
Lors de son jugement, dans les années 60, Franz Stangl, commandant de Treblinka, est interviewé par la journaliste Hongroise, Gitta Sereny. À la fin de l’interview, la journaliste sonde le vieux criminel :
SERENY : « Dieu était-il à Treblinka ? »
STANGL : « Oui. Autrement comment cela aurait-il pu arriver ? »
Même Stangl y croit. Mais donc, si Dieu existe, justement, comment a-t-Il pu permettre cela ? Ou encore, pour quelle raison Dieu n’est-il pas intervenu ? Ou encore, pourquoi n’intervient-Il pas de nos jours ? La réponse doit se trouver quelque part dans notre conception faussée de la nature de Dieu. Qu’ils soient érudits ou « simples », les hommes (y compris votre serviteur) ont du mal à se défaire de l’image d’un Dieu semblable à nous-mêmes, tirant les ficelles de la réalité, penché sur la Terre, et nous observant comme un Père – dans le sens humain du terme – à la fois juste, bienveillant, et sévère, et veillant sur ses « enfants » comme une mère (humaine elle aussi). Un concept rassurant, voire nécessaire, mais parfaitement illusoire, et presque païen. Car si même les scientifiques admettent que l’univers est infini ; comment pouvons-nous donc le définir, le « borner » , ou le réfuter, avec une imagerie et un fonctionnement spécifiquement humain ?
Nous pourrions alors imaginer que Dieu – si l’on y croit – souhaite que nous puissions, sur une longueur de temps significative, décider de quelle catégorie d’Hommes nous voulons faire partie ainsi que de définir le type de monde auquel nous aspirons.
Nous jouissons donc d’un libre-arbitre, mais cette liberté est aussi encadrée de beaucoup de responsabilités (car notre libre-arbitre crée de grandes différences pour les autres, et pour le monde en général). Dieu nous a peut-être donné ces responsabilités en créant un monde gouverné (presque totalement) par des « Lois Naturelles », de façon à ce que nos actions aient des effets prévisibles. Pourquoi Dieu n’a-t-Il pas foudroyé les nazis et protégé les innocents ? Pourquoi n’intervient-il pas dans nos vies ? Sans doute parce que trop d’exemples de « comment nous devrions vivre » réduiraient la distance épistémique entre nous et Dieu, indispensable à ce libre-arbitre et à la prise de conscience de nos responsabilités. C'était à nous d'éviter le nazisme que l'Homme a créé, c'est à nous d'en tirer les conclusions qui s'imposent et, à notre tour, créer un monde ou rien de tel ne pourrait plus jamais avoir lieu.
Bon, ça avait commencé sur un thème historique pour finir en eau de boudin métaphysique (), mais j’ai souvent pensé à ce genre de choses en étudiant ce sujet. Pardonnez mes errances mystiques () (même si je pense que c’est important quelque part…)
Cheers
Eddy
- Témoignage de A. Kszepicki ; dans Donat. A. The Death Camp Treblinka – New York, 1979
- Rashke, Richard. Escape from Sobibor – Barnes & Noble, 1986 (réédition)
- Yad Vashem Archives (YVA)
- Arad, Yitzhak. Belzec, Sobibor, Treblinka ; The Operation Reinhard Death Camps – Indiana University Press, 1987.
- Friedländer, Saul. Kurt Gerstein ou l’ambiguïté du bien – Casterman, Tournai, 1967
- Joffroy, Pierre. L’Espion de Dieu ; la passion de Kurt Gerstein – Seghers, Paris (réédition) 1992
- Sereny, Gitta. Into that Darkness : from Mercy Killing to Mass Murder – Random House, London, 1974
- Reder, Rudolf. Belzec – CZKH, Cracovie, 1946
Dernière édition par eddy marz le 11/5/2013, 16:52, édité 2 fois
eddy marz- Membre légendaire
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Date d'inscription : 24/03/2008
Re: La Religion dans les camps d'extermination
Tu es un grand écrivain Eddy. Tu arrive à rendre supportable l'indicible. Je me sens en même temps plein de colère contre les assains, de compassion pour leurs victimes et ecoeuré par ces faits.
Narduccio- Général (Administrateur)
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Localisation : Alsace
Date d'inscription : 05/10/2006
Re: La Religion dans les camps d'extermination
Merci, une fois de plus Eddy.
Je suis athée et pourtant la théologie ne m'est pas étrangère dans le sens où j'essaye de comprendre ce qui peut motiver les gens à se tourner vers cet artifice pour guider leurs vies.
Inutile ici d'être pour ou contre, ça regarde, comme tu l'as dit et comme je le pense la seule sphère personnelle des individus.
On sait les valeurs de cohésion sociale que véhiculent les religions, on sait leur utilité dans le progrès de l'Humanité alors que la science n'existait pas encore.
Et pourtant, on sait également combien la religion divise les hommes même et plus encore ceux qui croient en le même être unique, mais ce n'est que la recherche de pouvoir de leurs ministres qui divise, qui entraîne la haine.
Pour les croyants et même les non-croyants, la prière reste l'ultime recours pour aider à affronter ce qu'il y a de pire dans la vie, son issue.
