Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
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sukhoi
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Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
Bonjour à tous ;
Albert Hartl
Karl Schöngarth
Erich Von dem Bach-Zelewski
Auxiliaire Ukrainien - devant la boulangerie de Belzec
Josef Oberhauser (à gauche), à Trieste durant OZAK
Christian Wirth
Sources :
- O’Neil, Robin. Belzec : Prototype for the Final Solution ; Hitler's answer to the Jewish Question – E-book : www.jewishgen.org
- E. Klee, W. Dressen V. Riess : The Good Old Days: The Holocaust as Seen by Its Perpetrators and Bystanders ; Free Press, New York, 1991).
- Déposition de Heinrich Gley – Procès de Belzec ; Munich – 1963
- Déposition de Josef Oberhauser – Procès de Belzec ; ibid
- Arad, Yitzhak : Belzec, Sobibor, Treblinka ; The Operation Reinhard Death Camps – Indiana University Press, 1987.
- Rhodes, Richard : Masters of Death : The SS Einsatzgruppen and the Invention of the Holocaust – Vintage Books, USA (ré-édition août 2003).
- Reitlinger, Gerald : The SS, Alibi of a Nation 1922-1945 Arms & Armour Press, London, 1981
- OCCWC (Office of Chief of Counsel for War Crimes)
- USHMM
- NARA
- Ghetto Fighter's House
J’avais déjà abordé le thème de l’insubordination au sein de la Waffen-SS (voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/l-axe-f3/desobeissance-insubordination-dans-la-waffen-ss-t10253.htm ), je boucle donc avec l’insubordination dans les camps d’extermination d’Aktion Reinhard, un aspect à la fois plus spécifique et plus complexe de ce thème.
Comme nous avons pu le constater au fil des divers threads et conversations, l’attitude des SS et du KdF par rapport au génocide des Juifs et des Untermenschen a toujours été paradoxale et compliquée. À titre d’exemple, il est intéressant de noter que le règlement en vigueur dans les camps d’Aktion Reinhard est totalement différent des protocoles adoptés dans toutes les autres opérations d’assassinats en masse ou de nettoyage ethnique. Examinons la situation…
Les hommes, tous grades confondus, incorporés dans les Einsatzgruppen, ou dans les diverses unités de Schutzpolizei recrutées pour leur prêter main forte, n’ont pas – à proprement parler – de doutes ou d’états d’âmes particuliers quant au bien fondé des mesures prises contre les Juifs, les « commissaires politiques », et les untermenschen Slaves ; pour eux, il s’agit, bien sûr, de sécuriser les territoires conquis par la Wehrmacht, mais surtout d’atteindre coûte que coûte les objectifs politiques – la création du Lebensraum. Pour ces soudards, employés par l’État pour accomplir cette tâche précise, l’assassinat des Juifs est légal. Ce qui est injustifiable, en revanche, c’est de les tuer en faisant preuve de brutalité ou de sadisme, même sur ordre d’un supérieur. Tuer un Juif sans en avoir reçu l’ordre est également illégal, et ne peut être excusé que compte tenu de circonstances particulières. Tuer des étrangers alliés aux Allemands, comme par exemple les auxiliaires Ukrainiens, n’est pas plus acceptable, et passible d’une Cour Martiale SS… Perdu dans ses contradictions et ses illusions Arthuriennes, Heinrich Himmler n’a d’ailleurs de cesse de codifier ce que quelques mois auparavant il considérait encore comme une méthode bolchévique incompatible avec l’esprit allemand. Car les SS doivent « rester corrects », même lorsqu’ils tuent. Pour le Reichsführer-SS, trois types de meurtres entrent dans le cadre de la légalité :
- Les assassinats de Juifs officiellement décrétés.
- Les opérations d’Euthanasie T4.
- Les exécutions légales dans les camps de concentration.
À partir de cette constatation, un bon nombre d’historiens et de chercheurs concluent qu’aucune menace de sanction réelle ne pesait sur les membres de ces unités si, parfois, ils sortaient du « cadre de la légalité » lors d’opérations d’assassinat. Mais, en réalité, ce ne fut sans doute le cas que pour les unités de Polizei, moins préparées et aguerries que les Einsatzgruppen, où certains débordements épouvantables sont à mettre sur le compte du choc, de « l’ivresse du sang », de l’alcoolisme qui en découlait, et d’un relâchement total et soudain de la moralité. De plus, force est de constater que, tant du point de vue des tribunaux SS, pendant la guerre, que du point de vue des tribunaux Alliés de l’après-guerre, le refus d’un membre des Einsatzgruppen de participer aux meurtres des Juifs n’entraîne aucune sanction officielle particulière. De même, après guerre, l’excuse souvent invoquée par les coupables d’avoir continué à tuer par peur de représailles ne reflète pas la réalité puisque le système judiciaire SS lui-même avait introduit, expressément pour ce type de cas, des canaux de recours par la voie hiérarchique. Il n’existe en fait aucune preuve qu’un officier ou sous-officier Allemand ait été puni pour avoir refusé de tuer un Juif. Toutefois, il serait illusoire de se baser sur les comptes-rendus des tribunaux SS, ou sur les témoignages après-guerre des assassins, pour tenter d’obtenir une vue limpide de la situation. En règle générale (et mis à part quelques exceptions), les hommes en position de responsabilité ou de commandement au sein des Einzatsgruppen sont des nazis idéologiquement endurcis et convaincus. Ils sont autorisés à agir de leur propre initiative (et donc sous leur propre responsabilité) et, au bout d’un moment, à adopter les méthodes qui leur semblent le plus adéquates. On leur a donné toutes latitudes pour poursuivre le travail dans un climat pénible et volatil, avec pour seule règle de ne pas procéder à l’exécution de Juifs provenant du Reich… Quoi qu’il en soit, et indépendamment des méthodes adoptées, ces hommes sont parfaitement convaincus, non seulement d’accomplir une tâche difficile, mais d’obéir aux ordres ; c’est à dire d’agir dans la légalité.
