Treblinka : Histoire, plans et images

Grâce aux efforts de nombreuses personnes ces 60 dernières années, nous avons une idée de plus en plus exacte de ce qu'était le camp dont presque aucune photo et aucun plan officiel ne nous sont parvenus.

Au fil du temps, les plans et autres représentations se sont affinés pour se rapprocher au plus juste de la vérité.

Les captures sont tirées du docu-fiction télévisée “Auschwitz, les nazis et la solution finale” et faites par moi-même avec VLC.
Les plans nous viennent du site deathcamps.org (http://www.deathcamps.org/treblinka/maps.html) et sont "copyright" P. Laponder.


La provenance des convois :

Treblinka, été 1942

Le camp d'extermination Treblinka II, "SS Sonderkommando Treblinka" dans sa dénomination officielle, est construit à partir de fin mai/début Avril près d'un camp pénal du même nom. Bâti sur le même modèle que Sobibor par Richard Thomalla qui en vient, il est cependant d'un tiers plus petit. Les travaux s'achèvent au milieu du mois de juillet. Son commandant est le docteur en médecine (oui...) Irmfried Eberl. Le premier convoi arrive le 23 juillet et pendant quatre semaines le camp est littéralement bombardé de trains, près de 315,000 personnes y trouvant la mort. Mais la capacité d'absorption (réception, gazage et enfouissement des cadavres) à cette époque est insuffisante par rapport au nombre de convois que Eberl accepte de traiter, par ambition et mégalomanie, et tout se dérègle rapidement. Les moteurs alimentant les chambres à gaz tombent souvent en panne, sans doute trop sollicités. Des déportés meurent dans des wagons surchargés qui attendent sous un soleil de plomb que la place se libère. D'autres sont tirés comme des lapins dès leur descente du train. Le chaos règne, c'est l'enfer de Dante, des cadavres en décomposition jonchent le camp du quai aux fosses. Fin aout, Eberl est relevé de ses fonctions et c'est Christian Wirth, “Le sauvage”, qui prend le camp en charge le temps de trouver un nouveau commandant. Halluciné de l'extermination, Wirth fait stopper l'arrivée des convois et reste trois semaines. Il peut ainsi remettre le camp en ordre à sa manière, c'est à dire avec violence et cruauté. Pour cela, il frappe aussi bien ses hommes que les prisonniers (des témoins disent l'avoir vu gifler Kurt Franz) quand il les trouve trop lents ou manquant d'entrain. Par peur de représailles, un garde SS, Erwin Kainer, se tire une balle dans la tête plutôt que d'aider à nettoyer un charnier.





vues aériennes du camp :






Vues des chambres à gaz et des fosses:

Treblinka aout 1943 :

Christian Wirth a remplacé Eberl par Franz Stangl qui devient le commandant historique du camp. Il est secondé par Kurt Franz, un sadique. Sous leur coupe, le camp s'organise et le procédé d'extermination devient un véritable travail à la chaine très fluide et sans accroc. La partie réservée aux SS devient un petit village forestier pittoresque, on construit un zoo. Le quai est camouflé en gare ordinaire. Dans le Totenlager, de nouvelles chambres à gaz ont été construites, les anciennes restent en activité et sont utilisées lorsque le flux des arrivants est trop important. La guerre à l'est se passe mal, on commence à déterrer les corps et à les bruler.









Vue aérienne du camp :










La Gare :




Le boyau et les nouvelles chambres à Gaz. L'image en coupe me semble erronée. en effet les moteurs n'étaient pas logés dans la 5ème chambre à gaz de chaque coté mais dans une sixième pièce:

Très intéressant. Merci pour ces images.

Merci,

Toutefois pouvez vous indiquer la source de vos photos afin d'être en adéquation avec les lois en vigueur ?

Fin 1943, l'opération Reinhardt dont Treblinka est l'un des trois sites est achevée.
Les batiments sont détruits, la terre labourée et des arbres plantés afin d'effacer toute trace.
Début 44, Il n'en reste plus rien.
Afin d'éloigner les curieux, un ukrainien, pour qui on a bati une ferme en plein milieu du site (certains disent avec les briques des chambres à gaz), est laissé sur place.






Photos : copyright RIA Novosty

vilak a écrit:Fin 1943, l'opération Reinhardt dont Treblinka est l'un des trois sites est achevée.
Les batiments sont détruits, la terre labourée et des arbres plantés afin d'effacer toute trace.
Début 44, Il n'en reste plus rien.
Afin d'éloigner les curieux, un ukrainien, pour qui on a bati une ferme en plein milieu du site (certains disent avec les briques des chambres à gaz), est laissé sur place.

Selon les Recherches d'Y. ARAD, une ferme fut effectivement érigée sur le site - dont une partie avec les briques du bâtiment des chambres à gaz. Un Ukrainien du nom de Strebel, lui même un ex "Noir" (auxiliaire) du camp, s'y installa et y fit emménager sa famille.