Que dire lorsque celle-ci arrive de façon odieuse, injuste et partagée en grand nombre? La réaction de tous ces gens est naturelle, elle va de soit, même moi je prierais si une telle situation devait m'arriver, je prie déjà rien qu'aux lectures ou à l'écoute des témoignages.
Oh, je ne prie pas un dieu, je prie pour ces gens, ces innombrables, mes frères et mes soeurs humains qui souffrent, c'est ma part d'empathie qui me fait pencher sur cette histoire à la fois extraordinaire et ordinaire de la violence humaine.
J'espère que je ne pourrai jamais éprouver ce que ces gens ont pu vivre dans leurs derniers instants et le courage qu'ils ont eu d'avancer vers leur destin dans les circonstances horribles que nous découvrons au fil du temps.
La religion a en effet été très présente lors de la Shoah puisqu'elle en était également la source, l'origine de la haine de l'autre construite sur des frustrations d'un peuple grandiose qui s'est laissé aller vers la revanche en choississant un bouc émissaire (et d'autres) pour canaliser les rancoeurs et les jalousies alors que les tords leurs appartenaient entièrement, une manipulation honteuse du peuple allemand.
Dans les camps, même l'amour existait, il existait surtout parce que la vie continuait même si ce n'était qu'un instant, chaque seconde, chaque bouffée d'air était quelque chose de gagné sur l'inéluctable et je pense que ça a pu certainement aider pas mal de gens à tenir le coup.
Que penser dans nos vies modernes lorsqu'un connard de chef pousse des gens à la dépression? Lorsque quelqu'un se fait braquer dans une poste, une mirriade de psys l'entourent et il a droit a des congés de maladie, et là, dans ces camps et plein d'autres avant et après, des êtres normaux, des pauvres gens, ont subis mille fois pire chaque jour durant parfois des mois alors que rien ne les préparait à ça et pour les survivants, il n'a jamais été question d'assistance prsychologique ...
Dans ces cas, la religion est en effet d'une grande aide.
Phil
Je suis athée et pourtant la théologie ne m'est pas étrangère dans le sens où j'essaye de comprendre ce qui peut motiver les gens à se tourner vers cet artifice pour guider leurs vies.
Inutile ici d'être pour ou contre, ça regarde, comme tu l'as dit et comme je le pense la seule sphère personnelle des individus.
On sait les valeurs de cohésion sociale que véhiculent les religions, on sait leur utilité dans le progrès de l'Humanité alors que la science n'existait pas encore.
Et pourtant, on sait également combien la religion divise les hommes même et plus encore ceux qui croient en le même être unique, mais ce n'est que la recherche de pouvoir de leurs ministres qui divise, qui entraîne la haine.
Pour les croyants et même les non-croyants, la prière reste l'ultime recours pour aider à affronter ce qu'il y a de pire dans la vie, son issue.
Que dire lorsque celle-ci arrive de façon odieuse, injuste et partagée en grand nombre? La réaction de tous ces gens est naturelle, elle va de soit, même moi je prierais si une telle situation devait m'arriver, je prie déjà rien qu'aux lectures ou à l'écoute des témoignages.
Oh, je ne prie pas un dieu, je prie pour ces gens, ces innombrables, mes frères et mes soeurs humains qui souffrent, c'est ma part d'empathie qui me fait pencher sur cette histoire à la fois extraordinaire et ordinaire de la violence humaine.
J'espère que je ne pourrai jamais éprouver ce que ces gens ont pu vivre dans leurs derniers instants et le courage qu'ils ont eu d'avancer vers leur destin dans les circonstances horribles que nous découvrons au fil du temps.
La religion a en effet été très présente lors de la Shoah puisqu'elle en était également la source, l'origine de la haine de l'autre construite sur des frustrations d'un peuple grandiose qui s'est laissé aller vers la revanche en choississant un bouc émissaire (et d'autres) pour canaliser les rancoeurs et les jalousies alors que les tords leurs appartenaient entièrement, une manipulation honteuse du peuple allemand.
Dans les camps, même l'amour existait, il existait surtout parce que la vie continuait même si ce n'était qu'un instant, chaque seconde, chaque bouffée d'air était quelque chose de gagné sur l'inéluctable et je pense que ça a pu certainement aider pas mal de gens à tenir le coup.
Que penser dans nos vies modernes lorsqu'un connard de chef pousse des gens à la dépression? Lorsque quelqu'un se fait braquer dans une poste, une mirriade de psys l'entourent et il a droit a des congés de maladie, et là, dans ces camps et plein d'autres avant et après, des êtres normaux, des pauvres gens, ont subis mille fois pire chaque jour durant parfois des mois alors que rien ne les préparait à ça et pour les survivants, il n'a jamais été question d'assistance prsychologique ...
Dans ces cas, la religion est en effet d'une grande aide.
Phil
Dernière édition par Phil642 le 23/2/2010, 01:06, édité 2 fois
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Re: La Religion dans les camps d'extermination
eddy marz a écrit:
Bon, ça avait commencé sur un thème historique pour finir en eau de boudin métaphysique (), mais j’ai souvent pensé à ce genre de choses en étudiant ce sujet. Pardonnez mes errances mystiques () (même si je pense que c’est important quelque
C'est bien parce que c'est toi.
Tu es bien meilleur historien amateur que théologien amateur, Eddy. Laissons Dieu en-dehors du nazisme et cantonnons-le à la théologie, pour ceux que ça intéresse.