Sans aucun doute, plusieurs commandants et officiers d’Einsatzgruppen procèdent aux exécutions en adhérant aux strictes règles militaires établies en ce domaine ; c’est à dire prévoyant le tir à douze pas, et un coup de grâce administré par le chef d’unité. Ces règles participent à maintenir un « code d’honneur » qui, d’une façon ou d’une autre, rationalise et « désensibilise » le travail. Malheureusement, à partir du moment où la Solution Finale s’accélère, les tueurs commencent à crouler sous le nombre de victimes. De nombreux cas de dépression nerveuse sont signalés ; les hommes succombent au stress d’opérations de plus en plus sanglantes, improvisées, et anarchiques et, bien entendu, au terrible dilemme moral suscité par tant de crimes… Mais justement, qu’en est-il de la discipline et de l’obéissance des hommes de troupe lorsque leur travail devient non seulement répugnant et insupportable, mais moralement discutable ? L’Obersturmführer-SS Albert Hartl, membre d’un Einzatskommando en Russie, est interrogé à Nuremberg : « Était-il possible de refuser de participer aux exécutions ? » Hartl répond : « D’après mon expérience, cela dépendait de la mentalité de chaque commandant ».
Comme nous avons pu le constater au fil des divers threads et conversations, l’attitude des SS et du KdF par rapport au génocide des Juifs et des Untermenschen a toujours été paradoxale et compliquée. À titre d’exemple, il est intéressant de noter que le règlement en vigueur dans les camps d’Aktion Reinhard est totalement différent des protocoles adoptés dans toutes les autres opérations d’assassinats en masse ou de nettoyage ethnique. Examinons la situation…
Les hommes, tous grades confondus, incorporés dans les Einsatzgruppen, ou dans les diverses unités de Schutzpolizei recrutées pour leur prêter main forte, n’ont pas – à proprement parler – de doutes ou d’états d’âmes particuliers quant au bien fondé des mesures prises contre les Juifs, les « commissaires politiques », et les untermenschen Slaves ; pour eux, il s’agit, bien sûr, de sécuriser les territoires conquis par la Wehrmacht, mais surtout d’atteindre coûte que coûte les objectifs politiques – la création du Lebensraum. Pour ces soudards, employés par l’État pour accomplir cette tâche précise, l’assassinat des Juifs est légal. Ce qui est injustifiable, en revanche, c’est de les tuer en faisant preuve de brutalité ou de sadisme, même sur ordre d’un supérieur. Tuer un Juif sans en avoir reçu l’ordre est également illégal, et ne peut être excusé que compte tenu de circonstances particulières. Tuer des étrangers alliés aux Allemands, comme par exemple les auxiliaires Ukrainiens, n’est pas plus acceptable, et passible d’une Cour Martiale SS… Perdu dans ses contradictions et ses illusions Arthuriennes, Heinrich Himmler n’a d’ailleurs de cesse de codifier ce que quelques mois auparavant il considérait encore comme une méthode bolchévique incompatible avec l’esprit allemand. Car les SS doivent « rester corrects », même lorsqu’ils tuent. Pour le Reichsführer-SS, trois types de meurtres entrent dans le cadre de la légalité :
- Les assassinats de Juifs officiellement décrétés.
- Les opérations d’Euthanasie T4.
- Les exécutions légales dans les camps de concentration.
À partir de cette constatation, un bon nombre d’historiens et de chercheurs concluent qu’aucune menace de sanction réelle ne pesait sur les membres de ces unités si, parfois, ils sortaient du « cadre de la légalité » lors d’opérations d’assassinat. Mais, en réalité, ce ne fut sans doute le cas que pour les unités de Polizei, moins préparées et aguerries que les Einsatzgruppen, où certains débordements épouvantables sont à mettre sur le compte du choc, de « l’ivresse du sang », de l’alcoolisme qui en découlait, et d’un relâchement total et soudain de la moralité. De plus, force est de constater que, tant du point de vue des tribunaux SS, pendant la guerre, que du point de vue des tribunaux Alliés de l’après-guerre, le refus d’un membre des Einsatzgruppen de participer aux meurtres des Juifs n’entraîne aucune sanction officielle particulière. De même, après guerre, l’excuse souvent invoquée par les coupables d’avoir continué à tuer par peur de représailles ne reflète pas la réalité puisque le système judiciaire SS lui-même avait introduit, expressément pour ce type de cas, des canaux de recours par la voie hiérarchique. Il n’existe en fait aucune preuve qu’un officier ou sous-officier Allemand ait été puni pour avoir refusé de tuer un Juif. Toutefois, il serait illusoire de se baser sur les comptes-rendus des tribunaux SS, ou sur les témoignages après-guerre des assassins, pour tenter d’obtenir une vue limpide de la situation. En règle générale (et mis à part quelques exceptions), les hommes en position de responsabilité ou de commandement au sein des Einzatsgruppen sont des nazis idéologiquement endurcis et convaincus. Ils sont autorisés à agir de leur propre initiative (et donc sous leur propre responsabilité) et, au bout d’un moment, à adopter les méthodes qui leur semblent le plus adéquates. On leur a donné toutes latitudes pour poursuivre le travail dans un climat pénible et volatil, avec pour seule règle de ne pas procéder à l’exécution de Juifs provenant du Reich… Quoi qu’il en soit, et indépendamment des méthodes adoptées, ces hommes sont parfaitement convaincus, non seulement d’accomplir une tâche difficile, mais d’obéir aux ordres ; c’est à dire d’agir dans la légalité.
Sans aucun doute, plusieurs commandants et officiers d’Einsatzgruppen procèdent aux exécutions en adhérant aux strictes règles militaires établies en ce domaine ; c’est à dire prévoyant le tir à douze pas, et un coup de grâce administré par le chef d’unité. Ces règles participent à maintenir un « code d’honneur » qui, d’une façon ou d’une autre, rationalise et « désensibilise » le travail. Malheureusement, à partir du moment où la Solution Finale s’accélère, les tueurs commencent à crouler sous le nombre de victimes. De nombreux cas de dépression nerveuse sont signalés ; les hommes succombent au stress d’opérations de plus en plus sanglantes, improvisées, et anarchiques et, bien entendu, au terrible dilemme moral suscité par tant de crimes… Mais justement, qu’en est-il de la discipline et de l’obéissance des hommes de troupe lorsque leur travail devient non seulement répugnant et insupportable, mais moralement discutable ? L’Obersturmführer-SS Albert Hartl, membre d’un Einzatskommando en Russie, est interrogé à Nuremberg : « Était-il possible de refuser de participer aux exécutions ? » Hartl répond : « D’après mon expérience, cela dépendait de la mentalité de chaque commandant ».