Le site aujourd'hui vu du ciel:


Le plan rapport 1943/aujourd'hui :


Une capture d'ecran tirée de "Shoah" montrant l''embranchement de voie qui menait les trains au camp:

Tu as vraiment fait un travail très intéressant pour ceux qui veulent en savoir sur Treblinka, merci de nous transmettre tes connaissances

Jacques Barsisky a écrit:Tu as vraiment fait un travail très intéressant pour ceux qui veulent en savoir sur Treblinka, merci de nous transmettre tes connaissances

C'est gentil mais remercions plutôt le modéliste professionnel Sud-Africain Peter Laponder qui, pour que sa maquette du camp soit la plus réaliste possible, en a fait d'avantage pour retrouver les dimensions et agencements exacts du camp que tous les autres réunis :





28 autres photos de la maquette disponbiles sur http://www.deathcamps.org/treblinka/laponder1.html

Les russes découvrent le site en 1944 (voir les deux photos du portail d'entrée des convois).
Depuis longtemps, le gardien ukrainien s'est enfuit et la terre du camp a été retournée à maintes reprises par les paysans du voisinage en quête d'or, de bijoux, devises et autre objet précieux...


Photo : copyright RIA Novosty

Un petit montage réalisé sur la base d'une photo aérienne de 1944 trouvée sur www.deathcamps.org.


Photo : copyright RIA Novosty

Un excelent site pour en apprendre plus : Plans , vue aerienne , etude des photos de Kurt Franz, sur le terrain , etc ....
http://www.holocaust-history.org/Treblinka/

En 1964, un Memorial est inauguré sur le site :

Hershl Sperling s'évade lors de la révolte le 2 Aout 1943.
Après avoir déclenché la révolte dans le camp 1, au niveau du cantonnement SS, Sperling et son groupe prennent d'assault le Totenlager pour rejoindre les prisonniers qui s'y battent.
D'autres prisonniers, moins nombreux, prennent la direction du potager (en haut à gauche) et du portail d'entrée (main entrance for SS) mais beaucoup n'arriveront pas à passer les barrières anti-chars.
je préciserai les chiffres plus tard mais de mémoire il me semble que 300 prisonniers quittent le camp. La plupart seront repris et abattu, trahis parfois par la population voisine.
A la fin de la guerre, il ne reste qu'autour de 70/80 rescapés.



Plan tiré du livre de Mark S. Smith "Treblinka Survivor, the life and death of Hershl Sperling".

une image du site après les "recherches" des paysans avides de bien portables, sans doute milieu 44 :

Le Lazarett est aménagé en automne 42.


A cette époque, Treblinka se relève, sous la main d'acier de Christian Wirth, du formidable étranglement de fin aout qui a fait basculer le camp dans le chaos absolu.
Trois fosses sont creusées dans la partie sud ouest (magnétique) du camp pour enfouir les corps disséminés un peu partout.
Une fois ce travail accompli, la plus petite des trois est conservée et entourée d'une palissade dans laquelle est construite une fausse infirmerie.


Traversant cette pièce, nous accédons par une autre porte directement à la fosse où brule un feu continuel car elle est aussi la déchèterie du camp.
Mais cet endroit sinistre est surtout un lieu d'exécution où sont abattu d'une balle dans la tête où tués d'une piqure les déportés trop malades ou trop faibles pour couvrir au rythme voulu le circuit du quai aux chambres à gaz, ce qui risque de perturber la fluidité de l'opération d'extermination.
Il est aussi le lieu où les prisonniers dont on veut se débarrasser sont abattus.



Il ne cessera de fonctionner jusqu'à la fermeture du camp.

Le dessin est de Samuel Wilkenberg, un survivant du camp, auteur de "Révolte à Treblinka".
Les photos de la maquette de Peter Laponder, un professionnel, ont été trouvées sur Deathcamps.org.

Bonjour, et , un grand merci pour ce formidable travail . Dégueulasse est le mot qui me vient, mais il est encore bien en dessous de ce qu'il convient , pour parler de cette "usine" de production de morts, car c'est bien d' une unité de production qu'il s'agit.
Il a fallut, des ingénieurs derrière tout ceci, des études si l'on peut dire, afin de trouver sans doute d'à partir de l'industrie, le rendement optimum , mettre de la matière grise au service de crimes abjects , c'est vraiment démoniaque .