Pourquoi n’intervient-il pas dans nos vies ? Sans doute parce que trop d’exemples de « comment nous devrions vivre
» réduiraient la distance épistémique entre nous et Dieu, indispensable
à ce libre-arbitre et à la prise de conscience de nos responsabilités.
C'était à nous d'éviter le nazisme que l'Homme a créé, c'est à nous
d'en tirer les conclusions qui s'imposent et, à notre tour, créer un
monde ou rien de tel ne pourrait plus jamais avoir lieu.
Stangl y croit? Stangl a-t-il seulement compris le sens de sa phrase? A-t-elle seulement un sens? La question centrale n'est-elle pas montée de toutes pièces?
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Re: La Religion dans les camps d'extermination
Le Kaddish de Ravel devant le Bundestag
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Re: La Religion dans les camps d'extermination
LSR a écrit:
Tu es bien meilleur historien amateur que théologien amateur, Eddy.
C'est bien vrai... Je cherche, moi aussi.
eddy marz- Membre légendaire
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Re: La Religion dans les camps d'extermination
N'hésite pas à m'envoyer un mp si tu trouveseddy marz a écrit:LSR a écrit:
Tu es bien meilleur historien amateur que théologien amateur, Eddy.
C'est bien vrai... Je cherche, moi aussi.
En attendant, je me satisferai de la réponse faite par un gardien de camps confisquant la stalagtite qu'un enfant assoiffé avait détachée (cité dans "De Nuremberg à Nuremberg"):
– Warum?
– Hier ist kein Warum.
Dernière édition par LSR le 23/2/2010, 08:17, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: La Religion dans les camps d'extermination
LSR a écrit:En attendant, je me satisferai de la réponse faite par un gardien de camps confisquant la stalagmite qu'un enfant assoiffé avait détachée (cité dans "De Nuremberg à Nuremberg"):
– Warum?
– Hier ist kein Warum.
C'est pas Primo Levi qui décrit cette scène ?
Re: La Religion dans les camps d'extermination
Je continue sur le sujet car il est très important à propos des répercutions que la Shoah a pu avoir sur le peuple Juif.
En effet, on peu considérer que après-guerre, un large mouvement athée est né car "Dieu avait abandonné le peuple Juif", il n'était pas présent lors de l'épreuve.
Elie Wiesel dans "The Trial Of God " fait le procès de Dieu dans une pièce de théatre, suite à un progrom dans un village en 1649, cette pièce inspirée à l'auteur fait suite à procès mené à Auschwitz par trois rabbins, avec pour instruction de savoir pourquoi Dieu les avait abandonnés. Le procès s'est terminé .. . par des prières. Certains contestent la véracité de ce procès à Auschwitz, mais des rabbins interrogés à ce sujet admettent bien qu'il a pu avoir lieu, même plus d'une fois.
Devant l'immensité du malheur subit, les Juifs se sont réellement crus abandonnés par Dieu, certains trouvent une expliaction dans le fait que Dieu "ne se sentait pas bien" ou que Dieu est capable autant du bien que du mal.
Il ne faut pas oublier que les Juifs sont très religieux et que pour eux, l'absence d'intervention divine (pour les croyants - Primo Lévi) est une forme de punition pour les péchés du peuple. Parmi les plus orthodoxes (comme la branche Haredim) la diaspora était déjà une punition divine, et ceux-ci sont anti sionistes par exemple, car le Retour ne peut se passer sans l'avènement du Messie sinon la punition divine ne saurait tarder.
Donc, pour beaucoup, la fatalité était là et le sort qui leur fut réservé n'était que décision divine.
Chose qui faisait bondir évidemment les progressistes (les laïcs), ceux qui se sont révoltés, qui ont combattus.
Voici un condensé de Wiki:
La Shoah a poussé un bon nombre de Juifs à s'interroger sur le silence de Dieu. En effet, pour beaucoup de Juifs, à l’heure de l’épreuve, le silence de Dieu est un scandale. Cette question est majeure à l’intérieur même du judaïsme et pour tout juif croyant, la foi juive se fondant précisément dans la présence de Dieu dans l'Histoire, c’est lui qui dirige, qui conditionne chaque acte de la vie.
L'une des réponses est celle du psychiatre juif Henri Baruk : la Shoah peut se concevoir comme une théophanie, c'est-à-dire une manifestation divine, mais négative. Elle serait l'application des menaces de Dieu à Moïse en cas de rupture de l'Alliance. Selon Baruk, Marx et Freud, ces deux dissidents du judaïsme que la Bible désigne sous le nom de « faux prophètes » sont les grands responsables de cette rupture de l'Alliance qui entraîne une menace contre l'existence même du peuple juif. La Shoah est donc interprétée comme une punition. D'autres « prophétisaient » cette « punition » lors de la réforme du judaïsme entreprise par Abraham Geiger. Cette notion de punition est également adoptée par Zalman M. Schachter, bien qu'elle s'adresse à tous les Juifs, qui n'ont pas condamné l'Allemagne.