Albert Hartl
L’affirmation de Hartl semble corroborée par plusieurs cas de figure dont l’un des plus connus fut révélé, lors de son procès, par le Hauptsturmführer-SS Hans Krüger : en poste à Cracovie, et impatient d’en découdre avec les Juifs, le Brigadeführer-SS und Generalmajor der Polizei, Karl Schöngarth, membre du SD, et chef de la SIPO, forme son propre petit Einsatzkommando (l’unité zbV), et fait assassiner plus de 4.000 Juifs et opposants politiques à Lvov pendant l’été 1941… Pendant les opérations, Schöngarth, qui ordonne lui-même le feu, explique à ses hommes comment il faut s’y prendre : sélectionnant un Juif, Schöngarth le mène devant la fosse, et lui loge une balle dans la tête. Se retournant vers ses officiers, il déclare : « Vous avez vu comment faire. Je descendrais qui que ce soit qui n’est pas d’accord, et je soutiendrais tout führer SS qui descendra un homme ayant refusé d’obéir à mes ordres ». On ne peut être plus clair, en effet.
Karl Schöngarth
Malgré tout, quelques chefs SS s’émeuvent. Toujours en 1941, le HSSPF Erich von dem Bach-Zelewski, pourtant un tueur chevronné, se plaint amèrement et sans ambigüité auprès d’Himmler : « Regardez ces hommes, regardez leurs yeux ! Voyez comme ils sont ébranlés ! Ce sont des hommes finis ! Quel genre de recrues formons-nous ici ? Des sauvages ?! ». Mesurant l’ampleur du problème, le Reichsführer-SS tente d’alléger la pression psychologique des assassins en créant une protection officielle pour ceux qui refusent de participer aux opérations. Une maison de repos est également mise à disposition pour les individus les plus affectés… Mais, dans la réalité, sur le terrain, les choses se passent différemment : les SS de rangs subalternes refusant d’obéir aux ordres ou « incapables de réconcilier les opérations avec leurs consciences » deviennent la risée de leurs camarades. Ils deviennent des « pleutres », indignes d’appartenir à la SS. Quant aux gradés refusant, par principe, de participer à « des activités indignes d’un Allemand », ils peuvent tout simplement faire une croix sur tout espoir d’avancement. Pendant la durée de leur activité meurtrière dans les territoires de l’Est, les Einsatzgruppen et les unités de Polizei ne réussiront jamais à se désembourber de ces paradoxes.
Erich Von dem Bach-Zelewski
Mais l’objet de cet article n’est pas de parler des Einsatzgruppen… Les camps d’extermination d’Aktion Reinhard (Belzec, Sobibor, Treblinka), où environ 1.600.000 Juifs seront exterminés, fonctionnent selon des règles et des critères totalement différents de ceux des opérations menées dans les ghettos et sur les lieux d’exécutions en territoires occupés. Il n’est plus question ici de choix ou d’incertitude… Comme le prouvent les multiples témoignages sous serment des ex membres de ces unités particulières, le personnel des camps d’extermination AR s’exposait à une mise à mort sommaire en refusant de se plier aux ordres d’extermination. Aucun doute ne subsiste là-dessus ; les preuves abondent…
L’attitude générale des membres d’Aktion Reinhard envers leurs victimes est celle de l’indifférence totale et du mépris. Bien que les meurtres qui y sont perpétrés, par gaz ou par balles, soient accomplis rapidement et efficacement, une veine de sadisme semble avoir perverti tout le système. En effet, si pendant l’opération T4 (voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/crimes-de-guerre-et-contre-l-humanite-f18/euthanasie-route-vers-le-genocide-t5874.htm?highlight=euthanasie) la mort était administrée avec un souci de « miséricorde », tel n’est pas le cas dans les 3 camps du Palatinat de Lublin. L’ambiance psychologique dans laquelle les déportés sont plongés dès leur arrivée dans ces camps est probablement plus terrifiante que la mort elle-même. Lorsque, par désespoir, certains se suicident, ils ne font qu’envenimer la situation, provoquant des exactions sauvages de la part du personnel SS qui ne peut tolérer de telles expressions d’indépendance : « Les Juifs n’ont pas le droit de se donner la mort. Seuls les Allemands ont le droit de tuer ». Des commandos de surveillance anti suicide sont même formés à patrouiller les camps et « identifier » les candidats potentiels… Pourtant, les suicides, de déportés et de SS, continueront à Belzec, Sobibor, et Treblinka, aussi longtemps que les camps fonctionneront (fin 1943).
Dans les camps d’Aktion Reinhard, tout le monde tue ; ce n’est pas question de choix. La seule issue est le suicide, ou le refus d’obéir – ce qui revient au même. Les suicides de SS en cours de mission entrent en trois catégories :
1. Les individus qui ne supportent pas les tueries mais sont terrifiés par Christian Wirth.
2. Les individus qui peuvent tuer mais que cela perturbe.
3. Les individus victimes d’influences extérieures.
Exemple de la 1e catégorie : À Treblinka, Christian Wirth ordonne au Scharführer-SS Erwin Kainer de superviser le déblayage d’une pile de cadavres en décomposition dans une mare de sang et de vermine, juste devant les chambres à gaz. À la vue de la tâche, et terrifié de la réaction possible de Wirth en cas de refus de sa part, Kainer se tire une balle dans la tête.
La même année, à Sobibor, le Scharführer-SS Bauch se tire également une balle dans la tête ; d’après le témoignage de son collègue Franz Suchomel, à cause d’une « peur-névrose de Christian Wirth ».
Exemple de la 2e catégorie : À Belzec, le Volkdeutsche Heinz Schmidt, l’un des pires tueurs du camp, devient victime d’ostracisme de la part de ses collègues SS, justement pour sa conduite criminelle. Lorsque le personnel d’Aktion Reinhard est muté à Trieste dans le cadre d’OZAK, Heinz Schmidt se suicide à son tour.