Amicalement,


le ronin.

le ronin a écrit:
Il a fallut, des ingénieurs derrière tout ceci, des études si l'on peut dire, afin de trouver sans doute d'à partir de l'industrie, le rendement optimum , mettre de la matière grise au service de crimes abjects , c'est vraiment démoniaque

Salut Ronin;
En fait, le développement de Treblinka fut calqué sur les expériences conduites dans le camp expérimental de Belzec ("Der Studio") où les techniques adoptées furent un transfert/adaptation des techniques de l'opération T4. La présence de Christian Wirth - organisateur de l'aspect technique de T4 - n'est donc pas fortuite. Il était donc également normal que 80% du personnel allemand travaillant dans les camps AR soit aussi issu des centres d'Euthanasie du Reich. Les expériences initiales à Belzec furent conduites à tâton pendant plusieurs mois (différents gaz, différentes installations, différentes routines etc.) avant d'atteindre un protocole acceptable (facilité, économie de moyens, confidentialité, rendement etc.), et l'adapter ensuite aux deux autres camps : Sobibor et Treblinka.

Et oui, ce n'est pas pour rien si le terme qui revient le plus souvent lorsque les survivants parlent de Treblinka est "abattoir". Ce mot englobe à la fois l'horreur des actions commises et le coté industriel, pensé, réfléchi du déroulement des opérations.

A noter que l'homme qui est interviewé dans ce passage de "Shoah" est Henrik Gawkowski, un cheminot polonais.



Il fut l'un des chauffeurs qui à l'époque poussaient avec une petite locomotive spéciale les convois, sectionnés à la gare du village en rames de 20 wagons, sur l'embranchement se perdant dans la forêt sur la photo et menant au camp.

D'après plusieurs témoins, le choix d'une poussée au lieu d'un tirage des voitures était volontaire car il en résultait que la locomotive soit ne pénétrait pas dans le camp soit en resortait immédiatement ce qui, dans les deux cas, évitait au chauffeur de devenir un témoins génant en assistant au débarquement sur la rampe.

vilak a écrit:
D'après plusieurs témoins, le choix d'une poussée au lieu d'un tirage des voitures était volontaire car il en résultait que la locomotive soit ne pénétrait pas dans le camp soit en resortait immédiatement ce qui, dans les deux cas, évitait au chauffeur de devenir un témoins génant en assistant au débarquement sur la rampe.

Certes. Toutefois, le fait de pousser les wagons à l'intérieur du camp - c'est à dire avec la locomotive en queue de train (en marche avant ou en marche arrière) - répond surtout à un besoin technique : celui d'éviter une manoeuvre de retournement incohérente afin que la locomotive puisse ressortir rapidement du camp et, selon les occasions, pousser la deuxième partie du convoi sur la rampe d'attente. À Belzec, la manoeuvre consistant à placer la locomotive en queue de train était réalisée à partir de la "plaque tournante" (sûrement présente avant l'arrivée des SS) à une centaine de mètres de l'embranchement ferroviaire menant au camp; à Treblinka, cette manoeuvre était réalisée à la gare de Treblinka (village) avec les aiguillages et raccordements disponibles. Pour les questions spécifiques de sécurité et de confidentialité relatives au chauffeur de la locomotive, concernant Treblinka vous êtes certainement mieux instruit que moi, mais en ce qui concerne Belzec, les témoins sont unanimes : une fois immobilisé sur la plaque tournante, le train était vidé de tous gardes et/ou officiels de l'Ostbahn, et remplacé par des Auxiliaires Ukrainiens armés (qui se perchaient sur les toits des wagons et sur la locomotive). L'identité du chauffeur de la locomotive n'est pas totalement clair; il semble d'après certains témoignages qu'il s'agisse parfois de Rudolf Göckel, le Chef de Gare allemand de Belzec; d'autres témoins affirment qu'il s'agissait de divers employés des chemins de fer Polonais, travaillant habituellement dans les entrepôts de la gare de Belzec/village.


Rudolf Göckel
(Archive of Belzec Memorial Museum)

Dans le cas de ces cheminots, ce ne furent pas des complices mais plutôt des aides qui n'ont pas eu le choix.

Mais après la guerre, l'espèce d'épuration qu'a connu chaque pays libéré était menée par des revanchards assez violents qui ont pu voir en ces personnes des collaborateurs. Parmi ces "aides involontaires", beaucoup ont du en souffrir je pense non?

ce ne furent pas des complices mais plutôt des aides qui n'ont pas eu le choix.

N'avaient-ils réellement pas le choix? S'ils refusaient, démissionnaient, demandaient une mutation,... y'aurait-il eu des conséquences graves pour eux?

supertomate a écrit:

ce ne furent pas des complices mais plutôt des aides qui n'ont pas eu le choix.

N'avaient-ils réellement pas le choix? S'ils refusaient, démissionnaient, demandaient une mutation,... y'aurait-il eu des conséquences graves pour eux?

En théorie, non. La SS avait toujours prévu la possibilité pour un de ses membres ou ses aides auxiliaires de demander une mutation. Toutefois, au sein d'une opération de ce genre et surtout sous l'égide de Christian Wirth, cette demande devenait (comme nous le savons par de multiples témoignages) extrêmement dangereuse - et parfaitement impossible à obtenir.