Des Juifs laïcs de la jeune génération répondent à cela que « s’il y avait un Dieu, il aurait sauvé au moins les observants, les fidèles, les priants ». Pour eux, ainsi que leurs aînés, la Shoah est simplement une preuve de plus infirmant l’existence de Dieu. Dans une ligne proche, bien que dans une optique plus religieuse, André Néher parle à propos de la Shoah d'un « échec de Dieu. »
Cependant, ces deux types de réponses sont irrecevables pour Emil Fackenheim, rabbin progressiste, héritier de la pensée de Franz Rosenzweig et de Martin Buber, et tributaire des interrogations d'Elie Wiesel. Pour ce dernier, né dans une famille juive orthodoxe, élevé dans le monde des Hassidim, et bercé dans la Kabbale, le « Dieu de son enfance, » Celui qui sauve toujours Ses enfants in extremis, est mort. Cependant, ce n'est pas le cas de Dieu Lui-même : la colère de Wiesel s'élève à l'intérieur de la foi, et « les questions que je m'étais autrefois posées à propos du silence de Dieu, elles demeurent ouvertes [...] je maintiens que la mort de six millions d'êtres humains pose une question à laquelle aucune réponse ne sera jamais apportée. » Fackenheim affirme quant à lui que seule la tradition juive peut, et doit, répondre à la question : malgré le mal, Dieu est-il présent dans l’histoire ? Pour lui, les Juifs sont « Témoins pour Dieu et pour l'homme, même si nous (les Juifs) sommes abandonnés par Dieu et par l'homme ».
Ces réflexions sont le fruit d'une longue maturation. En 1938, Emil Fackenheim, emprisonné avec d’autres Juifs, se fait interpeller par l’un d’eux : « Vous avez étudié la théologie juive, n’est-ce pas Fackenheim ? Vous en savez donc bien plus que nous tous ici. Alors je vous demande ce que le judaïsme pourrait nous dire aujourd’hui ». Fackenheim se promit alors de pouvoir répondre un jour à cette question. Après Auschwitz, il pense que pour ne pas donner à Hitler la victoire à titre posthume, il est interdit au Juif de désespérer de l’homme et de son monde et de s’évader dans le cynisme ou dans le détachement. Si l'on peut parler, avec Martin Buber, d’éclipse de Dieu, il n’y a pas lieu de s’attarder sur la mort de Dieu, car cette image de Dieu est bien éloignée de la représentation que s'en fait le judaïsme.
Le philosophe allemand Hans Jonas propose une réponse fort différente dans Le Concept de Dieu après Auschwitz. Pour lui, une certitude émerge du désastre : si l'existence de Dieu ne doit pas être remise en question après Auschwitz, le concept de la toute-puissance divine doit en revanche être abandonné. Les hommes doivent accepter un Dieu faible en devenir et en souffrance, un Dieu qui « s'est dépouillé de sa divinité », seule hypothèse alternative acceptable à celle d'un Dieu tout-puissant, qui a donc voulu ou permis l'extermination des Juifs.
En effet, on peu considérer que après-guerre, un large mouvement athée est né car "Dieu avait abandonné le peuple Juif", il n'était pas présent lors de l'épreuve.
Elie Wiesel dans "The Trial Of God " fait le procès de Dieu dans une pièce de théatre, suite à un progrom dans un village en 1649, cette pièce inspirée à l'auteur fait suite à procès mené à Auschwitz par trois rabbins, avec pour instruction de savoir pourquoi Dieu les avait abandonnés. Le procès s'est terminé .. . par des prières. Certains contestent la véracité de ce procès à Auschwitz, mais des rabbins interrogés à ce sujet admettent bien qu'il a pu avoir lieu, même plus d'une fois.
Devant l'immensité du malheur subit, les Juifs se sont réellement crus abandonnés par Dieu, certains trouvent une expliaction dans le fait que Dieu "ne se sentait pas bien" ou que Dieu est capable autant du bien que du mal.
Il ne faut pas oublier que les Juifs sont très religieux et que pour eux, l'absence d'intervention divine (pour les croyants - Primo Lévi) est une forme de punition pour les péchés du peuple. Parmi les plus orthodoxes (comme la branche Haredim) la diaspora était déjà une punition divine, et ceux-ci sont anti sionistes par exemple, car le Retour ne peut se passer sans l'avènement du Messie sinon la punition divine ne saurait tarder.
Donc, pour beaucoup, la fatalité était là et le sort qui leur fut réservé n'était que décision divine.
Chose qui faisait bondir évidemment les progressistes (les laïcs), ceux qui se sont révoltés, qui ont combattus.
Voici un condensé de Wiki:
La Shoah a poussé un bon nombre de Juifs à s'interroger sur le silence de Dieu. En effet, pour beaucoup de Juifs, à l’heure de l’épreuve, le silence de Dieu est un scandale. Cette question est majeure à l’intérieur même du judaïsme et pour tout juif croyant, la foi juive se fondant précisément dans la présence de Dieu dans l'Histoire, c’est lui qui dirige, qui conditionne chaque acte de la vie.
L'une des réponses est celle du psychiatre juif Henri Baruk : la Shoah peut se concevoir comme une théophanie, c'est-à-dire une manifestation divine, mais négative. Elle serait l'application des menaces de Dieu à Moïse en cas de rupture de l'Alliance. Selon Baruk, Marx et Freud, ces deux dissidents du judaïsme que la Bible désigne sous le nom de « faux prophètes » sont les grands responsables de cette rupture de l'Alliance qui entraîne une menace contre l'existence même du peuple juif. La Shoah est donc interprétée comme une punition. D'autres « prophétisaient » cette « punition » lors de la réforme du judaïsme entreprise par Abraham Geiger. Cette notion de punition est également adoptée par Zalman M. Schachter, bien qu'elle s'adresse à tous les Juifs, qui n'ont pas condamné l'Allemagne.