Exemple de la 3e catégorie : Cette dernière catégorie est un peu plus difficile à établir de façon documentaire pour les camps AR, mais nous savons qu’elle existait au sein des Einzatsgruppen : Les suicides par peur anticipée des représailles possibles en cas d’incapacité à obéir aux ordres. La dépression nerveuse est un phénomène banal au sein d’Aktion Reinhard. Dans la Deutsches Haus, centre de repos SS proche de Rawa-Russka, les hommes craquent ; on en retrouve « pleurant comme des enfants », menaçant de se tuer s’ils ne sont pas mutés. Si une preuve supplémentaire de l’état de stress dans lequel se déroulent ces opérations s’avérait nécessaire, c’est chose faite.
Il faut maintenant garder à l’esprit les techniques mises au point par les SS sous l’égide du KdF pour maintenir le secret autour de leurs usines de mort. Pour commencer l’ensemble du Personnel T4 et AR est tenu totalement et strictement à l’écart de toute autre unité ou administration quelle qu’elle soit. Les tueurs ne sont pas logés dans les mêmes casernes, ne fréquentent pas les mêmes cantines, et ne partent pas en permission aux mêmes périodes. Ils ne sont pas assujettis aux règles militaires, ni à aucune administration civile ; ils dépendent exclusivement du KdF, et sont intouchables. Cette apparente puissance est également une lame à double tranchant puisqu’elle signifie aussi qu’en cas de péril personnel les membres d’AR n’ont aucun recours autre que leur propre, et très secrète, administration. À partir du moment où Christian Wirth établit un protocole fonctionnel pour les gazages, les SS ne participent à ces derniers qu’en qualité de surveillants ; les auxiliaires Ukrainiens se chargent du reste. L’échelon supérieur SS ne se concentre que sur les aspects plus « périphériques » : administration, recyclage des vêtements, flot permanent et homogène des transports, entretien du camp, travaux annexes, organisation des crémations… etc.
En raison d’arrivages de déportés de plus en plus nombreux, et d’opérations menées de l’aube au crépuscule, les SS finissent par s’habituer – et commencent à s’ennuyer. Aussi, de plus en plus, pour briser la « monotonie », les Juifs sont utilisés à des fins de divertissement. Le Scharführer-SS Gustav Münzberger, aide gazeur à Treblinka, se souvient : « Nous n’avions rien à faire. Il n’y avait pas grand-chose que nous puissions faire en fait. Oui, il fallait seulement être là ». Dans cette ambiance bizarre de mort et de fainéantise, les Juifs subissent les pires excès, souvent forcés par leurs gardiens à se livrer à des actes contre-nature. Afin d’y remédier, les officiers imposent tout de même des sanctions : les SS coupables d’exactions « illégales » sont condamnés à servir plusieurs jours sur la rampe d’arrivée où, parfois, des milliers de cadavres gisent pendant des heures ; ou alors doivent participer aux exécutions par balles dans le Lazarett, la fausse infirmerie. Quant aux Commandants, Gottlieb Hering, Franz Stangl, et Franz Reichleitner, ils sont à la botte de Christian Wirth – sans possibilité aucune de compromis. Aucun d’eux n’ose, à aucun moment, mettre son autorité en doute ; les conséquences seraient trop épouvantables à imaginer. Inutile non plus d’envisager un transfert ; ils ont été strictement interdits par le KdF. Aucun SS, aucun auxiliaire de Polizei, aucun auxiliaire Ukrainien, ne peut sortir d’Aktion Reinhard…
L’attitude générale des membres d’Aktion Reinhard envers leurs victimes est celle de l’indifférence totale et du mépris. Bien que les meurtres qui y sont perpétrés, par gaz ou par balles, soient accomplis rapidement et efficacement, une veine de sadisme semble avoir perverti tout le système. En effet, si pendant l’opération T4 (voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/crimes-de-guerre-et-contre-l-humanite-f18/euthanasie-route-vers-le-genocide-t5874.htm?highlight=euthanasie) la mort était administrée avec un souci de « miséricorde », tel n’est pas le cas dans les 3 camps du Palatinat de Lublin. L’ambiance psychologique dans laquelle les déportés sont plongés dès leur arrivée dans ces camps est probablement plus terrifiante que la mort elle-même. Lorsque, par désespoir, certains se suicident, ils ne font qu’envenimer la situation, provoquant des exactions sauvages de la part du personnel SS qui ne peut tolérer de telles expressions d’indépendance : « Les Juifs n’ont pas le droit de se donner la mort. Seuls les Allemands ont le droit de tuer ». Des commandos de surveillance anti suicide sont même formés à patrouiller les camps et « identifier » les candidats potentiels… Pourtant, les suicides, de déportés et de SS, continueront à Belzec, Sobibor, et Treblinka, aussi longtemps que les camps fonctionneront (fin 1943).
Dans les camps d’Aktion Reinhard, tout le monde tue ; ce n’est pas question de choix. La seule issue est le suicide, ou le refus d’obéir – ce qui revient au même. Les suicides de SS en cours de mission entrent en trois catégories :
1. Les individus qui ne supportent pas les tueries mais sont terrifiés par Christian Wirth.
2. Les individus qui peuvent tuer mais que cela perturbe.
3. Les individus victimes d’influences extérieures.
Exemple de la 1e catégorie : À Treblinka, Christian Wirth ordonne au Scharführer-SS Erwin Kainer de superviser le déblayage d’une pile de cadavres en décomposition dans une mare de sang et de vermine, juste devant les chambres à gaz. À la vue de la tâche, et terrifié de la réaction possible de Wirth en cas de refus de sa part, Kainer se tire une balle dans la tête.
La même année, à Sobibor, le Scharführer-SS Bauch se tire également une balle dans la tête ; d’après le témoignage de son collègue Franz Suchomel, à cause d’une « peur-névrose de Christian Wirth ».
Exemple de la 2e catégorie : À Belzec, le Volkdeutsche Heinz Schmidt, l’un des pires tueurs du camp, devient victime d’ostracisme de la part de ses collègues SS, justement pour sa conduite criminelle. Lorsque le personnel d’Aktion Reinhard est muté à Trieste dans le cadre d’OZAK, Heinz Schmidt se suicide à son tour.