Des Juifs laïcs de la jeune génération répondent à cela que « s’il y avait un Dieu, il aurait sauvé au moins les observants, les fidèles, les priants ». Pour eux, ainsi que leurs aînés, la Shoah est simplement une preuve de plus infirmant l’existence de Dieu. Dans une ligne proche, bien que dans une optique plus religieuse, André Néher parle à propos de la Shoah d'un « échec de Dieu. »
Cependant, ces deux types de réponses sont irrecevables pour Emil Fackenheim, rabbin progressiste, héritier de la pensée de Franz Rosenzweig et de Martin Buber, et tributaire des interrogations d'Elie Wiesel. Pour ce dernier, né dans une famille juive orthodoxe, élevé dans le monde des Hassidim, et bercé dans la Kabbale, le « Dieu de son enfance, » Celui qui sauve toujours Ses enfants in extremis, est mort. Cependant, ce n'est pas le cas de Dieu Lui-même : la colère de Wiesel s'élève à l'intérieur de la foi, et « les questions que je m'étais autrefois posées à propos du silence de Dieu, elles demeurent ouvertes [...] je maintiens que la mort de six millions d'êtres humains pose une question à laquelle aucune réponse ne sera jamais apportée. » Fackenheim affirme quant à lui que seule la tradition juive peut, et doit, répondre à la question : malgré le mal, Dieu est-il présent dans l’histoire ? Pour lui, les Juifs sont « Témoins pour Dieu et pour l'homme, même si nous (les Juifs) sommes abandonnés par Dieu et par l'homme ».
Ces réflexions sont le fruit d'une longue maturation. En 1938, Emil Fackenheim, emprisonné avec d’autres Juifs, se fait interpeller par l’un d’eux : « Vous avez étudié la théologie juive, n’est-ce pas Fackenheim ? Vous en savez donc bien plus que nous tous ici. Alors je vous demande ce que le judaïsme pourrait nous dire aujourd’hui ». Fackenheim se promit alors de pouvoir répondre un jour à cette question. Après Auschwitz, il pense que pour ne pas donner à Hitler la victoire à titre posthume, il est interdit au Juif de désespérer de l’homme et de son monde et de s’évader dans le cynisme ou dans le détachement. Si l'on peut parler, avec Martin Buber, d’éclipse de Dieu, il n’y a pas lieu de s’attarder sur la mort de Dieu, car cette image de Dieu est bien éloignée de la représentation que s'en fait le judaïsme.
Le philosophe allemand Hans Jonas propose une réponse fort différente dans Le Concept de Dieu après Auschwitz. Pour lui, une certitude émerge du désastre : si l'existence de Dieu ne doit pas être remise en question après Auschwitz, le concept de la toute-puissance divine doit en revanche être abandonné. Les hommes doivent accepter un Dieu faible en devenir et en souffrance, un Dieu qui « s'est dépouillé de sa divinité », seule hypothèse alternative acceptable à celle d'un Dieu tout-puissant, qui a donc voulu ou permis l'extermination des Juifs.
Dernière édition par Phil642 le 23/2/2010, 01:07, édité 1 fois
Phil642- Général (Administrateur)
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Re: La Religion dans les camps d'extermination
Je pense donc que l'hypothèse que j'ai effleurée en fin de mon article est tout aussi valide dans une autre optique
eddy marz- Membre légendaire
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Re: La Religion dans les camps d'extermination
En fait je crois que vous prenez le problème dans le mauvais sens. Vous faîtes abstraction de la conception humaine de Dieu. Pour certains, Dieu les a abandonnés tandis que pour d'autres, Dieu était présent. C'est sempiternellement le même cas de figure dans toutes les situations dramatiques. Pour certains, ainsi qu'Eddy l'a écrit, Dieu les a aidés à mourir dignement pour d'autres, il les a aidés à survivre. Toute la question repose autour de la perception que chacun a de la divinité. En ce sens, c'est la traversée du désert du Christ -eh oui- durant laquelle sa foi est éprouvée. Seulement voilà, de mémoire, il me semble bien que les humains sont considérés comme faillibles et que ce détail est mentionné quelque part dans la Bible.
Cependant, j'ai souvenir de ce que m'avait dit un ancien déporté avec lequel j'ai travaillé, qui qualifiait les camps de pitchipoï. Le mot a plusieurs sens, mais si j'en crois un vieux monsieur polonais, cela veut dire en yiddish "là-bas" avec une conotation très péjorative, ce qui veut dire qu'ils savaient "sans le savoir" ce à quoi ils étaient destinés. C'est du moins ce que m'a dit cette personne. Je lui alors demandé ce qu'il y avait laissé, et comment s'était modifiée sa perception de l'humanité, des hommes en général. La réponse a été "toute ma vie j'ai été confronté à l'antisémitisme (...) et ma famille aux pogroms. D'une certaine manière, ce fut presque une sorte d'évolution logique". J'ai été assez surpris d'entendre de tels propos, nettement moins maintenant. Et Dieu, là-dedans ? "Les autres, je ne sais pas. Mais en ce qui concerne, j'ai arrêté d'y croire durant ma déportation". Le sens de ses mots était "j'ai arrêté d'y croire pour survivre, j'ai préféré croire en mes chances de survie". Cela se croise avec une histoire de survie qui n'a rien à voir avec les camps, ou un croyant perdit la vie, tandis que l'athée survécut. Je lui demande ensuite de développer, et il me répond "Dieu, s'il avait existé, n'aurait jamais laissé faire une chose pareille. Surtout pas pour les enfants".