Exemple de la 3e catégorie : Cette dernière catégorie est un peu plus difficile à établir de façon documentaire pour les camps AR, mais nous savons qu’elle existait au sein des Einzatsgruppen : Les suicides par peur anticipée des représailles possibles en cas d’incapacité à obéir aux ordres. La dépression nerveuse est un phénomène banal au sein d’Aktion Reinhard. Dans la Deutsches Haus, centre de repos SS proche de Rawa-Russka, les hommes craquent ; on en retrouve « pleurant comme des enfants », menaçant de se tuer s’ils ne sont pas mutés. Si une preuve supplémentaire de l’état de stress dans lequel se déroulent ces opérations s’avérait nécessaire, c’est chose faite.
Il faut maintenant garder à l’esprit les techniques mises au point par les SS sous l’égide du KdF pour maintenir le secret autour de leurs usines de mort. Pour commencer l’ensemble du Personnel T4 et AR est tenu totalement et strictement à l’écart de toute autre unité ou administration quelle qu’elle soit. Les tueurs ne sont pas logés dans les mêmes casernes, ne fréquentent pas les mêmes cantines, et ne partent pas en permission aux mêmes périodes. Ils ne sont pas assujettis aux règles militaires, ni à aucune administration civile ; ils dépendent exclusivement du KdF, et sont intouchables. Cette apparente puissance est également une lame à double tranchant puisqu’elle signifie aussi qu’en cas de péril personnel les membres d’AR n’ont aucun recours autre que leur propre, et très secrète, administration. À partir du moment où Christian Wirth établit un protocole fonctionnel pour les gazages, les SS ne participent à ces derniers qu’en qualité de surveillants ; les auxiliaires Ukrainiens se chargent du reste. L’échelon supérieur SS ne se concentre que sur les aspects plus « périphériques » : administration, recyclage des vêtements, flot permanent et homogène des transports, entretien du camp, travaux annexes, organisation des crémations… etc.
En raison d’arrivages de déportés de plus en plus nombreux, et d’opérations menées de l’aube au crépuscule, les SS finissent par s’habituer – et commencent à s’ennuyer. Aussi, de plus en plus, pour briser la « monotonie », les Juifs sont utilisés à des fins de divertissement. Le Scharführer-SS Gustav Münzberger, aide gazeur à Treblinka, se souvient : « Nous n’avions rien à faire. Il n’y avait pas grand-chose que nous puissions faire en fait. Oui, il fallait seulement être là ». Dans cette ambiance bizarre de mort et de fainéantise, les Juifs subissent les pires excès, souvent forcés par leurs gardiens à se livrer à des actes contre-nature. Afin d’y remédier, les officiers imposent tout de même des sanctions : les SS coupables d’exactions « illégales » sont condamnés à servir plusieurs jours sur la rampe d’arrivée où, parfois, des milliers de cadavres gisent pendant des heures ; ou alors doivent participer aux exécutions par balles dans le Lazarett, la fausse infirmerie. Quant aux Commandants, Gottlieb Hering, Franz Stangl, et Franz Reichleitner, ils sont à la botte de Christian Wirth – sans possibilité aucune de compromis. Aucun d’eux n’ose, à aucun moment, mettre son autorité en doute ; les conséquences seraient trop épouvantables à imaginer. Inutile non plus d’envisager un transfert ; ils ont été strictement interdits par le KdF. Aucun SS, aucun auxiliaire de Polizei, aucun auxiliaire Ukrainien, ne peut sortir d’Aktion Reinhard…
Auxiliaire Ukrainien - devant la boulangerie de Belzec
Malgré tout, quelques hommes tentent tout de même d’obtenir une nouvelle affectation en s’adressant directement à Berlin ; d’autres trainent la patte, exprimant un manque d’enthousiasme flagrant lors des gazages. Les premiers, comme les seconds, ne réussissent qu’à s’attirer des ennuis supplémentaires. Christian Wirth, qui sait très bien qu’aucun membre d’AR sous son commandement ne sera jamais transféré par Berlin sur simple requête, réagit avec l’extrême brutalité qui le caractérise contre tous ceux qu’il estime « déloyaux ».
Au mois d’octobre 1942, l’Unterscharführer-SS Heinrich Unverhau attrape le typhus à Belzec. Hospitalisé à Lublin, on l’autorise ensuite à rentrer à Berlin en congé de convalescence. Unverhau en profite pour s’adresser à l’administration T4 et sollicite un transfert du camp. Comme seule alternative, T4 lui propose un poste dans un centre d’Euthanasie à l’intérieur du Reich. Unverhau refuse ; il est immédiatement renvoyé à Belzec. En arrivant au camp, Wirth, hors de lui, le contraint à parader devant la garnison SS, en le couvrant d’insultes. Lorsqu’Unverhau tente de se justifier, Wirth hurle « Ta gueule ! », dégaine son arme de service, et le menace d’une mort immédiate. Wirth le place alors en « conditionnelle » ; Heinrich Unverhau est assigné de façon permanente au secteur n°2, le secteur d’extermination.
Une autre fois, à Belzec, lors de la 1e période du camp, Wirth ordonne au Scharführer-SS Erich Fuchs de fixer des poires de douches au plafond des chambres à gaz flambant neuves. Un peu bas du front, Fuchs conteste l’ordre de Wirth : à quoi bon mettre des poires de douches puisqu’il n’y a pas d’arrivée d’eau ? Certes… Wirth entre alors dans une violente crise de rage, bat Fuchs avec sa cravache, et ordonne à deux Scharführers présents de l’emmener et de l’exécuter. Heureusement pour lui, les deux courageux Scharführers parviennent, avec un rare doigté, à persuader Wirth de surseoir à son ordre. Fuchs enverra tout de même un rapport de l’épisode à l’administration T4, mais ne recevra jamais de réponse. Josef Oberhauser, l’adjoint personnel de Wirth, tente lui aussi de se faire transférer. Au cours d’un trajet en voiture entre Belzec et Lublin, il a l’imprudence d’en parler à son chef. Wirth explose et menace Oberhauser de sa cravache. L’adjoint ne retentera plus jamais l’aventure.
Au mois d’octobre 1942, l’Unterscharführer-SS Heinrich Unverhau attrape le typhus à Belzec. Hospitalisé à Lublin, on l’autorise ensuite à rentrer à Berlin en congé de convalescence. Unverhau en profite pour s’adresser à l’administration T4 et sollicite un transfert du camp. Comme seule alternative, T4 lui propose un poste dans un centre d’Euthanasie à l’intérieur du Reich. Unverhau refuse ; il est immédiatement renvoyé à Belzec. En arrivant au camp, Wirth, hors de lui, le contraint à parader devant la garnison SS, en le couvrant d’insultes. Lorsqu’Unverhau tente de se justifier, Wirth hurle « Ta gueule ! », dégaine son arme de service, et le menace d’une mort immédiate. Wirth le place alors en « conditionnelle » ; Heinrich Unverhau est assigné de façon permanente au secteur n°2, le secteur d’extermination.
Une autre fois, à Belzec, lors de la 1e période du camp, Wirth ordonne au Scharführer-SS Erich Fuchs de fixer des poires de douches au plafond des chambres à gaz flambant neuves. Un peu bas du front, Fuchs conteste l’ordre de Wirth : à quoi bon mettre des poires de douches puisqu’il n’y a pas d’arrivée d’eau ? Certes… Wirth entre alors dans une violente crise de rage, bat Fuchs avec sa cravache, et ordonne à deux Scharführers présents de l’emmener et de l’exécuter. Heureusement pour lui, les deux courageux Scharführers parviennent, avec un rare doigté, à persuader Wirth de surseoir à son ordre. Fuchs enverra tout de même un rapport de l’épisode à l’administration T4, mais ne recevra jamais de réponse. Josef Oberhauser, l’adjoint personnel de Wirth, tente lui aussi de se faire transférer. Au cours d’un trajet en voiture entre Belzec et Lublin, il a l’imprudence d’en parler à son chef. Wirth explose et menace Oberhauser de sa cravache. L’adjoint ne retentera plus jamais l’aventure.
Josef Oberhauser (à gauche), à Trieste durant OZAK
Au fil des semaines et des mois, la question que tous les hommes de garnison AR se posent est de savoir si, oui ou non, Christian Wirth serait capable de mettre ses nombreuses menaces à exécution. Malheureusement, il n’y a aucun moyen de le savoir sans tenter le coup… De toute façon, nombre de gradés SS sont d’avis qu’il est désormais inutile d’essayer de parler avec Wirth puisqu’il semble « ne plus être dans un état normal ». Même le Scharführer-SS Bauer de Sobibor, antisémite virulent et nazi convaincu, déclare que « Wirth était un homme possédé par la rage ; il était pire qu’un fauve, un porc sadique ». Malgré ce climat de terreur, plusieurs sous-officiers SS, profondément affectés par la nature du travail et par les traitements qui leurs sont infligés, s’obstinent à demander un transfert auprès de l’administration T4 ; un transfert n’importe où, du moment que ce soit loin de Christian Wirth. L’apprenant, Wirth se rend illico à Treblinka et invective violemment les « traîtres ». Plus tard, Werner Blankenburg, adjoint de Viktor Brack au Hauptamt II du KdF, visite Treblinka à son tour. Franz Stangl, commandant du camp, l’aborde et demande à être transféré dans une unité de Polizei « normale ». Il n’en entendra jamais plus parler.
Christian Wirth
Paradoxalement, une fois au dehors de l’enceinte des camps, Wirth adhère à la discipline militaire classique. À la fermeture du camp de Belzec (juin 1943), il procède à l’arrestation et au jugement de l’officier médical du camp, le Waffen-SS Sanitätsoffizier Bachaus. De quoi s’agit-il ? En entretenant une liaison avec « une juive » du bloc médical, Bachaus s’est rendu coupable d’un des pires crimes qui soit aux yeux de la SS – et bien entendu de Christian Wirth : une Rassenschande (« honte raciale »). Après un interrogatoire serré, Wirth remet l’infortuné Bachaus aux mains d’une Cour Martiale SS/Polizei à Lublin où il sera jugé, déclaré coupable, et exécuté.
Je pense que cette introduction aura servi à clarifier de façon moins manichéenne notre vision de ces terribles évènements – Malgré tout, il y a toujours les preuves, aussi infimes soient-elles, d’une humanité sous toute cette ordure ; cela ne va pas dans le sens de la lecture politiquement correcte des faits, je le sais, mais c’est justement la prise de conscience de cette vérité qui nous permettrai de nous améliorer et de bâtir un monde meilleur où rien de tout ceci ne pourrait se reproduire.
Merci de votre attention
Eddy
Je pense que cette introduction aura servi à clarifier de façon moins manichéenne notre vision de ces terribles évènements – Malgré tout, il y a toujours les preuves, aussi infimes soient-elles, d’une humanité sous toute cette ordure ; cela ne va pas dans le sens de la lecture politiquement correcte des faits, je le sais, mais c’est justement la prise de conscience de cette vérité qui nous permettrai de nous améliorer et de bâtir un monde meilleur où rien de tout ceci ne pourrait se reproduire.
Merci de votre attention
Eddy
Sources :
- O’Neil, Robin. Belzec : Prototype for the Final Solution ; Hitler's answer to the Jewish Question – E-book : www.jewishgen.org
- E. Klee, W. Dressen V. Riess : The Good Old Days: The Holocaust as Seen by Its Perpetrators and Bystanders ; Free Press, New York, 1991).
- Déposition de Heinrich Gley – Procès de Belzec ; Munich – 1963
- Déposition de Josef Oberhauser – Procès de Belzec ; ibid
- Arad, Yitzhak : Belzec, Sobibor, Treblinka ; The Operation Reinhard Death Camps – Indiana University Press, 1987.
- Rhodes, Richard : Masters of Death : The SS Einsatzgruppen and the Invention of the Holocaust – Vintage Books, USA (ré-édition août 2003).