J'ai par la suite rencontré d'autres déportés qui étaient devenus aussi religieux que ne l'est un athée et c'est peu dire. Une de mes meilleures amies en a connu un qui, juste avant de mourir, demanda à ce que personne ne vienne assister à la cérémonie avec une kippa sur le sommet de la tête. D'autres encore fustigent très violemment le rôle que tinrent certains religieux, en mettant en avant la notion de destin, devenir et ce qui s'en suit, parce que pour certains, c'est justement dans un tel endroit que Dieu aurait du apparaître et que d'une certaine manière, ils ont été conduits à l'abattoir sans s'y opposer -ce qui n'est pas totalement exact-. C'est, sans nul doute, ce qui a définitivement nettoyé les derniers restes de convictions religieuses pour beaucoup d'entre-eux.
Je pense que la clef de nos périgrinations pseudo théologiques repose sur le témoignage qu'un rabbin ayant survécu aux camps pourrait apporter, parce qu'en fin de compte et sans vouloir faire de plaisanterie de mauvais goût, qui est mieux placé que le pape pour parler de Jeus-Christ ?
Cependant, j'ai souvenir de ce que m'avait dit un ancien déporté avec lequel j'ai travaillé, qui qualifiait les camps de pitchipoï. Le mot a plusieurs sens, mais si j'en crois un vieux monsieur polonais, cela veut dire en yiddish "là-bas" avec une conotation très péjorative, ce qui veut dire qu'ils savaient "sans le savoir" ce à quoi ils étaient destinés. C'est du moins ce que m'a dit cette personne. Je lui alors demandé ce qu'il y avait laissé, et comment s'était modifiée sa perception de l'humanité, des hommes en général. La réponse a été "toute ma vie j'ai été confronté à l'antisémitisme (...) et ma famille aux pogroms. D'une certaine manière, ce fut presque une sorte d'évolution logique". J'ai été assez surpris d'entendre de tels propos, nettement moins maintenant. Et Dieu, là-dedans ? "Les autres, je ne sais pas. Mais en ce qui concerne, j'ai arrêté d'y croire durant ma déportation". Le sens de ses mots était "j'ai arrêté d'y croire pour survivre, j'ai préféré croire en mes chances de survie". Cela se croise avec une histoire de survie qui n'a rien à voir avec les camps, ou un croyant perdit la vie, tandis que l'athée survécut. Je lui demande ensuite de développer, et il me répond "Dieu, s'il avait existé, n'aurait jamais laissé faire une chose pareille. Surtout pas pour les enfants".
J'ai par la suite rencontré d'autres déportés qui étaient devenus aussi religieux que ne l'est un athée et c'est peu dire. Une de mes meilleures amies en a connu un qui, juste avant de mourir, demanda à ce que personne ne vienne assister à la cérémonie avec une kippa sur le sommet de la tête. D'autres encore fustigent très violemment le rôle que tinrent certains religieux, en mettant en avant la notion de destin, devenir et ce qui s'en suit, parce que pour certains, c'est justement dans un tel endroit que Dieu aurait du apparaître et que d'une certaine manière, ils ont été conduits à l'abattoir sans s'y opposer -ce qui n'est pas totalement exact-. C'est, sans nul doute, ce qui a définitivement nettoyé les derniers restes de convictions religieuses pour beaucoup d'entre-eux.
Je pense que la clef de nos périgrinations pseudo théologiques repose sur le témoignage qu'un rabbin ayant survécu aux camps pourrait apporter, parce qu'en fin de compte et sans vouloir faire de plaisanterie de mauvais goût, qui est mieux placé que le pape pour parler de Jeus-Christ ?
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Patrie, Courage, Foi. Regarde Saint Michel et saute rassuré.
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Ming- Général (Administrateur)
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Re: La Religion dans les camps d'extermination
LSR a écrit:Tu es bien meilleur historien amateur que théologien amateur, Eddy. Laissons Dieu en-dehors du nazisme et cantonnons-le à la théologie, pour ceux que ça intéresse.
Je ne suit pas entièrement d'accord, je trouve que Eddy s'en sort bien mieux que bon nombre de personne avec qui j'ai discuté de ce sujet et qui était sensé être prêtres ou de divers gugusse censer être diplômé de divers cursus de théologie. Mais il faut dire certains d'entre eux m'ont toujours parut entretenir des rapport "particuliers" avec cette période et les idées qui se diffusèrent alors...
Sinon je pense qu'il est peut être bon de citer un exemple qui m'as toujours touché: il y a dans mon village un vieux curé polonais qui as connus non pas les camps d'extermination mais au moins ceux de concentration. Je ne me souvient plus des noms exacts mais il s'agit de ceux qui forcent le respect rien qu'a les entendre (panzy tu t'en souvient?). Il as connus de nombreuse personnes qui sont mortes dans cet enfer mais malgré cela il as continué a croire en dieu et sa foi s'est tellement renforcés qu'après la guerre il rentra au séminaire et c'est ainsi que depuis plus de 60 ans après il continue a dire que "Dieu était avec eux dans les camps". Et plus impressionnant encore il réussit même a plaindre ceux qui furent ses geôliers.
Cela ne vous parle peut être pas beaucoup a première vue mais pour moi je ne peut m'empêcher de repenser a ce curé a chaque fois que je lit sur ce forum un post sur l'horreur de la Shoah et que je me demande: "mais comment on il put accepter tout ça?" Pour certains c'est tout simplement parce qu'ils ont réussi a trouver, dans leur fois ou leur imaginations -employé le terme qui vous convient le mieux- une idée plus forte que celle de leur enfer: la croyance en une justice final et peut être aussi que meme en ces lieu il fallait continuer a exécuter les ordres divins, c'est a dire continuer a aimer, a pardonner (pour les chrétiens surtout), a célebrer les sacrements (en pratiquant des mariages et des cérémonies d'enterrement pour les Juifs)...
Cela dit j'avoue que je m'appuie içi surtout sur un point de vue Chrétien et je ne maitrise pas très bien le point de vue religieux Judaïque alors que c'est eux sur eux que porte l'essentiel du débat.
J'espère ne pas avoir commis de quelconque fautes a leurs égard dans les lignes ci dessus.
A mon retour chez moi (d'içi 10 semaines...) je tacherais de vous procurer le témoignage de ce vieux curé: que ça soit pour les religieux ou les historiens chacun peut trouver son compte a écouter un tel "vétéran"...
PS: " C'était à nous d'éviter le nazisme que l'Homme a créé, c'est à nous d'en tirer les conclusions qui s'imposent et, à notre tour, créer un monde ou rien de tel ne pourrait plus jamais avoir lieu.
sukhoi- Général de Brigade
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Re: La Religion dans les camps d'extermination
Personellement, je pense qu'il n'y a pas de primauté en ce qui concerne la perception de Dieu, que personne n'a raison ou tort puisque comme il a été écrit plus haut, il n'est ici que que relation personnelle entre l'individu et l'objet de sa croyance, c'est très intîme en fait.
Tout ce qui a pu être dit par la suite par des survivants, des philosophes, des religieux ou nous n'est qu'une interprétation possible guidée par les ressentiments de chacun.
Il est évident qu'un croyant sera énormément déçu par la non réaction de Dieu alors que l'athée n'attend rien de quelque chose en quoi il ne croit pas, ceci avec toutes les nuances différentes imposées par la culture propre à chaque individu.
C'est un vaste sujet que je trouve très intéressant.
Pour moi l'importante réflexion qui a été entreprise par la suite par le peuple Juif et in extenso les gens sensibilisés par le drame de la Shoah malgré la certitude que ce genre de chose se reproduira (l'histoire donne raison à cette assertion) a fait progresser l'Humanité dans sa démarche philosophique, il ya ce qu'on a nommé "l'après Auschwitz".
Evidemment, il m'est plus facile de penser comme ça puisque je pense que l'homme est le seul responsable de sa destinée et en ça je rejoint finalement le Pentateuque où Adam et Eve sont chassé du projet divin pour avoir désobéi, la destinée de l'humanité ne s'inscrit plus dans le projet rédigé par Dieu, elle s'en écarte elle mène sa route seule.
Et c'est à ce moment que commence la longue galère de l'espèce humaine, si Adam et Eve n'avaient pas été chassés du jardin d'Eden la condition humaine aurait été paradisiaque.
La Torah est l'écriture des traditions judaïques, c'est une histoire de morale écrite par nombres de rédacteurs qui essayent de garder quand même un travail uniforme. A une période où les contes et légendes ont leurs raisons d'être afin de frapper les esprits, il est utile de donner une origine divine à l'histoire de l'homme et de conditionner son comportement par des lois provenant de la même source.
On obéi plus facilement à des règles venant d'un être supérieur qu'aux lois humaines.
Evidemment lorsqu'il est question de massacres les lois humaines ont disparu, il reste à se rattacher aux lois divines, pour ceux qui y croient naturellement.
Primo Lévi décrit aussi le manque total de règles entre les prisonniers, du fait de la déhumanisation voulue par le système la morale avait disparu les esprits étaient cassés.. Les plus forts abandonnaient les faibles (les "musulmans") allant jusqu'à leur voler les maigres rations, accélérant ainsi leur mort. Dans les centres d'extermination, les kapos étaient Juifs, les zonderkommandos étaient Juifs, ... tous étaient finalement instrumentalisés par leurs assassins et ils le savaient.
Pour certains, se réfugier dans la prière était vital, il y avait des offices religieux de toutes obédiences et il y eu même des rites maçonniques au camp d'Esterwegen, ce qui me semble être la preuve qu'il était encore possible de croire en un salut de l'Humanité. C'est une manière de ne pas baisser les bras de ne pas abandonner tout espoir.
Tout ce qui a pu être dit par la suite par des survivants, des philosophes, des religieux ou nous n'est qu'une interprétation possible guidée par les ressentiments de chacun.