- Reitlinger, Gerald : The SS, Alibi of a Nation 1922-1945 Arms & Armour Press, London, 1981
- OCCWC (Office of Chief of Counsel for War Crimes)
- USHMM
- NARA
- Ghetto Fighter's House
Dernière édition par eddy marz le 28/11/2011, 11:24, édité 1 fois
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
Merci une fois de plus Eddy
Puisqu'il en est question as-tu des informations concernant les "qualités" d'obéissance des trawnikis des hiwis en général, il y-t-il eu également des insubordinbations ou des suicides parmi eux?
Pour ma part je constate également un souci d'écarter les ss de l'accomplissement des assassinats en faisant exécuter les basses besognes par les auxiliaires, les droits communs et les Juifs eux-mêmes comme dans les zonderkommandos.
Je pense que Franz Suchomel parle d'un évènement analogue à Treblinka où tous les prisonniers refusent de déblayer une pile de corps, choisissant de se faire exécuter sur le champ, et c'est wirth et un autre ss me semblent-il qui entamment le travail de leurs mains (interview de Langzmann).
Puisqu'il en est question as-tu des informations concernant les "qualités" d'obéissance des trawnikis des hiwis en général, il y-t-il eu également des insubordinbations ou des suicides parmi eux?
Pour ma part je constate également un souci d'écarter les ss de l'accomplissement des assassinats en faisant exécuter les basses besognes par les auxiliaires, les droits communs et les Juifs eux-mêmes comme dans les zonderkommandos.
Je pense que Franz Suchomel parle d'un évènement analogue à Treblinka où tous les prisonniers refusent de déblayer une pile de corps, choisissant de se faire exécuter sur le champ, et c'est wirth et un autre ss me semblent-il qui entamment le travail de leurs mains (interview de Langzmann).
Dernière édition par Phil642 le 19/4/2010, 12:10, édité 1 fois
Phil642- Général (Administrateur)
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Re: Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
Merci beaucoup pour ce travail eddy marz, très intéressant comme toujours.
sukhoi- Général de Brigade
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Re: Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
Salut Phil;
D'après toutes les documentations sur les cas des auxiliaires Ukrainiens, il semblerait que malgré leur antisémitisme virulent (utile pour le "travail") et leur opportunisme, ils faisaient l'objet d'un contrôle permanent de la part des SS. Franz Suchomel fut posté en charge du baraquement des Geldjuden (trillage de l'or pillé aux déportés) dans l'unique but d'empêcher le vol par les auxiliaires Ukrainiens, Baltes, et Russes. Les SS les considéraient comme "feignants", indisciplinés, alcooliques (ce qui n'est pas faux - mais ils n'étaient pas les seuls), voleurs, menteurs, et prêts à tout pour se ménager un bénéfice quelconque... Ils étaient très utiles - comme tu le remarque - pour assurer le "sale travail" à la place des maîtres Allemand, mais n'en étaient pas indispensables pour autant... Nombre d'entre eux sont abattus de sang froid par Wirth, ou par d'autres officiers AR. Ils n'ont plus de patrie (ils ne peuvent plus rentrer en URSS); certains seront éliminés à la fermeture des camps (d'autres emmenés à Trieste pour OZAK) et, à la fin de la guerre, seront jugés et exécutés par des tribunaux soviétiques. Dans son rapport, Kurt Gerstein mentionne que Christian Wirth avait infligé une douzaine de coups de cravache à un mécanicien auxiliaire Ukrainien (assistant de Lorenz Hackenholdt), simplement parce qu'il n'arrivait pas à faire démarrer le moteur des chambres à gaz...
Auxiliaires Ukrainiens (probablement dans le village de Belzec - 1942); source USHMM
Eddy
D'après toutes les documentations sur les cas des auxiliaires Ukrainiens, il semblerait que malgré leur antisémitisme virulent (utile pour le "travail") et leur opportunisme, ils faisaient l'objet d'un contrôle permanent de la part des SS. Franz Suchomel fut posté en charge du baraquement des Geldjuden (trillage de l'or pillé aux déportés) dans l'unique but d'empêcher le vol par les auxiliaires Ukrainiens, Baltes, et Russes. Les SS les considéraient comme "feignants", indisciplinés, alcooliques (ce qui n'est pas faux - mais ils n'étaient pas les seuls), voleurs, menteurs, et prêts à tout pour se ménager un bénéfice quelconque... Ils étaient très utiles - comme tu le remarque - pour assurer le "sale travail" à la place des maîtres Allemand, mais n'en étaient pas indispensables pour autant... Nombre d'entre eux sont abattus de sang froid par Wirth, ou par d'autres officiers AR. Ils n'ont plus de patrie (ils ne peuvent plus rentrer en URSS); certains seront éliminés à la fermeture des camps (d'autres emmenés à Trieste pour OZAK) et, à la fin de la guerre, seront jugés et exécutés par des tribunaux soviétiques. Dans son rapport, Kurt Gerstein mentionne que Christian Wirth avait infligé une douzaine de coups de cravache à un mécanicien auxiliaire Ukrainien (assistant de Lorenz Hackenholdt), simplement parce qu'il n'arrivait pas à faire démarrer le moteur des chambres à gaz...
Auxiliaires Ukrainiens (probablement dans le village de Belzec - 1942); source USHMM
Eddy
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
Merci Eddy très intéressant.
naze- Capitaine
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Re: Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
Merci Eddy.
Il me semble qu'il y a eu des combats entre des hiwis et les Allemands lors de la débâcle comme lors de L'insurrection géorgienne de Texel par exemple.
Il me semble qu'il y a eu des combats entre des hiwis et les Allemands lors de la débâcle comme lors de L'insurrection géorgienne de Texel par exemple.
Phil642- Général (Administrateur)
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LeSieur- Général de Division
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Re: Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
Le système était efficace. Plusieurs millions de personnes ont été exterminés en quelques années dans les camps de la mort. Selon Saul Friedländer c'est l'alliance du fanatisme à une compétence extrême qui a rendu possible cette vaste tuerie. Les participants (ingénieurs, médecins, etc) avaient la foi, ils croyaient à la nécessité de leur action.
Wigan- Major
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Re: Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
Wigan a écrit:Le système était efficace. Plusieurs millions de personnes ont été exterminés en quelques années dans les camps de la mort. Selon Saul Friedländer c'est l'alliance du fanatisme à une compétence extrême qui a rendu possible cette vaste tuerie. Les participants (ingénieurs, médecins, etc) avaient la foi, ils croyaient à la nécessité de leur action.