Il est évident qu'un croyant sera énormément déçu par la non réaction de Dieu alors que l'athée n'attend rien de quelque chose en quoi il ne croit pas, ceci avec toutes les nuances différentes imposées par la culture propre à chaque individu.
C'est un vaste sujet que je trouve très intéressant.
Pour moi l'importante réflexion qui a été entreprise par la suite par le peuple Juif et in extenso les gens sensibilisés par le drame de la Shoah malgré la certitude que ce genre de chose se reproduira (l'histoire donne raison à cette assertion) a fait progresser l'Humanité dans sa démarche philosophique, il ya ce qu'on a nommé "l'après Auschwitz".
Evidemment, il m'est plus facile de penser comme ça puisque je pense que l'homme est le seul responsable de sa destinée et en ça je rejoint finalement le Pentateuque où Adam et Eve sont chassé du projet divin pour avoir désobéi, la destinée de l'humanité ne s'inscrit plus dans le projet rédigé par Dieu, elle s'en écarte elle mène sa route seule.
Et c'est à ce moment que commence la longue galère de l'espèce humaine, si Adam et Eve n'avaient pas été chassés du jardin d'Eden la condition humaine aurait été paradisiaque.
La Torah est l'écriture des traditions judaïques, c'est une histoire de morale écrite par nombres de rédacteurs qui essayent de garder quand même un travail uniforme. A une période où les contes et légendes ont leurs raisons d'être afin de frapper les esprits, il est utile de donner une origine divine à l'histoire de l'homme et de conditionner son comportement par des lois provenant de la même source.
On obéi plus facilement à des règles venant d'un être supérieur qu'aux lois humaines.
Evidemment lorsqu'il est question de massacres les lois humaines ont disparu, il reste à se rattacher aux lois divines, pour ceux qui y croient naturellement.
Primo Lévi décrit aussi le manque total de règles entre les prisonniers, du fait de la déhumanisation voulue par le système la morale avait disparu les esprits étaient cassés.. Les plus forts abandonnaient les faibles (les "musulmans") allant jusqu'à leur voler les maigres rations, accélérant ainsi leur mort. Dans les centres d'extermination, les kapos étaient Juifs, les zonderkommandos étaient Juifs, ... tous étaient finalement instrumentalisés par leurs assassins et ils le savaient.
Pour certains, se réfugier dans la prière était vital, il y avait des offices religieux de toutes obédiences et il y eu même des rites maçonniques au camp d'Esterwegen, ce qui me semble être la preuve qu'il était encore possible de croire en un salut de l'Humanité. C'est une manière de ne pas baisser les bras de ne pas abandonner tout espoir.
Phil642- Général (Administrateur)
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Date d'inscription : 09/05/2006
Re: La Religion dans les camps d'extermination
Bonsoir, très très intéressant ce développement métaphysique et l'intervention de Dieu .La religion m'a quittée en même temps que j'entrais à l'armée et mes contacts avec l'aumônier, j'acquis alors la certitude que les religions et Dieu sont deux choses aux antipodes, quant au fait de croire au "Divin" et la pratique d'une religion , avec l'hypocrisie s'y rattachant. Je m'interroge moi aussi beaucoup sur la mort, lorsque mon heure sera venue, je saurais, mais en attendant je cherche , le pire étant le regard d'un être dont la vie s'échappe, il t'appelle à l'aide, mais tu ne peux rien, le regard est le reflet de l'âme dit-on . Discutant avec un étudiant théologien de confession musulmane, et lui faisant part, de la misère dans le monde, et des divers conflits, m'étonnant de la non intervention de Dieu, j'ai eu cette réponse de sa part :
-Dieu n'intervient pas dans les affaires des hommes, il te jugera quand tu comparaîtras devant lui .-Partant de ce postulat, il n'est pas alors étonnant, qu'il est laissé faire les nazis dans les camps d'exterminations .Je pense (j'en suis sûr presque à 100%) que dans les moments d'une grande détresse , on appelle sa mère, où Dieu , car dans ces moments cruciaux dont dépend la vie, on a besoin de se raccrocher à ce qui est enfouie au fin fond de notre conscience, si on en a le temps .Vaste sujet s'il en est .
Amicalement.
Le ronin.
....Il n'y a pas de bonne et de mauvaise guerre, il n'y a que la guerre elle même....
Semper fidelis.
-Dieu n'intervient pas dans les affaires des hommes, il te jugera quand tu comparaîtras devant lui .-Partant de ce postulat, il n'est pas alors étonnant, qu'il est laissé faire les nazis dans les camps d'exterminations .Je pense (j'en suis sûr presque à 100%) que dans les moments d'une grande détresse , on appelle sa mère, où Dieu , car dans ces moments cruciaux dont dépend la vie, on a besoin de se raccrocher à ce qui est enfouie au fin fond de notre conscience, si on en a le temps .Vaste sujet s'il en est .
Amicalement.
Le ronin.
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le ronin- Police militaire (Modérateur)
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Date d'inscription : 25/06/2008
Re: La Religion dans les camps d'extermination
le ronin a écrit: j'acquis alors la certitude que les religions et Dieu sont deux choses aux antipodes. Vaste sujet s'il en est.
Voilà le coeur de la question. Thank you, Ronin.
eddy marz- Membre légendaire
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