Comme d'habitude, c'est un peu plus complexe que ça.
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
Chaque système oppressif utilisera les mêmes méthodes, que la rhétorique soit abondante, compliquée, simple ou non, ... Il suffit de convaincre pour que tout soit possible.
Phil642- Général (Administrateur)
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Re: Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
Phil642 a écrit: Il suffit de convaincre pour que tout soit possible.
Mais c'est cela, justement, qui est intéressant. Le nazisme est certainement l'exemple le plus puissant que nous ayons d'un endoctrinement politico/militaro/mystico/raciste moderne dont les crimes (de par leur nature et dimension) dépassent de loin tout ce qui avait été fait jusqu'ici. Par conséquent, les réactions individuelles à cet endoctrinement - pratiqué non à une époque reculée, ni parmi des royaumes païens ou des chapitres de portes-glaives, mais dans une époque moderne au sein d'un peuple parmi les plus évolués - sont capitales à notre compréhension du phénomène. L'endoctrinement emprisonne les masses, mais les masses sont un cumul d'individus qui quoiqu'endoctrinés le sont tous de façon différente et personnelle, chacun y trouvant ce qu'il cherche à divers degrés; certains s'y abandonnant, d'autres suivant le mouvement pour de multiples raisons typiquement humaines (que nous connaissons tous), d'autres tentant d'y résister de diverses façons (ambigües, directes, discutables, opportunistes). Ce qui est intéressant, c'est que le nazisme a créé un univers réglementé par lui-même où les individus adhérant aux idées propagées réussissent - en une fermentation permanente à laquelle tout le monde s'adapte - à donner vie à un projet qui au départ ne pouvait être qu'un rêve de fou ou une rhétorique de propagande.
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
Voila, en fait j'ai trouvé ton texte très intéressant
En tout cas, ce texte ne m'apprend rien en ce qui concerne les suicides aux Einsatzgruppen ou dans les camps de concentration et d'extermination "classique" (en dehors de l'Aktion Reinhard quoi)
Par contre, en ce qui concerne l'Aktion Reinhard, je n'étais au courant de presque rien de ce qu'il s'y passait (je ne connaissais que l'idée générale de l'aktion: l'extermination systématique des "indésirables" (soit les juifs, tziganes, homosexuels, slaves et j'en passe ))
Donc, je te remercie de ce long texte aussi intéressant qu'instructif
razors_edge- Major
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Re: Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
razors_edge a écrit:
En tout cas, ce texte ne m'apprend rien en ce qui concerne les suicides aux Einsatzgruppen ou dans les camps de concentration et d'extermination "classique" (en dehors de l'Aktion Reinhard quoi)
Par contre, en ce qui concerne l'Aktion Reinhard, je n'étais au courant de presque rien de ce qu'il s'y passait (je ne connaissais que l'idée générale de l'aktion: l'extermination systématique des "indésirables" (soit les juifs, tziganes, homosexuels, slaves et j'en passe ))
Salut Razor's edge;
Il n'y a pas de camps de concentration et d'extermination "classique". Il y eu 5 camps d'extermination - tous en Pologne : Belzec, Sobibor, Treblinka (Aktion Reinhard), Maïdanek (Lublin), et Birkenau (Auschwitz) auquel on peut aussi ajouter les mini stations d'extermination de Chelmno et de Maly-Trostinets. L'Aktion Reinhard ne se préoccupait que de l'extermination des Juifs, des Tziganes, et de certains slaves.
Les homosexuels, intellectuels, artistes, religieux, libre-penseurs, socialistes, communistes etc., étaient persécutés (car considérés "récupérables" ou non "exterminables" parce qu'aryens) dans les camps de concentration sur le sol allemand, ou dans les sections concentrationnaires d'Auschwitz.
eddy marz- Membre légendaire
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Re: Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
Eddy, quand je parlais de camps d'extermination "classiques" (entre guillemets parce que cette expression est tout simplement hors de propos, je ne savais seulement pas comment l'exprimer autrement), je parlais des camps qui n'appartiennent pas a l'AR (Maidanek, Auschwitz, Birkenau) ...
razors_edge- Major
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Date d'inscription : 02/07/2012
Re: Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
razors_edge a écrit:
Eddy, quand je parlais de camps d'extermination "classiques" (entre guillemets parce que cette expression est tout simplement hors de propos, je ne savais seulement pas comment l'exprimer autrement), je parlais des camps qui n'appartiennent pas a l'AR (Maidanek, Auschwitz, Birkenau) ...
Razor's edge, si tu veux comprendre le fonctionnement des choses, il faut que tu t'appliques un moment :
Maïdanek et Birkenau (Auschwitz) n'appartiennent pas à l'Aktion Reinhard. L'Aktion Reinhard possède 3 camps d'extermination (Belzec, Sobibor, Treblinka - voir : https://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/t10174-aktion-reinhard ). Cette opération n'a rien à voir administrativement avec Auschwitz. Aktion Reinhard est basée à Lublin (Pologne orientale), mais même Maïdanek - pourtant également situé dans le Palatinat de Lublin et passant sous l'autorité d'Odilo Globocnik - ne dépend pas de cette opération précise. Il n'y a aucune concentration (sauf temporaire) dans les camps de l'Aktion Reinhard. Les déportés sont assassinés dés leur arrivée, sauf le faible pourcentage utilisé comme force de travail ponctuelle.
La Solution Finale est un ensemble d'opérations diverses.
eddy marz- Membre légendaire
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Date d'inscription : 24/03/2008
Re: Insubordination et suicides dans les camps d’Aktion Reinhard
C'est juste ce que je voulais dire
J'étais au courant de l'insubordination dans d'autres camps, mais pas dans ceux de l'aktion reinhard, tu me l'apprends, c'est approximativement tout ce que je disais
J'étais au courant de l'insubordination dans d'autres camps, mais pas dans ceux de l'aktion reinhard, tu me l'apprends, c'est approximativement tout ce que je disais
razors_edge- Major
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Date d'inscription : 02/07/2012
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